Les sanctions et l’évolution de l’ordre mondial : quelques perspectives depuis le Sud global

Ce texte a été initialement publié sur le site « Developing Economics », qui nous a aimablement autorisé à le traduire.

Farwa Sial est chercheuse à l’Université de Manchester (Grande-Bretagne). Ses recherches portent sur le développement, dans une perspective comparative, la politique industrielle, les entreprises, la géographie économique et l’évolution du paysage de l’aide au développement. On peut la suivre sur Twitter : @FarwaSial.

Les sanctions et l’évolution de l’ordre mondial : quelques perspectives depuis le Sud global

Suite à l’invasion russe en Ukraine, des puissances mondiales majeures, comprenant les États-Unis et l’Union Européenne, ont mis en place des sanctions contre la Russie. Ces sanctions de grande envergure ont été appréhendées différemment par les États, ce qui a conduit à des approches distinctes bilatérales et multilatérales. L’absence considérable d’un consensus global est notable. Alors que l’invasion et le régime de sanction se poursuivent, l’économie globale est également en train de s’essouffler, avec l’imminence d’une dépression mondiale. Tandis que la majorité des analyses débattent de l’efficacité des sanctions actuelles, cet entretien avec le sociologue et auteur de A People’s Green New Deal, Max Ajl, le politiste et auteur de l’ouvrage à venir Race, Nature and Accumulation, Bikrum Gill, et l’historien et auteur de Finance in Colonial Zimbabwe : Money, Sanctions and War Economy, Tinashe Nyamunda, analyse la nature structurelle et politique des sanctions, apportant un éclairage historique sur son itération moderne. Nous leur avons posé des questions sur l’histoire des sanctions internationales, afin de savoir si elles dissuadent effectivement les guerres, pourquoi les pays du Sud global se sont abstenus lors du vote des sanctions actuelles, comment nous devrions comprendre les sanctions actuelles dans l’ordre global du néolibéralisme et si les sanctions mènent vers une nouvelle phase du mouvement des non-alignés.

  1. Quelle est l’histoire des sanctions internationales ? Ont-elles un effet dissuasif sur les guerres ?

Max Ajl : Les sanctions ont une très longue histoire dans le système capitaliste mondial. Si à l’origine elles étaient destinées à intervenir dans les conflits armés en cours, elles sont devenues tout à fait différentes sous l’égide des États-Unis. Ces dernières ne sont pas une alternative ou un complément à la guerre, mais une guerre par d’autres moyens et elles constituent en outre un moyen d’affaiblir les pays cibles en vue d’une guerre armée directe. Elles visent principalement le noyau de la semi-périphérie et de la périphérie (j’utilise ce terme plutôt que celui de « Sud global » en raison de la difficulté d’y classer la Russie et du rôle compliqué d’une Chine ascendante dans le système mondial). Elles sont conçues pour endommager considérablement les forces de production à l’intérieur des États-nations. Leur objectif déclaré a été de parvenir à un « changement de régime » dans ces États, bien que cela ne semble pas être leur effet général et il est donc peu probable que ce soit leur intention générale. Les États-Unis/l’UE sanctionnent généralement les pays non pas pour trouver une alternative à la guerre, mais parce que la confrontation armée directe est souvent exclue lorsque les États périphériques ou semi-périphériques disposent d’une capacité dissuasive militarisée suffisante pour rendre la guerre directe infaisable. Pour cette raison, elles n’apparaissent pas seulement comme une guerre par d’autres moyens, mais souvent comme le seul moyen par lequel les États impérialistes peuvent faire la guerre.

Bikrum Gill : Il existe un corpus croissant de recherches sur l’histoire des sanctions internationales, qui suggère que les sanctions fonctionnent moins comme une « alternative à la guerre » ou un « moyen de dissuasion à la guerre » et davantage, pour emprunter le titre du livre récent de Nicholas Mulder sur le sujet, comme un « outil de guerre moderne ». Pour comprendre le but et l’efficacité des sanctions en tant qu’instrument de guerre, il faut d’abord comprendre en quoi celles-ci découlent des contradictions de l’économie politique internationale de notre époque – l’impérialisme capitaliste. Le capitalisme a fonctionné, depuis le long XVIe siècle, comme un système mondial structuré autour de deux contradictions principales : 1) le rapport capital-travail et 2) la dynamique centre/périphérie qui constitue la base de laquelle émerge le rapport capital-travail et qui vient ensuite stabiliser ses contradictions pour qu’il puisse être reproduit à une échelle plus importante. Le rapport centre/périphérie est structuré autour du déni de souveraineté aux peuples colonisés et impérialement soumis de la périphérie, ce qui permet au noyau colonisateur et impérial de s’approprier exhaustivement l’excédent à l’échelle mondiale afin de stabiliser l’accumulation du capital et la reproduction du travail dans le centre. C’est au moment où la résistance menée depuis les périphéries, sous la forme de la décolonisation et de l’anti-impérialisme, démontre une capacité à résister à la violence armée qui est à l’origine du déni de souveraineté, que les sanctions émergent comme une stratégie clef des États capitalistes dominants du noyau pour réimposer une capacité souveraine diminuée sur les périphéries.

Les sanctions ont fonctionné au sein de la structure que constitue le droit international qui, comme l’a démontré Antony Anghie s’est développé moins comme un moyen d’établir un ordre entre les États souverains et que comme un instrument pour reproduire différents degrés de souveraineté dans le système mondial. Plus précisément, Anghie a montré que, depuis ses origines intellectuelles dans les débats juridiques qui ont accompagné la colonisation espagnole des Amériques au XVIe siècle jusqu’à sa consolidation aux XIXe et XXe siècles, le droit international a accordé aux États impérialistes euro-occidentaux le droit de mener une guerre sans fin aux peuples des périphéries lorsqu’ils leur refusent le droit de diriger les échanges commerciaux sur leur territoire. La résistance au commerce euro-occidental est en outre considérée comme une preuve d’un despotisme irrationnel intrinsèque qui remet en question la capacité souveraine des colonisés. Bien sûr, le « droit au commerce » colonial, comme l’a montré Fanon, est fondé sur une usurpation violente des territoires des colonisés et sur la réorientation de leurs ressources et de leur travail vers la fourniture des intrants bon marché qui stabilisent la production capitaliste dans le centre.

Les sanctions sont apparues comme un instrument de guerre précisément au moment où les colonisés ont réclamé une souveraineté politique formelle en opposant, comme le soutient Fanon, au colonialisme une « violence accrue » qui seule peut le faire céder. Alors que les anciennes colonies ont maintenant une souveraineté politique formelle, elles sont confrontées à une contradiction dans le domaine économique qui entrave leur capacité à surmonter la privation matérielle du colonialisme. Cette contradiction réside dans la conservation par le centre impérial du contrôle du capital accumulé grâce au drainage du surplus colonial, laissant l’État « post »colonial sans moyen de réorienter ses ressources vers une forme de développement national qui puisse surmonter la pauvreté, la faim et le sous-développement général infligés par le colonialisme. C’est dans leur pouvoir de monopole sur le capital généré par les colonies que les États impériaux saisissent la logique des sanctions en tant qu’instrument de guerre qui, compte tenu de la difficulté croissante à soumettre la décolonisation par la force armée, peut seul régénérer, sous une forme néocoloniale, les principes sous-jacents du système capitaliste mondial. La logique des sanctions est bien saisie dans la caractérisation, par Fanon, de la fuite de capitaux de la périphérie vers le cœur qui accompagne la décolonisation : « En termes simples, le pouvoir colonial dit ‘’Si vous voulez l’indépendance, prenez-la et mourrez de faim’’ ». Cela impose une condition de dépendance qui impose une re-périphérisation de l’État postcolonial, car son accès au capital devient contingent du renouvellement de l’économie coloniale héritée.

Si l’on considère les sanctions comme un instrument d’une guerre contre-révolutionnaire de restauration coloniale, je dirais que nous pouvons situer le début de l’histoire des sanctions mondiales dans la réaction impérialiste à la révolution haïtienne, au début du XIXe siècle. Cette révolution a établi la république indépendante d’Haïti à travers une lutte armée que le pouvoir colonial français n’avait pas réussi à réprimer. L’État révolutionnaire haïtien a violé le « droit au commerce » colonial dans la mesure où, en abolissant l’esclavage et en récupérant des terres auprès des anciens propriétaires de plantations, il a renversé les relations de propriété par lesquelles la France avait drainé un important excédent de la colonie. Incapables de recoloniser Haïti par la force, la France et les États-Unis ont répondu à l’affirmation de la souveraineté haïtienne en imposant à Haïti un embargo commercial punitif. Les Français ont accepté de lever leur embargo, qui avait empêché Haïti de mener tout commerce avec le monde extérieur, à la condition qu’Haïti accepte de verser à la France une indemnité importante pour les biens perdus et accepte également de fournir à la France des exportations à prix fortement réduit. Le chemin de l’indépendance économique d’Haïti a donc été détourné vers une voie néocoloniale de dépendance, induite par la dette, qui allait repériphériser Haïti en tant que fournisseur d’intrants bon marché pour le centre impérial.

Comme l’a montré Manu Karuka (2022), la France et les États-Unis ont continué à utiliser des sanctions comme instrument de guerre coloniale tout au long du XIXe siècle, en utilisant des embargos et des blocus pour contrer la résistance menée à l’impérialisme à Cuba, en Algérie et aux Philippines. À mesure que la décolonisation et l’anti-impérialisme se sont accélérés et consolidés à partir du milieu du XXe siècle, en donnant naissance à des États formellement indépendants dans le Sud global, la réaction impériale a intensifié et élargi l’utilisation des sanctions en tant qu’instrument de restauration coloniale. Les sanctions ont particulièrement ciblé les États qui remettaient le plus explicitement en question le « droit au commerce » colonial en entreprenant des projets de nationalisation et de réforme agraire qui bouleversaient fondamentalement la structure économique coloniale héritée et permettaient ainsi une réorientation du travail et des ressources vers le développement national souverain. Nous pouvons voir des preuves d’une telle histoire de « sanctions en tant que guerre contre-révolutionnaire » dans les sanctions appliquées contre les États suivants : la République populaire de Chine, après avoir vaincu l’impérialisme japonais et occidental et abrogé les traités de l’après-guerre de l’opium ; la République populaire démocratique de Corée (RPDC), après avoir vaincu d’abord l’impérialisme japonais, puis américain ; Cuba, après avoir vaincu l’impérialisme américain et entrepris une réforme agraire et une nationalisation ; et plus tard les sanctions appliquées à l’Iran après sa révolution anti-impériale ; le Zimbabwe après avoir achevé sa lutte pour l’indépendance en récupérant des terres auprès des fermiers colons dans les années 2000 ; et le Venezuela qui a été soumis à des sanctions punitives après que la révolution bolivarienne ait entrepris une réforme agraire et établi un plus grand contrôle national souverain sur l’industrie pétrolière.

L’histoire des sanctions internationales n’est pas une histoire d’États cherchant à résoudre les conflits par des moyens pacifiques ni une histoire de dissuasion pacifique des États récalcitrants violant les normes établies du système international. Il s’agit plutôt d’une histoire de restauration coloniale contre-révolutionnaire. Les conditions matérielles de l’émergence des sanctions comprennent les limites du pouvoir militaire colonial mises en évidence par la décolonisation, et le contrôle concentré du capital exercé par les États impériaux du noyau qui fournissent les moyens par lesquels les sanctions peuvent être menacées et déployées. Les sanctions laissent les États ciblés dans une impasse : soit ils cèdent et acceptent les conditions imposées par l’impérialisme et, ce faisant, se condamnent à une quasi-souveraineté amoindrie ; soit ils continuent leurs projets de développement souverain, mais dans des conditions similaires à celles de la guerre de siège (Karuka, 2022), qui infligent de grandes souffrances à leur peuple.

Tinashe Nyamunda : L’idée derrière les sanctions, qui est d’agir comme un moyen de dissuasion contre les conflits militaires, semble découler d’un désir de contraindre les nations ciblées sans perte de vie ou de ressources matérielles significatives. Les guerres sont très coûteuses, onéreuses et parfois inutiles ; par conséquent, les sanctions semblent être un outil pour négocier des résultats souhaités. La Société des Nations a certainement cherché à les utiliser pour éviter tout conflit aussi important que la Première Guerre mondiale, qui a coûté la vie à plus de 20 millions de personnes et des ressources financières importantes. Les États-Unis, qui sont entrés en guerre en 1917 (trois ans après le début de la guerre), ont par exemple dépensé plus de 32 milliards de dollars, l’équivalent d’environ 628 milliards de dollars aujourd’hui. Imaginez le coût de la guerre pour ceux qui y ont participé depuis son déclenchement en 1914 et la dévastation des infrastructures en Europe. L’idée était donc d’éviter une telle perte catastrophique en vies humaines, en propriété et en ressources financières. Mais comme l’a montré le cas des sanctions de la Société des Nations contre l’Italie en 1935, les sanctions n’ont pas été très efficaces. En fin de compte, elles n’ont pas réussi à éviter le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, qui a coûté la vie à presque 50 millions de personnes et coûté aux seuls États-Unis plus de 341 milliards de dollars avant ajustement au titre de l’inflation, bien qu’ils soient entrés en guerre beaucoup plus tard que les puissances européennes dont les pays et les peuples ont été dévastés. Les Nations unies et leur régime de sanctions étaient encore plus convaincus de leurs responsabilités pour éviter une guerre encore plus dévastatrice compte tenu de l’avènement de l’ère nucléaire dans l’immédiate après-Seconde Guerre mondiale.

C’est dans ce contexte que je perçois l’importance des sanctions pour les grandes puissances. Cependant, pour moi, les sanctions sont une fonction du pouvoir qui est plus utile lorsque les plus grandes nations militaires négocient l’équilibre du pouvoir mondial et évitent les guerres coûteuses, ou lorsque les plus grandes nations essaient d’imposer leur volonté aux plus petites nations accusées de s’éloigner des valeurs de la démocratie et des droits de l’homme que les plus grandes nations considèrent acceptables. Mais ce qui est intéressant, c’est que les Nations unies ont été établies dans le contexte de l’impérialisme, où des puissances européennes telles que la Grande-Bretagne, la France, le Portugal, la Belgique et les États-Unis avaient des possessions coloniales. Les possessions coloniales ont été sécurisées, dans la plupart des cas, par la violence et l’agression par les grandes puissances des plus petites, ce qui pourrait être considéré aujourd’hui comme des crimes contre l’humanité. La souveraineté et l’intégrité territoriale de ces territoires colonisés ont été totalement ignorées, sans conséquence. Ainsi, malgré les considérations morales, matérielles et stratégiques qui sous-tendent l’utilisation des sanctions dans la politique mondiale aujourd’hui, elles sont appliquées de manière inégale et constituent un outil exclusif des nations puissantes qui revendiquent l’autorité morale pour les appliquer. Par exemple, un pays comme le Zimbabwe n’a pas le pouvoir d’appliquer des sanctions contre les États-Unis pour l’invasion de l’Irak, mais les États-Unis ont la capacité d’appliquer des sanctions et de mobiliser le soutien international pour des mesures contre le Zimbabwe pour avoir bafoué les droits de l’homme. En ce sens, les sanctions agissent comme une fonction de l’exercice du pouvoir par les grandes nations.

En termes d’efficacité des sanctions, celles-ci sont très irrégulières. Si l’invasion de l’Ukraine par la Russie est quelque chose à prendre en compte, malgré les sanctions appliquées à la Russie, la guerre continue, des vies sont perdues inutilement et des communautés entières sont détruites, en particulier en Ukraine. La plus grande leçon de cette guerre est que les sanctions peuvent également être à double sens. Les embargos commerciaux imposés à la Russie par les pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), par exemple, ont des implications dévastatrices pour l’approvisionnement en énergie à l’approche de l’hiver, car la Russie peut répondre en restreignant l’approvisionnement de l’Europe en gaz. Il y a d’autres conséquences économiques imprévues, par exemple, la façon dont d’autres pays ont suivi l’exemple de Moscou en cessant de commercer en dollars américains et en diversifiant leurs titres dans un panier d’autres devises de premier plan, ce qui remet en question l’hégémonie des États-Unis en tant que monnaie clef mondiale. De plus, outre des effets spécifiques tels que l’approvisionnement en blé et produits dérivés de l’Ukraine vers certaines parties de l’Afrique, la guerre a entraîné une forte augmentation du prix du pétrole et a poussé l’économie mondiale au bord de la récession. Dans ce contexte, alors que l’OTAN tente de galvaniser le monde contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les pays africains se sont abstenus de voter. Cela a conduit les Russes et les Américains à faire pression sur les pays africains, via des voyages diplomatiques, afin d’obtenir leur soutien et de les persuader de prendre leur parti. Ce que cela révèle des sanctions, c’est que lorsque les éléphants se battent, l’herbe en souffre. Dans le cas récent, les sanctions en tant que telles ont échoué, comme cela a été le cas dans d’autres cas historiques, à avoir un effet de dissuasion sur les guerres. Elles semblent n’être qu’un outil pouvant être utilisé de manière irrégulière par les plus grandes puissances de la politique mondiale.

  1. Pourquoi les pays du Sud global se sont-ils abstenus de voter les sanctions actuelles ?

Max Ajl : Actuellement, de vastes portions du monde sont soumises à des sanctions. Il est logique que, à mesure que les États-Unis placent de plus en plus de pays de la périphérie et de la semi-périphérie sous sanctions, ils détruisent toute possibilité pour la plupart de ces pays de rejoindre le régime de sanctions. De plus, bien que la Chine et d’autres pays aient historiquement refusé de soutenir de nombreuses sanctions américaines, c’est une chose que de sanctionner un petit pays pauvre et périphérique comme le Zimbabwe ou le Venezuela dont la principale exportation est le pétrole (alors que les États-Unis et leurs alliés comme l’Arabie saoudite ont la capacité de mettre en production davantage de champs pétroliers en réponse à la baisse de la production vénézuélienne/iranienne) ; c’en est une autre chose que de le faire avec la Russie, qui est un important exportateur de pétrole, de gaz, de minéraux et de céréales, des exportations dont de nombreux pays du Tiers-Monde dépendent directement pour leurs besoins quotidiens. Ainsi, sur le plan économique et politique, il y a des pressions pour aller vers un « non-alignement » de facto par rapport aux outils actuels de domination de l’impérialisme américano-européen.

Bikrum Gill : La totale abstention des pays du Sud global concernant la participation aux sanctions actuelles contre la Russie est le résultat de forces structurelles et idéologiques, ces deux forces étant bien sûr interdépendantes. Sur le plan idéologique, l’abstention reflète une vision du monde façonnée par des siècles d’impérialisme occidental continu mené à travers le Sud global, avec des conséquences dévastatrices. Le fait qu’il n’y ait jamais eu de tenue des comptes de l’impérialisme occidental, ni de réparations versées ou de sanctions appliquées, suggère, du point de vue du Sud global, que les sanctions occidentales contre la Russie ont moins à voir avec la punition et la dissuasion pour violation des normes de souveraineté et des droits de l’Homme en Ukraine, qu’avec l’affaiblissement de la Russie afin de renforcer l’impérialisme américain face à un monde multipolaire émergent. Il convient de garder à l’esprit ici que de telles expériences n’ont pas eu lieu dans un passé lointain. Les invasions militaires occidentales dirigées par les États-Unis en Irak, en Afghanistan et en Libye au cours des deux dernières décennies, la colonisation continue de la Palestine, ainsi que l’impunité dont bénéficient les frappes de drones américains qui ont terrorisé les familles et les communautés du Pakistan à la Somalie, ont profondément influencé le scepticisme avec lequel les États du Sud global perçoivent les motifs humanitaires attachés aux sanctions occidentales contre la Russie.

En plus de l’expérience de la guerre occidentale sans fin, les États du Sud global ont, avant cette série de sanctions contre la Russie, été la cible principale des sanctions dirigées par les États-Unis. Que ce soit au Venezuela, en Afghanistan, en Syrie, en Palestine, en Iran, au Zimbabwe, à Cuba ou en RPDC, les sanctions ont été vécues comme un instrument de guerre qui inflige de lourdes souffrances aux populations de ces pays. Pour cette raison, vu depuis le Sud global, le refus de participer aux sanctions contre la Russie est un refus de participer à l’escalade de la guerre.

De manière significative, les États du Sud global ont été contraints d’agir à partir de telles convictions idéologiques en raison de leur situation structurelle dans le système-monde. Participer aux sanctions aurait pour effet de les isoler des relations commerciales et d’investissement avec la Russie et, ce faisant, de les exposer à un risque de dépendance économique accrue vis-à-vis de l’Occident. Encore une fois, l’expérience historique démontre que l’Occident exploite cette dépendance pour imposer des conditions néocoloniales aux États du Sud global. De plus, les sanctions contre la Russie font suite à la saisie scandaleuse des actifs de l’Afghanistan par les États-Unis, ce qui pourrait inciter les États du Sud global à construire des formes d’interdépendance économique capables de résister aux sanctions occidentales et de générer des échanges économiques permettant une distribution plus équitable des flux de surplus mondial. Le Sud global ne peut tout simplement pas se permettre de perdre l’accès aux principales matières premières fournies par la Russie ni d’augmenter sa dépendance vis-à-vis d’un bloc occidental dirigé par les États-Unis qui n’a jamais abandonné ses ambitions impériales.

Enfin, le fait que les États du Sud global s’abstiennent de participer aux sanctions contre la Russie reflète non seulement un impératif structurel visant à éviter une dépendance accrue envers l’Occident, mais démontre également que nous nous trouvons désormais, bien plus qu’à tout autre moment au cours des trente dernières années, dans un nouvel ordre mondial émergent multipolaire. Un tel ordre est celui dans lequel le bloc occidental dirigé par les États-Unis a manifestement connu un déclin substantiel de son pouvoir unilatéral pour obliger les États à se ranger derrière l’hégémonie américaine. Les États du Sud global peuvent maintenant, dans une plus large mesure, s’appuyer sur des ressources commerciales et d’investissement alternatives Sud-Sud ou non occidentales, ce qui leur permet de mener une politique internationale plus indépendante.

Tinashe Nyamunda : La présidence de Donald Trump a mis en lumière certaines attitudes qu’au moins un groupe non négligeable de dirigeants blancs du Nord pourraient avoir à l’égard des dirigeants africains. Sa remarque sur les « pays de merde » a causé des dommages significatifs aux perceptions des Africains vis-à-vis de l’autorité morale et du leadership des États-Unis dans la politique mondiale, ainsi qu’une importante désaffection. Cela devrait être considéré dans le contexte de l’application inégale des lois sur les droits de l’homme à La Haye, où un certain nombre de dirigeants africains se sont exprimés quant au fait qu’ils étaient traités injustement. Il convient également de prendre en compte l’impact d’héritages tels que celui du Pacte pour la continuation de la colonisation des pays africains, qui a maintenu une influence significative de la France dans les affaires politiques et économiques des pays africains. D’autres exemples incluent la gestion inéquitable des crises humanitaires en Afrique par rapport au reste du monde. L’attention portée à l’agression russe n’était pas équivalente à celle portée à la crise dans le conflit à Cabo Delgado au Mozambique, par exemple. Pourtant, l’invasion de l’Ukraine par la Russie ou la réponse américaine aux vues chinoises sur Taïwan ont causé une instabilité mondiale. La gestion de la Covid-19 et d’autres pandémies révèle également des inégalités criantes entre le Sud et le Nord.

De nombreux pays africains semblent ne pas vouloir s’aligner sur un camp particulier. Ensuite, ils ne veulent pas souscrire à la définition de ce qui constitue le « global » selon le Nord. Dans ce cas, choisir un camp peut être beaucoup plus coûteux que de rester non-aligné. Dans tous les cas, la Russie et la Chine semblent avoir des histoires de décolonisation plus ancrées avec les pays africains que les membres des pays de l’OTAN. Toutes ces considérations contribuent aux approches du Sud mondial en matière d’application de sanctions contre la Russie. Dans cette matrice, malgré la récente déclaration du secrétaire d’État américain à travers la stratégie américaine pour l’Afrique visant à faire d’eux des partenaires égaux dans son développement, les dirigeants africains restent très sceptiques. En tant que tels, ils semblent préférer le non-alignement comme option pragmatique pour éviter d’être entraînés dans des conflits de superpuissances qu’ils n’ont pas la capacité à assumer.

Il y a des pays tels que le Zimbabwe par exemple, qui subissent de plein fouet les sanctions de l’Union européenne ainsi que du Zimbabwe Democracy and Economic Recovery Act (ZIDERA) des États-Unis. Le Zimbabwe a réussi à mobiliser le soutien d’autres pays africains tels que l’Afrique du Sud pour dénoncer les sanctions américaines. Pourtant, lorsque les Américains ont besoin de soutien, ils approchent des pays tels que l’Afrique du Sud sans tenir compte de leurs rapports avec des pays tels que le Zimbabwe. Dans certains milieux, les politiques américaines peuvent être interprétées comme impérialistes, malgré les raisons morales qui sous-tendent l’application de ces sanctions.

  1. Comment devrions-nous comprendre les sanctions actuelles dans l’ordre mondial du néolibéralisme ?

Max Ajl : Ces sanctions sont des tentatives pour isoler les pays du reste du monde afin de détruire leur capacité productive : détruire leurs secteurs industriels et agricoles, les empêcher de se développer technologiquement et réduire le bien-être des secteurs les plus pauvres de la population. Il y a un discours populaire selon lequel les sanctions constituent des tentatives de changement de régime échouées ou se poursuivront jusqu’à ce que les gouvernements changent dans les pays ciblés. Je pense que c’est un peu plus complexe que cela. Premièrement, ils visent à transformer des modèles ou des phares possibles ou potentiels de changement du Tiers Monde – le Venezuela et le Zimbabwe, par exemple – en situations désastreuses. L’effet est de délégitimer l’idée de changement social, de ternir le socialisme en tant qu’horizon émancipatoire et de montrer clairement que les États qui résistent, à quelque degré que ce soit, à l’arrangement néolibéral et à l’architecture d’insécurité des États-Unis-UE seront sévèrement punis. Ce sont des avertissements. Ils visent également à aggraver le malaise interne face aux modèles de développement prévalents – quelque chose d’absolument inévitable dans n’importe quel État. De cette manière, ils créent d’énormes fissures sociales qui peuvent être converties en « révolutions de couleur » soutenues et financées par les États-Unis, qui surfent sur toutes sortes d’agitation. Ils visent également à préparer les pays avant des invasions, comme en Irak. Tel est le but ; l’effet ne se réduit pas à ces explications, car il y a de la résistance et parce que les États-Unis et l’UE ne sont pas tout-puissants.

Bikrum Gill : Les sanctions se sont rapidement intensifiées au cours de l’ère néolibérale. Cela est dû, en premier lieu, à la financiarisation de l’économie mondiale, qui a été l’un des principaux éléments du régime d’accumulation néolibéral. Cela a fourni aux États-Unis, qui dominent les secteurs financiers et bancaires, un instrument économique opportun afin d’accroître la portée et les coûts imposés via les sanctions.

Les États-Unis ont utilisé leur pouvoir sur la financiarisation croissante de l’économie mondiale pour mener une guerre économique, en particulier contre les États de la périphérie et de la semi-périphérie qui ont le plus clairement défié la hiérarchie de l’ordre mondial néolibéral. Le néolibéralisme, en tant qu’ordre mondial, fonctionne principalement comme un projet de restauration coloniale qui mine les projets de développement national souverain par des politiques de libéralisation, de privatisation et de financiarisation qui affaiblissent les États du Sud global et ouvrent la voie à la prise de contrôle de ses ressources clefs par le capital national et transnational. Les États qui ont, dans une certaine mesure, contesté cette orthodoxie depuis le début des années 2000, en augmentant ou réaffirmant le contrôle de l’État sur les secteurs économiques stratégiques, se sont retrouvés soumis à des sanctions financières. Cela a non seulement empêché les États ciblés d’accéder aux marchés de capitaux et de consommation occidentaux, mais cela a également eu pour effet de perturber les tentatives de construction, par ces États, d’alternatives commerciales et financières, car le contrôle des États-Unis sur les secteurs financiers et bancaires mondiaux leur permet d’appliquer des mesures punitives à ceux qui commercent avec des États sanctionnés. De cette façon, le régime de sanctions sous le néolibéralisme a une portée plus large que le seul État ciblé ; il vise à réaffirmer le pouvoir économique américain sur les flux excédentaires mondiaux dans un contexte où les États non occidentaux, et en particulier la Chine et la Russie, cherchent à construire des architectures économiques mondiales alternatives.

La Russie et la Chine, comme l’ont soutenu Samir Amin et Domenico Losurdo, constituent la contestation la plus évidente à l’hégémonie occidentale de l’ordre néolibéral. La Chine, en particulier au cours de la dernière décennie, a clairement réaffirmé son rôle directif dans son projet de développement national, et elle a démontré une forme d’intégration dans les marchés mondiaux grâce à laquelle elle a maintenu et même renforcé sa souveraineté économique. La Russie, qui est restée plus fidèle au cadre néolibéral, a toutefois remis en question l’ordre mondial établi par la contre-révolution néolibérale. Il convient notamment de rappeler que la thérapie de choc néolibérale imposée à la Russie par l’Occident dans les années 1990 a accordé un pouvoir excessif au capital national et transnational afin de piller l’économie russe, ce qui a conduit à ce qui a peut-être été la plus forte baisse de l’espérance de vie en temps de paix dans l’histoire moderne. En réponse à cela, et à l’expansion militaire de l’OTAN à ses frontières, l’État russe, depuis le début des années 2000, mais surtout au cours de la dernière décennie, a exercé une autorité disciplinaire plus forte sur le capital et est devenu un acteur économique plus actif. L’État russe a été actif dans l’établissement de formes d’interdépendance économique qui dépendent moins du capital et des relations commerciales occidentaux. L’Union économique eurasiatique dirigée par la Russie et, dans une bien plus large mesure, la Belt and Road Initiative, dirigée par la Chine, potentialisent une architecture économique mondiale alternative qui peut détourner les flux excédentaires mondiaux de l’Occident. Les sanctions prises depuis 2014 contre la Chine et la Russie peuvent donc être comprises comme des réponses des États-Unis au défi croissant que posent ces États à l’ordre hiérarchique mondial du néolibéralisme que les États-Unis ont avancé à la fin du XXe siècle.

Tinashe Nyamunda : Pour moi, il s’agit d’une lutte de pouvoir qui se manifeste en termes économiques. Même s’il y a un conflit militaire entre la Russie et l’Ukraine, il semble qu’il y ait beaucoup plus en jeu. Bien que la Russie soit directement impliquée, l’Ukraine est considérée par beaucoup comme proche de l’OTAN. En fin de compte, cela semble être davantage un conflit idéologique et une bataille pour le contrôle de l’ordre économique international. Cela s’est également exprimé par une contestation de l’hégémonie du dollar américain et a été considéré comme une tentative de déclenchement d’un basculement vers un ordre beaucoup plus multilatéral, quelles que soient les conséquences en termes de pouvoir.

  1. Les sanctions mènent-elles vers une nouvelle vague du mouvement des non-alignés ?

Max Ajl : Le mouvement des non-alignés est né dans le contexte de blocs centralisés et étatiques offrant une alternative et une manière plus égalitaire d’organiser le système économique mondial – la Chine et l’URSS. Maintenant, bien que l’URSS soit partie, la Chine est bien là, offrant un tampon potentiel sous forme de capital, de capacité technologique souveraine, de prêts potentiels, d’aide à l’infrastructure politique et sociale, etc. Donc, lorsque nous parlons du passage à une multipolarité, ce qui signifie par définition que l’accumulation militariste américaine et les politiques de sous-développement associées ont moins de liberté dans le système mondial, nous parlons de quelque chose qui ressemble un peu au non-alignement, mais dans une ère historique nettement différente – lorsque les pôles alternatifs d’accumulation sont plus forts, mais que leur cohésion idéologique et leur distance par rapport au régime parrainé par les États-Unis sont plus faibles. Néanmoins, il existe une gamme d’alternatives en plein essor au système dominé par les États-Unis, des alternatives à l’utilisation du dollar comme devise de règlement, une augmentation progressive du commerce et de l’assistance diplomatique et sociale Sud-Sud, ainsi que des liens Sud-Sud qui permettent aux pays de se libérer du carcan des sanctions. Je préférerais que nous nous montrions un peu prudents avec les analogies historiques, car les forces qui ont conduit le mouvement des non-alignés s’inscrivaient parfois dans la mouvance des socialistes de marché, parfois, comme Nasser, dans celle soutenant les mouvements de libération nationale dans toute l’Afrique tout en nationalisant les préoccupations capitalistes impérialistes à l’intérieur du pays, etc. Bien qu’il y ait encore un soutien pour les mouvements de libération nationale dans la région arabe, ceci représente moins un élément constitutif de la nouvelle multipolarité. Je dis tout cela pour nous rappeler que nous devons garder à l’esprit que même si le mouvement des non-alignés était non-aligné et idéologiquement hétérogène, il était souvent une contestation idéologique directe du capitalisme américano-européen. Ce n’est pas le cas actuellement, ce qui signifie qu’il y a besoin de beaucoup plus de luttes contre les contradictions internes et en faveur des intérêts de la classe ouvrière et paysanne nationale pour reconstituer un bloc capable de faire avancer l’histoire dans une direction émancipatrice.

Bikrum Gill : Il existe effectivement des signes clairs du fait que le régime de sanctions, accéléré par les États-Unis durant l’ère néolibérale, rencontre des contradictions accrues. Des États sous sanctions, tels que l’Iran, Cuba et le Venezuela, approfondissent leur coopération économique et leurs liens diplomatiques dans le but de résister collectivement à l’impact des sanctions. L’émergence de la Chine en tant que source alternative de capitaux d’investissement et de marchés a offert un peu de répit aux États sous sanctions. En fait, Giovanni Arrighi a soutenu assez tôt l’idée que la capacité de la Chine à rediriger les flux excédentaires mondiaux vers le Sud global fournissait une base matérielle plus solide sur laquelle rebâtir un mouvement des non-alignés que ce qui avait même existé à l’époque de Bandung. Les sanctions ont, à bien des égards, contraint les États du Sud global à accélérer la construction de réseaux commerciaux et financiers alternatifs pouvant fonctionner indépendamment du pouvoir occidental. C’est cela qui a fourni la base matérielle à l’émergence d’un nouveau mouvement des non-alignés dans lequel les États du Sud global peuvent adopter des positions de politique étrangère indépendantes.

Comme je l’ai mentionné précédemment, les États du Sud global ont indiqué qu’ils considèrent les sanctions comme une escalade de la guerre et ils ont clairement exprimé une position de « neutralité » par rapport à ce qui est effectivement une guerre entre l’Occident et la Russie. Cette position met l’accent sur l’importance du dialogue et de la négociation pour parvenir à une paix immédiate en Ukraine et à une paix durable plus large basée sur un cadre de sécurité collective qui inclut la Russie.

Enfin, un renouvellement du mouvement des non-alignés, qui puise sa force dans la base matérielle de l’ordre mondial multipolaire émergent, a le potentiel pour réclamer efficacement la fin des guerres sans fin de l’Occident contre les États du Sud global. Mettre fin à ces guerres, qu’elles soient économiques ou militaires, ouvre la voie à une évaluation historique du colonialisme et de l’impérialisme, ainsi qu’à une reconstruction d’un ordre mondial multipolaire équilibré.

Tinashe Nyamunda : La question de l’alignement est très claire. Plutôt que de ne pas s’aligner du tout, je considère que la réponse africaine au discours des sanctions est une expression de l’agentivité africaine. Contrairement à la période coloniale où leur voix était étouffée et où leurs actions étaient imposées par les puissances impériales, dans une disposition post-coloniale, les pays africains peuvent exercer leur souveraineté dans une certaine mesure. En ce qui concerne les sanctions contre la Russie, au moins la moitié d’entre eux ont exercé leur droit de ne pas y participer, dans l’intérêt national, après avoir pris en compte les implications d’une telle décision. La réponse des Américains et des Russes révèle particulièrement l’influence que les pays africains ont acquise pour déterminer les affaires mondiales.

Récemment, l’administration Biden a entrepris une politique de réengagement en Afrique, qui tient au moins partiellement compte de l’influence croissante de la Russie et de la Chine en Afrique. Le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, a effectué une tournée des pays africains pour promouvoir la stratégie américaine pour l’Afrique. Cependant, certains rapports des médias ont suggéré que le voyage visait également, en partie, à contrer la présence de la Russie en Afrique, notamment en réaction à la récente visite du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, sur le continent. Il a visité l’Égypte, l’Éthiopie, l’Ouganda et la République démocratique du Congo. (https://www.state.gov/the-united-states-and-africa-building-a-21st-century-partnership/link).

Bien que la première visite de Blinken en Afrique en tant que secrétaire d’État ait eu lieu avant l’invasion russe de l’Ukraine, il est difficile de contester la préoccupation grandissante des États-Unis quant à l’influence russe et chinoise sur le continent. C’est pourquoi, pour la première fois, la stratégie américaine pour l’Afrique est traversée par le discours sur un partenariat égal. De plus, les Américains reconnaissent qu’ils ne peuvent pas forcer les Africains à choisir leur camp, donc leur approche du soft power consiste à demander aux pays africains d’envisager un partenariat avec les États-Unis pour le développement des pays sur le continent, en promettant de dépenser des sommes importantes à cet effet. De cette manière, l’approche africaine du dernier discours sur les sanctions est motivée par les intérêts nationaux de ses pays et une approche pragmatique des questions. Ils ne souhaitent pas être pris dans ce conflit, bien qu’ils en soient économiquement affectés. Leur indifférence à l’égard de la question des sanctions peut en fait dissuader les parties adverses en évitant de diviser le monde en deux camps et la lutte pour l’influence sur eux peut, espérons-le, contribuer à désamorcer les tensions. De plus, ils reconnaissent pleinement les limites des sanctions et choisissent donc d’être pragmatiques quant aux conflits qui n’ont pas d’implications directes pour leur propre intérêt national.

Traduit par Selim Nadi

Source  QG Decolonial

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