Utopies de la libération : Houria Bouteldja à propos du féminisme, de l’antisémitisme, et des politiques de décolonisation
Utopies de la libération : Houria Bouteldja à propos du féminisme, de l’antisémitisme, et des politiques de décolonisation
De Ben Ratskoff
Le 5 avril 2018
En mai 1943, l’écrivaine surréaliste noire et militante Suzanne Césaire a demandé des rations de papier au gouvernement de Vichy, en temps de guerre, administrant la Martinique. Elle avait besoin de ce papier pour imprimer le prochain numéro de Tropiques, un journal consacré à l’intersection du Surréalisme et des politiques anticolonialistes dans les Caraïbes. Le gouvernement a refusé sa demande. Dans une vertigineuse démonstration de double discours, les collaborateurs du régime Nazi ont affirmé que le journal de Césaire était trop raciste et sectaire, dans son engagement assumé pour la négritude, et dans sa révolte littéraire contre la civilisation française. Il est à la fois troublant et éclairant de trouver un discours quasi-identique entourant la publication récente d’Houria Bouteldja, Les blancs, les juifs et nous : vers une politique de l’amour révolutionnaire. A la sortie du livre en France en 2016, un véritable lynchage s’est produit dans les médias. La pensée unique des intellectuels Français, de droite comme de gauche, s’est précipitée pour discipliner cette femme Arabe qui avait osé démystifier le conte de fée que la France se raconte à elle-même. De bien laids qualificatifs lui ont été attribués : Bouteldja était donc une raciste antiraciste ! Une néo-nazie ! Une homophobe ! Pas grand-chose n’a changé depuis la requête de Césaire pour les rations de papier en Martinique.
Martin Luther King, héros tragique
L’unanimisme autour de la célébration de la mort du leader noir revient à l’ensevelir une seconde fois. Lui, qui à la fin de sa vie, dénonçait un système économique injuste et pas seulement un Sud ségrégationniste.
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Pour en finir avec l’injustice épistémique du colonialisme
Résumés
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La fin dramatique et peut-être irréversible de l’hégémonie des principales traditions intellectuelles de l’Occident constitue, pour les théoriciens et les chercheurs en sciences sociales, une chance unique de repenser leurs modes d’enquête. Jusqu’ici, leur attention s’était essentiellement concentrée sur la manière dont des concepts développés dans un petit groupe de sociétés – que nous appelons l’Occident – ont été appliqués dans le Sud, ainsi que sur les nouvelles significations et les inflexions que ces concepts ont acquises à cette occasion. Aujourd’hui, la question la plus urgente consiste à comprendre comment la structure interne de ces concepts a évolué dans les pays du Sud, mais aussi à préciser la façon dont l’avènement de la modernité coloniale les a modifiés. L’exemple de l’Inde est à cet égard emblématique.
La lutte contre le racisme passe par la lutte contre la guerre
La lutte contre le racisme passe par la lutte contre la guerre :
la plate-forme du 24 mars me laisse sur ma faim
Le 24 mars 2018, nous serons sûrement nombreux dans les rues de Bruxelles à manifester contre le racisme. Quatre jours plus tôt, le 20 mars 2018, il y aura exactement quinze ans que les États-Unis lançaient leur seconde guerre contre l’Irak. Une guerre qu’ils n’ont à ce jour pas gagnée. Tout comme ils ont perdu la première guerre contre ce pays, lancée dix-sept ans plus tôt.
Les États-Unis ont perdu la guerre contre la Corée en 1953, ils ont perdu la guerre contre le Vietnam en 1975 ; ils ont perdu la guerre contre l’Afghanistan, dans lequel ils sont toujours empêtrés depuis dix-sept ans.
Mais pour ceux qui lancent toutes ces guerres, l’important n’est pas de gagner. L’important est qu’il y ait des guerres, des guerres ouvertes, des guerres rampantes, des guerres à l’extérieur, des guerres à l’intérieur. Des états de guerre permanente dans les ghettos noirs, où la police peut tirer à vue, où les gangs se mènent des batailles sanglantes.
Baldwin, le Noir et la Palestine
Baldwin, le Noir et la Palestine
Entretien avec Matthieu Renault
Matthieu Renault est Maître de conférences en philosophie à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, membre du Laboratoire d’études et de recherches sur les logiques contemporaines de la philosophie (LLCP). Il est l’auteur de : Frantz Fanon. De l’anticolonialisme à la critique postcoloniale (Éditions Amsterdam, 2011) ; L’Amérique de John Locke : L’expansion coloniale de la philosophie européenne (Paris : Éditions Amsterdam, 2014) ; C .L. R. James : La vie révolutionnaire d’un « Platon noir » (La Découverte, 2016) et de L’Empire de la révolution (Syllepse, 2017).
Selim Nadi : Après t’être intéressé à Frantz Fanon, à l’Amérique de John Locke et, plus récemment, à C.L.R. James, tu publies un ouvrage sur Lénine et les musulmans de Russie, comment en es-tu venu à écrire L’Empire de la révolution (Syllepse, 2017) ?
“L’ascension de Mobutu” : un livre toujours pas digéré par certains milieux nostalgiques ?
Le nouveau livre de Ludo De Witte dévoile une vérité longtemps occultée sur les crimes de la Belgique et des Etats-Unis qui ont permis, après l’assassinat atroce de Patrice Lumumba (premier ministre élu), d’installer la dictature personnelle de Joseph Mobutu. Tabou ? Apparemment, cinquante ans plus tard, certains milieux belges ne digèrent toujours pas la critique du (néo)colonialisme ! De Witte répond ici au récent article de Marie-France Cros dans le quotidien belge La Libre qui tente d’excuser la Belgique.
À lire un extrait de L’Empire de la révolution de M. Renault
Lire l’ Introduction : « Lénine décolonial » de Matthieu Renault à son ouvrage
Chapitre 5 – Traduire la révolution en Orient
De « Patria o muerte » à « Allahou Akbar », le manifeste décolonial d’Houria Bouteldja
De « Patria o muerte » à « Allahou Akbar », le manifeste décolonial d’Houria Bouteldja
Préface de l’édition en espagnol du livre de Houria Bouteldja « Les Blancs, les Juifs et Nous : Vers une politique de l’Amour Révolutionnaire » (Akal, Barcelone, 2017)
« Écoute, Blanc ! », ici tu trouveras les clés de ta propre décolonisation et de ta libération du piège dans lequel t’a pris la civilisation capitaliste, impérialiste, patriarcale, occidentalocentrée, christianocentrée, moderne, coloniale, et l’auteure de ce livre te fait une proposition « amoureuse » indispensable (si tu veux vraiment sortir des guerres et de l’enfer où nous nous trouvons). Bien qu’il s’agisse d’un texte écrit dans le contexte français, il présente des leçons implacables pour les espaces métropolitains impérialistes ou pour les espaces périphériques néocolonialistes où la suprématie blanche s’est matérialisée. Si la modernité occidentale comme projet civilisationnel produit des privilèges pour les Blancs métropolitains –tandis qu’elle génère en même temps des génocides, des épistémicides, des écocides et de la mort pour le reste des vies (humaines et non humaines) sur la planète-, Houria Bouteldja se demande : « (…) qu’offrir aux Blancs en échange de leur déclin et des guerres qu’il annonce ? Une seule réponse : la paix, un seul moyen : l’amour révolutionnaire. Les lignes qui suivent ne sont qu’une énième tentative –sûrement désespérée- de susciter cet espoir ».