Où commence… et où finit le racisme ? Par Étienne Balibar

Étienne Balibar

Figure incontournable du débat philosophique sur le racisme, Étienne Balibar, entre autres co-auteur de Race, nation, classe (La Découverte, 2018) et de Cosmopolitique. Des frontières à l’espèce humaine (La Découverte, 2022), a lu avec passion notre livre de dialogue entre Marylin Maeso et Norman Ajari Où commence le racisme, qui vient de paraître chez Philosophie magazine Éditeur. Dans ces lignes, il relève les tensions entre universalisme et essentialisme. Et se demande comment l’antiracisme peut continuer de se référer à la notion de race, de manière critique.

 

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DEBORA SILVERMAN : THE ART OF DARKNESS OU LES TÉNÈBRES COMME ESTHÉTIQUE

 par Véronique Clette-Gakuba

En mobilisant Debora Silverman et d’autres travaux de la littérature anglo-saxonne, cet article nous aide à comprendre comment nous sommes profondément affectés par une « esthétique de la Noirceur » produisant un amalgame fantasmagorique entre les corps noirs et les régions supposées sauvages du monde. Une esthétique qui influença profondément l’Art nouveau, mais également le rapport racialisé aux populations noires.

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DE L’ART NOUVEAU AU MODERNISME TROPICAL : PROBLÉMATISER LA NOTION DE PATRIMOINE ARCHITECTURAL COLONIAL

par Toma Muteba Luntumbue

Existe-t-il des réalisations architecturales de l’époque coloniale qui ne soient pas imprégnées de l’idéologie coloniale ? L’intérêt récent porté sur les vestiges architecturaux du Congo des Belges nous pousse à questionner le processus de leur « patrimonialisation », entendu comme construction d’un rapport aux objets du passé. Quels sont les enjeux symboliques de la qualification de « patrimoine » attribué aux reliquats de la présence belge pour ceux qui y sont confrontés quotidiennement ? Ces vestiges peuvent-ils ouvrir aux Congolais les portes d’une compréhension de leur passé ?

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Houria Bouteldja : « Revenir à l’Etat-nation pour mieux combattre l’Etat-nation »

Entretien paru dans le Courrier de l’Atlas, avril 2023

Propos recueillis par Emmanuel Riondé

Qui sont les « beaufs », qui sont les « barbares » et quel est ce « nous » que vous entendez constituer en les réunissant ?

Tout d’abord, une précision : les mots « beaufs » et « barbares » ne sont pas les miens, ce sont ceux du mépris de classe et du mépris de race. Les beaufs, ce sont les classes populaires blanches et les barbares, ce sont les populations issues de l’immigration postcoloniale, ceux que j’appelle les Indigènes. Ils ont en commun d’être deux composantes du prolétariat français mais séparés par la longue histoire de l’Etat racial intégral. Le « nous » est donc un nous politique, celui de la convergence de ces classes prolétaires qui auront dépassé la division raciale. Parce qu’on ne peut pas former un « nous » si on est divisé par le racisme.

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Henri Curiel, citoyen du tiers-monde

Quand l’internationalisme soutenait les mouvements de libération nationale

Il y a vingt ans, le 4 mai 1978, deux hommes abattaient Henri Curiel à son domicile parisien. Aujourd’hui, les assassins courent toujours et le dossier est officiellement classé. Né en Egypte en 1914, fondateur du mouvement communiste dans ce pays, Henri Curiel fut exilé par le roi Farouk en 1950. Il s’installa alors en France où il consacra ses efforts à l’aide aux mouvements de libération du tiers-monde ainsi qu’à la paix entre Israël, les pays arabes et les Palestiniens. Dénoncé comme « le patron des réseaux d’aide aux terroristes », il avait, en réalité, inventé une forme d’internationalisme qui correspondait aux formidables luttes anticoloniales qui ont marqué la seconde moitié du siècle.

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Lundi 24 avril à 19H30, webinaire exceptionnel avec l’épouse de Khader Adnan

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Contre le particularisme des dominants, pour l’universalité insurgée

Dans son livre Le Malentendu. Race, classe et identité, Asad Haider propose une critique des politiques de l’identité et avance des perspectives pour penser un antiracisme politique et radical. Avec l’aimable autorisation des éditions Amsterdam, nous mettons à disposition un extrait du chapitre 6, où il discute le problème de l’universalisme, réfutant la fausse alternative entre un universalisme d’en haut, uniformisant et paternaliste d’un côté, et un particularisme de l’identité qui enferme les subalternes dans un statut de victimeSe réclamant de l’héritage de la Révolution haïtienne et de la Déclaration des droits de l’homme de 1793, il défend ainsi la piste de l’universalité insurgée, partant des combats singuliers mais visant la libération de tou-tes.

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L’État-nation comme pivot de l’impérialisme

Ce texte est tiré d’une intervention faite lors de l’inauguration de l’Ecole Décoloniale, le 6 octobre 2019 , à La Colonie.

On m’a demandé aujourd’hui de parler de « l’État-nation comme pivot de l’impérialisme », vaste programme. La question de l’État, de son rôle et de sa place dans l’impérialisme contemporain est essentielle à toute politique décoloniale. La question sous-jacente porte en quelque sorte, et pour paraphraser Claude Serfati[1] sur le rapport entre les dynamiques « économiques et géopolitiques. » Si l’on suit la fameuse phrase de Rosa Luxemburg, dans le 31e chapitre de L’accumulation du capital, selon laquelle « [l]’impérialisme est l’expression politique du processus de l’accumulation capitaliste se manifestant par la concurrence entre les capitalismes nationaux », alors il est évident que le rôle des États doit être central dans toute analyse décoloniale. Cependant, l’impérialisme contemporain n’est, bien évidemment, plus configuré de la même manière qu’à l’époque de Luxemburg. Certains théoriciens de l’impérialisme expliquent par exemple que la domination impérialiste ne repose plus principalement sur les États-nations. On pourrait, en effet, arguer que la transnationalisation toujours plus grande du capital sape la centralité des États-nations dans l’impérialisme contemporain – ce qui n’efface pas leur rôle pour autant. Afin de ne pas traiter de ce sujet de manière trop vague et superficielle, je vais m’attarder sur un cas bien précis (un cas d’école de transnationalisation du capital) : celui de l’Union européenne (UE).

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En Tunisie, une reprise en main du pouvoir sécuritaire ?

Depuis le début du mois de février 2023, en Tunisie, plusieurs vagues d’arrestations ont frappé des figures de l’opposition et des militants accusés par le président Kaïs Saïed de « traîtrise » et de « complot », indiquant une accentuation du tournant autoritaire du pouvoir. Aussi, le président tunisien a prononcé un discours notablement raciste le 21 février dernier qui a particulièrement choqué en ce qu’il reprend pleinement la thématique du « grand-remplacement » des courants néofascistes européens.

Dans cet article, la sociologue Héla Yousfi analyse les mécanismes à l’oeuvre derrière cette dynamique néolibérale et autoritaire, depuis le soulèvement du 17 décembre 2010 à nos tristes jours.

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