Viol : les racines du mal

J’espère mettre en lumière la terreur du banal et du quotidien plutôt qu’exploiter le spectacle choquant. Ce qui me concerne ici est la diffusion de la terreur et de la violence perpétuée dans les rubriques du plaisir, du paternalisme et de la propriété. (Saidiya V. Hartman, Scenes of Subjection: Terror, Slavery and Self-Making in Nineteenth-Century America

Race and American Culture, 1997)

Le viol a été au-devant de l’actualité pendant plusieurs mois, conduisant la France à faire évoluer ses standards en matière de licite et d’illicite. La campagne #MeToo a provoqué une onde de libération de la parole si massive qu’elle a fait craindre à Emmanuel Macron que la France bascule dans une culture de la délation[i]. Une affaire cependant cristallise l’attention. Et certains, forts de ce qu’ils viennent d’apprendre sur la question du viol, cèdent à la tentation de nous éduquer, nous, sujets postcoloniaux, sur ce qu’est ce crime et sur la manière dont il devrait être pris en charge politiquement. Une mise au point s’impose.

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L’Algérie face aux tortionnaires français par Frantz Fanon

Texte de Frantz Fanon publié dans El Moudjahid, N° 10, septembre 1957

La Révolution algérienne, par l’inspiration profondément humaine qui l’anime et son culte passionné de la liberté, procède depuis trois ans à la destruction méthodique d’un certain nombre de mystifications.

Certes, la Révolution algérienne restitue ses droits à l’existence nationale. Certes, elle témoigne de la volonté du peuple. Mais l’intérêt et la valeur de notre Révolution résident dans le message dont elle est porteuse.

Les pratiques authentiquement monstrueuses qui sont apparues depuis le 1er novembre 1954 étonnent surtout par leur généralisation… En réalité, l’attitude des troupes françaises en Algérie se situe dans une structure de domination policière, de racisme systématique, de déshumanisation poursuivie de façon rationnelle. La torture est inhérente à l’ensemble colonialiste.

La Révolution algérienne, en se proposant la libération du territoire national, vise, et la mort de cet ensemble, et l’élaboration d’une société nouvelle. L’indépendance de l’Algérie n’est pas seulement fin du colonialisme mais disparition, dans cette partie du monde, d’un germe de gangrène et d’une source d’épidémie.

La libération du territoire national algérien est une défaite pour le racisme et l’exploitation de l’homme ; elle inaugure le règne inconditionnel de la Justice.

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Macron, le négrophobe assumé

 Olivier Mukuna·mardi 17 avril 2018

 

Beaucoup de choses à analyser et commenter suite à l’entretien, entre le général Macron et le duo Bourdin (BFMTV) – Plenel (Mediapart), qui a eu lieu ce 15 avril à Paris. Tellement de choses, sur chacun des thèmes abordés (1), que cela mériterait différents articles (si les journées n’avaient pas que 24 heures et que ces prods aux accents insolents avaient la moindre chance d’être rémunérées)…

Sur le fond journalistique, reconnaissons que le pari est réussi : ce fût l’entretien présidentiel le plus offensif depuis la naissance du genre sous l’ORTF de Charles de Gaulle. Exploit qui ne rajeunira personne mais délivre un bon point à l’actuel monarque quadragénaire, sélectionneur des 2 intervieweurs sexagénaires, reconnus pour ne pas passer les plats ou cirer les pompes des pouvoirs institués. Profil qui ne court pas les plateaux de radios-télés. Bref, complètement éclipsé le somnifère Pastis-Pernaut diffusé le 12 avril dernier sur TF1 !

Sur le fond sociopolitique, contrairement au duo 100% masculin et blanc comme aux «décryptages» des éditocrates masculins et féminines 100% blancs, plaçons le projecteur là où personne ne l’a mis. Soit sur cet extrait précis du discours d’Emmanuel Macron :

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Stop au PIR bashing ! Soutien à l’antiracisme politique

Publié le 26 juin 2017 par Collectif Une véritable campagne médiatique est actuellement menée contre Houria Bouteldja et le Parti des Indigènes de la République. Elle touche aussi les cadres politiques, militants et intellectuels non Blancs, soupçonnés d’une quelconque implication dans les combats de l’antiracisme politique, la gauche solidaire de ces combats et celles et … Lire la suite

Quelques idées reçues sur la prison

Le temps de la campagne électorale, l’OIP, en partenariat avec les auteurs de bande dessinée de l’Épicerie séquentielle, propose un dessin par semaine pour déconstruire les idées reçues sur la prison. https://oip.org/analyse/quelques-idees-recues-sur-la-prison/ ©Alexe Lolivrel Le coût moyen d’une année de prison pour une personne détenue est estimé à 32 000 euros, tandis que le coût moyen … Lire la suite

« Cette condamnation, aussi légère soit-elle, on l’a arrachée » par Amal Bentounsi

Coupable. Après cinq ans de bataille judiciaire, la Cour d’Assises de Bobigny a condamné, ce 10 mars 2017, le policier Damien Saboundjian à 5 ans de prison avec sursis et 5 ans d’interdiction d’usage d’arme. Le 21 avril 2012, il avait tué Amine Bentounsi d’une balle dans le dos. Nous retranscrivons ici le discours prononcé … Lire la suite

Affaire du burkini : le nouvel étendard d’une pureté nationale

Affaire du burkini : le nouvel étendard d’une pureté nationale Hanane Karimi 30 août 2016 La laïcité, qui est le principe garantissant aux citoyens leur liberté de croyance et de culte, s’est vue dévoyée ; elle est désormais utilisée pour creuser une frontière entre deux catégories de citoyens À Nice, moins d’un mois après l’attentat … Lire la suite

CONTRE LA GUERRE

« Ce serait la guerre, désormais. Auparavant, non ? Et la guerre pour quoi : au nom des droits humains et de la civilisation ? En réalité, la spirale dans laquelle nous entraîne l’Etat pompier pyromane est infernale », peut-on lire dans une tribune « A qui sert leur guerre », parue le 24 novembre dernier.

Christine Delphy  souligne que le combat contre l’état d’urgence et le combat contre la guerre ne sont qu’un seul et même combat…

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L’état d’urgence a été déclaré parce que la France est en guerre depuis le 13 novembre – a dit le 13 novembre à 23h 45 le président de la République française, François Hollande.

Or la France n’est pas plus en guerre qu’elle l’était la veille, ou un an avant. Elle bombarde l’Irak depuis 2014, et la Syrie depuis septembre 2015.

Depuis le 13 novembre, l’idée de guerre est utilisée comme un moyen de provoquer un état de panique générale – de panique calme, mais paniquée quand même.

Le pays a été sidéré par les tueries ; il ne se savait pas menacé ; il ne savait même pas que la France bombardait l’Irak et la Syrie. Il a donc été facile pour le pouvoir de lui faire prendre des vessies pour des lanternes et de prétendre que la France allait, à cause de ces tueries, commencer à bombarder Daech en représailles : parce que Daech nous avait attaqués.

Mais aussi horrible soit Daech, ce n’est pas Daech qui attaqué le premier la France. Or Hollande déclare : « Puisque nous sommes en guerre, et surtout que nous y sommes parce que nous avons été attaqués de façon « lâche » et « barbare », et en plus, « chez nous », nous allons « rétorquer » ». Tous les qualificatifs utilisés à propos des tueries et de la guerre qui s’ensuit, montrent un double standard – un 2 poids 2 mesures. Bien sûr les tueries étaient horribles. Il est difficile de trouver des tueries qui ne le soient pas.

Mais apparemment, si. Celles auxquelles procède l’aviation française, ne seraient pas des tueries, mais des« dommages collatéraux ». L’opinion avale qu’il s’agit de deux phénomènes bien différents.

Car nous sommes encore imprégnés d’une façon de penser coloniale : de l’idée que nous avons le droit et le devoir de rendre la justice partout dans le monde. Et c’est sur ce deux poids-deux mesure structurel, sur cette façon de penser que le gouvernement a tablé.

Et aussi sur le fait que, depuis le Vietnam, il n’y a plus ni photos, ni récits, des tueries provoquées par nos bombardements. Pas d’individus sous les bombes. Pas de preuves des meurtres. Pas même de chiffres.

En revanche les conséquences des attaques du 13 novembre « chez nous » ont été documentées du mieux qu’on pouvait ; les récits des rescapés, des SAMU, des pompiers, des policiers ont été sollicités, enregistrés, retransmis en boucle sur toutes les chaînes télévisées, imprimés dans tous les journaux ; puis, quand tous les récits, tous les témoignages furent épuisés, ce sont les photos des morts, puis leur biographie, qui ont été publiées. Deux mois après l’événement, ont commencé les commémorations.

Tout un pays a été occupé, fasciné, hypnotisé, par le récit de cette violence, récit auquel s’ajoutaient sans trêve de nouveaux détails qui tiraient les larmes des yeux. Le sentiment est devenu irrépressible que nous devions quelque chose à ces morts, ces pauvres morts que nous n’avions pas pu sauver. Comme ceux qui avaient été témoins de leur mort et qui se demandaient tout haut, pourquoi ils étaient, eux, encore en vie, nous éprouvions la culpabilité des survivants. L’esprit de vengeance, qui n’a pas besoin d’être sollicité pour apparaître, a surgi. Et avec lui, en dépit des objurgations à « pas d’amalgame », a ressurgi l’esprit de « si ce n’est toi, c’est donc ton frère », exacerbant un racisme post-colonial déjà très prospère.

Le gouvernement a organisé tout cela très vite : de « on nous a déclaré la guerre », à « l’état d’urgence », il s’est écoulé à peine quelques minutes. Du décret de l’état d’urgence au vote de sa prolongation par un Parlement quasi-unanime, à peine quelques jours.

Et pendant que le gouvernement allait à toute vitesse, nous allions, nous, très lentement. Désemparés, sonnés, nous étions devenus une population aux pieds de plomb. Nous n’avons pas protesté contre la prolongation de l’état d’urgence : est-ce que contester sa nécessité, cela n’aurait pas démontré un manque de compassion, une froideur inacceptables dans ce moment de deuil ?

La célérité du pouvoir à appliquer des changements dont on se demande comment ils ont pu être pensés si vite, contraste avec la lenteur de la population à « réaliser » : réaliser les attaques, réaliser les morts, réaliser l’état d’urgence, réaliser l’interdiction de se réunir. Toutes ces « réalisations » sont venues lentement, difficilement, et quand nous avons réalisé ce qu’on nous faisait, il était trop tard pour manifester.

Une frappe aérienne contre Daech en Syrie a été annoncée le dimanche 15 novembre. Une autre le lendemain et une autre le surlendemain. Puis, plus rien. L’aviation a-t-elle cessé ses frappes ? On n’en sait rien et personne ne proteste contre cette absence de nouvelles.

Au départ, le 13 novembre, Hollande a annoncé les attentats comme des attaques terroristes de Daech : « Nous sommes attaqués » a été le premier mensonge, le mensonge fondateur de toute cette période : les victimes sont innocentes, nous sommes innocents, le pays est innocent, le gouvernement est innocent.

Qui dira le contraire ? Le Dimanche 15, trois personnes parmi les intervenants à la télévision, l’ont fait : Fillon, Bayrou et Villepin. Ils mentionnent, comme allant de soi, que les attaques terroristes sont une réponse aux bombardements français sur l’Irak et la Syrie. Car, oui, c’est la France qui a commencé. Depuis le 27 septembre très exactement en Syrie, depuis l’automne 2014 en Irak. La France bombarde, en tant que membre d’une coalition comprenant les USA, l’Arabie Saoudite, le Qatar et quelques autres états du Golfe.

Or personne du gouvernement, ni le chef de l’Etat ni le premier ministre, ni aucun socialiste ne l’a dit ou laissé entendre.

Certes on ne peut pas effacer complètement les mots que l’un des témoins de l’attaque du Bataclan a entendu prononcer par un assaillant : « Nous sommes ici pour venger les gens que vous tuez en Syrie ». Mais ce propos ne donne lieu à aucun commentaire, ni d’un politique, ni d’un journaliste. Un propos de barbare n’est pas une parole, c’est un son inarticulé, un grognement de bête, un bruit.

La presse a bien mentionné le début des bombardements de Daech par la France en septembre – mais comme un fait divers. Cela n’a pas retenu l’attention. À cause de la façon discrète de présenter ces bombardements mais aussi parce qu’on s’est habitués à ce que la France fasse régner l’ordre dans son ex-empire colonial. Et la France bombarde, et commet des « homicides ciblés » dans tout le Sahel, depuis janvier 2013 sans que personne ne batte une paupière.

Pour quoi ? Dans quel but ? Avec quelles justifications ? Là est la question, non seulement en ce qui concerne la « vengeance » du Bataclan, mais toutes les autres « opex » – opérations extérieures menées depuis janvier 2013. Serval 1 puis Serval 2 au Mali, transformé en « Barkhane » – pour faire croire qu’il ne s’agit pas de la même chose, et cacher que, selon un militaire, « on est là pour longtemps » ; Sangaris en Centrafrique – une opération « humanitaire » censée éviter les massacres inter-religieux qui n’évite rien du tout ; Chammam à Djibouti, dont personne n’a entendu parler ; l’entrée dans la coalition anti-Daech en 2014, dont personne n’a entendu parler non plus, car il faut préserver le mensonge que la France agit seule, comme une grande.

D’après le journaliste du Monde, David Revault d’Allonnes, personne – y compris dans son gouvernement – ne comprend pourquoi Hollande est devenu un foudre de guerre. Quelques éléments éclairent cette transformation :

Deux résultats positifs émergent de ces guerres : pour la première fois, l’invendable avion Rafale, qui reste sur les rayons depuis plus d’une décennie, a été vendu. Le ministre de la guerre, Le Drian, en a fourgué 25 à l’Egypte, puis 25 au Qatar, deux états démocratiques. L’autre résultat, c’est que à chaque fois, la cote de François Hollande remonte – (puis retombe presque aussitôt).

Un autre mobile pro-guerre apparaît selon ce même journaliste : Hollande apprécie le fait que quand il appuie sur un bouton, les paras sautent sur la cible dans les 6 heures – ce qui a fait de la « prise » de Tombouctou en 2013 le « plus beau jour de sa vie politique ». Tandis que quand il enjoint aux autres ministres « d’inverser la courbe du chômage », ça ne marche pas si vite, et même, ça ne marche pas du tout.

Enfin, un quatrième mobile apparaît, incroyable tant il semble enfantin ou mégalomane. Pour Hollande, la posture louis-quatorzième de garder le « rang » de la France, celui d’« une puissance mondiale », joue autant que la volonté de garder l’uranium d’Afrique pour Areva. Or, commente Hubert Védrine, « nous sommes un pays chimérique, qui est de plus en plus ridicule à se prétendre universaliste alors que nous n’en avons pas les moyens ». Combien de morts faudra-t-il compter avant d’abandonner cette chimère ?

Beaucoup d’autres résultats sont à porter au débit de cette guerre. Le premier évidemment, ce sont les attaques « terroristes » sur le sol français. Mais « on ne s’y attendait pas » (le gouvernement, si). Car tous les pays du monde doivent accepter les incursions des puissances occidentales qui s’arrogent le droit de changer les gouvernements des autres, de bombarder leurs populations, de les laisser en ruines et en guerres civiles tout en maintenant que leur propre sol, leurs propres populations sont des sanctuaires ; qu’il est inconcevable que les « autres » osent les attaquer.

Et pourtant cela arrive.

Les attentats de novembre sont la conséquence des bombardements sur la Syrie. Ce qui était le 15 novembre une évidence pour Fillon, Bayrou et Villepin, bien qu’ils se soient tus depuis lors, tout a été fait pour le nier. Jusqu’à l’absurde ; ainsi cette phrase : « Les attentats ne sont pas à cause de ce que nous faisons, mais à cause de ce que nous sommes ». Ce qui nous a valu une définition de « ce que nous sommes ». La francité c’est, depuis novembre, de « boire des bières en terrasse ». Boire des bières en terrasse n’est plus une action, un comportement, un loisir, une dépense : c’est une essence.

Enfin, nous tenons ce que nous cherchons depuis des années : l’identité nationale.

Pour pouvoir continuer la guerre, il faut prétendre que c’est une nouvelle guerre, pas une guerre qui dure depuis plus d’un an dans sa partie syrienne, et qui a commencé depuis bien plus longtemps dans le Moyen-Orient.

Une guerre plus grave, donc nouvelle. Qui change tout. Qui permet de tout changer. De justifier l’état d’urgence, et la démolition programmée de l’Etat de droit. Tandis que l’état d’urgence devient à son tour une preuve de l’urgence et de la nécessité de la guerre.

Guerre et état d’urgence sont les deux composantes indissociables de l’état dans lequel l’Etat nous a mis.

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