Analyse critique du livre
Toudi mensuel n°71, mai-juillet 2006
La raison du plus fort est toujours la meilleure.
Nous l’allons montrer tout à l’heure…
Jean de La Fontaine Le loup et l’Agneau.
Quatre historiens – Luc De Vos, Emmanuel Gérard, Jules Gérard-Libois, Philippe Raxhon – ont dû se mettre en quatre (!) pour nous annoncer que l’assassinat de Patrice Lumumba est devenu…une affaire Lumumba: Les secrets de l’affaire Lumumba, Racine, Bruxelles 2005.. N’oublions pas que l’Enquête Parlementaire qui est le guide de cet ouvrage s’intitule : « Enquête Parlementaire visant à déterminer les circonstances exactes de l’assassinat de Patrice Lumumba et implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci » (Doc 50 031/2/007). Ainsi dans le titre du livre, non seulement Patrice a disparu – et comment ( !) – mais l’assassinat est devenu une affaire…à suivre.
Les auteurs oublient que Patrice Lumumba n’a pas été assassiné seul. Il était accompagné de Maurice Mpolo et Joseph Okit.Le premier est né en 1928 et est membre du M.N.C. (Mouvement National Congolais fondé par P. Lumumba en 1958), Ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement Lumumba, révoqué le 12 septembre 1960 par Kasavubu, et nommé chef d’état-major par Lumumba le 15 septembre. Il ne pourra exercer ses fonctions: il est arrêté et emprisonné à Thysville avec Lumumba, puis livré au Katanga et exécuté le 17 janvier 1961.Joseph Okito est né en 1910. Sénateur du Kasaï, puis vice-président du Sénat en juin 1960, président en septembre 1960. Il est arrêté le 30 novembre 1960 à Kikivit, emprisonné à Thysville avec Lumumba, livré avec lui et Mpolo au Katanga et exécuté le 17 janvier 1961.Maurice Mpolo et Joseph Okito sont des dirigeants du Mouvement National Congolais qui avec Patrice Lumumba tentèrent de rejoindre Stanleyville pour regrouper les forces nationalistes et entreprendre une reconquête du pouvoir.
Quant aux secrets, annoncés par le titre du livre, à l’exception de quelques nouvelles archives, nous ne lirons que des secrets de polichinelle. L’assassinat de Patrice Lumumba n’était pas inconnu. Des dizaines de livres ont paru sur le sujet ainsi que des centaines d’articles, des émissions radio et télévision, des films. Le choix de ce titre n’est donc pas approprié, il est incomplet ; Lumumba n’a plus de prénom ni de compagnons, l’assassinat est édulcoré ; il est devenu une « affaire ». Le titre est donc prétentieux : les secrets sont inexistants.
Dans la bibliographie, nous regrettons l’absence de trois auteurs :
–Lumumba, un crime d’État, Colette Brackman, éditions Aden, Bruxelles 2002,
–Un insoumis, Jean Van Lierde, Labor, Bruxelles 1998,
–Patrice Lumumba, jeunesse et apprentissage politique 1925-1956, J. Omasombo Tshonda et B. Verhaegen, éditions Institut Africain – Cedaf – L’Harmattan Paris, 1998,
Ces trois livres livrent des éléments indispensables quand l’on veut savoir que dès 1956, Patrice Lumumba est la cible du pouvoir politique et économique belge, de l’Église catholique et de certains Congolais alors, que d’après les auteurs, tout commence en juillet et août 1960 (chapitre I, p.25). Les secrets de l’affaire Lumumba Quant au livre de Ludo De Witte L’assassinat de Lumumba, éditions Karthala 2000, il est tout autant pris pour cible que Lumumba par les auteurs. Parmi la dizaine d’acteurs importants cités par ceux-ci : Harold d’Aspremont Lynden, Joseph Kasa-Vubu, Pierre Wigny, Louis Marlière, Guy Weber, le Roi Baudouin, Jacques Brassinne, Frédéric Vandewalle etc…, Ludo De Witte, auteur de L’assassinat de Lumumba, apparaît à longueur de pages et ce, dans des termes peu amènes. Son livre a provoqué la mise sur pied d’une commission d’Enquête Parlementaire qui a publié ses conclusions en deux volumes le 16 septembre 2001.
Pourquoi ce livre Les secrets de l’affaire Lumumba ? À notre avis, d’une part pour atténuer une des conclusions de la commission d’enquête parlementaire qui confirme que « les autorités gouvernementales belges portaient une responsabilité morale dans les circonstances ayant conduit à la mort de Lumumba », et d’autre part pour discréditer le livre de L.De Witte. On noirci… De Witte ( !) pour rendre le blanc plus blanc ! Voyons les, un par un ces acteurs importants, puis nous verrons dans quels termes L. De Witte est traité par les acteurs.
Les grands acteurs belges de l’assassinat de Lumumba
Harold d’Aspremont Lynden, comte, P.S.C. ancien chef de cabinet-adjoint du Premier Ministre G. Eyskens nommé Ministre des Affaires Africaines le 2 septembre 1960. Il fait partie, avec Eyskens et Wigny, Ministre des Affaires Etrangères du Comité Congo -« Comité Ministériel restreint des affaires Africaines ». À ce jour, dans les archives du département des Affaires étrangères, on ne retrouve aucune trace du Comité Congo. Rappelons que Léopold II avait brûlé ses archives sur le Congo ! De Léopold Ii au Comité Congo, même disparition !
Le neveu d’Harold d’Aspremont Lynden est le Grand Maréchal de la cour. On est en famille à la Cour de Baudouin. Le 9 septembre 1960, le Pourquoi -Pas écrivait : « Il devenait tout naturel dès lors de penser qu’en misant sur M. d’Aspremont Lynden, on misait contre Lumumba. » Cela va se vérifier. Ajoutons que la famille d’Aspremont Lynden a d’importants intérêts dans des sociétés congolaises.
Kasa-Vubu : Joseph, né en 1917, président de l’Abako (Alliance des Bakongo) en 1955, bourgmestre de Dendale en 1958. Arrêté après le soulèvement de janvier 1959 à Léopoldville, libéré en mars. Député en 1960, élu Président de la République le 24 juin. Révoque Lumumba en septembre. Chassé de la présidence en 1965 par le coup d’État de Mobutu. Quelques temps en résidence surveillée. Meurt dans une sorte de retraite en avril 1969.
P. Wigny : P.S.C. ministre des Affaires Etrangères, bien qu’opposé à la politique de confrontation du ministre de la défense nationale Arthur Gilson, en ce qui concerne Lumumba, le 10 septembre, il écrit « Les autorités constituées ont le devoir de mettre Lumumba hors d’état de nuire ». Il est administrateur de sociétés minières au Congo.
L. Marlière : Lieutenant – Colonel de l’armée belge, à l’époque il n’était « que » colonel, homme-clé du gouvernement dans l’opération Barracuda (le nom de code de l’action belge d’élimination de Lumumba). C’est lui qui reçoit les fonds (500 millions F.B.) pour payer les soldats et organiser « la neutralisation effective de Lumumba ».
G. Weber : Major de l’armée belge, il voudrait être le Massu du Congo (Lettre du 15 / 6 / 60) Conseiller militaire de Tshombé. Lors de la sécession du Katanga en juillet 1960, c’est lui qui interdit l’atterrissage de l’avion de Kasa-Vubu et Lumumba. Il accepte le transfert de Lumumba au Katanga sachant que cela équivaut à sa liquidation.
Baudouin Ier : roi des Belges. Dans son allocution du 21 juillet 1960, le roi Baudouin condamne le gouvernement Lumumba. « Notre devoir est de répondre à tous ceux qui nous demanderont loyalement notre collaboration » Tshombé est le seul à le faire. Un mois après la nouvelle officielle de l’assassinat de Lumumba au Katanga, Baudouin écrit à Tshombe « …soyez convaincu que j’apprécie hautement la sagesse avec laquelle vous avez dirigé le Katanga dans des circonstances infiniment difficiles et délicates… » (Lettre à Tshombé du 13/ 3/ 61.Par l’entremise de la société Générale, la famille royale a d’importants intérêts au Katanga. Dans les mois et les années suivantes, les protagonistes de l’assassinat de Lumumba sont royalement ( !) récompensés : Tshombé est décoré de la grande croix de l’Ordre de la Couronne, G. Eyskens sera nommé vicomte et ministre d’État. Pierre Wigny est devenu baron, G. Weber devient aide de camp de Léopold III.
J. Brassinne : a vécu de très près l’indépendance du Congo et la sécession du Katanga en tant que chargé de Mission du Gouvernement belge. Il était un des collaborateurs du Bureau – Conseil du Katanga, c’est-à-dire du centre du pouvoir belge au Katanga. En 1991, il soutient avec succès sa thèse de doctorat à la faculté des sciences politiques et sociales de l’U.L.B. qui a pour titre Enquête sur la mort de Patrice Lumumba. Ses conclusions sont très claires : les Belges sont innocentés, les Katangais ont subi une force majeure, instruments de « la tradition bantoue » ! C’est l’histoire…officielle ! Dans la chaîne de décision de l’assassinat de Lumumba : Brassisnne est un rouage important car il assiste activement par le Bureau – Conseil, le gouvernement Katangais. Il sera fait chevalier par le roi Baudouin.
F. Vandewalle : colonel de l’armée belge, chef de la sûreté congolaise, « diaboliquement intelligent » d’après G. Weber ! Au moment de la sécession katangaise, il est le « chef occulte » des forces armées Katangaises. C’est lui qui coordonne le transfert, l’arrivée et la livraison de Lumumba, Mpolo et Okito aux gendarmes Katangais, sachant très bien qu’ils vont les exécuter. Cette huitaine de personnage, haut placés, vont faire exécuter une basse besogne par des subalternes et puisqu’ils n’ont pas de sang sur les mains mais dans leur tête, ils vont se dédouaner de ce triple crime d’État.
Les chicaneries subies par De Witte
Passons maintenant à l’auteur du livre : L’assassinat de Lumumb, Luc De Witte, qui va subir de la part de ces quatre auteurs -L. De Vos, E. Gerard, J. Gerard-Libois et Ph. Raxhon- une dévalorisation systématique de son travail. Voyons plutôt.
– Ils parlent des « conclusion abruptes de l’auteur » (p. 10, dont ils disent qu’il « accusait sans détoiur le gouvernement de l’époque » (ibidem).
– Ils écrivent« Ce n’est qu’au dernier stade de leur travail que les experts seraient à même de dire dans quelle mesure la démonstration de l’auteur (L. De Witte) reposait sur des bases solides, était cohérente, et si les documents et les témoignages cités étaient dignes de confiance » (p 12). Ces experts sont ceux de l’enquête parlementaire ; les quatre historiens utilisent le conditionnel pourles experts de la commission d’enquête parlementaier, pourquoi? Il aurait été possible de dire « seront »? Il y a quelque chose de pervers dans ce « seraient » utilisé au lieu de « seront »…
– Ils écrivent aussi de De Witte: « Ce dernier se présente d’ailleurs explicitement comme un procureur » (p.13). Mais De Witte n’est-il pas présenté présenté comme un procureur parce qu’il est…explicite en posant ses arguments?
– Plus loin, on lit « De Witte parle quelque peu provocant de la mort de quelques dizaines de civils » (p 68). Il s’agit de la guerre du Kasaï. La thèse officielle est « l’éclosion d’un génocide », d’après Hammarskjöld, secrétaire général de l’O.N.U. dans son rapport au conseil de sécurité. L’A.N.C. (l’armée nationale congolaise) avait été envoyée par P. Lumumba, Premier ministre pour réprimer la sécession de Kalonji. Le chef d’état major qui a dirigé l’opération était J. D. Mobutu.
– Ils signalent que De Witte fait la« Révélation d’un plan » Baracuda » [nom de code de l’action belge de l’élimination de Lumumba], qui n’a plus d’objet après la prise du pouvoir par Mobutu » (p 212), dans le cadre de cette dénomination (« Barracuda »). Ici, on – c’est vraiment le cas – joue sur les mots, car le plan qui n’avait « plus d’objet » après la prise du pouvoir par Mobutu, a tout de même été exécuté, même si c’est dans le cadre d’une autre dénomination!
-Les auteurs dénigrent la source d’information Vandewalle que Ludo De Witte cite comme « valeur incommensurable ».Vandewalle a écrit Mille et quatre jours. Contes du Zaïre et du Shaba Bruxelles, 13 fascicules. Il y décrit toutes les opérations de l’élimination de Lumumba, Mpolo et Okito.
– Ils disent que De Witte « aurait dû préciser » (p 300), que c’est d’après Tshombé que l’on peut dire qu’Adoula (sénateur congolais en 1960 qui deviendra plus tard Premier Ministre) et Delvaux (ministre congolais en 1960) discutent, entre autres « au Katanga », du transfert de Lumumba Mais nous dirions qu’au lieu d’«au Katanga », De Witte aurait dû écrire « chez Tshombé » ! Précision quand tu nous tiens !
– Une discussion byzantine s’amorce alors où il est question d’un De Witte « qui tombe dans le piège » (p. 301) en citant Vandewallle sans guillemets. Le « piège » serait en effet tendu par Vandewalle parce qu’il utilise parfois des guillemets, parfois pas (comme si Vandewalle écrivait pour tendre des pièges !), dans un passage parlant de l’hypothèse du transfert vers Boma (les guillemets renvoient à un ouvrage de Brassine et J.Gérard-Libois), mais ces guillemets manquent dans un autre extrait de ce passage de Vandewalle, celui-ci s’arrogeant (selon nos quatre historiens) par là une « autorité » qu’il n’a pas dans le compte rendu des faits… Vandewalle n’est pas guilleret avec les guillemets !
– Les quatre auteurs estiment que« L’historiographie belge consacrée à Lumumba s’élabore en circuit fermé. » parce que « L. De Witte puise abondamment dans les écrits de Vandewalle et Brassinne. » (p.310).Mais si L. De Witte n’avait fait aucune référence aux travaux de Vandewalle et Brassinne, c’est alors que les quatre auteurs l’aurait « abondamment » critiqué. La bibliographie jointe aux ouvrages de L. De Witte et Brassinne démontre qu’ils ne sont pas en circuit fermé, mais en rallye ouvert.
– Ils écrivent encore: « Des auteurs se sont inspirés de lui (Vandewalle), sans vérification. Ainsi L. De Witte… » (p. 311).Ou: « Aussi bien Brassinne que De Witte continueront de se fonder sur les affirmations peu fiables de Vandewalle…Cette affirmation s’appuie sur des sables mouvants. » (p. 313). Ces deux commentaires sont affligeants. Rappelons que Vandewalle est le chef de la sûreté congolaise et de ce fait coordonne toute « l’affaire Lumumba ». Si s’appuyer sur les affirmations de Vandewalle, c’est s’appuyer sur des sables mouvants, que dire des affirmations des quatre auteurs qui s’évertuent à rejeter ce qui ne convient pas à leur thèse?
– À propos d’un message radio que l’ambassade belge à Brazzaville relaie vers le consulat belge d’Élisabethville, que les auteurs de Les secrets de l’afaire Lumumba jugent important, ceux-ci écrivent: « De Witte se contente… » (note 2) p. 315), d’en parler de manière imprécise (le message part de l’ambassade mais d’un service indépendant de l’ambassade, bon…). Tous les messages radios sont importants dans cette affaire, les plus et les moins sont secondaires.
– Toujours en note (note 2), p. 320), les auteurs de l’ouvrage écrivent: « Tant Brassinne que De Witte consacrent à Brazzaville 53 [le message numéroté qui autorise le transfert de Lumumba, le 14 janvier 1961 du camp Hardy de Thysville à Elisabethville], à peine quelques phrase. ». Suffisamment à notre avis pour une information équitable!
.- Pour le microfilm des télexs qui arrivent et partent du cabinet du ministre d’Aspremont Lynden, les auteurs soutiennent qu’il ne s’agit que d’un brouillon et donc n’est pas valable : « Le microfilm sur lequel De Witte a travaillé ne permet pas de faire les mêmes constatations. ». (p. 323) Mais il s’agit que de quelques heuresde décmlages avec le net. Et si le brouillon était le vestibule du net ?
– À propos des codes différents pour transmettre les messages entre le cabinet du Ministre et le Bureau Conseil des Belges au Katanga, toujours en note, on lit dans Les secrets de l’affaire Lumumba: « De Witte confond plusieurs choses » (note 1) p.328), soit des codes différents utilisés. Mais l’utilisation de codes différents n’amène pas nécessairement a confusion. Il suffit de répertorier convenablement les messages.
-« De Witte s’interroge…l’auteur ne donne pas de réponse », lit-on encore (p.329). En fait, De Witte s’interroge sur le contenu d’un message qui fausserait la destination où l’on envoie Lumumba. Il s’interroge sur le point de savoir si c’est voulu où non. Quand De Witte donne des réponses, c’est peu fiable et quand il n’en donne pas, c’est dommageable !
-« Tant Brassinne que De Witte font état d’un entretien téléphonique que Tshombe et Kasa-Vubu auraient eu.», lit-on p.351. Mais ce n’est pas « auraient », selon Les secrets de l’affaire Lumumba, car l’entretien est confirmé par un témoin : A.Delvaux (p. 353). Les auteurs de Les secrets… disent alors que « Ni Brassinne, ni De Witte n’y attachent somme toute beaucoup d’attention. » (p.352). Mais il s’agit d’un entretien téléphonique entre Kasa-Vubu et Tshombe dont Brassinne et De Witte ignorent le contenu. En ignorant ce qui s’est dit, on ignore évidemment son importance ! Élémentaire, mon cher Watson !
– Selon les auteurs, « Quoi qu’il en soit, il ne reste pas grand-chose des versions formulées avec beaucoup d’aplomb par Brassinne et De Witte en ce qui concerne le transfert de Lumumba. » (p. 357).Il faut encore plus d’aplomb, nourri de mauvaise foi, pour écrire cela. Brassinne et De Witte suivent jour après jour l’itinéraire de Lumumba. S’ils se trompent, il faut le prouver !
– À propos de la mutinerie du 12 janvier 1961 à Thysville, on lit dans Les secrets de l’affaire Lumumba : « De Witte met en avant des motifs surtout politiques, à savoir la sympathie d’une partie des soldats pour Lumumba, ce qui n’est pas attesté. ! »(note 4) p.361) L’antipathie l’est encore moins. Les soldats n’étaient pas tous anti-umumbistes. La peur du pouvoir central était qu’une partie de l’armée ne se retourne contre lui.
-« Pour la relation des faits du 14 janvier 1961, il faut faire table rase des versions de Brassinne et de De Witte. » (p. 362). Pourquoi s’arrêter au 14 janvier? Pourquoi ne pas faire table rase de toutes les versions de Brassinne et De Witte? On ne « versionnerait » qu’en compagnie de la bande des quatre ! Le Bonheur ! L’Extase !
– L’évocation la plus ancienne d’un transfert au Katanga date du 26 octobre 1960, « Et non du 14 octobre 1960, comme De Witte l’affirme à la suite d’une lecture erronée. » (note 1) p.368). La lecture erronée n’est pas du côté de De Witte. En effet, à la page 126 de son livre on lit : « Télégramme 14/10/60 »
– Les auteurs de Les secrets… écrivent à propos du souhait de Bomboko de voir Lumumba transféré à Élisabethville: « La demande de Bomboko n’est pas rédigée, ni envoyée par l’ambassadeur Dupret comme l’écrit De Witte. ». (note 6) p.369). Pourtant à la page 183 de son livre, De Witte écrit : « Le texte contient la demande de Bomboko sur le transfert de Lumumba au Katanga et l’adresse au quartier général de la gendarmerie. »
– Ils écrivent encore : « Dans la version De Witte, le Bureau Conseil se voit attribuer un rôle important, on ne sait pas grand-chose à ce sujet. » (p. 379). Le Bureau Conseil est le centre du pouvoir Belge au Katanga. Il réunit des militaires et des civils qui assistent Tshombe et sont en contact permanent avec le cabinet du ministre H. d’Aspremont Lynden. On sait tout à ce sujet par les contacts télex et télégrammes. Toujours dans le même domaine, on lit dans Les secrets… « Sur ce point nous ne sommes pas d’accord avec De Witte qui confond transmission d’informations et implication dans une action. » (note 2) p.380). Le Bureau Conseil à Élisabethville donne des informations pour l’action, sinon à quoi sert-il ?
– À propos d’un télex du ministre d’Aspremont Lynden à l’ambassade belge à Brazzaville le 4 janvier 1961[ : « Attire toute spéciale attention sur conséquences désastreuses libération Lumumba. »], on lit dans Les secrets… que « De Witte … va trop loin », (p.381), dans l’idée qu’il s’agit d’une ingérence belge. Ce n’est pas De Witte qui va trop loin, mais bien d’Aspremont Lynden qui intervient d’une façon insupportable dans une affaire concernant un pays indépendant.
– À propos des témoignages de deux témoins de l’arrivée des trois prisonniers à Élisabethville, on lit que ces témoignages ne concordent pas ; l’un a vu sortir de l’avion d’abord deux commissaires, l’autre d’abord les prisonniers. Et on juge « téméraire…comme l’ont fait Brassinne et après lui De Witte » (p.388), d’avoir choisi l’une des versions. Dans ce cas éminemment capital pour l’histoire ( !) quels sont ceux qui sont sortis les premiers de l’avion? La témérité s’impose !
– À propos maintenant du témoignage d’un Belge qui a assisté au mitraillage des prisonniers, on lit dans Les secrets… « Ce document de De Witte sur la base d’éléments très contestables… » (p. 393). Personne ne conteste la présence de ce témoin, mais quand il témoigne, les auteurs le…mitraillent ! Il y a encore les témoins indirects: « …De Witte accorde à ces témoignages indirects la même crédibilité qu’a un témoignage direct » (p.394). Il s’agit d’abord des témoignages des témoins directs que les auteurs récusent comme on l’a vu. Et ensuite des témoignages indirects d’informateurs renseignés par les témoins directs. Aucun des deux n’est bon pour s’y appuyer !
– Sur le texte du commissaire Verscheure à propos de l’assassinat des trois prisonniers comparé à un article du Pourquoi-Pas ?, nous lisons dans Les secrets… que Brassinne et De Witte sont « manifestement aveuglés par ce texte » (p. 410), par rapport à un autre plus fiable. Il y a quelques différences entre les deux, mais de la à parler d’aveuglement, on ne voit pas… le rapport.
– Vandewalle est en place à Élisabethville pour diriger la Sûreté Katangaise. De Witte cite sa source : « Tome IV J. Brassinne Enquête…témoignage 14.1.de Vandewalle ». Mais les auteurs écrivent: « L. De Witte se met littéralement à la place de Vandewalle… »(p. 414). En quoi citer sa source est-ce se mettre à la place de l’auteur ?
– Sur l’agenda de Verscheure qui relate les événements au jour le jour et heure par heure, nos censeurs-auteurs disent « …Caduque toute la chronologie postérieure à 21H43 établie par Brassinne et de Witte » (p. 424). Mais quelques lignes plus loin, les mêmes écrivent : « l’agenda de Verscheure contient encore d’autres notes qui rendent crédible son témoignage » (p. 424). C’est caduque ça ?
– Brassinne et De Witte font usage du témoignage de René Rougefort, adjudant mercenaire engagé dans la 2e Cie PM qui participe à la garde des prisonniers avant leur exécution puis véhicule les corps après leur exécution. Mais dans Les secrets… on lit que s’appuyer sur ce témoignage « …comme Brassinne et De Witte le font, sans esprit critique » (p. 428), est une erreur car ce témoignage est sujet à caution parce qu’il est fait neuf ans après les faits ! Aux âmes bien nées la valeur s’épanouit aux nombres des années !
– Une anomalie est relevée par les auteurs sur une réunion du Bureau Conseil que les uns situent le 18 janvier et les autres le 19 janvier: « De Witte ne relève pas l’anomalie » (note 3) p.460), écrivent-ils. La précision de la date reste à faire, en attendant il n’y a pas de quoi traiter De Witte…d’âne…au…Mali !! (Anomalie)
Pourquoi chicaner De Witte?
À lire cette avalanche de reproches et de dénigrements, ne nous trouvons-nous pas devant un deuxième assassinat de Patrice Lumumba ? Ces quatre historiens règlent des comptes commandités, jésuitiques, indigestes et faussement révélateurs. Veulent-ils être un nouvel élément déclencheur comme le fut le livre de Ludo De Witte en septembre 1999 ? Rivons le clou à ce Ludo De Witte qui « accusait sans détour le gouvernement de l’époque d’avoir organisé un complot ayant conduit à l’assassinat de Lumumba » (p10)
Pour ce faire, ils vont tricoter des habits neufs sur l’assassinat de Patrice Lumumba ! La première maille est dans le dernier alinéa de leurs conclusions qu’ils présentent page 16 : « On peut affirmer avec certitude que les instances gouvernementales belges ont aidé à chasser Lumumba du pouvoir, se sont ensuite opposées à toute réconciliation avec ce dernier et ont tenté d’empêcher son retour au pouvoir. Elles ont appuyé le transfert de Lumumba au Katanga sans exclure, par des mesures appropriées, la possibilité qu’il soit mis à mort. » C’est vague et impersonnel, on ne désigne pas les coupables et « mis à mort » n’a pas la même résonnance qu’ « assassinat ».
La commission d’enquête parlementaire dirigée par G. Versnick était plus précise : « Le chef de l’État a été informé au moins une fois par le biais d’une lettre du major Weber adressée à son chef de cabinet, que la vie de Lumumba était menacée. » (Doc 500312/007-p. 837-Enquête Parlementaire) . Pour financer la politique menée contre le gouvernement Lumumba, le gouvernement belge recourt aux « fonds secrets dont certains ont été approuvés par le parlement et d’autres pas. » 270 millions de francs. (p.832. Enquête Parlementaire)
« Après avoir pris connaissance des événements du 17 janvier (assassinat de Lumumba), le gouvernement, du moins certains de ses membres, a adopté une attitude irresponsable en optant pour la propagation de mensonges à l’intention de l’opinion publique et de ses alliés. »(p. 839-Enquête Parlementaire).Après lecture du livre de L. De Witte et les conclusions de l’enquête parlementaire, on doit écrire que : « Sans détours, il y a eu complot. » Si on ne le fait pas, à ce compte-là, Lumumba n’a pas été « assassiné » mais mis à mort ! Ces historiens refusent le mot « complot » et préfèrent les mots « aides », « tentés d’empêcher », « appuyés », « possibilité».
Dans le chapitre II de la quatrième partie : Le transfert de Lumumba au Katanga : critique des sources (p.293), au sujet du télex du ministre d’Aspremont du 16 janvier dans lequel « il insiste personnellement auprès de Tshombe pour que Lumumba soit transféré au Katanga dans les délais les plus brefs » (p.320), ces mêmes historiens vont prendre une loupe historique pour distinguer ce qui est un brouillon de ce qui est écrit à l’encre ou au crayon, ce qui est griffonné ou imprimé et après cette autopsie digne de médecins légistes, ils vont décréter la minute et l’heure du télex en question.S’il a été envoyé le 16 janvier au matin, d’Aspremont est innocent ! Peu importe le texte pourvu que sonne la bonne heure…peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! S’il n’y avait que ce télex, on pourrait éventuellement hésiter sur la responsabilité du Ministre d’Aspremont Lynden, mais dés qu’il a été Ministre, le 2 septembre 1960, il s’est « occupé » de Lumumba :-22 septembre 1960, télex 59922- Blocage compte bancaire au nom de Lumumba et M.N.C. (p.177) (Les secrets de l’affaire Lumumba). Mais il y en a d’autres, beaucoup d’autres ! Tous les extraits ci-dessous sont tirés de Les secrets de l’affaire Lumumba Enumérés les uns à la suite des autres, ils éclairent mieux « l’affaire », en tous cas, plus qu’éparpillés dans ce livre.
[MINAF est la réduction de Ministre des Affaires Africaines.]
-Télex 6 octobre: « Nous ne pouvons tolérer que Lumumba revienne au pouvoir. ». (p.179)
– « Objectif principal à poursuivre dans l’intérêt du Congo, du Katanga et de la Belgique est évidemment l’élimination définitive de Lumumba. » (p.181)
-Télex 28 septembre 1960 à Tshombe : « Il me parait évident que le moyen le plus efficace d’agir contre Lumumba est d’aider, dans la limite du possible et du raisonnable, les autorités actuelles de Léo qui s’efforcent d’obtenir son élimination de la vie publique congolaise. » (p.246)
MINAF 63901, 1er octobre 1960- « Lumbala beaucoup plus catégorique proclame sa volonté de voire disparaître Lumumba physiquement et d’éliminer Kasa-Vubu. » (p.247)
-5 et 11 octobre, Bruxelles reçoit des avis, respectivement de Marlière et de Lahaye, dans lesquels il est question de la mise hors jeu de Lumumba. (p.220)
-4 janvier 1961- MINAF 01404/cab- « attire toute spéciale attention sur conséquences désastreuses, libération Lumumba. » (p.280)
-Dans une lettre au roi Baudouin datée du 12 janvier 1961, Tshombe sollicite de celui-ci (…) « un appui belge au Katanga » (p.288)
-14 janvier 1961 : message radio de Brazza à É’ville: « Ce message radio est important non seulement par son contenu, mais aussi parce qu’il montre que les autorités congolaises et leurs conseillers belges collaborent au transfert de Lumumba au Katanga. » (p.314)
-Le même jour, l’ambassadeur Dupret télexe à É’Ville « pour appuyer le transfert de Lumumba au Katanga. » (p.316)
-Nous arrivons au télex du 16 janvier 1960: « Minaf Aspremont insiste personnellement auprès Président Tshombe pour que Lumumba soit transféré Katanga dans les délais les plus brefs. » (p.320) Avec en plus un télex de Minaf à l’Ambassade de Brazzaville: « Démarche pressante est faite par Minaf auprès Président Katanga. » (p.321)
Si les auteurs écrivent avec perspicacité ( !) (p.370) que « Lumumba est livré à ses ennemis par le régime de Léopoldville », ils auraient dû ajouter sous la pression constante, et c’est un euphémisme, de leurs amis belges !
Après cette succession de pressions qui durent comme on l’a vu depuis septembre 1960, poser la question p. 372 « Les dirigeants congolais ont-ils agi de leur propre initiative ou y ont ils été incités par leurs conseillers belges ? », c’est pire que prendre des vessies pour des lanternes, c’est confirmer qu’au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Comme nous ne somme ni aveugle, ni borgne, nous ouvrons un œil à la page 374 et nous lisons « L’examen de cette période d’environ quatre jours, des négociations, des destinations alternatives ne permet pas de conclure que le transfert de Lumumba au Katanga doive a priori être assimilé à un meurtre avec préméditation. » L’autre œil est resté ouvert à la page 140 où nous lisons : « Ordre du Ministre Munongo aux chefs de peloton de la Gendarmerie 13 août 1960…s’il (Lumumba) arrivait à entrer au Katanga d’une façon ou d’une autre, IL DOIT, en ce cas, DISPARAITRE. » Et qui ordonne à Gat de liquider les prisonniers ?… Munongo (p.427). Julien Gat est capitaine de l’armée belge, mercenaire. Il est présent lors de l’exécution des prisonniers, assurant le commandement de l’unité. Peu après, il monte en grade et devient commandant. Il change de nom : Gatry pour échapper aux demandes d’interview de la presse africaine sur son rôle dans l’assassinat de Lumumba, Mpolo et Okito. Gouvernement, militaires, Union Minière, etc., l’unanimité s’est faite pour se débarrasser de Lumumba jusqu’au Roi Baudouin ainsi qu’Albert à l’époque prince, plus fidèle à son frère qu’à son épouse qui déclare : « la crise du Congo incombe à un seul homme : P. Lumumba. » (LLB 3/10/61). Les auteurs écrivent p 549 : « la correspondance entre Weber et le Palais, mais surtout la réaction du Roi, sont soit naïves, soit calculées, mais en tout cas accablantes.» Cet adjectif corrosif réservé à Baudouin est symptomatique des dissensions, lors de la crise congolaise, entre le Palais et le gouvernement.
Quand Baudouin Ier joue à Léopold III
En août 1960, le Roi Baudouin demande le remplacement du gouvernement Eyskens affaibli par la crise congolaise ; Il souhaite un cabinet d’affaires avec Van Zeeland Spaak, Dubuisson recteur de l’Université de Liège, Naessens, président de la banque de Paris et des Pays-Bas, etc. Eyskens refuse de démissionner mais accepte un remaniement qui amène l’homme du Roi dans le gouvernement, Harold d’Aspremont Lynden. La dissension passée, le roi et le gouvernement s’entendront pour soutenir le Katanga et éliminer Lumumba. Le cabinet d’affaire, l’appui à la sécession katangaise, la politique parallèle du palais obligent le gouvernement à une bataille sur deux fronts. Du côté du Roi, il faut sauver la civilisation occidentale du péril communiste et du côté du gouvernement, il faut sauver les meubles !
Comme son père, Léopold III, conseillé principalement par le Général Van Overstraeten, Baudouin se laisse conseiller au sujet du Congo et de Lumumba par la Major Weber qui fournit « au Palais des informations de première main sur la situation au Katanga : documents confidentiels du gouvernement, procès-verbaux des réunions de l’ONG, publications katangaises, etc. » (p.556) On sait où cela a mené Léopold III, Baudouin s’est arrêté à la porte d’une nouvelle « Question Royale », porte fermée à clef par Théo Lefèvre, Président du P.S.C. (p.531). Début août 1960, Théo Lefèvre envoie une lettre au roi Baudouin dans laquelle il rappelle 1950, les tentatives de Léopold III pour constituer un cabinet d’affaires et comment cela s’est terminé ! Il adjure le Roi d’arrêter sa politique personnelle. T’es haut (Théo) Lefèvre ( !) pour arrêter la fièvre royale !
Les conclusions des auteurs sont assez stupéfiantes (pp. 595-596) : « S’il existe une communauté d’intérêts dans un sens général (mettre un terme à ce qui se présentait à eux [instances gouvernementales belges, katangaises et congolaises] comme la menace lumumbiste), il n’y a pas pour autant identité de motivation. ». Si non e vero, è ben trovato ! On aimerait connaître l’épaisseur de la distance entre « communauté d’intérêts » et « identité de motivation » ! D’après un grand mathématicien de nos connaissances, il s’agirait de celle d’une feuille de cigarette.
La dernière phrase soulève un problème grave. (p.596) Il est écrit : « On ne peut que qualifier d’assassinat prémédité le crime organisé de façon méthodique. » Mais à la page 374 : « L’examen de cette période d’environ quarante jours de négociations, des destinations ne permet pas de conclure que le transfet de Lumumba au Katanga doive être a priori être assimilé à un meurtre avec préméditation. » A la page 374, les auteurs sont au stade de l’a priori, là où il n’y a pas de meurtre avec préméditation, et à la page 596, ils sont au stade de l’a posteriori, là où il y a meurtre avec préméditation ! À chaque stade, son éclairage particulier. Tous n’ont pas le même éclairage !
Après l’assassinat survient le mensonge assumé par le Trône, par l’autel, ce que les auteurs ne soulignent pas, et le gouvernement est taxé, lui, d’irresponsabilité. (p. 596)
Les assassins normaux ( !) finissent toujours par avouer, les assassins d’État font rarement état de leur assassinat. Assassinat, activement implicite suivi d’un mensonge lumineusement explicite. Pas une indignation, pas une demande de justice, pas une condamnation. On a réduit – c’est le cas de l’écrire – trois hommes au silence et on est réduit à se taire par peur sur ce silence, cadenassé par J. Brassinne.
Alors L. De Witte vint et brisa la loi du silence et botta dans la fourmilière : C.I.A, militaro, économico, royalo, gouvernementale. Ayant pris conseil auprès d’un éminent Président de Tribunal, celui-ci nous a confirmé que s’il y avait eu procès, la quinzaine de personnes, complices de l’assassinat de Lumumba aussi bien belges que congolaises, auraient été condamnée ; pour les moins impliqués, à un minimum de quinze ans de prison et pour les autres à plus de 20 ans de prison. De plus, suite à la nouvelle juridiction, dite de compétence universelle, un procès est encore possible.
Dans des notes personnelles, un ancien Ministre de la Justice écrit à l’époque, après la mort de Lumumba : « Moment de bonheur » ! il reflète l’état d’esprit du pouvoir royal, politique, économique et religieux de l’époque. Ils hurlaient à la fausse dictature communiste de Lumumba, ils eurent la vraie dictature royaliste de Mobutu ! Les auteurs se sont efforcés de diluer les responsabilités, ils lancent des banderilles et au moment de toucher, ils font un écart. Au plus, il y a banderilles, au plus les écarts augmentent et le flou s’installe dans un grand ensemble. Au lecteur de ne pas se laisser…flouer !
P.S. « L’affaire Lumumba » s’inscrit en lettre de sang dans : Histoire Générale du Congo , grandiosement écrite par Isidore N.Daywell è Nziem parue aux Editions Duculot-C.G.R.I.-Paris-Bruxelles 1998