Pourquoi les penseurs décoloniaux sont-ils accusés d’antisémitisme ?
Parce que nous avons dissocié l’antisémitisme de la colonialité de la race – ce dont les défenseurs d’Israël se réjouissent en coulisses.
Publié le 9 février 2021 sur vashtimedia.com
Traduction par Sylvie Tout Court
Dans Peau noire, masques blancs (1952), Frantz Fanon – figure majeure du combat anticolonial, psychiatre et philosophe – écrivait au sujet de la condition noire sous régime colonial : « Car le Noir n’a plus à être noir, mais à l’être en face du Blanc. Certains se mettront en tête de nous rappeler que la situation est à double sens. Nous répondons que c’est faux. Le Noir n’a pas de résistance ontologique aux yeux du Blanc ».
Cette description me renvoie à mon ressenti en tant que Juive établie dans le Nord global, dans ce monde qui a vu passer l’Holocauste et la Nakba. Ce n’est pas que les Juifs (et en particulier les Juifs blancs, occidentaux), comme les Africains colonisés, se voient dénier la permission de se définir eux-mêmes de façon indépendante. C’est plutôt que, tout comme le Blanc a besoin du Noir pour se définir, le Juif doit être défini aux yeux des autres.
Impérialisme et lutte de classes dans le monde arabe
Traduit depuis l’anglais, avec l’aimable autorisation de Monthly Review. Vous pouvez retrouver la version originale ici.
À propos de : Ali Kadri, Arab Development Denied (Londres : Anthem, 2014).
Dans le monde arabe sans doute plus que partout ailleurs, la violence fait disparaître l’horizon. Les guerres impérialistes ont démoli l’État libyen et réduit la Syrie à l’état de charnier. Le Yémen, le pays le plus pauvre de la région, a servi de stand de tir aux drones étatsuniens avant que l’Arabie Saoudite, le satrape régional en chef des États-Unis, ne l’attaque, le faisant ainsi sombrer dans la famine. L’Irak frémit sous les voitures piégées de l’État islamique après des décennies de guerres et de sanctions. Quant à la Palestine, elle continue de saigner et de résister sous le poids du colonialisme israélien.
Pourquoi la race compte encore : entretien avec Alana Lentin
Dans cet entretien avec le « QG Décolonial », Alana Lentin revient sur les idées phares de son dernier livre Why Race Still Matters (Polity, 2020), soulignant ainsi les enjeux politiques posés par les débats théoriques sur la question raciale. Évoquant notamment les limites du concept de « privilège blanc » et les enjeux liés à l’idée selon laquelle la race est une construction sociale, Lentin propose une lecture rigoureuse et plus complexe de la réalité raciale.
Un intellectuel indigène est-il toujours un Indigène ?
« Je me ris des gens soi-disant ʺpratiquesʺ et de leur sagesse. […] Je me serais vraiment considéré comme ʺnon–pratiqueʺ si j’avais crevé sans avoir achevé mon livre. »
Lettre de Karl Marx adressée à Siegfried Meyer, le 30 avril 1867
« Ce ne sont que des intellos ! ». Voilà l’étrange anathème qui nous frappe. Étrange, car il sous-tend que l’ambition de réfléchir, penser, écrire et même – suprême arrogance – théoriser notre condition raciale nous disqualifie comme Indigènes.
Commission d’ enquête Parlementaire pour Mawda
Le rendu du jugement pour ce qui concerne le volet relatif à « l’incident de tir » aura lieu le vendredi 12 février prochain à Mons. Le procès des politiques gouvernementales qui ont rendu possible ce meurtre d’Etat (Mawda a été tuée dans le cadre d’une opération #Medusa) a été solidement verrouillé tant du point de vue de la recherche des infractions et des poursuites (rôle du parquet de Mons) que du point de vue de l’instruction qui en a découlé.
En l’absence d’un procès d’Assises ainsi que par les tentatives d’inculpation de faux coupables poursuivis comme co-auteurs du meurtre (les kurdes irakiens) et l’inculpation d’un acteur policier en bout de chaîne, c’est toute la machine policière, judicaire et politique de traque aux migrants qui se trouve sans comptes à rendre, c’est-à-dire déresponsabilisée.
Nous avons de fortes craintes qu’à l’issue du 12 février prochain, médiatiquement et du point de vue des déclarations politiques, on ne referme la boîte noire des opérations Medusa.
Nous plaidons avec insistance pour l’établissement d’une commission d’enquête parlementaire pour que soit déplié toute cette chaine de commandements et de responsabilités, acteurs par acteurs, qui remonte depuis le policier qui a tué Mawda, jusqu’aux ministres de l’intérieur qui ont mis en place, entretenu et renforcé ce cadre opérationnel, en passant par les acteurs judicaires et policiers qui ont tenté de camoufler le meurtre en « accident ».
C’est pourquoi nous publions dans l’#urgence un premier extrait d’un entretien de recherche plus long qui a eu lieu au lendemain des audiences des 23 et 24 novembre 2020 avec le journaliste Michel #Bouffioux.
L’important travail d’investigation réalisé par le journaliste Michel Bouffioux pour Paris Match constitue pour le Comité des données cruciales qui lui permettent d’articuler son activisme sur une solide dynamique d’enquête. C’est donc en tout logique avec lui qui nous avons tenté d’apporter des premiers éléments de réflexion pour la mise en place de cette commission.
Incrimination de l’activisme politique musulman en Europe ( vidéo )
L’islamophobie est en hausse en Europe. La violence islamophobe ne vise pas que les musulmans, mais aussi l’activisme politique musulman, qui fait de plus en plus l’objet de restrictions et de harcèlement en Europe.
Alors que les restrictions imposées aux musulmans sont déjà pléthoriques, plusieurs questions se posent :
Sur le roman palestinien
A propos de Bashir Abu-Manneh, The Palestinian Novel. From 1948 to the Present, Cambridge University Press, Cambridge, 2016.
« Consciemment ou inconsciemment, j’ai considéré le moi et le milieu où il évolue comme deux éléments interchangeables, l’un étant le reflet de l’autre, voire sa matérialisation symbolique. C’est que le temps a effectué son lent travail de sape : ce milieu où j’ai vécu, je ne veux pas le perdre complètement, et, pour ce faire, je tente de l’emprisonner dans le filet des mots. »
Jabra Ibrahim Jabra, Le Premier Puits.
C’est par la destruction de la maison de l’écrivain palestinien Jabra Ibrahim Jabra que Bashir Abu-Manneh débute son exploration de la littérature palestinienne post-1948. En 2010, dans le quartier Mansour de Bagdad, la maison où a vécu Jabra jusqu’à sa mort, en 1994, a été soufflée par une explosion. Comme l’écrit Abu-Manneh, la famille de Jabra avait pris soin de conserver cette maison dans l’espoir que son contenu soit, un jour, rendu accessible au public. Avec cette destruction, ce sont des centaines de lettres d’écrivains et artistes majeurs du monde arabe, des peintures d’artistes irakiens tels Jewad Salim ou encore Shâker Hasan, des milliers de livres et de manuscrits ainsi que des travaux de Jabra non publiés, tout comme des enregistrements de ses cours et conférences, qui ont été perdus. Bashir Abu-Manneh va même jusqu’à parler de la perte du répertoire culturel d’une seconde renaissance arabe.
Splendeurs et misères de l’autonomie indigène. 2005-2020
Splendeurs et misères de l’autonomie indigène. 2005-2020 : Le PIR, ou l’histoire courte d’une réussite politique et de sa conjuration
« La mariée ne peut espérer des compliments que de sa mère ou à la rigueur de sa propre bouche » – Proverbe algérien.
Ce bilan pourra être considéré soit comme une contribution critique au débat sur les progrès et les échecs du mouvement décolonial en France soit comme une fable. Il sera fable si les forces politiques à prétention révolutionnaire s’obstinent à nier l’existence d’une résistance blanche active en leur sein et à refuser de trancher ce nœud gordien de la race qui empêche toute alliance stratégique entre les classes populaires blanches et non blanches et qui perpétue la domination impérialiste. Si cet objectif n’était pas atteint, nous espérons qu’il aura au moins valeur de pièce à conviction devant le tribunal de la petite histoire de l’immigration post-coloniale.
Ce bilan n’engage que ses auteurs.
A propos de Miss Provence et de l’antisémitisme (le vrai)
L’anti-tatarisme des Palestiniens (et des banlieues) n’existe pas
A propos de Miss Provence et de l’antisémitisme (le vrai)
Par Houria Bouteldja
Imaginons :
La Palestine n’a pas été colonisée par des populations se réclamant du judaïsme mais par des Tatars qui se réclament (pourquoi pas ?) du tatarisme.
Ce n’est pas Herzl qui écrit « l’Etat des Juifs » en 1896 mais un Tatar.
Les participants au premier congrès sioniste à Bâle qui a lieu en 1897 ne sont pas des Juifs mais des Tatars
La déclaration Balfour écrite par le Ministre des affaires étrangères anglais, le 2 novembre 1917, n’est pas adressée à Lionel Walter Rothschild en tant que principal financier du mouvement sioniste mais à un Tatar.
Les premiers colons, plus connus sous le nom des « amants de sions » (1880), ne sont pas Juifs mais Tatars.
Les premiers mouvements de colonisation de masse après 1905 ? Des Tatars !
Enfin, la dernière grande vague de colons qui déferle après le génocide nazi (après avoir été interdite d’entrée aux Etats-Unis) n’est pas juive mais tatare.
Bref, si le sionisme avait en théorie et en pratique, été, porté et réalisé par des Tatars, les Palestiniens auraient probablement développé une forme d’anti tatarisme que feu Maxime Rodinson aurait appelé un « racisme de guerre » ou Albert Memmi un « racisme édenté» (« édenté » ne signifiant pas « inoffensif » car ce « racisme » peut blesser ou même tuer mais pas avec les moyens et la logistique fournis par un Etat). « Racisme » que les Français, oublieux, connaissent bien, eux qui avaient affublé l’ennemi allemand des injures aussi sympathiques que « Boches », « Chleuhs », « Frisés »…