Cette lettre dénonce l’usage endémique du blackface, en Belgique et dans d’autres pays européens. Le blackface est cette pratique consistant à se noircir le visage et le corps pour «jouer un personnage».
This letter denounces the endemic use of blackface, in Belgium and other European countries. Blackface is the practice of blackening the face and body to « play a character ».
Co-signers
BAN – Brigade Anti Négrophobie, France
Fondation Frantz Fanon , France
Bruxelles Panthères, Belgique
Collectif féministe Kahina, Belgique
Comité Free Ali, Belgique
DIN – Decolonial International Network
ESG asbl, Belgique
Nouvelle Voie Anticoloniale, Belgique
Parti des Indigènes de la République, France
Présence Noire, Belgique
Stop Blackface, Kick Out Zwarte Piet and New urban collective, Pays-Bas
Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network
The Institute for African studies, Slovenia
Union Juive Française pour La Paix, France
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Madame la Directrice Générale de l’UNESCO,
En mars 2013, votre prédécessrice, Madame Irina Bokova, avait réagi à la présence d’un char représentant des nazis au Carnaval d’Alost.
Nous avons apprécié cette prompte dénonciation de la représentation à caractère antisémite à sa juste valeur, d’autant qu’elle a eu lieu à Alost, dont des monuments et le carnaval sont inscrits au patrimoine de l’humanité de l’UNESCO. En se prononçant sur cet incident, votre institution avait signalé au monde que la banalisation du racisme, quelle que soit sa forme, ne peut être tolérée par l’UNESCO, agence créée pour encourager la tolérance et la paix. [1]
Malheureusement, cette réaction n’a pas empêché, lors de l’édition 2019 du même carnaval, la présence d’un char sur lequel étaient représentés des juifs de manière dégradante. [2]
Vous avez d’ailleurs vous-même, ainsi que Ernesto Ottone R., fermement réagi à cette nouvelle manifestation raciste dans un carnaval inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis 2010. [3]
Madame la Directrice-Générale,
Nous partageons votre sentiment sur la nécessité de travailler à la tolérance et la paix dans le monde. C’est pourquoi, je me permets de vous écrire au nom de mon organisation, Bruxelles Panthères, afin d’attirer votre attention sur un problème récurrent en Belgique mais aussi dans d’autres pays européens que représente l’usage de Black face. On le trouve dans différents carnavals –Dunkerque, Nice- mais cette essentialisation est aussi utilisée durant la période de Noël dans certains autres pays du nord de l’Europe, par exemple Zwarte Piet aux Pays Bas ou en Suède.
L’utilisation du « black face », pratique raciste issue du Moyen Âge, s’est surtout développée aux Etats-Unis au moment des iniques lois dites « Jim Crow ». Popularisée au théâtre puis adoptée par le cinéma, cette pratique, consistant à se noircir le visage et le corps pour «jouer un personnage», n’avait comme but que de se moquer des noirs.
A la racialisation imposée s’est ajoutée la moquerie devenue alors un moyen supplémentaire pour la population américaine blanche d’asseoir sa domination sur une population de mis en esclavage affranchis qu’elle ne voulait pas voir libres, puisqu’idiots, incapables, vulgaires et dangereux.
Il fallait faire accepter par l’ensemble de la population que le Noir était trop idiot pour se représenter lui-même. Dès lors, il a été admis que le Noir serait représenté par un blanc grâce à l’utilisation du grimage.
Permettez-moi de mentionner que le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine de l’ONU (UNWGEPAD) a souligné dans plusieurs communications, aussi bien en 2013 qu’en 2014, le caractère raciste d’un tel usage véhiculant des stéréotypes négatifs et étant clairement un vestige de la mise en esclavage.
Malgré cela, ce vestige d’une tradition culturelle raciste se perpétue dans un silence assourdissant ou lorsqu’il y a des remarques quant à l’essentialisation du Noir dans le cadre de cette tradition, il est répondu que contester une telle pratique revient à nier l’identité culturelle des pays où elle se déroule.
Les organisations antiracistes politiques belges sont véritablement indignées et très inquiètes de constater la faiblesse des réactions aussi bien des autorités politiques que de la société civile de notre pays face à cette situation inqualifiable, dégradante et particulièrement racialisante.
Madame la Directrice Générale,
Comme chaque année, lors du 4ème weekend du mois d’aout, se déroulera la ducasse d’Ath, ainsi présentée sur le site officiel de la ville, « depuis 2005, la ducasse d’Ath est reconnue par l’Unesco au même titre que la ducasse de Mons ou encore le Meyboom à Bruxelles. Ces fêtes, qui ont traversé les siècles, font partie de notre culture populaire et sont profondément ancrées dans nos traditions.
En 2008, la ville d’Ath reçoit une nouvelle consécration. Elle est primée dans le cadre du concours EDEN (European Destinations of Excellence) initié par la Commission européenne. La démarche touristique de qualité entreprise par la ville ainsi que l’appropriation du folklore par la population locale ont séduit le jury du concours.
Cette reconnaissance, qui s’ajoute à celle offerte par l’UNESCO en 2005, confirme toute la richesse du patrimoine immatériel de la cité. » [4]
L’une des attractions organisées lors de cette ducasse est celle du: «Sauvage , enchaîné et agité, témoigne du goût de l’exotisme du 19e siècle.» (Dixit le site de la ducasse). Le Sauvage est un personnage grimé de noir et affublé de toute une série de signes avilissants tels qu’attribués aux Noirs par nos sociétés racistes à travers l’histoire : gros nez, grosses lèvres rouges, tenues « tribales », boucle dans le nez, chaînes au cou et aux poignets, etc. ; à cela s’ajoute un comportement agité. L’homme jouant le Sauvage est blanc.
La ducasse d’Ath n’est pas la seule à perpétuer la pratique du Black face en Belgique ; le carnaval des Deux Acren dans l’entité de Lessines où une « Sortie des Nègres » est organisée chaque année ou encore celui «des Noirauds », œuvre Royale bruxelloise, sont autant de manifestations où la négrophobie, présente dans ce pays, a pignon sur rue lors de rassemblement populaire et festif.
Non seulement les populations noires de ce pays y subissent une injustifiable violence symbolique lors de cette pratique du « Black Face », mais elles sont victimes de violences matérielles et de discriminations avérées que nous dénonçons avec constance et systématiquement.
L’an dernier, au festival rock Pukkelpop, deux jeunes femmes noires font face à un groupe de jeunes flamands qui les menacent de leur couper les mains en affirmant que le Congo leur appartient. [5]
En aout 2018, un jeune adolescent Noir est jeté sur une voie de chemin de fer. [6]
Il y a quelques jours seulement, une famille de Waregem était victime de négrophobie. Et cela se fait sur un mode de plus en plus décomplexé. [7]
En tant que porte-parole de Bruxelles Panthères je dénonce ces actes racialisants. Force est de constater qu’en premier lieu, l’acte raciste est systématiquement nié par ses auteurs, qui s’arrogent le droit de déterminer ce qui est raciste ou pas et d’éventuellement décider d’y mettre fin.[8]
Ensuite, il est expliqué que pour ce qui est des ducasses et carnavals, il s’agit d’une pratique folklorique traditionnelle, bon enfant, voire même à caractère humanitaire, sans aucune connotation négative.
Je constate que les réactions des autorités et des associations antiracistes professionnelles pour mettre fin à ces « Black Face » et aux autres actes racistes sont très timides, voire inexistantes. Mais à la suite de telles dénonciations, un militant de l’antiracisme politique et son organisation sont poursuivis par les autorités de la ville de Lessines.
Madame la Directrice Générale,
Je suis sûr qu’au regard des valeurs et principes que représente le label « patrimoine immatériel de l’humanité » décerné par l’UNESCO, vous comprendrez notre démarche et notre demande afin que ce label ne soit pas plus longtemps entaché par des traditions racialisantes qui essentialisent une partie de la population belge.
Il est de notre devoir et de notre responsabilité à tous d’œuvrer pour la tolérance et la paix, mais cela ne peut se faire lorsque certains d’entre nous font face à des actes négrophobes ou lorsque des activités sociales et populaires sont empreintes de négrophobie.
Madame la Directrice Générale,
Je suis sûr que vous ne serez pas insensible à la situation particulière qui prévaut lors de l’usage de black face pendant certains événements populaires et la question que pose la référence au patrimoine immatériel de l’humanité instrumentalisée par certaines villes belges qui n’ont que faire des valeurs et principes qui les obligent.
Nous considérons qu’il est temps de réagir à la négrophobie sévissant en Belgique, s’il le faut en retirant la Ducasse d’Ath du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO !
Je vous remercie de l’attention que vous porterez à ma demande et vous prie de croire, Madame la Directrice Générale, en ma sincère considération.
Mouhad Reghif – Porte-parole de Bruxelles Panthères
[1] https://www.levif.be/actualite/belgique/la-directrice-de-l-unesco-choquee-par-le-char-nazi-du-carnaval-d-alost/article-normal-137689.html?fbclid=IwAR3VU66BU3nwIKWn_oTFzViJz9Os3IYda76wuBdqXHY_7T4U4z33xmFZqsM&cookie_check=1551888365
[2] https://www.7sur7.be/belgique/alost-il-n-a-jamais-ete-question-d-offenser-les-juifs~a93c0e14/
[3] https://www.rtbf.be/info/regions/detail_l-unesco-demande-l-examen-de-la-question-du-retrait-du-carnaval-d-alost-de-la-liste-representative-du-patrimoine-de-l-humanite?id=10177780
[4] http://www.ath.be/loisirs/folklore/ducasse-dath
[5] https://www.lesoir.be/173977/article/2018-08-20/le-congo-est-nous-des-incidents-racistes-au-pukkelpop-video
[6] https://www.rtl.be/info/regions/flandre/nouvelle-video-raciste-en-flandre-3-personnes-visiblement-emechees-attaquent-un-adolescent-noir-a-la-gare-d-aarschot-1054299.aspx
[7] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_sales-negres-vous-puez-scene-de-racisme-ordinaire-a-waregem?id=10260539
[8] https://www.lalibre.be/regions/hainaut/ducasse-d-ath-le-personnage-du-sauvage-est-il-raciste-5ca1ddda7b50a60b457ee98e
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Dear Madame Director-General,
In March 2013, your predecessor Ms. Irina Bokova spoke out to condemn the presence of a Nazi-themed float in the Carnaval parade in Aalst, Belgium.
We were encouraged by this prompt action to call out anti-Semitism, but indeed we expected no less on the part of UNESCO, given that the Aalst carnival figures in your list of the Intangible Cultural Heritage of Humanity. In responding in this way, your institution, whose mission is to promote peace and tolerance, showed the world that it would not tolerate the normalisation of racism, whatever form it might take. [1]
Sadly, despite your intervention, in 2019 the Aalst carnival once more included a float on which Jewish people were caricatured in the most degrading way. [2]
This time it was you yourself, together with your Assistant Director-General for Culture Ernesto Ottone Ramirez, who spoke out against this recurrence of racism within a carnival celebration that has been honoured as part of our shared immaterial heritage since 2010. [3]
Madame Director-General,
Like you, we believe firmly in the need to work to spread tolerance and peace throughout the world. This is why I am taking the liberty to write to you today, in the name of our organisation, the Brussels Panthers, to draw your attention to another racist phenomenon which is repeatedly imposed upon the peoples of Belgium, as of other European countries. I refer to the annual presence of blackface performers in a number of carnivals, such as those of Dunkirk and Nice, as well as in Christmas celebrations in northern Europe (such as the Black Pete figures that are to be seen in the Netherlands and in Sweden).
Blackface is a racist practice whose origins stretch back to the Middle Ages, and which reached its peak in the United States during the infamous period of the Jim Crow laws. Whether in the theatre or the cinema, whenever white men blacken their faces and their bodies to « play a character », their goal is always the same: to caricature and ridicule black people.
This insulting mockery must be seen in the context of the top-down racialisation of society. It was one of the means by which the white American majority was able to effectively dominate those whom they had previously enslaved and who were now free. For why should a people who are, by definition, stupid, incompetent, vulgar and dangerous, be allowed to enjoy freedom?
Blackface was among the means mobilized to convince the white majority that black people were too stupid to represent themselves – that they could only be represented by a white man wearing a blackface
Allow me to remind you that the UN’s Working Group of Experts on People of African Descent (WGEPAD) has several times (in 2013, and again in 2014) pointed out that this practice is inherently racist in its use of negative stereotypes and is clearly a historical product of enslavement.
Yet despite such condemnation at the highest levels, this remnant of a racist cultural tradition persists today in Europe, where it is met with a deafening silence from the majority. Indeed, any attempt to point out how such practices essentialise black people is met with the accusation that its critics are seeking to undermine the cultural identity of the nation.
Anti-racist organisations in Belgium are shocked and deeply concerned by the lack of any significant reaction to these degrading and racializing practices in our country. Yet neither the political authorities, nor Belgian civil society as a whole, seem even to have noticed this scandal in their midst.
Madame Director-General,
This year as every year, on the 4th weekend of August, the Ducasse d’Ath will be held in the town of Ath in Belgium. According to the town’s official website, « Since 2005 the Ducasse d’Ath has been recognised by UNESCO, alongside the Ducasse of Mons, and the Meyboom in Brussels. These centuries-old festivals are an integral part of our popular culture and are deeply rooted in our traditions.
In 2008, the town of Ath won a new accolade, having been selected as a European Destination of Excellence, a scheme launched by the European Commission. The judges were impressed both by the high-quality tourism promoted by the town, and by the local population’s implication in their folk traditions.
This recognition, along with that of UNESCO in 2005, confirms the high value of the immaterial heritage of our city » [4]
One of the attractions that make up the Ducasse d’Ath is « the Savage: wildly straining at his chains, he represents the 19th century’s taste for the exotic » (according to the parade’s website). The Savage is a character in blackface, who is adorned with all the humiliating signs that our racist societies have projected on to black people throughout history : large nose, thick red lips, « tribal » dress, a bone through the nose, chains around his neck and wrists, etc. His behaviour is constant frenetic agitation. The man who plays the Savage is, of course, white.
The Ducasse d’Ath is not the only tradition that keeps blackface alive in Belgium. Each year, the Carnival of Deux Acren in the commune of Lessines treats visitors to its « Negro Outing », while the Œuvre Royale des Berceaux Princesse Paola sends its « Swarthies » out to collect for charity. In all these events, the negrophobia that is still widely present in this country is able to display itself openly and without shame, under cover of a popular « entertainment ».
These blackface events constitute so many acts of symbolic violence towards the black communities of Belgium – acts that are mirrored by the acts of real physical violence and material discrimination that the same communities also encounter, and which we have constantly and systematically denounced.
Last year, during the Pukkelpop rock festival, two young black women were confronted by a group of Flemish youths, who threatened to cut off their hands, and declared that the Congo still belonged to them. [5]
In August 2018 again, a black teenager was thrown onto a railway line. [6]
Only a few days ago, a family in Waregem were the victims of a negrophobic attack. And these acts of violence are carried out in an ever more shameless and open manner. [7]
As Brussels Panthers spokesperson, I condemn these racialising traditions. Above all, I condemn the way in which the racist character of these acts is constantly denied by those who perform them, and who claim the sole and exclusive right to determine what is, and is not, racist, and thus whether they should be discontinued or not. [8]
Again and again, we are told that the ducasses and the carnivals are benign folk traditions, some of which are even put on for humanitarian purposes, and that they therefore cannot possibly have any negative connotations.
I also observe that neither the authorities, nor the professional anti-racist organisations, are prepared to take any but the feeblest steps towards calling out these blackface practices and bringing them to an end. And that when a political antiracist activist and his organisation does take concrete steps to condemn such practices and to try and end them, they find themselves being sued by the town council of Lessines!
Madame Director-General,
I am sure that you will understand our position and our demands, given the values and principles that underwrite UNESCO’s dedication to preserving the « Immaterial Heritage of Humanity ». The recognition you bestow should not be sullied by association with these racialising traditions which continue to essentialise part of the Belgian population.
It is the duty and the responsibility of all of us to work to spread a culture of tolerance and peace, but this will never be realised as long as some of us are still the target of negrophobic acts, and as long as so many popular and social events contain negrophobic elements.
Madame Director-General,
I am sure that you will feel the indignity of the continuing use of blackface during certain popular traditions and the challenge that this poses to the values and principles that found your organisation’s conception of the immaterial heritage of humanity – values and principles that mean so little to some Belgian town authorities, who are all too happy to benefit from the prestige which their association with you bestows.
We consider that it is time to react to the negrophobia raging in Belgium, if necessary by removing the Ducasse of Ath from the Intangible Cultural Heritage of Humanity of UNESCO!
Thank you for taking the time to read this letter, and to consider my request.
Yours faithfully,
Mouhad Reghif – Spokesperson, Brussels Panthers