Bruxelles 15 Mars 2025 Contre les violences Policières

« Si on bouge pas, les policiers continueront de tuer à tout bout d’champ »: à Bruxelles, 1500 personnes marchent contre les violences policières

La police est « une institution qui ôte la vie à des dizaines de personnes chez nous, des Arabes, des noirs, des pauvres ». C’est avec ce message dur que plus d’un millier de militants ont exigé à Bruxelles la fin des violences policières, ce 15 mars. Plusieurs familles de victimes étaient de la manifestation.

Julien Rensonnet

manifestion contre les violences policieres du 15 mars à la place du luxembourg
Nadine Budin, la maman de Domenico D’Atria, abattu d’une balle dans la tête à Oupeye pour un « refus d’obtempérer » alors qu’il conduisait son quad. La Liégeoise était à Bruxelles ce 15 mars 2025 pour exiger, comme d’autres familles de victimes, la prise de conscience que les violences policières sont un phénomène de société et pas une suite de faits divers. ©cameriere ennio

« ‘Plus jamais ça !’, comme chante Calogero. C’est pour ça qu’on est ici ».

Valérie est la marraine de Domenico D’Atria. En août 2023 à Oupeye, ce dernier a refusé obtempérer aux ordres de policiers qui jugeaient sa conduite dangereuse. L’un des deux hommes en bleu a tiré et une balle s’est logée dans la tête de Domenico. Qui est décédé. Après enquête, le parquet a estimé que les deux policiers de la zone de la Basse-Meuse ont agi « en état de légitime défense. Une ordonnance de non-lieu a donc été demandée.

Alors ce samedi, Valérie accompagne Nadine Budin, la maman de Domenico, à la manifestation organisée à Bruxelles. Le 15 mars marque en effet la journée internationale contre les violences et répressions policières. « Si on ne bouge pas, ça continuera », tance la seconde sur la pelouse de la place du Luxembourg, point de départ de la manif. « Les policiers tueront à tout bout de champs, ils feront tout ce qu’ils veulent, en se retranchant derrière la légitime défense. Mais j’ai l’impression qu’on ne nous entend pas ».

Nadine Budin, maman de Domenico D’Atria, était à Bruxelles ce 15 mars 2025 pour apporter son témoignage. ©cameriere ennio

Plusieurs collectifs ont battu le rappel. Quelques centaines de personnes y ont répondu. Depuis la place du Luxembourg, les manifestants ont prévu de rejoindre la Colonne du Congrès. Ce lieu d’arrivée n’est pas choisi au hasard : c’est dans les cellules du commissariat de la police fédérale, rue Royale, que sont décédés Ilyes Abeddou (en janvier 2021), Mohamed Amine Berkane (en décembre 2021) et Sourour Abouda (en janvier 2023).

manifestion contre les violences policieres du 15 mars à la place du luxembourg
Soumaya Abouda, la sœur de Sourour Abouda, morte en cellule, a pris la parole. ©cameriere ennio

La sœur de Sourour, Soumaya Abouda, a pris la parole devant les manifestants. « Ma sœur a croisé le chemin de la police en fin de nuit. Ils l’ont accusée d’être hystérique et l’ont placée en cellule. Ma sœur est morte dans cette cellule. Sa mort nous laisse, sa famille et moi, dans une quête de la vérité. Mais le système reste sourd », récite-t-elle. Avant de lister les « violences » auxquelles ont dû faire face ses proches depuis lors : « annonce brutale des faits, occultation des preuves, refus des médecins de réaliser une contre-autopsie, effacement des hommages par la Ville de Bruxelles ». Applaudissements.

On ne tire pas une balle dans la tête pour un refus d’obtempérer!

Nadine Budin non plus ne peut pas oublier son fils Domenico. Et elle aussi fait face à la surdité des autorités. « Bien sûr, il ne devait pas y avoir impunité après son refus d’obtempérer », concède la Liégeoise. « Mais il y a d’autres façons de l’arrêter. Venir chez lui. Ils avaient le numéro de plaque. On ne tire pas une balle dans la tête pour ça ! » Valérie, la marraine de Domenico, pose la question : « comment les policiers sont-ils formés ? Faut-il armer les jeunes policiers ? ». Celui qui a abattu son filleul avait 25 ans.

Interdire les courses-poursuites »

Les manifestants ne sont pas venus qu’avec des slogans ce 15 mars. Ils ont aussi amené des revendications (lire ci-dessous). « Il faut interdire les courses-poursuites », s’ouvre Camille. « Mawda, Adil ou Mehdi ont perdu la vie lors de courses-poursuites entamées pour des raisons minimes, provoquant des chasses à l’homme hyper-dangereuses ». Ensuite, les collectifs souhaitent « des mesures disciplinaires envers les policiers impliqués dans les violences », pose Camille. « Il faut les écarter. Le policier qui a tiré sur Imad, à Seneffe, a continué à exercer, croisant tous les jours la famille de la victime ». Soumaya Abouda plaide pour « une éducation antiraciste ». Elle exige « une transparence totale dans les enquêtes pour violences policières ». Elle remarque aussi que « la police n’est plus un recours quand elle est la menace : il faut donc des services d’urgence chargé de résoudre les situations de crise sans violence ». Plus généralement, les collectifs appellent « à désinvestir dans la police pour réinvestir dans les infrastructures, les soins, le logement. Il faut prendre les problèmes depuis la base », pense Camille, qui souligne encore « les procédures juridiques longues et coûteuses auxquelles font face les familles ».

Je me sens en insécurité

Plusieurs proches des victimes de violences policières avouent sans surprise qu’elles n’ont plus confiance. « Je me sens en insécurité », confie Soumaya Abouda. La sœur de Sourour pointe « la menace des autorités qui sont pourtant censées nous protéger ». Même malaise chez les proches de Domenico. « La police volante, là, avec ses armes dans les endroits publics, ça ne me rassure pas du tout », glisse Nadine Budin. « Maintenant, quand je les vois, j’ai une boule au ventre ».

manifestion contre les violences policieres du 15 mars à la place du luxembourg
Les prénoms des victimes de violences policières, comme Adil ou Sabrina et Ouassim, ont été brandis. ©cameriere ennio

Les revendications des manifestants

  • La fin des courses-poursuites, l’interdiction du plaquage ventral et des fouilles à nu, surtout pour les mineur·e·s.
  • L’automatisation des procédures disciplinaires en cas de décès impliquant des policier·ère·s, afin d’assurer une réponse immédiate et systématique. La mise à l’instruction devrait également être automatique dans ces cas, pour que cette charge ne revienne pas aux familles.
  • Le retrait du Code pénal des infractions d’outrage et de rébellion, qui criminalisent souvent les victimes de violences policières et permettent un renversement de culpabilité via des PV mensongers « en miroir ».
  • La mise en place d’un récépissé obligatoire pour chaque contrôle d’identité effectué par la police, afin de lutter contre le problème endémique du profilage racial.
  • La réduction de la présence policière dans nos rues au profit d’un refinancement des quartiers. Nous devons tendre vers un désarmement des forces de police, notamment par l’interdiction des flashballs et des armes à impulsion électrique (tasers). Contrairement à ce qu’affirment les autorités, ces « armes à létalité réduite » terrorisent et tuent.
  • L’interdiction des dispositifs technologiques de surveillance et de contrôle, notamment la vidéosurveillance algorithmique permettant la détection de comportements, la catégorisation des corps, la reconnaissance faciale, etc. Ce type de surveillance renforce les injustices sociales et raciales et expose encore davantage les groupes marginalisés, tout en enrichissant des entreprises comme BriefCam, qui développe ses logiciels dans les territoires palestiniens occupés.
  • La protection et le renforcement du droit de filmer la police et de diffuser des images d’interventions policières dès lors que ces images participent à un débat d’intérêt général.
  • La fin de la pénalisation du séjour des personnes sans papiers et la mise en place de leur régularisation.

SOURCE

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