L’absence et ses masques. Les commissions parlementaires belges sur la colonisation et le problème de dignité.
« Les masques ne sont pas les pièces les plus emblématiques de ce musée. Les belges les ont presque tous pillés durant la colonisation pour orner leurs musées. Voilà pourquoi nos musées sont presque vides […]. Ce qui nous reste de grandiose se trouve dehors dans le jardin. Il s’agit de gigantesques fresques qui représentent des esclaves noirs en train de construire une voie ferrée sous la surveillance des colons blancs. On y voit aussi d’imposantes statues de bronze de Stanley et de Léopold II, ces deux blancs par lesquels le malheur a commencé ».
Voilà comment Justin introduit souvent, de manière quasi-machinale mais toujours solennellement, la visite du minuscule musée du Mont Ngaliema à Kinshasa. Au fur et à mesure qu’on avance pour admirer la cinquantaine d’œuvres d’art reparties dans les deux pièces exiguës qui composent le musée, on se heurte effectivement à un contraste. D’abord l’absence et le vide créés par la violence coloniale. Il n’y a pas grand-chose dans le musée. Selon Justin, il faut aller au musée de Tervuren à Bruxelles pour avoir accès aux masques. Ensuite, la violence qu’expriment ces fresques et ces statuts qui surplombent le jardin. Elles sont si impressionnantes qu’on pourrait croire qu’elles avaient été conçues pour cacher l’absence de masques congolais que déplore Justin.
Comme dans le musée du Mont Ngaliema, on retrouve le même mode opératoire colonial dans l’actuelle Commission parlementaire belge sur son passé colonial, créée en 2020 : l’absence de la victime cachée par la domination du bourreau-justicier. Le viol de la dignité. Car, si « à plusieurs égards, la rencontre entre l’Afrique et l’Occident » a été vécue « sous la figure du viol », la rupture politique liée à la décolonisation n’a jamais pu laisser place à la fois à la reconnaissance de la culpabilité, à la réparation et au soin de la victime. Aujourd’hui, ce viol se traduit par le fait que c’est l’ancien bourreau qui prend l’initiative du discours sur son propre crime. C’est lui qui qualifie l’initiative (de Commission vérité et de réconciliation) et en définit les termes (ce qu’il sera question de débattre) et les modalités (comment procéder, à qui donner la parole et à qui revient la décision). C’est lui qui définit, dans son propre langage, les modalités du soin et de réparation.
On est là face à une énigme à penser et que ni la légitimité de l’expertise historique, ni la politique mémorielle et moins encore le discours journalistique, ne peuvent nous aider à saisir : comment est-ce possible que le bourreau d’hier prenne l’initiative de la justice, la vérité et la réconciliation ? Le soin et la réparation sont-ils possibles dans un tel contexte ? Comment le penser du point de vue de la victime, de sa dignité ? Absurde, pourrait-on dire au premier abord. Mais tout devient soudainement cohérent lorsqu’on comprend deux choses : d’une part le répertoire paternaliste dans lequel opère cette initiative et d’autre part l’héritage colonial lié aux précédentes commissions sur la question coloniale en Belgique. L’histoire de ces commissions rappelle tristement que tout discours peut se limiter à sa seule dimension instrumentale et produire le contraire des idéaux qu’elle prône. C’est à partir de cette perspective pragmatique et radicale que la nouvelle commission devrait être éprouvée.
Les statues et les fresques coloniaux de Ngaliema représentent la grammaire coloniale du bourreau-justicier qui reproduit l’absence de la victime dans des commissions qui lui sont pourtant dédiées. Sa grammaire doit être considérée comme une stratégie de gouverner le spectre de la race en Belgique et a pour effet l’élimination de toute possibilité de parole et d’existence à la victime. Elle anesthésie toute possibilité de soin et de réparation sérieuse. Mais face à cette absence, trône le devoir de lutte pour la dignité pour la victime.
Gouverner le spectre de la race
« […] la condition noire actuelle est définie par l’indignité. La dignité est ce que le Blanc essaie d’abolir lorsqu’il exerce sa violence sur le Noir. Mais c’est aussi ce dont le Blanc se prive lui-même lorsqu’il exerce sa violence sur le Noir. Enfin, c’est ce que le Noir réaffirme collectivement lorsqu’il s’engage contre la domination blanche. […]. La dignité, de ce fait, devient la capacité de l’opprimé à tenir debout, entre la vie et la mort, que lui imposent les oppresseurs ».
C’est en ces termes que le philosophe français Norman Ajari propose de penser la question coloniale et son héritage contemporain – c’est-à-dire ce à quoi va s’occuper la Commission parlementaire belge sur la colonisation. Pour Norman Ajari, la colonisation et son héritage sont fondés sur l’indignité. Être indigne, c’est se voir refuser, non pas les droits humains avant tout, mais le statut même d’humain. Or, ce qui n’est pas humain c’est ce dont les humains, les blancs en l’occurrence, peuvent alors disposer à leur gré. Les noirs. Mais à la différence d’une chose pure, le noir a un statut d’entre-deux. Il est cette chose à laquelle on miroite de transformer en homme, un enfant qu’on promet d’élever, un barbare à civiliser, un animal à humaniser, un mort à ramener à la vie, une victime à laquelle le bourreau promet de rendre justice. Entre temps, le noir ne compte pas en lui-même.
Ainsi, comme pour les masques de Ngaliema, le mode opératoire de la violence coloniale est de rendre le noir absent et d’agir à sa place et contre lui finalement. Le statut du blanc n’importe pas, qu’il soit colon ou non, héritier du discours colonial ou non. Face au nègre-déshumanisé, l’éthique est inopérante. En effet, c’est seulement lorsque la victime n’est pas un humain que le bourreau peut se permettre de devenir justicier. C’est seulement lorsqu’il est pris dans un narcissisme et une toute-puissance névrotique qu’il peut convoquer des commissions pour statuer sur son propre crime. Or, c’est en cela que l’humanité du bourreau se retrouve fracturée, au même moment que celle de sa victime.
Voilà en quoi les commissions sur la question coloniale qui se sont succédées depuis près d’un siècle en Belgique posent un sérieux problème : dans leurs principes et modalités, elles produisent la même absence et la même indignité pour les victimes.
Premièrement, on retrouve cette situation dans la Commission d’enquête sur les exactions commises dans l’EIC. Faisant suite à la pression internationale et à la lutte autour des intérêts économiques, cette commission est créée le 23 juillet 1904 à la suite de « l’affaire des mains coupées » qui éclate au début du XXe siècle grâce à des campagnes qui dénoncent des exactions commises par les agents de l’EIC et les compagnies privées à l’égard des congolais. Dix millions de morts ! Face à la pression, le roi Léopold II n’a pas d’autres choix que de mettre en place cette commission.
L’accusé est aussi le justicier. Il oriente alors la mission de la commission à son gré. La condition de possibilité de ses crimes ne l’intéresse pas. Sinon il donnerait raison à ceux qui à l’époque luttent contre la colonisation, les noirs en premier. Il refuse donc d’admettre que toute cette violence coloniale est liée au refus des noirs de se soumettre ; à la lutte pour la liberté et la dignité. Il décide que la commission devrait « rechercher si, dans certaines parties du territoire, des actes de mauvais traitement étaient commis à l’égard des indigènes, soit par des particuliers, soit par des agents de l’État [et] de signaler éventuellement les améliorations utiles » au nègre. Les témoins pertinents sont des belges, imbibés de l’idéologie coloniale. Quelques noirs aussi, accessoirement et soigneusement choisis, doivent répondre à des questions précises et orientées. Et le verdict de la commission n’est pas moins colonial et indigne que ce qui en a été à la base : le gouvernement belge et le roi ne sont pas responsables des violences. L’EIC devient Congo Belge. Le nègre demeure colonisé. Absence. Après tout, comment s’imaginer que la Belgique se passe de la colonisation tant qu’elle le peut, cette violence raciale qui fait alors sa prospérité ?
Deuxièmement, on assiste au même schéma dans la Commission d’enquête dite Lumumba mise en place le 23 mars 2000 suite à un scandale : la parution du livre « L’assassinat de Lumumba » de Ludo De Witte révèle la responsabilité des autorités belges dans l’assassinat du héros des congolais et de l’Afrique. La Belgique n’a pas de choix. Elle doit instituer une commission « pour faire la lumière sur l’affaire ». L’institution est utile pour l’opinion publique belge, pour les règlements de compte belgo-belges mais aussi pour tenter de se rapprocher du président congolais, Désiré Kabila, qui se réclame alors proche de Lumumba. Mais l’initiative restera aussi unilatérale et le verdict aussi indigne qu’un siècle plus tôt : le royaume n’y est pour rien. Mais face à l’évidence des faits, il faut trouver quelque chose : une « responsabilité morale » de « certains ministres et autres acteurs » belges. Et depuis, tout ce que la famille de Lumumba a reçu de ce pays qui a contribué à la mort de ce dernier, c’est une « autorisation », par un juge d’inscription belge, de libérer les reliques du héros congolais. La justice belge s’est dite enfin prête d’en décider, ironie du sort ! L’affront du bourreau a ainsi demeuré impuni et la dignité du colonisé à nouveau outragée.
Troisièmement, ce sont les manifestations antiracistes suite à la mort de George Floyd, tué fin mai 2020 par des policiers blancs aux États-Unis, qui ont mené à une nouvelle commission parlementaire belge. Plusieurs statues du roi Léopold II ont été prises pour cible, vandalisées ou déboulonnées en Belgique comme pour dire que ce petit royaume était aussi concerné par le racisme ; qu’elle ne parvenait pas à se défaire de son passé souvent ignoré sinon falsifié. Suite à cette pression, à l’occasion de la soixantième année de l’indépendance de la RDC, le roi des belges a exprimé ses « plus profonds regrets pour les blessures » infligées aux congolais durant la colonisation. Et le 17 juillet 2020, le Parlement a décidé de faire « la paix avec son passé colonial » en mettant en place une commission spéciale pour mener « l’enquête et le débat sociétal à ce sujet […], rassembler des experts pour mettre en place une commission de vérité et réconciliation. ».
A partir de cette commission, le colon d’hier cherche désespérément à s’humaniser, en contrôlant tout le processus qui pourrait mener à un aveu complet, et en déshonorant à nouveau sa victime dans le même geste. Pour qu’une telle initiative soit possible, il faut qu’il y ait en œuvre la combinaison d’un hyper narcissisme et une toute puissance névrotique. Le bourreau pense alors pouvoir tout connaitre unilatéralement. La victime n’existe pas en dehors de l’espace périphérique qui lui est accordé par le bourreau. Elle n’a pas de parole en dehors du langage du bourreau, ni de temporalité en dehors de celle fixée par ce dernier. Comme le montre Nadia Fadil pour la question musulmane en Belgique, un retour historique et critique montre que cette commission est une stratégie de gouvernance de la question raciale.
Face à la grammaire du bourreau-justicier
« Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir parce que nous étions des nègres. Nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre tête de l’esprit colonialiste, nous vous disons : tout cela est désormais fini. »
Voilà l’une des phrases que Lumumba prononce dans son mémorable discours le 30 juin 1960, jour de l’indépendance de la RDC, et que la Belgique ne lui pardonnera jamais jusqu’à son assassinat. Lumumba est alors considéré comme l’ennemie à abattre simplement car il estime erroné de comprendre l’événement decolonial comme une simple alternance politique à l’amiable dont le colon veut en faire. Pour lui, la colonisation a avant tout représenté un moment de souillure de la dignité des noirs pour lesquels Ubuntu, Agaciro, Bushamuka, Bufasoni, Bushingantahe, ne signifiaient plus rien après tant de violences et d’humiliations. Chacun à sa manière, ces mots intraduisibles chantaient jadis la dignité et structuraient la vision du monde, le système de valeur et le cadre normatif dans les Grands Lacs. Avec la colonisation, ils ont perdu leur sens : les rois avaient été humiliés par des petits fonctionnaires coloniaux, les femmes violées, les pères de familles mutilés, la terre et la vache sacrées souillées. Et enfin, les masques avaient été pillés. Les esprits n’y habitaient plus. La « force vitale » a ainsi été retirée de la vie qui avait désormais des allures de la mort.
Le pouvoir colonial a ainsi été une « nécropolitique » qui, « dans un acte de réversion permanente, prenait la mort pour la vie et la vie pour la mort ». En colonie, vivre « ce n’est pas encore construire un monde commun. Vivre, ce n’est que survivre, c’est ne pas mourir. Exister, c’est maintenir la vie ». Individu dissocié, assigné à une race, « détaché de son essence » et habitant « cette séparation comme son véritable être », le racisé a été amené à haïr « celui qu’il est et cherche à être celui qu’il n’est pas ». C’est une telle expérience de « lutte permanente contre une mort atmosphérique » qui s’est prolongée en situation post-coloniale pour les personnes racisées et que le point de vue du dominant ne peut parvenir à capter.
Le roi des belges a donc raison de rappeler « des souffrances et des humiliations » et les « actes de violence et de cruauté […] qui pèsent encore ». Mais ces actes sont indicibles pour le colon. La Belgique ne saurait jamais dire cet indicible. Et moins encore dans son langage, à partir de son point de vue. L’indicible n’est peut-être pas à dire par la Belgique mais à reconnaitre. Et il ne s’agit pas encore une fois de s’inscrire dans un schéma paternaliste en proposant de « reconnaitre la souffrance de l’autre » comme l’a estimé la première ministre belge. Au contraire, il s’agit de reconnaitre son propre forfait, ce qui ne nécessite pas une commission. L’indicible de la colonisation vit dans la chair du colonisé, dans ses plaies et ses cicatrices. Il le dit déjà tous les jours par ses larmes, sa plume, sa musique, sa danse, son activisme, sa ténacité et son art qui appelle à la dignité, gage de l’humanité du colon.
A l’époque coloniale, la dignité du colonisé a consisté dans sa capacité à rester débout alors que son monde s’était écroulé autour de lui. Aujourd’hui, cette dignité consiste dans le refus de parler le langage du bourreau et l’exigence éthique d’en démasquer les manœuvres et les contradictions. Comme l’ont expérimenté les personnes colonisées et racisées, ce langage du bourreau s’est toujours inscrit dans la modalité monade, cette « raison hellène » consubstantielle de la « raison nègre » et de la « raison cupide ». C’est à travers cette modalité « hellène-nègre-cupide » que la Belgique est passée des mains coupées aux crimes et humiliations coloniaux ; de l’assassinat de Lumumba aux affronts subis par sa famille et par les afro-descendants. C’est la même modalité qui rend possible l’illusion de l’efficacité de l’expertise des commissions à la place de l’expérience des personnes concernées. Or, en réalité, ces commissions sont une métaphore du pouvoir qui, au lieu de soigner et de réparer le tort causé, gère un processus qui engendre l’impunité, l’indignité et le « devenir-nègre ».
Dans ce nègre, il y a ce « quelque chose d’indomptable, de foncièrement inapprivoisable, que la domination – peu en importe les formes – ne peut ni éliminer, ni contenir, ni réprimer totalement ». Mais, bien que débout sur ses pieds, ce nègre « infantilisé, acculturé, déshumanisé » porte toujours en lui un corps blessé qui lutte, qui exige son droit au soin et à la réparation. « Réparer signifie, étymologiquement, dans la culture occidentale, retourner à l’état originel, donc nier la blessure. Dans les sociétés traditionnelles, africaines, asiatiques, et même anté-modernes occidentales, réparer signifiait montrer que l’on a trait. Un tel travail ne peut qu’être conçu et initié par les victimes qui comprennent vraiment ce qu’a été la colonisation. Ce qu’elle continue d’être dans leur quotidien.
The absence and its masks
The absence and its masks: Belgian parliamentary committees on colonisation and the problem of dignity
“The masks are not the most emblematic pieces in this museum. The Belgians looted almost all of them during the colonisation to adorn their museums. This is why our museums are almost empty. The only vestiges of the grandeur in this museum are outside there in the garden: prodigious frescoes which depict black slaves building a railroad under the surveillance of white colonists. There are also imposing bronze statues of Stanley and Leopold II, the two white people who are the provenance of our misfortune ».
This is how Justin often introduces, almost automatically but always solemnly, each visit to the tiny Mont Ngaliema Museum in Kinshasa. As one proceeds to admire the fifty or so works of art distributed in the two cramped rooms that make up the museum, it is impossible to ignore one lacuna in this collection of artifacts. First, the absence of the Congolese masks and the vacuum that the colonial violence created. There is not much to see in the museum. According to Justin, you need to tour the Tervuren Museum in Brussels to have access to the masks. Second, there is the inherent violence expressed by the frescoes and statutes overlooking the garden. However, they are imposingly masterful, and one would be forgiven to think that they were designed to obscure the absence of the masks, a situation that Justin deplores.
As in the Mont Ngaliema Museum, the same colonial modus operandi is evident in the current Belgian Parliamentary Commission on its Colonial Past, created in 2020: the absence of the victim, shrouded by the domination of the executioner-judge as well as the rape of dignity. Because, « in several respects, the meeting between Africa and the West » has lived « under the figure of rape« ; and the political rupture linked to decolonisation has never been able to give way to both recognition of guilt, reparation, and caring for the victim. Today, this rape is reflected in the blatant audacity of the former executioner to ensconce himself as the pilot of the conversations regarding his crime. It is he who christens the initiative (Truth and Reconciliation Commission) and defines the terms (what will be discussed) and the modalities (how to proceed, whom to give the floor, and on whom the decision-making authority rests). It is he who defines, in his own language, the modalities of care and reparation.
This now introduces an enigma to contemplate, one that neither the legitimacy of historical expertise, nor the politics of memory and much less journalistic discourse, can help us grasp: how is it possible that yesterday’s executioner takes the initiative to claim justice, truth and reconciliation? In such a context, are care and reparation possible? How would we perpend this from the victim’s point of view and dignity? Absurd, you might say, at first glance. But everything suddenly becomes coherent when you understand two things: on the one hand, the paternalistic repertoire in which this initiative operates and, on the other, the colonial legacy linked to previous commissions formed to address the colonial issue in Belgium. The history of these commissions is a dismal reminder that any discourse can be tapered off to its sole instrumental dimension and eventually produce the opposite of the ideals it advocates for. It is from this pragmatic and radical perspective that the new commission should be tested.
The statutes and the colonial frescoes of Ngaliema represent the colonial grammar of executioner-judge who reproduces the absence of the victim in commissions which are nevertheless dedicated to him. This grammar should be seen as a strategy to rule the spectrum of race in Belgium and has the effect of eliminating any possibility of speech and existence of the victim. It anesthetises any possibility of resolute care and reparation. This glaring absence, however, reifies the duty to fight for the dignity of the victim.
Governing the spectrum of the race
“[…] the current condition of the black race is defined by indignity. This dignity is what the white man tries to abolish when he exerts his violence on the black man. But this dignity is also what the white man deprives himself of when he exerts his violence on the black. Finally, this dignity is what the black man collectively reaffirms when engaging himself against white domination. […]. Dignity, therefore, becomes the capacity of the oppressed to stand up between the choice of life and death that is imposed on him by the oppressors. »
In this regard, French philosopher Norman Ajari proposes the need to ruminate on the colonial question and its contemporary legacy, that is, what the Belgian Parliamentary Commission on colonisation will be concerned with. For Norman Ajari, colonisation and its legacy are based on indignity. To be undignified means to be denied, not only human rights above all, but the very status of a human being. But that which is inhumane is what human beings, the whites in this case, can then dispose of on a whim, say black people. But unlike a strictly pure thing, the black man’s status vacillates between extremes. He is that thing that we hope to transform into a man, a child that we promise to raise, a barbarian to civilise, an animal to humanise, a dead man to bring back to life, a victim to whom the executioner promises to bring justice. All these variations implying that, the black is unworthy in himself.
Thus, as with the masks of Ngaliema, the modus operandi of colonial violence is to render the black man absent, act in his place and ultimately against him. The status of the white person does not matter, whether he is a colonist or not, heir to colonial discourse or not. In the face of the dehumanised negro, ethics are ineffective. Indeed, it is only when the victim is no longer seen as a human being that the executioner can afford to become the judge. Only when caught up in narcissism and neurotic omnipotence can he convene commissions to rule on his own crime. However, it is at this exact juncture that the humanity of the executioner is found fractured, at the same time as that of his victim. This is why for close to a century, all the consecutive commissions that have been established to address the colonial issue in Belgium pose an acute problem: in their principle and modalities, they engender the same absence and the same indignity for the victims.
First, we find this situation in the Commission of Inquiry into the Abuses Committed in the EIC. Following international pressure and the fight for economic interests, this Commission was created on 23rd July 1904 on the heels of the “severed hands affair” which transpired at the beginning of the 20th century; owing to campaigns denouncing abuses committed by EIC agents and private companies against the Congolese. Ten million dead! Faced with the pressure, King Leopold II had no other choice but to set up this Commission.
Since the accused is also the judge, he then directs the Commission’s mission as he sees it fit. The factors, social, economic and others, that enabled his crimes are the least of his concerns. Otherwise, he would be in agreement with those who at that time were fighting against colonisation, primarily blacks. He therefore refuses to admit that all this colonial violence is linked to the refusal of blacks to submit; and to the struggle for freedom and dignity. He decides that the commission should “investigate whether in certain parts of the territory, acts of ill-treatment were committed against the natives, either by individuals or by State agents [and] to report, if necessary, useful improvements” to the negro. The relevant witnesses are Belgians imbibed in colonial ideology. A few blacks also, incidentally and carefully chosen, must answer specific and leading questions. Ultimately, the Commission’s verdict is no less colonial and outrageous than the primordial reason for its formation: the Belgian government and the King are not responsible for the violence. The EIC becomes Belgian Congo. The negro remains colonised. Absence: after all, how can we imagine that Belgium would hastily dispense with colonisation, since this racial violence then made it prosperous?
Secondly, we witnessed the same pattern in the so-called Lumumba Commission of Inquiry set up on 23rd March 2000 following a scandal: the publication of the book « The Assassination of Lumumba » by Ludo De Witte which revealed the responsibility of the Belgian authorities in the assassination of the Congolese and African hero. Belgium had no choice but to set up a commission « to shed light on the matter ». The institution was useful for Belgian public opinion, for Belgian-Belgian settling of scores but also as a guise get closer to the Congolese president, Désiré Kabila, who at the time claimed to be close to Lumumba. However, the initiative remained as one-sided, and the verdict as outrageous as the one passed almost a century earlier: The Kingdom had nothing to do with it. But faced with the evidence of the facts, something needed be found: a « moral responsibility » of « certain Belgian ministers and other actors ». And since then, all Lumumba’s family has received from that country that contributed to his death is an « authorisation » by a Belgian registration judge to release the relics of the Congolese hero. The Belgian justice system declared that it was finally ready to decide, what an ironic twist of fate! The affront of the executioner again went unpunished and the dignity of the colonised was once again trampled.
Thirdly, the anti-racist demonstrations following the death of George Floyd, murdered at the end of May 2020 by white police officers in the United States, led to a new Belgian parliamentary commission. Several statues of King Leopold II were targeted, vandalised or unbolted in Belgium as a clear message to this small kingdom also burgeoned through racism; that she could not easily relinquish her often ignored if not falsified past. Owing to this pressure, on the occasion of the sixtieth year of the DRC independence, the Belgian King expressed his « deepest regrets for the injuries » inflicted on the Congolese during colonisation. On 17th July 2020, the Belgian Parliament decided to make “peace with its colonial past” by setting up a special commission “to conduct an investigation and societal debate on this topic […], to bring together experts to set up a truth and reconciliation commission« .
From this commission, yesterday’s colonist desperately seeks to humanise himself by controlling the entire process that could lead to a full confession, and again in this action, dishonouring his victim. Such an initiative further evinces the inveterate combination of hyper narcissism and neurotic omnipotence. The executioner purports to have unilateral omniscience, thus the victim does not exist outside the peripheral space granted to him by the executioner. The victim has no say outside the language of the executioner, nor temporality outside that which is fixed by the latter. As Nadia Fadil illustrates with the Muslim issue in Belgium, a historical and critical feedback shows that this commission has been set up merely as a governance strategy of the racial question.
Faced with the grammar of the executioner-judge
“We have known the ironies, the insults, the blows that we had to suffer morning, noon and night because we are negroes. We who have suffered in our bodies and in our minds from the colonialist spirit, we say to you: all this is now over ».
This is one of the phrases that Lumumba uttered in his memorable speech on 30th June 1960, the DRC’s Independence Day, and one that Belgium would never forgive him for, until his assassination. Lumumba was then perceived as an enemy to be annihilated because he considered it wrong to understand the decolonial event as the simplistic, amicable political alternation that the colonist wanted to make of it. For him, the colonisation was above all an era of defilement of the dignity of blacks to whom Ubuntu, Agaciro, Bushamuka, Bufasoni, Bushingantahe; no longer meant anything after so much violence and humiliation. Each one in its own way, these untranslatable words once sang the dignity and structured the worldview, the value system, and the normative framework in the Great Lakes Region. With the advent of colonisation, they lost their meaning: kings had been humiliated by petty colonial officials, women were raped, fathers of families were mutilated, and the sacred land and the sacred cow were soiled. And finally, the masks had been looted. The spirits no longer inhabited this land. The « vital force » was therefore withdrawn from life, which henceforth bore a semblance to death.
The colonial power was thus a “necropolitics” which, “in an act of permanent reversion, took death for life and life for death”. In a colony, living « is not yet building a common world. Living is only surviving, it is not dying. Existing is maintaining life ». A dissociated individual, assigned to a race, « detached from his essence » and inhabiting « this separation as his true being », the racialised person has been compelled to hate « who he is and seeks to be who he is not ». It is such an experience of a « lifelong struggle against atmospheric death » that has dragged on in post-colonial times for people of colour and that the dominant’s point of view cannot capture.
The king of Belgians is therefore right to recall “sufferings and humiliations” and “acts of violence and cruelty […] which still weigh heavily”. But these acts are unspeakable to the colonist. Belgium can never talk about this unspeakable. And even less in his language, from his point of view, the unspeakable is not perhaps there to be said by Belgium but to be rather recognised. And once again, this is not a question of subscribing to a paternalistic pattern by proposing to « recognise the suffering of the other » as estimated by the Belgian Prime Minister. On the contrary, this is about recognising one’s own infamy, which does not necessarily require a commission. The unspeakable misdeed of colonisation lies in the flesh of the colonised, in his wounds and scars. He already says it every day through his tears, pen, music, dance, activism, tenacity and art which call for dignity, a pledge of the colonist humanity.
In colonial times, the dignity of the colonised people consisted in their ability to stand upright as their world collapsed around them. Today, this dignity consists in the refusal to speak the language of the executioner and the ethical requirement to unmask its manoeuvres and contradictions. As colonised and racialised people have experienced it, this language of the executioner has always been part of the monad modality, this consubstantial « Hellenic reason » of the « negro reason » and the « greedy reason”. It was through this « Hellenic-Negro-greedy » modality that Belgium went from severed hands to colonial crimes and humiliations; from Lumumba’s assassination to the affronts suffered by his family and by Afro-descendants. It is actually the same modality which makes possible the illusion of the effectiveness of the committees’ expertise instead of the experience of the concerned people. In reality, however, these commissions are a metaphor for the power which, instead of healing and repairing the wrong done, manages a process which breeds impunity, indignity and the vicious cycle of « becoming-negro » to which the black man is unceasingly subjected.
In this negro, there is « something indomitable, fundamentally untameable, that domination – whatever its forms – can neither eliminate, nor contain, nor repress completely« . Nonetheless, although standing on his feet, this “infantilised, acculturated, dehumanised” negro still carries within him a wounded body which struggles and claims its right to care and reparation. « Repairing means, etymologically, in Western culture, to return to the original state, therefore to deny the injury. In traditional, African, Asian, and even pre-modern Western societies, repairing meant showing that the wound had been treated, giving this”. Such work can only be designed and initiated by the victims who truly understand what colonisation was all about and what it continues to be in their daily lives.