Objet d’instrumentalisations, soumis à une mémoire désaccordée, l’anticolonialisme connut son point d’incandescence au mitan du siècle dernier. S’il croise les théories décoloniales et anti-impérialistes, c’est à partir d’un autre ancrage dans l’histoire et dans l’espace social, qui invite à se décentrer de l’État-nation et du narratif identitaire. Son actualité tient à l’inachèvement de la décolonisation et à la pertinence des espoirs qu’il nourrit.
FRANTZ FANON ET AMILCAR CABRAL : ANTICOLONIALISME ET RECODIFICATION DÉCOLONIALE
« Tout le reste est littérature et mystification »
Les théories décoloniales prétendent dépasser l’anticolonialisme. Mais, plutôt que d’un dépassement, il s’agit d’un recodage de pensées – dont celles de Frantz Fanon et d’Amilcar Cabral – autrement plus complexes, radicales et actuelles.
Les pensées décoloniales ont le vent en poupe en Europe ces dernières années. Il n’est pas toujours aisé d’en discuter les enjeux, tant ces pensées sont plurielles, parfois divergentes, et participent d’un champ intellectuel très large. Mais nous voudrions interroger ici, de façon ponctuelle, la question de leur filiation avec l’anticolonialisme, autour plus précisément de la question de la culture. Et le faire en confrontant certaines affirmations du rapport Décoloniser la coopération au développement par les marges, commandé par la coopération belge [1], avec les écrits d’Amilcar Cabral (1924-1973) et de Frantz Fanon (1925-1961).
PENSÉES DÉCOLONIALES EN AMÉRIQUE LATINE : ANALYSE CRITIQUE
Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine offre l’une des premières présentations synthétiques en français de ce courant intellectuel. Il permet de la sorte de mieux connaître et comprendre ce « collectif d’interprétation », et d’en faire une analyse critique.
La maison d’édition Zones vient de publier Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine, qui offre une présentation synthétique en français de ce courant intellectuel, dont nombre de concepts se sont diffusés en Europe et ailleurs [1]. Cet essai permet de se dégager quelque peu de la confusion, des imprécisions et des effets de mode pour appréhender cet ensemble d’analyses.
DEBORA SILVERMAN : THE ART OF DARKNESS OU LES TÉNÈBRES COMME ESTHÉTIQUE
par Véronique Clette-Gakuba
En mobilisant Debora Silverman et d’autres travaux de la littérature anglo-saxonne, cet article nous aide à comprendre comment nous sommes profondément affectés par une « esthétique de la Noirceur » produisant un amalgame fantasmagorique entre les corps noirs et les régions supposées sauvages du monde. Une esthétique qui influença profondément l’Art nouveau, mais également le rapport racialisé aux populations noires.
LES RÉSEAUX DE L’ART NOUVEAU
À l’occasion de la parution de son livre La Dimension coloniale de l’Art nouveau (Kunst met de K van Kongo) [1], Lucas Catherine se prête au jeu de l’interview et revient sur le long travail historique, et parfois plus personnel, l’ayant amené à devenir l’un des spécialistes du Congo.
DE L’ART NOUVEAU AU MODERNISME TROPICAL : PROBLÉMATISER LA NOTION DE PATRIMOINE ARCHITECTURAL COLONIAL
par Toma Muteba Luntumbue
Existe-t-il des réalisations architecturales de l’époque coloniale qui ne soient pas imprégnées de l’idéologie coloniale ? L’intérêt récent porté sur les vestiges architecturaux du Congo des Belges nous pousse à questionner le processus de leur « patrimonialisation », entendu comme construction d’un rapport aux objets du passé. Quels sont les enjeux symboliques de la qualification de « patrimoine » attribué aux reliquats de la présence belge pour ceux qui y sont confrontés quotidiennement ? Ces vestiges peuvent-ils ouvrir aux Congolais les portes d’une compréhension de leur passé ?
L’État-nation comme pivot de l’impérialisme
Ce texte est tiré d’une intervention faite lors de l’inauguration de l’Ecole Décoloniale, le 6 octobre 2019 , à La Colonie.
On m’a demandé aujourd’hui de parler de « l’État-nation comme pivot de l’impérialisme », vaste programme. La question de l’État, de son rôle et de sa place dans l’impérialisme contemporain est essentielle à toute politique décoloniale. La question sous-jacente porte en quelque sorte, et pour paraphraser Claude Serfati[1] sur le rapport entre les dynamiques « économiques et géopolitiques. » Si l’on suit la fameuse phrase de Rosa Luxemburg, dans le 31e chapitre de L’accumulation du capital, selon laquelle « [l]’impérialisme est l’expression politique du processus de l’accumulation capitaliste se manifestant par la concurrence entre les capitalismes nationaux », alors il est évident que le rôle des États doit être central dans toute analyse décoloniale. Cependant, l’impérialisme contemporain n’est, bien évidemment, plus configuré de la même manière qu’à l’époque de Luxemburg. Certains théoriciens de l’impérialisme expliquent par exemple que la domination impérialiste ne repose plus principalement sur les États-nations. On pourrait, en effet, arguer que la transnationalisation toujours plus grande du capital sape la centralité des États-nations dans l’impérialisme contemporain – ce qui n’efface pas leur rôle pour autant. Afin de ne pas traiter de ce sujet de manière trop vague et superficielle, je vais m’attarder sur un cas bien précis (un cas d’école de transnationalisation du capital) : celui de l’Union européenne (UE).
Les sanctions et l’évolution de l’ordre mondial : quelques perspectives depuis le Sud global
Ce texte a été initialement publié sur le site « Developing Economics », qui nous a aimablement autorisé à le traduire.
Farwa Sial est chercheuse à l’Université de Manchester (Grande-Bretagne). Ses recherches portent sur le développement, dans une perspective comparative, la politique industrielle, les entreprises, la géographie économique et l’évolution du paysage de l’aide au développement. On peut la suivre sur Twitter : @FarwaSial.
UN DICTIONNAIRE DÉCOLONIAL
Introduction
CLAUDIA BOURGUIGNON ROUGIER
Ce livre destiné à un public francophone n’a pas pour objet de parler des luttes décoloniales ni des études décoloniales en général. Son objectif est plus modeste. Le but est de revenir sur la « colonialité du pouvoir » et le mouvement dans lequel le concept « décolonial » a pris en Amérique ibérique et dans la Caraïbe. Ce n’est donc pas l’acception du terme « décolonial » en France, en Belgique, au Canada ou dans les pays africains francophones qui nous intéressera ici, ni son utilisation par les groupes antiracistes de ces pays. Nous voulons seulement présenter le versant latino-américain de la théorie décoloniale.
La ville d’Anvers doit reconnaître son histoire coloniale
Le 24 septembre marquera la réouverture officielle du Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers en présence de Jan Jambon (N-VA), ministre-président et ministre de la Culture du gouvernement flamand. Le KMSKA annonce un week-end de célébrations sur la place du musée. Nous jugeons inapproprié de faire abstraction, dans le cadre de cet événement, du côté obscur teinté de colonialisme de cette place. Nous réclamons dès lors au conseil communal d’Anvers une commémoration officielle des victimes congolaises de l’Exposition universelle de 1894.