MUMIA ABU-JAMAL En direct de la prison SCI Mahanoy

Le centre de détention se situe à trois heures de route de New-York, dans une zone forestière inhospitalière de cette partie de l’Etat de Pennsylvanie (nord), où est incarcéré le journaliste afro-américain Mumia Abu Jamal. Accusé et condamné pour le meurtre d’un policier blanc – ce qu’il a depuis toujours farouchement nié – il purge une peine à perpétuité.

En avril prochain, Mumia aura 69 ans. Il va entamer sa 42ème année de détention. Après trois décennies passées dans le couloir de la mort, il échappera à deux ordonnances d’exécution grâce à la mobilisation internationale et sa peine sera commuée en prison à vie mais sans possibilité de libération conditionnelle.

Pour saisir l’horreur de sa situation d’enfermement, il est impératif de revenir à l’année 2022.

L’an dernier, lors de la pandémie mondiale, Mumia, né Wesley Cook, a été infecté par le Covid. Pour lui, l’administration pénitentiaire est responsable de la propagation de la maladie parmi les prisonniers, la majorité des gardiens ayant refusé la vaccination pour coller aux thèses complotistes du président américain Donald Trump.

De plus, celui que ses confrères de Philadelphie ont surnommé « la voix des sans voix » a été victime de graves complications cardiaques nécessitant une opération à cœur ouvert. Le sort s’acharnant, il apprendra quelques jours avant la fin de l’année le décès de son épouse Wadiya, l’amour de sa vie. Il ne sera pas autorisé à se rendre aux obsèques mais seulement à lui dire un dernier au revoir par téléphone.

Le 9 mars, une délégation du Collectif français « Libérons Mumia » avec Jacky Hortaut, co-animateur de ce collectif et Patrick Kamenka représentant du syndicat national des journalistes CGT lui a rendu visite au centre pénitentiaire SCI Mahanoy (Pennsylvanie). Larry Goldbetter, président du syndicat américain NWU (National Writers Union) et membre de la direction de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) participait à cette délégation.

Une fois franchi les contrôles sévères de l’administration pénitentiaire, au bout d’un long couloir, s’ouvre la porte de la salle des visites où Mumia nous attend debout, revêtu de sa combinaison orange de détenu, coiffé de ses éternelles dreadlocks.

 

Sa haute stature impressionne, tout comme l’acuité de son regard qui illumine son visage agrémenté d’une barbe grisonnante, sourire aux lèvres, riant même malgré les 41 années de détention. Ses graves problèmes de santé de l’an dernier semblent derrière lui : désormais il s’astreint régulièrement à pratiquer des exercices physiques de façon intense réussissant à perdre du poids et à reconstituer du muscle.

Larry Goldbetter a ouvert les échanges en lui transmettant un message de solidarité de la présidente de la FIJ qui rassemble 600.000 adhérents dans 150 pays. Mumia sera désormais titulaire d’une carte syndicale de presse internationale. En juin dernier au congrès mondial d’Oman de cette même Fédération, 150 journalistes syndicalistes avaient déjà signé une lettre ouverte à l’attention du gouverneur de Pennsylvanie pour exiger la révision de son procès et sa libération immédiate pour raison de santé.

Durant cette visite qui a duré trois heures, Mumia a fait état de la dégradation de ses conditions de détention depuis la période pandémique du Covid. Les visites sont réduites à la portion congrue car désormais les inscriptions se font uniquement par internet et sont prétexte à des refus sans la moindre explication privant ainsi les familles de leur droit. Par ailleurs son régime alimentaire est totalement inadapté à son fragile état de santé. Malgré cette situation, Mumia poursuit une intense activité intellectuelle en préparant un nouveau livre (thèse de doctorat) sur la politique de déshumanisation qui conduit à la récidive de nombreux détenus dans un système d’incarcération de masse (2,3 millions de prisonniers aux USA). Comme à son habitude, Mumia a nourri la discussion sur les questions concernant l’état du monde : les guerres et la souffrance des peuples, la misère économique et sociale, les bouleversements climatiques, autant de conséquences de son point de vue du système capitaliste en crise profonde, la pandémie ayant été le révélateur de ce qui appelle « l’empire en état de décomposition ».

Toujours aussi attentif aux combats politiques et sociaux, Mumia a tenu à saluer les manifestations contre la réforme des retraites en France et l’unité des syndicats.

Il a remercié tous ceux, très nombreux en France, qui le soutiennent en interpellant sans relâche les autorités américaines à l’exemple récent de la ville de Paris dont Mumia est Citoyen d’Honneur. Il a enfin témoigné avoir été très touché par les messages de solidarité et de compassion qu’il a reçus très récemment à l’occasion du décès de son épouse.

En ce début 2023, Mumia est confronté à un moment clé de sa bataille judiciaire qu’il mène inlassablement depuis quatre décennies avec son équipe de défense pour prouver son innocence. Rappelons que son procès expéditif en 1982 qui le condamnera à la peine capitale, sera marqué par l’emploi de méthodes racistes des magistrats qui n’hésiteront pas à fouler au pied la constitution des Etats-Unis afin de « faire griller le nègre ». Ces entraves au droit fondamental seront dénoncées par la Commission des droits de l’Homme de l’ONU, l’Union européenne et Amnesty International USA. Aujourd’hui, il s’agit pour Mumia d’obtenir, après 41 années de combat contre l’injustice et de mobilisation internationale la révision de son procès afin qu’il soit innocenté et libéré. Ses avocats ont en effet récemment eu accès à des éléments de preuves cachées, contenus dans des dizaines de documents d’archives dans le bureau du procureur de Philadelphie prouvant les multiples atteintes au droit de l’accusé.

La juge Lucrecia Clemons en charge du procès d’appel (en cours) obtenu après des années de lutte judiciaire doit décider prochainement de la suite à donner à la demande de révision du procès d’origine, laquelle pourrait ouvrir la voie à sa libération.

Dans ce contexte, la montée de la solidarité aux Etats-Unis comme dans le monde reste essentielle pour sortir Mumia de l’enfer carcéral. A cet effet, les organisations américaines de soutien à Mumia Abu-Jamal ont organisé samedi 11 mars un grand meeting à Philadelphie rassemblant de nombreuses personnalités pour dénoncer l’acharnement judiciaire dont cet homme est la victime. Cette conférence a été diffusée en direct sur toute la planète.

 

Un encouragement à poursuivre et à intensifier la mobilisation internationale pour sa libération. Le même jour, une importante manifestation syndicale de soutien a eu lieu en Afrique du Sud et des initiatives diverses ont été organisées sur tous les continents.

Patrick KAMENKA & Jacky HORTAUT

Pour en savoir plus sur le combat de Mumia et de ses soutiens en France : www.mumiabujamal.com

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