Crimes d’État – Police – Prison – Tribunaux : vers l’abolition du système pénal ?

Qui le système pénal protège-t-il ? Et de qui ? Qui appelle la police ? Qui en a peur ? Qui va en prison ? Qui n’y va pas ? Et qui sont ceux que l’on désigne volontiers comme criminels, et comme victimes ? Ces questions, tristement rhétoriques, méritent qu’on s’y attarde pour aller au-delà du constat. Car si les luttes des populations issues de l’immigration et des quartiers populaires se sont principalement menées contre les violences policières ces dernières années, peut-on vraiment espérer affaiblir le bras armé, sans s’attaquer au cerveau qui l’agite ?

Loin d’être nouvelles, c’est à nos propres héritages politiques que les réflexions autour de l’abolitionnisme pénal font écho. De fait, l’idée  de mettre fin aux violences d’État n’a pas été l’apanage de ceux qui l’ont théorisé à partir des années 70 : des militants anti-esclavagistes noirs aux luttes de libération africaines-américaines en passant par les luttes pour l’abolition du système colonial, c’est à un retour aux sources que ces questions invitent à penser. Car si l’ambition d’une société sans police, ni prison, ni système pénal peut paraitre un peu utopique, voire dangereuse, celle de subir la violence d’un système tout entier dirigé contre nos existences, est-elle plus acceptable ?

Entretien avec Gwenola Ricordeau, militante abolitionniste et professeure associée en justice criminelle à l’université d’État de Californie, Chico, auteure de Pour elles toutes. Femmes contre la prison (2019, Lux) et qui vient de publier Crimes et Peines : penser l’abolitionnisme du système pénal aux éditions Grévis.

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« POUR NOS VIES EN MORCEAUX »

Crimes & Peines – Penser l’abolitionnisme pénal
Gwenola Ricordeau

Lorsque l’on parle de crime, de prison, de police, de leur abolition, on se place le plus souvent sur le plan de l’argumentation, de la démonstration, de la raison. Il s’agit de convaincre, de prouver que ces institutions sont absurdes, mauvaises voire contre-productives. Le texte de Gwenola Ricordeau que nous publions cette semaine propose un pas d’écart. Il part de l’expérience, du viscéral, il parle de ce que la prison et la police nous font sensiblement. Il introduit « Crimes et Peines. Penser l’abolitionnisme », un livre autour de trois textes « classiques » de la pensée abolitionniste (Nils Christie, Ruth Morris et Louk Hulsman) qui sont traduits pour la première fois en français (par Pauline Picot et Lydia Amarouche). Le livre, publié par les éditions Grevis, sort en librairie le 14 mai.

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