Introduction de bell hooks à son livre : apprendre à transgresser

Avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse

Les semaines qui précédèrent la décision du département d’anglais de l’université d’Oberlin de m’accorder ou non un poste permanent, j’étais hantée par des rêves où je fuyais, où je disparaissais et même où je mourais. Ces rêves n’étaient pas une réponse à la peur de ne pas être titularisée, mais au contraire à celle de l’être 1. J’avais peur d’être enfermée dans le monde universitaire pour toujours.

Ainsi, au lieu d’être folle de joie d’être titularisée, je tombai dans une dépression profonde et mortifère. J’aurais dû, selon mon entourage, être soulagée, ravie, fière, et je me sentais « coupable2 » de ce que je ressentais « vraiment », et de ne pouvoir le partager avec personne. Mon parcours de conférences m’emmena sous le soleil de Californie, dans le monde New Age de la maison de ma sœur à Laguna Beach, où je pus me reposer un mois. Lorsque j’évoquais mon ressenti à ma sœur (elle est thérapeute), elle m’assura qu’il était entièrement justifié puisque, me dit-elle : « Tu n’as jamais voulu enseigner. Depuis que tu es toute petite, tu as toujours voulu écrire. » Elle avait raison. Tout le monde avait toujours pensé que je deviendrais enseignante. Dans le Sud ségrégué des États-Unis, les jeunes filles noires des milieux ouvriers avaient trois choix de carrière. Nous pouvions nous marier. Nous pouvions travailler comme domestiques. Nous pouvions devenir institutrices. Et puisque, selon le sexisme de l’époque, les hommes ne désiraient pas vraiment les femmes « intelligentes », il était entendu que d’éventuels signes d’intelligence scellaient un destin. Dès l’école élémentaire, j’étais vouée à devenir institutrice.

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Racisme et culture : les caricatures antisémites du carnaval d’Alost

Un éventuel retrait de l’accréditation UNESCO du carnaval d’Alost sera examiné par le Comité du patrimoine immatériel qui se réunit du 3 au 14 décembre en Colombie. Il reviendra aux 24 membres du Comité intergouvernemental, organe souverain en la matière, d’examiner le cas du carnaval d’Alost dans le contexte du suivi des éléments inscrits, ce qui inclut la possibilité de retirer des éléments des listes de la Convention. Dans sa réponse à la lettre rédigée par les Bruxelles Panthères, le sous-directeur général pour la culture de l’UNESCO, Ernesto Ottone R., rappelle que tant le Carnaval d’Alost que la Ducasse de Ath doivent se conformer aux principes fondamentaux de la Convention de 2003 et en particulier à son article 2, selon lequel « seul sera pris en considération le patrimoine culturel immatériel conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’à l’exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus ». C’est d’ailleurs au nom de cette exigence qu’en mars 2019 les États membres réunis lors du Bureau du Comité du patrimoine immatériel ont condamné « toutes les formes de racisme, d’antisémitisme, d’islamophobie et de xénophobie » et ont inscrit l’examen du « carnaval d’Alost » à l’ordre du jour provisoire de la quatorzième session du Comité du patrimoine immatériel. Donc ce que dit le sous-directeur général pour la culture, au nom de la Directrice-générale de l’UNESCO, c’est qu’en mars 2019 se sont les signalements des caricatures antisémites du carnaval d’Alost qui ont contraint les Etats membres à affirmer une condamnation forte de toutes les formes de racisme. Difficile de dire plus clairement que la Belgique est clairement dans le viseur de l’UNESCO. C’est ce qui explique que le bourgmestre d’Alost ainsi que l’ambassadeur belge auprès de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture ont été convoqué pour s’expliquer.

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Il n’est plus seulement question de résistance, il est question d’offensive !

Intervention de Nacira Guénif au Rassemblement fraternel contre l’islamophobie du samedi 19 octobre 2019, place de la République, Paris.

Bonjour,

Je vais essayer de parler fort pour faire entendre toutes les voix qui nous animent aujourd’hui. Je m’appelle Nacira Guénif, je suis la fille d’une femme qui a porté, à la fin de sa vie, un voile, et qui un jour a été insultée dans la rue de la ville où nous habitions. C’est aussi sa voix aujourd’hui que je veux porter, même si je ne suis pas voilée. Du fond de sa dignité, elle n’a pas compris ce qui lui arrivait, mais elle a reconnu le visage du colonisateur, qui l’avait fait mettre sous le Code de l’indigénat, et qui avait cherché à l’humilier toute sa vie. C’est donc aussi au nom de ma mère, qui a été comme cette femme, comme Fatima, comme tant d’autres, humiliée, menacée dans son intégrité, tout au long de sa vie, parce qu’elle était née indigène, en Algérie, parce qu’elle vivait en France chez l’ancien colonisateur, et parce qu’elle était fière de porter les signes de la religion qui l’avait portée tout au long de sa vie…

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De l’innocence blanche et de l’ensauvagement indigène : ne pas réveiller le monstre qui sommeille

Ce texte est une version améliorée d’une intervention faite d’abord à la New School for social Research, New-York, le 11 mars 2019, puis à Brown University, Providence, le 12 mars 2019, à Rutgers University, Brunswick, le 14 mars 2019 et enfin à l’Université de Naples, le 17 mai 2019.

« Il n’y a aucun doute qu’Abu-Jamal est coupable ».

Seth Williams, procureur de Philadelphie

Merci à La New-School de cette invitation qui m’honore. Merci à Ann Stoler et à Gil Anidjar. Merci à vous tous d’être là pour m’écouter.

D’abord comme nous allons aborder ensemble un débat sur la notion d’innocence et que ce débat a lieu à New-York, aux États-Unis, au cœur de l’empire, je ne peux pas ne pas me présenter pour ce que je suis : certes une militante décoloniale, certes, une militante politique, mais surtout une « citoyenne », habitante d’un pays du Nord, la France, qui fonde sa puissance sur son passé/présent colonial. À ce titre, le terme « citoyenne » me paraît être un cache-sexe pour brouiller la réalité de ce que je suis réellement car ces rapports de pouvoir asymétriques dont je profite objectivement ne sont rien d’autre qu’un crime déguisé. Dès lors, je ne peux que me présenter à vous pour ce que je suis réellement : une criminelle. Il ne s’agit pas pour moi de battre ma coulpe, ce qui serait déjà une échappatoire, mais simplement de ne pas être tentée par une forme ou une autre de blanchiment qui à mes yeux est une entrave à l’action politique.

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La stratégie décoloniale et ses ennemis

Des formules telles que « pensée décoloniale » ou « antiracisme politique » sont d’un usage relativement récent dans l’espace public français, puisqu’elles sont aujourd’hui âgées d’environ une décennie. Toutefois, ce à quoi elles font référence, l’attitude politique et intellectuelle qu’elles désignent, sont beaucoup plus anciennes. Je ne crois pas que l’ancienneté, ni même l’ancestralité, suffisent à légitimer une politique. Il ne suffit pas de revendiquer une appartenance ou des références âgées de plusieurs siècles pour dire la vérité. Mais bien pire est le manque d’accès au passé, la privation d’histoire, car elle interdit toute possibilité d’atteindre cette vérité. Certains sociologues et théoriciens politiques ont pris l’habitude, à partir des « années 68 », de désigner un ensemble de revendications politiques par la formule « nouveaux mouvements sociaux ». Je crois que, pour l’antiracisme politique et le mouvement décolonial, cette formule est non seulement fautive mais désastreuse. En suggérant que le mouvement contre le racisme et pour les droits civiques serait quelque chose de « nouveau », elle coupe les activistes contemporains de l’épaisseur de leur histoire et les empêche du même coup de considérer leur adversaire, la suprématie blanche, dans toute sa portée, son épaisseur et son étendue. Les résistances africaines à la traite négrière, la révolution haïtienne, les batailles contre les conquêtes coloniales du XIXe siècle ne sont que quelques exemples de réponses politiques conséquentes à la déshumanisation recherchée et produite par la suprématie blanche. « Décolonial » n’est qu’un mot, qui désigne un faisceau de réponses politiques à la violence génocidaire et au capitalisme racial qui sont aussi anciennes que la conquête du nouveau monde et l’invention de l’État moderne. Autant dire que l’antiracisme politique n’a strictement rien d’un « nouveau mouvement social », puisqu’il est en réalité aussi vieux, sinon plus vieux, que le mouvement ouvrier lui-même !

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Bruxelles Panthères était présent pour la première « grande sortie des diables » à Deux Acren

En septembre 2018, le programme du carnaval des rues Culant, Duval et Bonne Nuit à Deux Acren incluait « une grande sortie des nègres » le samedi soir. À la suite d’un message envoyé par Nordine Saidi, militant antiraciste et membre-fondateur de Bruxelles Panthères au Bourgmestre socialiste de Lessines, Monsieur Pascal DE HANDSCHUTTER, message considéré comme menaçant par son récepteur, les organisateurs ont décidé d’annuler leur parade.
Nous nous sommes réjouis de cette décision qui ne constitua rien moins qu’un moratoire à une pratique négrophobe récurrente en Belgique.

Pour rappel, ce message et cette annulation furent suivis d’une plainte déposée contre les expéditeurs du message. Nordine Saidi a été convoqué et interrogé par la police. La plainte déposée contre lui et Bruxelles Panthères est du chef de « menace terroriste ». Elle est toujours pendante.

Il y a quelques semaines, la publication du programme de l’édition 2019 de la Ducasse des Culants nous a positivement surpris par son contenu. La « grande sortie des nègres » ne s’y trouve plus. Elle s’appellera désormais « grande sortie des diables ».

Bruxelles Panthères était présent pour la première « grande sortie des diables » à Deux Acren ce samedi 14 septembre 2019.

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Unesco Stop Blackface support

Cette lettre dénonce l’usage endémique du blackface, en Belgique et dans d’autres pays européens. Le blackface est cette pratique consistant à se noircir le visage et le corps pour «jouer un personnage».

This letter denounces the endemic use of blackface, in Belgium and other European countries. Blackface is the practice of blackening the face and body to « play a character ».

Co-signers

BAN – Brigade Anti Négrophobie, France
Fondation Frantz Fanon , France
Bruxelles Panthères, Belgique
Collectif féministe Kahina, Belgique
Comité Free Ali, Belgique
DIN – Decolonial International Network
ESG asbl, Belgique
Nouvelle Voie Anticoloniale, Belgique
Parti des Indigènes de la République, France
Présence Noire, Belgique
Stop Blackface, Kick Out Zwarte Piet and New urban collective, Pays-Bas
Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network
The Institute for African studies, Slovenia
Union Juive Française pour La Paix, France

Signez cette pétition

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Les Gilets Noirs cherchent le Premier Ministre !

URGENT / CAGNOTTE anti-répression gilets noirs

On a besoin d’argent d’ici ce soir pour assurer la défense des camarades arrêtés et enfermés arbitrairement au centre de rétention de Vincennes suite à la répression raciste au Panthéon.

A faire tourner au MAXIMUM

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Les Gilets Noirs cherchent le Premier Ministre !
Né en Novembre 2018, le mouvement des Gilets Noirs lutte contre le racisme et pour des papiers pour toutes et tous. Il regroupe aujourd’hui 50 foyers d’Ile-de-France et des locataires de la rue, en lutte pour leur dignité.

Vendredi 12 juillet, 700 Gilets Noirs ont occupé le Panthéon pour revendiquer leurs droits, le droit à la dignité, le droit à avoir des papiers pour ne plus être chassé.e.s quotidiennement par les flics.

Cette action s’inscrit dans la campagne victorieuse des Gilets Noirs « Gilets noirs cherchent premier ministre » lancée le 19 mai 2019 par l’occupation du terminal 2F de l’Aéroport de Roissy-Charles de Gaulle et l’occupation de la tour Elior à la Défense le 12 juin 2019. Ces deux premiers coups portés au système raciste d’exploitation des sans-papiers ont montré que les gilets noirs n’avaient plus peur.

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Appel de soutien : Stop au Blackface, by any means necessary.

Nous tenons à exprimer nos profonds remerciements à tous les signataires de l’appel « Stop au Blackface, by any means necessary » en soutien à Nordine Saidi et Bruxelles Panthères.

Nous nous réjouissons que cet appel soit soutenu dans plusieurs pays dont la France, les Pays-Bas, le Canada (Québec), les Etats Unis, le Mexique… en en attendant d’autres.

La diversité des premiers signataires qui ont accepté de parrainer ce texte témoigne non seulement du fait qu’il correspond à une initiative attendue par beaucoup mais aussi que la pensé décoloniale ne cesse de progresser au sein de la société et notamment parmi les universitaires et les artistes.

Nous nous félicitons de ce large soutien  international et appelons à aller encore plus loin.

Nous sommes convaincus que nous pourrons en finir avec le folklore raciste du « Blackface » si nous nous mettons au travail pour construire des convergences au niveau européen et mondial.

Ces convergences doivent se faire sur la base des idées décoloniales et en s’appuyant sur les luttes et expériences sociales des Noirs, Arabes, Rroms, Musulmans.

Nous invitons chacun.e des signataires à multiplier les initiatives en ce sens. Nous proposerons, pour notre part, une série d’actions dans les jours à venir.

Nous vous invitons à diffuser cet appel, à le faire circuler dans vos réseaux.

Merci à vous toutes et tous. Salam wa 3aleykoum.

 

We would like to express our sincere thanks to all the signatories of the call « Stop Blackface, by any means necessary » in support of Nordine Saïdi and Bruxelles Panthères.

We are delighted that this call is backed in so diverse countries including France, the Netherlands, Canada (Quebec), the United States, Mexico … and many more.

The first signatories’ panel who agreed to sponsor this text testifies not only to the fact that such an initiative was envisioned by many but also that the decolonial thought keep gaining ground into society, especially among academics and artists.

We welcome this broad international support and call for further action and progress.

We are convinced that we will eventually put an end to the racist folklore of the « Blackface », in Belgium and everywhere else, if we get to work to build convergences at European and global level.

These convergences should be built on decolonial ideas as well as on the struggle’s history and social experiences of Blacks, Arabs, Rroms and Muslims people.

We invite each of the signatories to multiply the initiatives toward this this goal. On our side, you may expect new initiatives in the coming days.

We invite you to spread this call and to make it available in as much networks as possible.

Again, sisters and brothers, thank you all for your support. Salam wa 3aleykoum.

Bruxelles Panthères

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