
A propos de Queer Palestine and The Empire of Critic de Sa’ed Atshan (Stanford University Press, 2020).
Traduit de l’anglais par Nina Zadekine, avec l’aimable autorisation de l’auteur. Vous pouvez retrouver la version originale ici.
La liberté, la justice et l'égalité, par tous les moyens nécessaires ! Malcolm X
A propos de Queer Palestine and The Empire of Critic de Sa’ed Atshan (Stanford University Press, 2020).
Traduit de l’anglais par Nina Zadekine, avec l’aimable autorisation de l’auteur. Vous pouvez retrouver la version originale ici.
La doctrine de la hiérarchie culturelle n’est donc qu’une modalité de la hiérarchisation systématisée poursuivie de façon implacable.
La théorie moderne de l’absence d’intégration corticale des peuples coloniaux en est le versant anatomo-physiologique. L’apparition du racisme n’est pas fondamentalement déterminante. Le racisme n’est pas un tout mais l’élément le plus visible, le plus quotidien, pour tout dire, à certains moments, le plus grossier d’une structure donnée.
Étudier les rapports du racisme et de la culture c’est se poser la question de leur action réciproque. Si la culture est l’ensemble des comportements moteurs et mentaux né de la rencontre de l’homme avec la nature et avec son semblable on doit dire que le racisme est bel et bien un élément culturel. Il y a donc des cultures avec racisme et des cultures sans racisme.
Journaliste Algérien
Le documentaire Fanon, hier et aujourd’hui, réalisé par Hassan Mezine, est une stimulante contribution à la résurrection cinématographique d’un immense combattant pour la liberté des peuples. Un Moudjahid de la pensée en action que les idéologues dogmatiques ont largement ignoré et que les propagandistes de droite n’ont eu de cesse de diaboliser. Frantz Fanon, figure emblématique des luttes anticoloniales, celui-là même que les universités néocoloniales éludent entre silence aigre et embaumement perfide, réapparait dans ce film dans toute sa pertinence politique, dans toute son urgence. Le fils de la Martinique et l’Algérien, l’internationaliste Fanon revient parmi nous comme dans un songe pour rappeler que l’aliénation est l’instrument le plus redoutable de la domination, que la colonialité est une continuité criminelle et que la dignité est inséparable de la liberté.
Le combat de Frantz Fanon vu par Hassane Mezine dans son film documentaire « Fanon, hier et aujourd’hui ». De la psychiatrie à la lutte contre la colonisation.
Cette intervention a eu lieu durant une conférence de « Tribute to Semira Adamu »(1), dans le panel : « Nouveaux dispositifs de contrôle, répressions et résistances »
Je Remercie les organisateurs pour leur immense travail et pour leur invitation. Et j’ai une pensée pour Semira, Ali et toutes les autres victimes du racisme.
Je vais commencer par vous exposer l’analyse qui fondent l’existence et les actions de Bruxelles Panthères. J’évoquerai ensuite les formes de luttes que nous utilisons.
Ce que je vais dire ici – qu’est-ce que l’antiracisme politique ? – est issu de notre expérience propre, de celle de notre réseau et dans ce cas-ci, de l’étude de trois auteurs en particulier. Je vais donc brièvement les citer, leurs pensées étant à la base de cette analyse :
La politique a été communément définie comme un « art du possible ». Or il se trouve que c’est principalement notre imaginaire qui est à même de circonscrire le champ du possible. Dès lors, comment surmonter l’épuisement et l’écrasement de nos imaginations, à l’heure où il est plus facile de se figurer la fin de l’humanité que la fin du capitalisme ? Dans ce texte éclairant, Minkah Makalani propose un repérage des idées majeures du Black marxism en remarquant que cette tradition a ceci d’unique qu’elle a pour horizon un avenir « inimaginable ». En prenant pour témoin Frantz Fanon, C.L.R. James et Amilcar Cabral, Makalani montre qu’il est possible d’intervenir en conjoncture en repoussant les limites de l’imaginaire politique. En d’autres termes, Makalani esquisse un tableau de la tradition noire radicale comme une invention de l’inconnu, comme un art de l’impossible.
La formule de Marx selon laquelle l’histoire se répète toujours deux fois : la première comme tragédie, la deuxième comme farce, est bien connue. Issue du 18 Brumaire de Louis Bonaparte, elle interroge les décalages entre les intentions et la compréhension des acteurs historiques, tournées vers le passé, et la réalité des processus dans lesquels ils se trouvent embarqués. Si ce décalage revêt souvent un caractère tragique, les subalternes étant les victimes d’une épreuve de force rencontrée dans leur lutte face à laquelle ils se trouvent désarmés, cette distorsion temporelle n’est pas non plus sans avoir ses effets comiques en ce qu’elle révèle aussi l’impréparation des dominants. Dans ce texte lumineux, Matthieu Renault ajoute à ces analyses célèbres une distorsion géopolitique : l’impact inaperçu des décalages entre la métropole et les colonies dans ces pages du 18 Brumaire. Ce faisant, Renault propose un réexamen inédit d’enjeux propres à Marx, qu’on croyait largement balisés, autour de Napoléon III, Bolivar et l’un des monarques régnant sur la jeune nation haïtienne, Soulouque. Reprenant des thèmes rencontrés dans CLR James et ses Jacobins noirs, il démontre une centralité des luttes anticoloniales dans l’émergence de la modernité européenne.
De nombreux activistes ou membres d’ONG connaissaient de longue date l’existence d’un trafic d’esclaves subsahariens dans la Libye actuelle. Ce qui a changé avec la diffusion d’un reportage par CNN le 13 novembre 2017, c’est que personne n’a plus la possibilité de faire semblant de l’ignorer. L’éthique commande de prendre en compte cette situation et de tenter d’en comprendre les ressorts, en évitant les facilités de l’antiracisme moral. Pour ce faire, il importe de prêter attention à deux niveaux. Premièrement, rappeler que ce qui répond aujourd’hui au nom de « Libye » n’est plus un État. Depuis l’intervention impérialiste que l’on sait, elle a perdu toute souveraineté ; elle est devenu un pays fantomatique ou zombie, incapable d’assurer le monopole de la violence légitime sur son propre territoire. Pire, elle s’est muée en un vulgaire prestataire de service pour l’Union Européenne. En février 2017, à la faveur du Plan d’action de la Valette, 200 millions d’euros sont débloqués en vue de financer le contrôle de ses frontières. En juillet s’y ajoutent 43 millions de plus. Aux yeux des institutions européennes, peu importe que la Libye soit un État, une nation. Elle doit être une frontière, et la plus infranchissable possible. Que leur importe si, au-delà, règnent l’esclavage, le meurtre, le viol, la destruction et l’abaissement de tout ce qui fonde l’humain. L’histoire récente du continent Africain et du Moyen-Orient nous le rappellent inlassablement : la dissolution des États laisse souvent le champ libre à la résurgence de formes débridées et sidérantes de violence sociale ou politique. L’esclavagisme en est une des déclinaisons.
J’espère mettre en lumière la terreur du banal et du quotidien plutôt qu’exploiter le spectacle choquant. Ce qui me concerne ici est la diffusion de la terreur et de la violence perpétuée dans les rubriques du plaisir, du paternalisme et de la propriété. (Saidiya V. Hartman, Scenes of Subjection: Terror, Slavery and Self-Making in Nineteenth-Century America
Race and American Culture, 1997)
Le viol a été au-devant de l’actualité pendant plusieurs mois, conduisant la France à faire évoluer ses standards en matière de licite et d’illicite. La campagne #MeToo a provoqué une onde de libération de la parole si massive qu’elle a fait craindre à Emmanuel Macron que la France bascule dans une culture de la délation[i]. Une affaire cependant cristallise l’attention. Et certains, forts de ce qu’ils viennent d’apprendre sur la question du viol, cèdent à la tentation de nous éduquer, nous, sujets postcoloniaux, sur ce qu’est ce crime et sur la manière dont il devrait être pris en charge politiquement. Une mise au point s’impose.