Alors que le processus de restitution gagnerait à devenir un enjeu public, c’est-à-dire à faire l’objet d’une transformation démocratique, le gouvernement encommissionne le cas de la restitution du crâne de Lusinga. L’enquête réalisée par Michel Bouffioux avait concouru à ouvrir la question en Belgique et dans la foulée les présidents de parti s’étaient prononcés pour la restitution (la secrétaire d’État avait été jusqu’à parler de changer le cadre légal). Désormais, Zual Demir (N-VA) fait marche arrière et retrouve de vieux réflexes belgicains. Décidément les forces obscures du colonialisme sclérosent encore en profondeur la société belge et exercent leurs emprises sur un monde politique attentiste et vite effrayé. La lutte décoloniale est bien la fracture politique de notre époque. Le gouvernement pourra bien encommissionner la question, le spectre de Lusinga hantera encore longtemps la politique de ce pays.
Martin Vander Elst
« L’assassinat de Semira Adamu au prisme de l’intersectionnalité ».
Bonsoir à toutes et tous,
Je remercie les organisateurs pour cette invitation.
Je vais tenter de replacer la question de l’assassinat de Semira Adamu et plus globalement la question des politiques migratoires dans une perspective décoloniale. Il ne s’agit bien évidemment pas de livrer ici une réflexion exhaustive et aboutie, chose qui me serait impossible étant donné le temps qui m’est imparti. Il est plutôt question pour moi d’esquisser un cadre de réflexion et de lutte qui inscrit les politiques migratoires et leur dimension répressive dans le temps long des rapports globaux de domination et d’exploitation du Nord à l’égard du Sud ainsi que des processus de déshumanisation qui sous-tendent ces rapports.
Ces questions prennent place dans le contexte d’une société post-coloniale qui est toujours en prise avec le système-monde. Dans cette perspective, il est certains événements qui jettent une lumière crue sur nos sociétés modernes libérales qui, à première vue, ont l’air d’être pacifiées mais en réalité sont profondément violentes. Le drame de l’assassinat de Semira Adamu fait assurément partie de ces événements tant cette mort et le procès qui s’en est suivi ont mis à nu la froide mécanique du pouvoir, la force et la brutalité dont il est capable pour justifier et perpétuer une situation d’injustice et de domination, ainsi que la discordance manifeste qui existe entre les valeurs humanistes censées régir nos sociétés et l’épreuve de la réalité qui est une négation de ces principes.
la Belgique est à la traîne sur la restitution des trésors coloniaux
Aujourd’hui nous avons tenté de publier une carte blanche intitulée « la Belgique est à la traîne sur la restitution des trésors coloniaux ». Le Soir a décidé de la reprendre mais au final William Bourton l’a complètement noyée dans une page du Soir + qui s’intitule : « Faut-il restituer les objets sacrés du Congo aux Congolais ? ». Art du camouflage et de la dispersion, finalement cette publication ressemble étrangement au processus de modernisation du musée de Tervuren lui-même : un gigantesque foutoir de positions pseudo-scientifiques, une façon de dissimuler la colonialité du savoir-pouvoir au sein d’un discours qui prend les allure du post-colonial. Il faut lire six paragraphes dont on imagine qu’ils ont été écrit par William Bourton, sans que cela soit explicite, pour que la parole nous soit enfin donnée. Et en six paragraphe, on a déjà le vertige. D’emblée, notre parole se trouve déformée : nous, les signataires de la carte blanche, nous serions les « représentants de la société congolaise » et en face de nous, il y aurait Bruxelles qui serait « pas totalement fermée à l’idée (de la restitution), même si celle-ci soulève nombre d’objections. » Très vite Bourton se permet de reprendre, sans le vérifier, l’argument répété ad nauseam par le Musée selon lequel « nombre de pièces rendues au Zaïre à l’époque de Mobutu se sont volatilisées » (« on sait par exemple »). Ainsi, d’emblée, avant même que le débat ne commence à s’ouvrir, il tente de le refermer. C’est incroyable cette puissance spectrale de Tervuren et de sa propagande sur la conscience de journalistes dont on imagine qu’ils ne travaillent par pour le Musée.
« Nouveaux dispositifs de contrôle, répressions et résistances »
Cette intervention a eu lieu durant une conférence de « Tribute to Semira Adamu »(1), dans le panel : « Nouveaux dispositifs de contrôle, répressions et résistances »
Je Remercie les organisateurs pour leur immense travail et pour leur invitation. Et j’ai une pensée pour Semira, Ali et toutes les autres victimes du racisme.
Je vais commencer par vous exposer l’analyse qui fondent l’existence et les actions de Bruxelles Panthères. J’évoquerai ensuite les formes de luttes que nous utilisons.
Ce que je vais dire ici – qu’est-ce que l’antiracisme politique ? – est issu de notre expérience propre, de celle de notre réseau et dans ce cas-ci, de l’étude de trois auteurs en particulier. Je vais donc brièvement les citer, leurs pensées étant à la base de cette analyse :
Semira Adamu : « Ils ont tué une femme, pas son combat ! »
Semira Adamu était une jeune femme nigériane ; elle militait depuis l’intérieur d’un centre fermé en Belgique, où sont retenues les personnes « sans-papiers ». Ce 22 septembre 2018 marque les 20 ans, jour pour jour, de sa mort, tuée par l’escorte de gendarmes en charge de son expulsion. Il y a peu, une autre réfugiée décédait des mains des forces de l’ordre belges : Mawda, une fille de 2 ans tombée d’une balle dans la tête. Le gouvernement belge vient à nouveau d’autoriser l’enfermement d’enfants et la Coordination Semira Adamu 2018 clame dans la capitale de l’Union européenne : « Ils ont tué une femme, pas son combat ! » Nous rencontrons Cataline, anciennement membre du Collectif contre les expulsions ; elle nous fait le récit du combat et de la mort de Semira Adamu qui bouleversa la Belgique.
Pourquoi annuler la « sortie des nègres » à Deux-Acren?
Le porte-parole du groupe « Les Bruxelles Panthères » était l’invité de Christophe Giltay, dans le RTLInfo 18h sur Bel RTL. Il explique pourquoi il a réclamé l’annulation de la « sortie des nègres » à la Ducasse de Deux-Acren.
Agenda des Commémoration SemiraAdamu2018 (A diffuser largement)
Ce mois sera consacré aux commémorations des 20 ans du meurtre de Semira Adamu. Expo, débats, concerts, rencontres, théâtre, projections, manifestations, séminaires, actions …
A l’heure où la Belgique enferme des familles, où s’annonce l’évacuation forcée du Parc Maximilien, la création au 127 bis d’un « centre administratif national pour la transmigration, la transformation du Petit Château en « centre d’enregistrement » ( l’Echo, 5 sept), où les personnes sans-papiers désespèrent d’obtenir une régularisation et où les morts s’accumulent devant et dans nos frontières, nous sommes persuadés que les revendications de l’appel « Semira Adamu 2018 » sont
plus que nécessaires.
Pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, n’hésitez pas à signer cet appel
via le site internet www.semiraadamu2018.be
Rémanences de la colonalité au cœur des processus de restitution des « restes humains »
Des Héréros et Namas à Lusinga (Allemagne-Namibie, Belgique-Congo)
Fanon Hier, Aujourd’hui
VENDREDI 7/09/2018 à 19h30
Projection du film « Fanon hier, aujourd’hui » au cinéma l’Aventure à Bruxelles, en présence du réalisateur Hassan Mezine (https://www.facebook.com/hassan.macmez si vous voulez suivre son travail ou l’inviter)
La négrophobie arabe et la question du pouvoir
De nombreux activistes ou membres d’ONG connaissaient de longue date l’existence d’un trafic d’esclaves subsahariens dans la Libye actuelle. Ce qui a changé avec la diffusion d’un reportage par CNN le 13 novembre 2017, c’est que personne n’a plus la possibilité de faire semblant de l’ignorer. L’éthique commande de prendre en compte cette situation et de tenter d’en comprendre les ressorts, en évitant les facilités de l’antiracisme moral. Pour ce faire, il importe de prêter attention à deux niveaux. Premièrement, rappeler que ce qui répond aujourd’hui au nom de « Libye » n’est plus un État. Depuis l’intervention impérialiste que l’on sait, elle a perdu toute souveraineté ; elle est devenu un pays fantomatique ou zombie, incapable d’assurer le monopole de la violence légitime sur son propre territoire. Pire, elle s’est muée en un vulgaire prestataire de service pour l’Union Européenne. En février 2017, à la faveur du Plan d’action de la Valette, 200 millions d’euros sont débloqués en vue de financer le contrôle de ses frontières. En juillet s’y ajoutent 43 millions de plus. Aux yeux des institutions européennes, peu importe que la Libye soit un État, une nation. Elle doit être une frontière, et la plus infranchissable possible. Que leur importe si, au-delà, règnent l’esclavage, le meurtre, le viol, la destruction et l’abaissement de tout ce qui fonde l’humain. L’histoire récente du continent Africain et du Moyen-Orient nous le rappellent inlassablement : la dissolution des États laisse souvent le champ libre à la résurgence de formes débridées et sidérantes de violence sociale ou politique. L’esclavagisme en est une des déclinaisons.