Plus de 1 000 mouvements populaires, partis politiques, syndicats et autres organisations, dont Bruxelles Panthères, appellent les États du monde entier à soutenir la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël.
Nous, les organisations soussignées, félicitons l’Afrique du Sud pour sa requête auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) invoquant la Convention sur le génocide à l’encontre d’Israël.
Nous exhortons à présent les autres pays à renforcer cette plainte fermement formulée et bien argumentée en déposant immédiatement une déclaration d’intervention auprès de la CIJ, également appelée Cour mondiale.
De nombreux pays ont exprimé à juste titre leur horreur face aux actions génocidaires, aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité commis par l’État d’Israël à l’encontre des Palestiniens. Les forces d’occupation israéliennes ont bombardé des hôpitaux, des résidences, des centres de réfugiés des Nations unies, des écoles, des lieux de culte et des voies d’évacuation, tuant et blessant des dizaines de milliers de Palestiniens depuis le 7 octobre 2023. Plus de la moitié des morts sont des femmes et des enfants. Les dirigeants israéliens ont fait des déclarations génocidaires effrontées, déclarant ouvertement leur intention de déplacer définitivement et complètement les Palestiniens de leur propre terre.
L’Afrique du Sud a raison d’affirmer qu’en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les actions d’Israël « ont un caractère génocidaire, car elles sont commises avec l’intention spécifique requise […] de détruire les Palestiniens de Gaza en tant que partie du groupe national, racial et ethnique palestinien au sens large ».
Les parties à la Convention sur le génocide sont tenues d’agir pour prévenir le génocide ; l’action doit donc être immédiate. Une déclaration d’intervention déposée auprès de la CIJ à l’appui de l’instance introduite par l’Afrique du sud contre Israël est un moyen de garantir que tous les actes de génocide cessent et que les responsables soient tenus de rendre des comptes.
Le fait qu’Israël tue, blesse, traumatise et déplace un grand nombre de Palestiniens et qu’il prive une population occupée d’eau, de nourriture, de médicaments et de carburant répond aux critères du crime de génocide. Si la majorité des nations du monde appellent à un cessez-le-feu, mais ne font pas pression pour qu’Israël soit poursuivi, qu’est-ce qui empêchera Israël de procéder à un nettoyage ethnique de tous les Palestiniens ?
D’ailleurs, qu’est-ce qui empêcherait d’autres nations de répéter une horreur de cette ampleur ?
Nous demandons instamment aux gouvernements nationaux de déposer immédiatement une déclaration d’intervention pour soutenir la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice afin de mettre un terme aux massacres dans les territoires palestiniens occupés.
Photo : Mohamad Safa/X.
Liste complète des signataires ici
Communiqué de la Bolivie appuyant la requête présentée par l’Afrique du Sud à la Cour internationale de justice (CIJ).
POSTED ON | ESTADO PLURINACIONAL DE BOLIVIA | TRADUCTION CG POUR L’AURDIP
SOURCE
Le gouvernement de l’État plurinational de Bolivie approuve l’action historique entreprise par la République d’Afrique du Sud, qui a présenté le 29 décembre 2023 devant la Cour internationale de justice….
Le gouvernement de l’État plurinational de Bolivie approuve l’action historique entreprise par la République d’Afrique du Sud, qui a présenté le 29 décembre 2023 devant la Cour internationale de justice (CIJ) une requête contre l’État d’Israël, requête relative aux violations de la part d’Israël de ses obligations, selon la Convention sur le Génocide, envers le peuple palestinien de la Bande de Gaza.
La Bolivie, engagée pour la paix et la justice, signataire de la Convention sur le Génocide, reconnaît que l’Afrique du Sud a fait un pas historique en défense du peuple palestinien, une initiative et un effort qui devraient être accompagnés par la communauté internationale se réclamant du respect de la vie (en considérant que selon le rapport établi par les Nations Unies plus de 21 000 personnes sont mortes depuis le 7 octobre 2023, en majorité des enfants et des femmes, ce qui rend compte des actions inhumaines de l’État d’Israël).
Il est utile de rappeler que le 17 novembre dernier, la Bolivie s’est jointe à l’Afrique du Sud, au Bangladesh, aux Comores et à Djibouti, pour présenter devant le procureur de la Cour pénale une demande d’enquête sur la situation en l’État de Palestine.
Génocide à Gaza
John J. Mearsheimer analyse la requête de 84 pages déposée par l’Afrique du Sud 192-20231228-app-01-00-en auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) le 29 décembre 2023 et accusant Israël de commettre un génocide contre les Palestiniens de Gaza.
J’écris ce texte pour signaler un document vraiment important qui devrait être diffusé largement et lu attentivement par quiconque s’intéresse à la guerre en cours à Gaza.
Je me réfère spécifiquement ici à la requête de 84 pages déposée par l’Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) le 29 décembre 2023 et accusant Israël de commettre un génocide contre les Palestiniens de Gaza [1]. Elle maintient que les actions d’Israël depuis le début de la guerre le 7 octobre « visent à produire la destruction d’une partie substantielle du groupe national, racial et ethnique palestinien … dans la Bande de Gaza » ( p. 1). Cette accusation correspond clairement à la définition de génocide dans la Convention de Genève, dont Israël est signataire [2].
La requête décrit superbement ce qu’Israël est en train de faire à Gaza. Elle est complète, bien écrite, bien argumentée et documentée rigoureusement. Elle a trois composantes principales.
Premièrement, elle décrit en détail les horreurs que les forces armées israéliennes ont infligées aux Palestiniens depuis le 7 octobre 2023 et explique pourquoi bien plus de morts et de destructions les attendent encore.
Deuxièmement, la requête fournit un ensemble substantiel de preuves montrant que les dirigeants israéliens ont une intention génocidaire envers les Palestiniens (p. 59-69). Les commentaires des dirigeants israéliens — tous scrupuleusement documentés — sont effectivement choquants. On est conduit à se rappeler la manière dont les Nazis parlaient de traiter les juifs en lisant comment des Israéliens « dans une position de haute responsabilité » parlent de traiter les Palestiniens (p. 59). Essentiellement, le document argue que les actions d’Israël à Gaza, combinées avec les déclarations d’intention de ses dirigeants, montrent clairement que la politique israélienne « est calculée pour provoquer la destruction physique des Palestiniens à Gaza » (p. 39).
Troisièmement, le document s’étend longuement sur ce qui permet de replacer la guerre de Gaza dans un contexte historique plus large, montrant clairement qu’Israël a traité les Palestiniens de Gaza comme des animaux en cage depuis de nombreuses années. Il cite de nombreux rapports des Nations unies détaillant le traitement cruel des Palestiniens. Pour résumer, le document montre clairement que ce que les Israéliens ont fait à Gaza depuis le 7 octobre n’est qu’une version plus extrême de ce qu’ils ont fait avant le 7 octobre.
Bien entendu, beaucoup de faits décrits dans le document sud-africain ont été rapportés auparavant dans les médias. Ce qui rend cette requête si importante, cependant, c’est qu’elle rassemble tous ces faits en un seul endroit et fournit une description globale et solidement confirmée du génocide israélien. En d’autres termes, elle fournit une vue d’ensemble tout en ne négligeant pas les détails.
Sans surprise, le gouvernement israélien a qualifié les accusations de « diffamation par le sang » qui « n’a aucune base ni factuelle ni juridique ». Israël affirme de plus que « l’Afrique du Sud collabore avec un groupe terroriste qui appelle à la destruction de l’État d’Israël » [3]. Une lecture attentive du document, cependant, montre clairement qu’il n’y a aucun fondement à ces assertions. En fait, il est difficile de voir comment Israël pourra se défendre d’une manière rationnelle-juridique quand la procédure commence. Après tout, les faits bruts sont difficiles à contester.
Permettez-moi d’ajouter quelques observations supplémentaires à propos des accusations sud-africaines.
Premièrement, le document souligne qu’un génocide diffère d’autres crimes de guerre ou d’autres crimes contre l’humanité, bien qu’il « y ait souvent un lien étroit entre de tels actes » (p. 1). Par exemple, cibler une population civile pour aider à gagner une guerre — comme cela s’est produit quand la Grande-Bretagne et les États-Unis ont bombardé des villes allemandes et japonaises pendant la Deuxième Guerre mondiale — est un crime de guerre, mais pas un génocide. La Grande-Bretagne et les États-Unis n’essayaient pas de détruire « une partie substantielle » ou la totalité de la population dans ces États ciblés. Le nettoyage ethnique soutenu par une violence sélective est aussi un crime de guerre, même s’il n’est pas non plus un génocide, une action que Omer Bartoy, un expert de l’Holocauste né israélien, appelle « le crime de tous les crimes » [4].
Pour mémoire, j’ai pensé qu’Israël était coupable de sérieux crimes de guerre — mais pas de génocide — pendant les deux premiers mois de la guerre, même s’il y avait des preuves croissantes de ce que Bartoy a appelé « une intention génocidaire » de la part des dirigeants israéliens [5]. Mais il m’est apparu clairement après les 24-30 novembre 2023 quand la trêve s’est terminée et qu’Israël est reparti à l’offensive que les dirigeants israéliens visaient en fait à détruire physiquement une portion substantielle de la population palestinienne de Gaza.
Deuxièmement, même si la requête sud-africaine se focalise sur Israël, elle a d’immenses implications pour les États-Unis, particulièrement pour le président Biden et ses principaux lieutenants. Pourquoi ? Parce qu’il y a peu de doute que le gouvernement de Biden soit complice du génocide d’Israël, ce qui est aussi un acte punissable selon la Convention de Genève. Même s’il a admis qu’Israël était engagé dans un « bombardement indiscriminé », le président Biden a aussi affirmé que « nous n’allons pas faire quoi que ce soit, sauf protéger Israël. Quoi que ce soit » [6]. Il a été fidèle à sa parole, allant jusqu’à contourner deux fois le Congrès pour fournir rapidement des armements supplémentaires à Israël. Laissant de côté les implications légales de son comportement, le nom de Biden — et le nom de l’Amérique — seront pour toujours associés à ce qui deviendra probablement un des cas d’école d’une tentative de génocide.
Troisièmement, je n’ai jamais imaginé que je verrai le jour où Israël, un pays rempli de survivants de l’Holocauste et de leurs descendants, devrait affronter une accusation sérieuse de génocide. Indépendamment de la façon dont cette affaire se joue à la CIJ — et ici je suis parfaitement conscient des manoeuvres que les États-Unis et Israël emploieront pour éviter un procès équitable —, Israël sera largement regardé à l’avenir comme principal responsable d’un des cas canoniques de génocide.
Quatrièmement, le document sud-africain souligne qu’il n’y a aucune raison de penser que ce génocide va prendre fin bientôt, sauf si la CIJ intervient avec succès. Il cite deux fois les paroles du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou du 25 décembre 2023 pour enfoncer le clou : « Nous ne nous arrêtons pas, nous continuons à combattre et nous augmenterons les combats dans les prochains jours et ce sera une longue bataille et elle n’est pas prête d’être finie » (p. 8, p. 82). Espérons que l’Afrique du sud et la CIJ mettent un terme aux combats, mais en dernière analyse, la puissance des tribunaux internationaux à contraindre des pays comme Israël et les États-Unis est extrêmement limitée.
Enfin, les États-Unis sont une démocratie libérale qui est remplie d’intellectuels, de rédacteurs de journaux, de décideurs politiques, d’experts et d’universitaires qui proclament régulièrement leur profond engagement dans la protection des droits humains du monde entier. Ils tendent à s’exprimer haut et fort quand des pays commettent des crimes de guerre, particulièrement si les États-Unis ou n’importe lequel de leurs alliés sont impliqués. Dans le cas du génocide d’Israël, cependant, la plupart des grands noms des droits humains dans le courant libéral dominant n’ont presque rien dit des actions sauvages d’Israël à Gaza ou de la rhétorique génocidaire de ses dirigeants. Espérons qu’ils expliqueront un jour leur troublant silence. Quoi qu’il en soit, l’histoire ne sera pas tendre avec eux, qui n’ont presque pas dit un mot alors que leur pays était complice d’un crime horrible, perpétré au vu et au su de tous.
[1] https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20231228-app-01-00-en.pdf
[4] https://www.nytimes.com/2023/11/10/opinion/israel-gaza-genocide-war.html
[5] https://mearsheimer.substack.com/p/death-and-destruction-in-gaza
[6] https://www.motherjones.com/politics/2023/12/how-joe-biden-became-americas-top-israel-hawk/
Gaza / Israël : à propos de la récente requête de l’Afrique du Sud auprès de la Cour Internationale de Justice (CIJ)
Nicolas Boeglin, professeur de droit international public à la Faculté de droit de l’Université du Costa Rica, conduit une analyse approfondie de la requête de l’Afrique du Sud devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) contre Israël, l’accusant de génocide envers les Palestiniens à Gaza. La demande est également assortie d’une requête en indication de mesures conservatoires.
« More than 5,300 Palestinian children have been reportedly killed in just 46 days – that is over 115 a day, every day, for weeks and weeks. Based on these figures, children account for forty per cent of the deaths in Gaza. This is unprecedented. In other words, today, the Gaza Strip is the most dangerous place in the world to be a child.
“We are also receiving reports that more than 1,200 children remain under the rubble of bombed out buildings or are otherwise unaccounted for ».
UNICEF Executive Director, briefing at UN Security Council, November 22, 2023
Récemment, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a indiqué que l’Afrique du Sud a formellement déposé, le 29 décembre 2023, une requête contre Israël accompagnée d’une demande en indication de mesures conservatoires (voir le communiqué de presse de la CIJ en anglais et en français).
Cette initiative a coïncidé avec une réunion urgente du Conseil de Sécurité des Nations Unies (voir vidéo disponible sur YouTube), compte tenu de l’inefficacité de la résolution 2720 adoptée le 22 décembre 2023, que nous avions eu l’occasion d’analyser lors de son adoption (Note 1).
Cette inefficacité est largement due à la menace d’un nouveau veto américain, contraignant certains des États promoteurs d’un texte « fort » à intégrer, l’une après l’autre, après de longues journées de négociation, les différentes objections nord américaines au texte initial. Une session spéciale de l´Assemblée Générale des Nations Unies aura d’ailleurs lieu le 9 janvier 2024 afin d´examiner en détail ce véto nord américain (voir texte de la lettre du Président de l´Assemblée Générale datée du 4 janvier): sauf erreur de notre part, il s´agit d’un premier exercice de ce type pour un véto depuis 1945.
Il est à noter que pour l’allié indéfectible d’Israël, les actions militaires d’Israël à Gaza sont de moins en moins justifiables, défendables et présentables aux yeux de l’opinion publique, ainsi que le narratif officiel israélien. En ce début de l’année 2024, le Département d’Etat nord américain (voir communiqué officiel du 2 janvier 2024) a critiqué les déclarations israéliennes dans les termes suivants, avec un ton assez inhabituel :
« This rhetoric is inflammatory and irresponsible. We have been told repeatedly and consistently by the Government of Israel, including by the Prime Minister, that such statements do not reflect the policy of the Israeli government« .
On notera enfin que l’incitation officielle au génocide et l´inertie des instances judiciaires israéliennes ont fait l’objet d´une lettre publique de personnalités israéliennes, et non pas des moindres (voir note de The Guardian du 3 janvier 2024).
La requête de l’Afrique du Sud en bref
La base de compétence utilisée par l’Afrique du Sud pour déposer cette requête contre Israël est la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide (voir le texte en anglaiset enfrancais) : il s’agit d’un instrument international adopté en 1948, qui compte 153 États parties (voir l‘état officiel des signatures et ratifications), dont Israël depuis 1950.
Les derniers États à avoir adhéré à ce traité multilatéral sont la Zambie (en 2022), la Dominique et Maurice (2019), le Turkménistan (2018), le Malawi (2017), le Tadjikistan (2015) et l’État de Palestine, dont l’adhésion a été officiellement enregistrée en avril 2014.
Dans sa requête détaillée de plus de 80 pages (voir le texte intégral, dont la lecture est recommandée), l’Afrique du Sud conclut par la demande suivante (p. 82) comprenant 9 points au total, demandant à la CIJ d’ordonner d’urgence ce qui suit :
« (1) The State of Israel shall immediately suspend its military operations in and against Gaza.
(2) The State of Israel shall ensure that any military or irregular armed units which may be directed, supported or influenced by it, as well as any organisations and persons which may be subject to its control, direction or influence, take no steps in furtherance of the military operations referred to point (1) above.
(3) The Republic of South Africa and the State of Israel shall each, in accordance with their obligations under the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, in relation to the Palestinian people, take all reasonable measures within their power to prevent genocide.
(4) The State of Israel shall, in accordance with its obligations under the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, in relation to the Palestinian people as a group protected by the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, desist from the commission of any and all acts within the scope of Article II of the Convention, in particular: (a) killing members of the group; (b) causing serious bodily or mental harm to the members of the group; (c) deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to bring about its physical destruction in whole or in part; and (d) imposing measures intended to prevent births within the group.
(5) The State of Israel shall, pursuant to point (4)(c) above, in relation to Palestinians, desist from, and take all measures within its power including the rescinding of relevant orders, of restrictions and/or of prohibitions to prevent: (a) the expulsion and forced displacement from their homes; (b) the deprivation of: (i) access to adequate food and water; (ii) access to humanitarian assistance, including access to adequate fuel, shelter, clothes, hygiene and sanitation; (iii) medical supplies and assistance; and (c) the destruction of Palestinian life in Gaza.
(6) The State of Israel shall, in relation to Palestinians, ensure that its military, as well as any irregular armed units or individuals which may be directed, supported or otherwise influenced by it and any organizations and persons which may be subject to its control, direction or influence, do not commit any acts described in (4) and (5) above, or engage in direct and public incitement to commit genocide, conspiracy to commit genocide, attempt to commit genocide, or complicity in genocide, and insofar as they do engage therein, that steps are taken towards their punishment pursuant to Articles I, II, III and IV of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide.
(7) The State of Israel shall take effective measures to prevent the destruction and ensure the preservation of evidence related to allegations of acts within the scope of Article II of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide; to that end, the State of Israel shall not act to deny or otherwise restrict access by fact-finding missions, international mandates and other bodies to Gaza to assist in ensuring the preservation and retention of said evidence.
(8) The State of Israel shall submit a report to the Court on all measures taken to give effect to this Order within one week, as from the date of this Order, and thereafter at such regular intervals as the Court shall order, until a final decision on the case is rendered by the Court.
(9) The State of Israel shall refrain from any action and shall ensure that no action is taken which might aggravate or extend the dispute before the Court or make it more difficult to resolve ».
Cette demande en indication de mesures conservatoires a été saluée par certains Etats comme par exemple la Malaisie (voir communiqué officiel) ou encore la Turquie (voir communiqué), ainsi que par l´Organisation pour la Coopération Islamique (OCI): voir communiqué.
Pour ce qui est des Etats arabes s´exprimant à titre individuel, hormis la Jordanie (voir note de presse), leur silence se fait de plus en plus lourd: pour le cas de certains d’entre eux, ce silence fournit une indication sur le fossé existant entre leurs élites dirigeantes et l’opinion publique arabe; dans le cas de certains autres Etats, l´indication doit être aussi portée sur l´effet des liens qu’ ils ont tissés avec Isräel et avec les Etats Unis. Dans un cas comme dans l’ autre, il ne faut pas sous-estimer l’ effet des intenses pressions nord américaines afin que l´Afrique du Sud se sente isolée dans sa démarche.
Israël pour sa part a envoyé des instructions assez précises à chacune de ses légations diplomatiques dans le monde (voir note de Axios sur le sujet).
Ce n’est pas la première fois que l’Afrique du Sud se tourne vers la justice internationale en vue de freiner le drame qui se déroule à Gaza depuis le soir du 7 octobre. En effet, le 17 novembre, l’Afrique du Sud, ainsi que quatre autres Etats (dont la Bolivie) ont déposé un « referral » urgent concernant une autre juridiction internationale basée à La Haye, la Cour Pénale Internationale (CPI) – voir texte intégral en anglais – que nous avons eu l’occasion d’analyser (Note 2).
La réaction israélienne
Dans un communiqué officiel publié le 29 décembre par son appareil diplomatique (voir hyperlien), Israël a déclaré que :
« South Africa’s claim lacks both a factual and a legal basis, and constitutes despicable and contemptuous exploitation of the Court. South Africa is cooperating with a terrorist organization that is calling for the destruction of the State of Israel « .
Le ton tout comme l’accusation de coopération de l’Afrique du Sud avec le Hamas font partie des éléments de langage israéliens entendus lorsque les actions d’Israël à Gaza depuis le 7 octobre sont remises en question. Des « arguments » similaires ont été d’ailleurs entendus contre le Secrétaire Général des Nations Unies lui-même lors d’une réunion du Conseil de Sécurité (voir note de presse de la BBC), au cours de laquelle le chef de la diplomatie israélienne n’a pas trouvé de meilleur « argument » que de lui demander publiquement de démissionner.
Rappelons également qu’en 2019, lorsque le Bureau du Procureur de la CPI a annoncé qu’il avait formellement lancé une enquête sur ce qui se passe dans le territoire palestinien occupé, le Premier Ministre et le Ministre de la Défense israéliens ont qualifié la CPI d’ »antisémite » (voir note du Jerusalem Post et ce câble de l´agence Reuters).
Au-delà des gesticulations de l’appareil diplomatique israélien visant à discréditer la plainte de l’Afrique du Sud (et qui ne font plus guère d’effet à La Haye ou même à New York), le fait que la CIJ puisse ordonner des mesures provisoires à l’encontre d’Israël pour des actes qualifiés de « génocide » constituerait un premier pas, interpellant au passage les 151 autres Etats parties à la convention de 1948, mais aussi l’Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité des Nations Unies, tout comme le Bureau du Procureur d’une autre juridiction internationale basée à La Haye : la CPI.
Sur ce dernier point, un article récent intitulé « The ICC Prosecutor’s Double Standards in the time of an Unfolding Genocide » (dont la lecture est recommandée) met en garde contre le risque pour la CPI de perdre toute crédibilité aux yeux d’une grande partie du monde si le Bureau du Procureur reste aussi distant face au drame qui se déroule à Gaza.
La phase procédurale qui se poursuit à La Haye
Cet article du Times of Israel daté du 3 janvier indique qu’Israël participera bien aux audiences fixées par la CIJ les 11 et 12 janvier : voir aussi les communiqués officiels de la CIJ en français et en anglais du 3 janvier.
L’extrême rapidité avec laquelle la CIJ a fixé ces audiences témoigne de l’urgence absolue de la situation et peut inviter à penser que les arguments présentés par l´Afrique du Sud ont convaincu certains juges de La Haye: avec des centaines de vies humaines perdues avec chaque nouveau jour de bombardements israéliens sur Gaza, l´urgence est totale.
Par rapport à des affaires similaires dans lesquelles la convention de 1948 pour la prévention du génocide a été invoquée devant la CIJ de La Haye, le juge de La Haye est particulièrement prompt à traiter la présente demande en indication de mesures conservatoires de l’Afrique du Sud :
– dans le cas de la plainte déposée par la Bosnie-Herzégovine contre la Yougoslavie le 20 mars 1993, les audiences ont eu lieu les 1er et 2 avril, et des mesures conservatoires ont été ordonnées par la CIJ le 8 avril 1993 (voir le texte de l’ordonnance de la CIJ).
– dans le cas de la requête introduite par la Gambie contre le Myanmar en vertu de la même convention sur le génocide de 1948, la demande en indication de mesures conservtaoires est datée du 11 novembre 2019, les audiences ont eu lieu près d’un mois plus tard (10-12 décembre 2019) et les mesures provisoires ont été rendues le 23 janvier 2020 (voir l’ordonnance).
– plus récemment, dans l’affaire de l’Ukraine contre la Russie, dans laquelle l’Ukraine a également eu recours à ce même instrument multilatéral, la demande en indication de mesures conservatoires a été enregistrée le 27 février 2022, les audiences ont eu lieu les 7 et 8 mars et les mesures conservatoires ont été ordonnées par la CIJ le 16 mars 2022 (voir ordonnance). Il est à noter que la Russie a choisi de ne pas comparaître lors des audiences tenues à La Haye : il s’agit d’une absence remarquée, que nous avions eu l’occasion d’analyser en termes d’effets et de portée (Note 3).
Le génocide et la communauté internationale
Il est assez remarquable que, bien que la Convention de 1948 sur la prévention du génocide soit un instrument multilatéral qui compte 153 États parties, et que le Statut de Rome soit un autre instrument multilatéral adopté en 1998 qui compte actuellement 124 États parties (voir l’état officiel des signatures et ratifications), les autres États n’utilisent pas les mécanismes prévus par ces traités internationaux face à la tragédie humaine de Gaza : dans les deux cas, c’est l’Afrique du Sud qui a choisi de les activer.
Dans son communiqué officiel du 29 décembre (voir texte), l’Afrique du Sud précise (de manière très diplomatique) que d’autres Etats pourraient également se joindre à cette initiative, en déclarant que :
« South Africa has repeatedly stated that it condemns all violence and attacks against all civilians, including Israelis. Moreover, South Africa has continuously called for an immediate and permanent ceasefire and the resumption of talks that will end the violence arising from the continued belligerent occupation of Palestine. As a State Party to the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, South Africa is under a treaty obligation to prevent genocide from occurring« .
L’obligation légale de prévenir les génocides n’incombe-t-elle pas à chaque Etat partie à la convention de 1948 ? C’est ce qu’explique depuis plusieurs semaines une note très complète de la Commission Internationale de Juristes (CIJ), une ONG basée en Suisse.
Il convient également de rappeler que depuis le 16 novembre 2023, un groupe d’experts des droits de l’homme des Nations Unies a collectivement mis en garde contre un risque sérieux de génocide à Gaza dans un communiqué commun (voir le texte) dans lequel on lit que :
« We are deeply distressed at the failure of Israel to agree to – and the unwillingness of the international community to press more decisively for – an immediate ceasefire. The failure to urgently implement a ceasefire risks this situation spiralling towards a genocide conducted with 21st century means and methods of warfare,” the experts warned.
They also expressed alarm over discernibly genocidal and dehumanising rhetoric coming from senior Israeli government officials, as well as some professional groups and public figures, calling for the “total destruction”, and “erasure” of Gaza, the need to “finish them all” and force Palestinians from the West Bank and east Jerusalem into Jordan. The experts warned that Israel has demonstrated it has the military capacity to implement such criminal intentions« .
Comme à l’accoutumée, cette déclaration officielle du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme a été à peine mentionnée dans certains des principaux médias internationaux : elle est passée pratiquement inaperçue.
La France et le génocide: une déclaration conjointe récente
Il est intéréssant de noter que la France, ainsi que cinq autres Etats (dont le Canada et le Royaume Uni), ont adopté un déclaration conjointe (voir texte) aux fins d´intervention dans l´affaire précitée opposant la Gambie au Myanmar devant le juge international depuis 2019.
On lit notamment dans cette déclaration conjointe, datée su 15 novembre 2023, que:
« 9. En outre, conscientes du caractère de jus cogens de l’interdiction du génocide ainsi que de la nature erga omnes partes des obligations découlant de la Convention sur le génocide, tous les États parties ont un intérêt commun à la réalisation des fins supérieures de ladite convention« .
Compte tenu de la lecture assez particuliere que font les Etats européens de la situation que se vit dans la bande de Gaza depuis la soirée du 7 octobre 2023, il sera intéréssant d´observer si certains se décident aussi à intervenir aux cotés de l´Afrique du Sud.
Pour la petite histoire (et surtout pour les spécialistes francophones, connaisseurs de la réserve historique que la France maintient officiellement avec les normes du « jus cogens » consacrée dans la Convention de Vienne sur le Droit des Traités de 1969 qu´elle n´a toujours pas signée), cette déclaration semblerait constituer un tout premier infléchissement: il s’agit d’un fort timide signal, vue l’opposition traditionnelle de la France depuis 1969, tant au plan international qu’au plan des juridictions nationales (Note 4).
On notera que dans sa déclaration d´intervention du 13 septembre 2022 dans le litige opposant l´Ukraine à la Russie (voir texte complet), aucune mention n´a alors été faite du jus cogens et que la France a indiqué uniquement que:
« 8. En tant que partie a la convention sur le genocide, la France estime necessaire de se prévaloir de son droit d’intervenir en la presente affaire, notamment compte tenu de la nature particuliere de la convention de 1948, dans laquelle « les Etats contractants n’ont pas d’interets propres [et] ont seulement, tous et chacun, un interet commun, celui de preserver les fins supérieures qui sont la raison d’etre de la convention », ainsi que la Cour l’a souligné dans son avis consultatif sur les Réserves a la convention pour la prevention et la repression du crime de genocide. 9. Dans ce meme avis, la Cour a encore precisé que « [l]a consideration des fins supérieures de la Convention est, en vertu de la volonte commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les dispositions qu’elle renferme ». Cette considération motive la volonté de la France d’user de son droit d’intervention« .
En guise de conclusion
Les images insoutenables de la tragédie qui se déroule à Gaza depuis l’après-midi/soirée du 7 octobre choquent jour après jour, heure après heure, l’ensemble de la communauté internationale et interpellent ses principaux organes.
Depuis le 7 octobre au soir, Israël a lancé une action militaire punitive collective contre la population civile de Gaza, en représailles à l’attaque menée le même jour par le Hamas contre le territoire israélien. Cette action militaire israélienne se déroule depuis presque trois mois en violation flagrante et ouverte des règles les plus élémentaires du droit international humanitaire.
Les « manœuvres » des Etats-Unis au sein du Conseil de sécurité pour empêcher ce dernier d’ordonner expressément un cessez-le-feu humanitaire ont rendu inopérante la résolution 2720 adoptée le 22 décembre dernier ; un nouvel exercice s’impose donc face au siège quotidien que subit la population civile palestinienne à Gaza.
Le dernier rapport de situation en date du 28 décembre, établi par les Nations Unies (voir texte), rend compte de l’insensée stratégie d’Israël, avec un décompte tragique de plus de 21 000 morts à Gaza depuis le 7 octobre, pour la plupart des enfants et des femmes :
« On 28 December, heavy Israeli bombardment from air, land, and sea, continued across most of the Gaza Strip. Intense ground operations and fighting between Israeli forces and Palestinian armed groups also continued in most areas, except for Rafah, as did the firing of rockets by Palestinian armed groups into Israel.
Between the afternoons of 27 and 28 December, 210 Palestinians were reportedly killed, and another 325 people were injured, according to the Ministry of Health (MoH) in Gaza. According to the MoH in Gaza, between 7 October and 7:00 on 28 December, at least 21,320 Palestinians were killed in Gaza. About 70 per cent of those killed are said to be women and children. As of then, 55,603 Palestinians have been injured. Many people are missing, presumably buried under the rubble, waiting for rescue or recovery.
On 28 December, the Israeli military announced that three additional soldiers had been killed in Gaza. Overall, since the start of the ground operation, 165 soldiers have been killed, and 921 soldiers have been injured in Gaza, according to the Israeli military.
Preliminary estimates by humanitarian actors on the ground indicate that at least 100,000 internally displaced persons (IDPs) have arrived in Rafah over the past days, following the intensification of hostilities in Khan Younis and Deir al Balah, and the Israeli army’s evacuation orders. Already on 20 December, Rafah was estimated to be the most densely populated area in Gaza, exceeding 12,000 people per square kilometre. The new influx of IDPs has further exacerbated conditions related to the already overcrowded space and limited resources ».
Enfin, il convient de noter que cette nouvelle action de l’Afrique du Sud devant la CIJ s’ajoute à une autre action intentée devant la même CIJ par l’Assemblée Générale des Nations Unies, demandant un avis consultatif sur la colonisation israélienne illégale et ses effets du point de vue du droit international public. Il s´agit d une résolution qui a été votée il y a exactement un an, le 30 décembre 2022 (réunissant 87 votes pour, 26 contre et 53 abstentions) et qui n’a recueilli que deux voix contre elle de la part de l’Amérique Latine : celle du Guatemala et celle Costa Rica (Note 5). La France pour sa part, s´est abstenue, et comme à l’accoutumée, le Canada a voté contre. Les audiences orales concernant cette procédure consultative sur la colonisation isarélienne au regard du droit international public comenceront le 19 février 2024 (voir communiqué officiel de la CIJ).
–Notes —
Note 1: Cf. (en espagnol) BOEGLIN N., » Gaza / Israel: a propósito de las maniobras norteamericanas y la reciente resolución S/RES/2720(2023) del Consejo de Seguridad de Naciones Unidas« , editée le 22 décembre 2023, et disponible ici.
Note 2: Cf. (en espagnol) BOEGLIN N., « Gaza / Israel: a propósito del anuncio hecho por Sudáfrica de una acción conjunta ante la Fiscalía de la Corte Penal Internacional (CPI) », editée le 18 novembre 2023 et disponible ici.
Note 3:Cf. (en espagnol) BOEGLIN N., « La fuerza del derecho ante el derecho a la fuerza (el caso de Ucrania y Rusia). A propósito de la no comparecencia de Rusia ante la Corte Internacional de Justicia (CIJ)« , Site de l’ Universidad de Costa Rica (UCR), édition du 23 mars 2023. Texte disponible ici.
Note 4: Cf.par exemple sur ce sujet, CHARITE M., « La notion de jus cogens en droit interne français. Réflexions sur un excès du droit international impératif« , article en ligne, 2017, disponible ici. Plus ancien, cf. aussi DELEAU O., « Les positions françaises à la Conférence de Vienne sur le droit des traités« , Volume 15, Annuaire Françaisde Droit International / AFDI (1969), pp. 7-23, notamment pp.14-18. Texte complet de l’article disponible ici.
Note 5 : Cf. (en espagnol) BOEGLIN N., « América Latina ante solicitud de opinión consultiva a justicia internacional sobre la situación en Palestina: breves apuntes sobre insólito voto en contra de Costa Rica », editée le 31 de décembre 2022 et disponible ici.
Nicolas Boeglin, professeur de droit international public, Faculté de droit, Université du Costa Rica (UCR). Contact : nboeglin@gmail.com
Un version en espagnol de ce texte est également disponible.
Les fondateurs d’Israël ont fièrement enraciné leur entreprise dans l’univers moral du colonialisme européen. Les crimes d’Israël font le procès de l’Occident libéral.
Par Tony Karon, le 8 janvier 2024
Je n’ai jamais été aussi fier de mon héritage de lutte contre l’apartheid que la semaine dernière, lorsque l’Afrique du Sud a porté plainte pour génocide contre Israël devant la Cour internationale de justice. Le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud considérait Israël comme une âme sœur idéologique et un allié proche. Aujourd’hui, l’Afrique du Sud démocratique, libérée de la domination de la minorité blanche, honore son obligation morale, comme l’a souligné le défunt président Nelson Mandela, de ne pas se reposer tant que la Palestine ne sera pas libre. Il s’agissait également d’honorer la dette envers la société civile internationale qui s’était levée pour faire face aux puissances occidentales qui dorlotaient le régime de Botha dans les années 1980, déclarant que l’apartheid était un crime contre l’humanité et s’efforçant d’isoler Pretoria. L’Afrique du Sud libre a montré au monde qu’elle avait retenu la leçon de cette solidarité : Aucun de nous n’est libre tant que nous ne le sommes pas tous.
Les millions de personnes qui sont descendues dans les rues du monde entier pour exiger la fin de la campagne militaire génocidaire d’Israël reflètent la réalité : la majeure partie de la société civile mondiale, en particulier dans le Sud ou à partir du Sud, est aux côtés des Palestiniens. Pourtant, la plupart des gouvernements du monde (ceux qui ne sont pas directement complices de la criminalité d’Israël ou qui ne la soutiennent pas) n’ont pas agi. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Israël exerce une violence génocidaire, bombarde et affame des civils et détruit délibérément leurs moyens de survie avec un sentiment d’impunité qui défie l’entendement au XXIe siècle. Il agit en effet avec la certitude bien ancrée que les munitions américaines qu’il largue sur les mères et les enfants de Gaza continueront d’affluer, de même que la couverture politique qui bloque toute réprimande internationale. L’une des règles de « l’ordre international fondé sur des règles » de Joe Biden exige une quiescence silencieuse face aux crimes de guerre commis par les États-Unis et leurs alliés les plus proches.
« Lorsque vous accusez Israël de génocide, vous ne pouvez pas éviter la réalité, même si elle n’est pas dite, que vous accusez également les États-Unis de complicité de génocide. »
L’arrogance avec laquelle Israël viole systématiquement le droit international et les normes humanitaires fondamentales découle de son ancrage dans un ordre colonial et néocolonial occidental qui justifie la violence épique pour « pacifier » et asservir les peuples bruns et noirs de la planète aux besoins des colonisateurs. Israël est convaincu que sa justification de la violence « nécessaire » – défendre la « civilisation » contre la « barbarie », et d’autres récits grotesquement ironiques – résonne dans la mémoire historique des capitales occidentales. La violence qu’Israël continue de déchaîner aujourd’hui est celle qui a littéralement fait de l’Occident la force dominante du système international. Comme l’a noté Samuel P. Huntington, théoricien américain du « choc des civilisations »,
« L’Occident a conquis le monde non pas par la supériorité de ses idées, de ses valeurs ou de sa religion (à laquelle peu de membres d’autres civilisations se sont convertis), mais plutôt par sa supériorité dans l’application de la violence organisée. Les Occidentaux oublient souvent ce fait ; les non-Occidentaux, eux, ne l’oublient jamais ».
Les non-Occidentaux ne l’oublient jamais. Il ne faut donc pas s’étonner si la plupart des non-Occidentaux voient dans la violence et l’humiliation qu’Israël fait aujourd’hui subir aux Palestiniens un écho de leur brutalisation et de leur humiliation historiques aux mains des puissances occidentales.
Le corollaire de l’argument de Huntington est que les moments de violence organisée réussie par les peuples non occidentaux contre les puissances européennes/occidentales ostensiblement invincibles ont parfois un effet d’inspiration dans le Sud global : Pankaj Mishra a mis en lumière l’impact de la défaite du Japon contre la Russie impériale en 1905 sur des intellectuels allant de Sun Yat-sen et Jawaharlal Nehru à Mustafa Kemal Ataturk et W.E.B. Dubois.
« Certains des nombreux nationalistes arabes, turcs, persans, vietnamiens et indonésiens qui se sont réjouis de la défaite de la Russie avaient des origines encore plus diverses. Mais ils partageaient tous une même expérience : celle d’avoir été subjugués par des Occidentaux qu’ils avaient longtemps considérés comme des parvenus, voire des barbares. Et tous ont tiré la même leçon de la victoire du Japon : Les hommes blancs, conquérants du monde, n’étaient plus invincibles ».
Un frisson d’inspiration similaire a été ressenti dans tout le Sud lorsque les révolutionnaires vietnamiens ont vaincu l’armée française à Dien Bien Phu et ont forcé les colonisateurs à partir. Et de nouveau lorsqu’ils ont vaincu les Américains qui avaient remplacé la France. Ou encore lorsque des révolutionnaires cubains barbus ont chassé un dictateur soutenu par les États-Unis et repoussé les efforts visant à restaurer l’ancien régime. Il convient également de rappeler que la résistance palestinienne s’est trouvée, symboliquement, au centre d’une culture de militantisme du tiers-monde dans les années 1970.
La Palestine n’est pas un État – c’est un peuple dépossédé par l’impérialisme occidental, dont les revendications d’autodétermination ont été méprisées par les puissances occidentales et trahies ou abandonnées par la plupart des autocraties postcoloniales qui ont gouverné la région arabe, mais qui se bat irrépressiblement et contre vents et marées pour retrouver ses terres et ses droits.
Lorsque Nelson Mandela, libéré de prison en 1990, a été interrogé aux États-Unis sur ses relations avec Yaser Arafat et d’autres sommités de la lutte du tiers monde, il a poliment mais fermement fait savoir à l’establishment américain que « vos ennemis ne sont pas nos ennemis » et qu’il se tenait aux côtés de ceux qui avaient activement soutenu la lutte de libération de l’Afrique du Sud – en précisant qu’il ne reconnaissait pas les États-Unis dans cette cohorte.
Faire passer la solidarité du sentiment à l’action est bien sûr un défi délicat pour les pays du tiers-monde nouvellement indépendants lorsqu’il s’agit de s’arrimer aux États-Unis et à l’Europe. Le principal obstacle est la place centrale qu’occupent les marchés financiers mondiaux dans la gouvernance, au cœur du pouvoir occidental. L’économie mondiale grotesquement inégale léguée par le pillage colonial violent de l’Occident, des inégalités fondées sur le vol violent, a été maintenue, après la décolonisation politique, sous la forme de relations de propriété privée codifiées, comme s’il s’agissait d’un ordre méritocratique fondé sur les prouesses entrepreneuriales de l’Occident. (Cela a donné aux États-Unis et à l’Europe un véritable droit de veto sur l’indépendance politique des anciennes colonies – voir l’historien britannique ghanéen Kojo Koram pour un exposé puissant de ce processus.
L’Afrique du Sud post-apartheid s’est elle aussi retrouvée dans une position subordonnée au sein d’une économie mondiale et d’un système financier créés par et pour les puissances impériales, et dont les inégalités ont été accélérées à l’ère néolibérale. (Ce pouvoir est ouvertement exploité aujourd’hui encore, par exemple en faisant pression sur l’Égypte pour qu’elle accepte des dizaines de milliers de réfugiés palestiniens victimes du nettoyage ethnique de Gaza, en échange de l’annulation par les institutions financières internationales de 160 milliards de dollars de sa dette nationale paralysante).
Ces dernières années, l’Afrique du Sud a commencé à résister poliment aux exigences géopolitiques des États-Unis, dans l’esprit du « vos ennemis ne sont pas nos ennemis » de Mandela – elle a notamment refusé, de concert avec la plupart des pays du Sud, de se ranger du côté de l’OTAN dans la guerre en Ukraine. C’est peut-être un signe du déclin relatif de la puissance américaine et de l’indépendance économique croissante des puissances moyennes de l’alliance des BRICS. Néanmoins, les BRICS sont une alliance commerciale ; l’Afrique du Sud a pris la tête de ce qui s’apparente à un défi géopolitique lancé par le Sud aux États-Unis.
La résistance de Pretoria à l’influence américaine a atteint un niveau qualitativement nouveau avec le procès devant la CIJ – parce que lorsque vous accusez Israël de génocide, vous ne pouvez pas éviter la réalité, même si elle n’est pas dite, que vous accusez également les États-Unis de complicité de génocide. L’Afrique du Sud a pris l’initiative de rallier les pays du Sud pour qu’ils s’opposent à un ordre mondial dirigé par les États-Unis qui permet un génocide auquel Washington pourrait mettre fin s’il le souhaitait.
Israël a pulvérisé une grande partie de Gaza et continue de tuer des centaines de civils chaque jour – et expose délibérément des centaines de milliers d’autres à une mort atroce due à la maladie ou à la faim. Mais il est clair qu’il ne parvient pas à détruire les capacités de combat du Hamas. « Le scepticisme grandit quant à la capacité d’Israël à démanteler le Hamas », prévient le New York Times, qui a toujours encouragé Israël. Loin de marginaliser le Hamas, les actions menées par Israël depuis le 7 octobre ont rendu le mouvement plus populaire que jamais parmi les Palestiniens et d’autres personnes de la région arabe, tout en marginalisant davantage les dirigeants alignés sur Israël et les États-Unis.
Fadi Quran a récemment fait part de son point de vue sur la manière dont les tactiques militaires choisies par Israël sont perçues par les Palestiniens. Alerte au scandale : elles produisent l’effet inverse de la « dissuasion » par la brutalité que l’armée israélienne a toujours prônée.
« Nous avons constaté un changement radical dans la perspective moyenne de l’armée israélienne dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Auparavant, elle était considérée comme une force intimidante et avancée avec laquelle il fallait compter, avec un niveau de suprématie qui ne pouvait pas être brisé », écrit Fadi. « Aujourd’hui, elle est perçue comme extrêmement faible et fragile. Plus précisément, la perspective actuelle est qu’il serait facilement vaincu s’il ne bénéficiait pas d’un soutien américain illimité ».
La dépendance d’Israël à l’égard des bombardements aériens et du pilonnage des centres urbains, écrit-il, est « perçue comme la tactique la plus lâche d’une armée qui a peur de se battre « face à face » avec une milice qui est dix fois moins nombreuse qu’elle, qui dispose de 1 % de ses ressources et qui est assiégée depuis dix-sept ans ». Les incursions terrestres d’Israël se font à travers des chars fortifiés après des bombardements aériens et d’artillerie massifs, et pourtant elles ne parviennent pas à tenir efficacement un territoire.
Un simple coup d’œil aux médias israéliens, sans parler des vidéos de Gaza diffusées par le Hamas, montre que les opérations terrestres d’Israël ne se déroulent pas bien, qu’elles subissent des pertes importantes et qu’elles ne parviennent pas à éliminer la résistance.
Les tactiques d’Israël, bien sûr, reflètent également un héritage colonial d’échec brutal, qui déclenche la mémoire historique du Sud global. L’ampleur et la nature de la violence que les puissances occidentales sont prêtes à tolérer à l’encontre d’un peuple captif et colonisé à Gaza est également un rappel brutal aux anciens colonisés et à leurs descendants des comptes non réglés avec l’Occident impérial.
Israël établit même utilement des liens entre sa campagne et les traditions occidentales de violence à l’encontre des colonisés. Son recours à une puissance aérienne dévastatrice contre des centres de population civile surpeuplés a suscité des comparaisons avec les bombardements alliés de la Seconde Guerre mondiale sur Dresde, Hambourg et Tokyo – une comparaison faite même par les dirigeants israéliens qui cherchent à justifier le carnage qu’ils ont déclenché. S’adressant aux puissances occidentales, leur discours est sans appel : « Vous l’avez fait pendant la Seconde Guerre mondiale, comment pouvez-vous remettre en question notre confiance dans une stratégie que vous avez vous-mêmes utilisée pour gagner une guerre ? »
Le projet colonial des colons s’appuie, pour sa justification interne et pour s’adresser à ses alliés, sur un récit qui le présente comme un avant-poste de l’Occident libéral dans un « quartier difficile », une « villa dans la jungle », comme l’a dit l’ancien premier ministre Ehud Barak. Cette image de soi permet de rejeter a priori de manière raciste les droits et les revendications des Palestiniens : je me souviens qu’en 2009, le New York Times avait rapporté que les Israéliens et leurs soutiens américains avaient été courroucés par le discours du président Barack Obama au Caire « parce qu’ils considéraient que ce discours élevait les Palestiniens au rang d’égaux ». Si M. Biden considérait que la vie des Palestiniens était égale à celle des Israéliens, il ne pouvait pas soutenir les campagnes militaires israéliennes qui massacrent les civils de Gaza. Bien entendu, Obama s’est rapidement aligné sur les méthodes racistes de l’establishment américain, déclinant toutes les opportunités d’action pour honorer ce qui équivalait aux promesses vides qu’il avait faites au Caire.
L’establishment américain connaît bien le principe colonial de la « violence nécessaire » pour pacifier les adversaires autochtones, qu’il s’agisse des dizaines de milliers de victimes civiles considérées comme des « dommages collatéraux » en Afghanistan et en Irak au XXIe siècle, ou des centaines de milliers d’Amérindiens qui ont payé le prix de l’expansion vers l’Ouest de la colonie américaine. Et c’est à ces hypothèses profondément ancrées sur la nécessité d’une violence épique pour défendre et étendre un ordre mondial libéral que les Israéliens font appel.
Le mot en ‘C’
L’establishment libéral new-yorkais se sent mal à l’aise face à l’idée qu’Israël est un projet de colonisation et certains des plus jeunes partisans d’Israël en Occident tentent de se situer dans la vogue décolonisatrice en revendiquant faiblement l’ »indigénéité » des Juifs ashkénazes à l’origine du projet sioniste. Mais le sionisme était un mouvement nationaliste fin de siècle presque entièrement européen, qui n’a eu qu’une résonance négligeable parmi les communautés juives du monde arabe et musulman au cours de son premier demi-siècle d’existence. En outre, les fondateurs du sionisme étaient explicites et fiers de déclarer les fondements coloniaux de leur projet de construction d’un État juif en Palestine.
Selon Vladimir Ze’ev Jabotinsky, fondateur du mouvement sioniste révisionniste qui a été la force hégémonique de la politique israélienne pendant la plus grande partie des cinq dernières décennies, la colonisation était synonyme de violence. Son influent pamphlet, Le mur de fer, écrit en 1923, expose sans détour les aspirations coloniales du sionisme et la violence nécessaire pour les réaliser. L’objectif sioniste de coloniser la Palestine (selon ses termes) ne pouvait être atteint sans recourir à la force brute, car les populations autochtones ne cèdent jamais leurs terres sans se battre. Les Arabes de Palestine, écrit-il, « éprouvent au moins le même amour instinctif et jaloux pour la Palestine que les anciens Aztèques pour l’ancien Mexique, et les Sioux pour leurs prairies vallonnées ».
« Toute population autochtone dans le monde résiste aux colonisateurs tant qu’elle a le moindre espoir de pouvoir se débarrasser du danger d’être colonisée. »
C’est ce que font les Arabes de Palestine et c’est ce qu’ils continueront à faire tant qu’il leur restera la moindre étincelle d’espoir de pouvoir empêcher la transformation de la « Palestine » en « Terre d’Israël ».
La résistance inévitable de la population indigène à la création d’un État pour les colons européens sur leur terre, selon Jabotinsky, a fait du colonialisme britannique le véhicule indispensable pour poursuivre l’objectif sioniste d’un État en Palestine, parce que la Grande-Bretagne a fourni le « mur de fer » militaire que les Palestiniens ne pouvaient pas franchir. « Nous cherchons à coloniser un pays contre la volonté de sa population, en d’autres termes, par la force. Tout ce qui est indésirable découle de cette racine avec une inévitabilité axiomatique ».
Pour Jabotinsky – et ses héritiers, qui prennent les décisions d’Israël aujourd’hui – il n’y a pas d’échappatoire à la simple vérité : la création et le maintien d’un État ethnique juif en Palestine est un projet violent et colonial, et son « mur de fer » nécessite un soutien considérable de la part des États-Unis.
Les dirigeants israéliens pourraient à juste titre rappeler que la colonisation occidentale de l’Afrique, de l’Asie et des Amériques a été tout aussi brutalement raciste et violente que ce qu’Israël a déchaîné sur les Palestiniens depuis sa création. Mais le contexte mondial avait commencé à changer au moment de l’émergence d’Israël. À cet égard, il convient de noter les observations du regretté historien britannique Tony Judt sur la nature d’Israël dans son contexte et sur les conséquences d’un retard d’Israël dans le jeu de la colonisation :
« En bref, le problème d’Israël n’est pas, comme on le suggère parfois, qu’il s’agisse d’une « enclave » européenne dans le monde arabe, mais plutôt qu’il est arrivé trop tard. Il a importé un projet séparatiste caractéristique de la fin du XIXe siècle dans un monde qui a évolué, un monde de droits individuels, de frontières ouvertes et de droit international. L’idée même d’un « État juif » – un État dans lequel les Juifs et la religion juive jouissent de privilèges exclusifs dont les citoyens non juifs sont à jamais exclus – est ancrée dans un autre temps et un autre lieu. En bref, Israël est un anachronisme ».
Le chroniqueur du Financial Times Adam Tooze s’est récemment fait l’écho de cette perspective historique :
« Le sionisme doit être compris comme un produit de son époque, c’est-à-dire comme un projet de colonisation, typique de la pensée globale européenne de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle. Ce qui le caractérise, c’est que les Israéliens sont le dernier groupe d’Européens (principalement) à s’engager dans l’arrogation massive de terres non européennes, justifiée dans leur mission par la théologie, la revendication d’une supériorité civilisationnelle et le nationalisme. Bien sûr, les accaparements de terres se poursuivent partout dans le monde, tout le temps. Mais, à l’heure actuelle, le projet israélien présente une cohérence unique et une absence totale d’excuses en tant qu’exemple de l’idéologie coloniale ‘classique’ ».
En effet, il qualifie avec insistance d’antisémitisme toute initiative visant à dénier à Israël le droit de se comporter, dans un siècle post-colonial, comme l’ont fait ses prédécesseurs coloniaux occidentaux au 19e et au début du 20e siècle.
La question des bombardements est ici pertinente. L’utilisation de la puissance aérienne contre les centres de population civile a peut-être atteint son apothéose pendant la Seconde Guerre mondiale, mais il s’agit d’une invention coloniale. L’historien Sven Lindqvist a noté dans son ouvrage profond et provocateur intitulé « History of Bombing » que le bombardement aérien des centres de population civile pendant la Seconde Guerre mondiale était une forme de guerre utilisée pour la première fois par les puissances occidentales pour réprimer la résistance dans leurs colonies.
C’est un pilote italien qui a été le premier à utiliser cette méthode en Libye et, deux ans plus tard, des pilotes espagnols l’ont utilisée au Maroc, dans les deux cas pour réprimer une rébellion anticoloniale. Lindqvist a déclaré à un journaliste : « Ma théorie est que « Bomber » Harris et d’autres grands maréchaux de l’air [dont les escadrons ont dévasté des villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale] ont été formés au bombardement de civils grâce à leur expérience coloniale. Depuis 1919, la Grande-Bretagne bombarde des civils en Afghanistan, en Irak, en Palestine, en Égypte et en Afrique, au lieu d’utiliser l’infanterie et l’artillerie. »
Qu’ils le sachent ou non, les Israéliens – aidés par les États-Unis et leurs alliés européens – rappellent à de nombreux habitants du monde anciennement colonisé comment l’Occident a acquis sa primauté. « Les non-Occidentaux n’oublient jamais », selon Huntington. Et s’ils l’avaient oublié, Israël est là pour leur rappeler comment l’Occident libéral a été créé.
Mais le contexte, comme l’a noté Judt, a changé. Israël tente une stratégie de « pacification » coloniale classique à un moment où une nouvelle génération souhaite régler ses comptes avec l’Occident, en produisant les recettes de la violence et de l’esclavage coloniaux, et en exigeant la justice. Et exiger la justice pour la Palestine est devenu un raccourci reconnaissable pour cette lutte mondiale visant à remettre en question la manière dont le monde est gouverné.
Le moment Gaza et ce qu’il suscite ridiculisent les prétentions libérales de l’Occident et de ses institutions, révélant leur nature et leurs racines d’une manière qui exacerbe une crise à long terme.
Gaza a, en fait, mis à nu le cloaque moral mortel d’un système mondial post-guerre froide dirigé par les États-Unis : L’ »ordre international fondé sur des règles » de Biden est un système hypocrite qui légitime la violence contre les Palestiniens colonisés, en dépit d’une rhétorique creuse occasionnelle alors que les armes qu’il continue de fournir déchiquettent les corps palestiniens. La violence génocidaire d’Israël est tout simplement intolérable pour le Sud, mais jugée nécessaire ou acceptable par les puissances occidentales. L’Afrique du Sud a décidé de défier non seulement les auteurs de cette violence, mais aussi le système mondial qui la rend possible.
Dans son moment de domination unipolaire de l’après-guerre froide, Washington a revendiqué – et exigé l’acceptation mondiale – le contrôle monopolistique du dossier israélo-palestinien de la communauté internationale. Il va sans dire que cela a débouché sur un « processus de paix » dans lequel Israël a étendu et approfondi sans relâche son occupation d’apartheid, tandis que les responsables américains ont mis fin à toute discussion sur la limitation d’Israël avec les mots magiques de « solution à deux États ». Au lieu de changer de cap, l’administration Biden a doublé la mise, se montrant ainsi nue devant la communauté internationale comme la principale complice du génocide israélien
L’affaire de la CIJ montre qu’un acteur émergent du Sud reconnaît qu’accepter l’hégémonie des États-Unis et ses conditions signifie accepter le massacre de dizaines de milliers de Palestiniens et le nettoyage ethnique de centaines de milliers d’autres.
Le manuel de jeu des États-Unis interdit des initiatives telles que la plainte déposée par l’Afrique du Sud auprès de la CIJ, tout comme il oppose systématiquement son veto à tout effort du Conseil de sécurité des Nations unies visant à limiter le génocide israélien. Ainsi, en prenant simplement l’initiative de demander des comptes à Israël, l’Afrique du Sud rompt le charme de l’hégémonie américaine qui paralyse une grande partie de la communauté mondiale et l’empêche de prendre des mesures pour demander des comptes aux génocidaires. Il s’agit d’un appel aux pays du Sud pour qu’ils s’affranchissent des limites imposées par Washington à l’engagement international – s’ils veulent qu’Israël soit arrêté, ils ne peuvent pas compter sur son complice américain pour le faire ; ils devront agir en dépit des États-Unis, et même contre eux.
Le champ de bataille choisi peut être l’urgence cataclysmique de mettre fin aux crimes d’Israël, mais le procès concerne bien plus que la Palestine – il pourrait en fait être le signe avant-coureur d’un défi tectonique pour un monde géré selon des règles qui légitiment ou aseptisent les crimes des élites américaines et de leurs alliés mondiaux.
Même s’ils ne sont pas cités comme défendeurs, le président Biden et le secrétaire d’État Blinken sont jugés au même titre que Netanyahu, Gantz et Galant. Restez à l’écoute.
Tony Karon est responsable éditorial chez AJ+.
Source : Rootless Cosmopolitan
Traduction ED pour l’Agence Média Palestine
Plus de 1000 organisations exhortent les gouvernements de la planète à soutenir la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël (+ texte d’Orly Noy)
Communiqué de la Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP)
Une nouvelle coalition appelle à une mobilisation mondiale les 11 et 12 janvier
États-Unis — 3 janvier 2024 — La toute nouvelle Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP) a publié une lettre de soutien, qui en moins d’une semaine a été signée par plus de 800 organisations à travers le monde. On peut prendre connaissance et télécharger son contenu à la fin du communiqué.
Outre les organisations initiatrices mentionnées ici, les organisations signataires représentent de vastes mouvements sociaux, notamment la Marche mondiale des femmes et l’Assemblée internationale des peuples, des mouvements dirigés par des Palestiniens et des mouvements de solidarité avec la Palestine, tels que la Fédération générale palestinienne des syndicats et le Réseau des ONG palestiniennes, ainsi que des groupes de défense des droits de l’homme et des groupes juridiques, des syndicats et des organisations religieuses de toutes les confessions.
« Il est important pour La Via Campesina (LVC) de soutenir l’initiative sud-africaine. Ce qui se passe en Palestine est une atrocité. En particulier, l’utilisation de la famine comme arme de guerre fait partie d’une stratégie de génocide que nous devons dénoncer. L’expulsion des populations paysannes et l’accaparement des terres à Gaza et en Cisjordanie font également partie d’une stratégie de nettoyage ethnique », a déclaré Morgan Ody, de la Confédération paysanne (France) et coordinatrice générale de LVC International.
La lettre de la coalition exhorte toutes les organisations signataires à « faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils déposent immédiatement une déclaration d’intervention en soutien à la plainte déposée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice afin de faire cesser les massacres dans les territoires palestiniens occupés ».
Jusqu’à présent, la Malaisie et la Turquie, ainsi que l’Organisation de la coopération islamique, qui représente 57 pays membres sur quatre continents, ont soutenu publiquement la plainte de l’Afrique du Sud. La Jordanie signale qu’elle a l’intention de franchir une étape plus importante sur le plan juridique en soumettant une déclaration d’intervention. Les membres de l’ICGSP travaillent en étroite collaboration avec un certain nombre d’autres pays qui sont en train de faire de même.
« La plainte déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ) marque un tournant décisif qui met à l’épreuve la volonté mondiale de sauver les lois et les systèmes qui ont été conçus pour sauvegarder non seulement les droits de l’homme, mais aussi l’humanité elle-même » souligne l’avocate Américaine d’origine palestinienne Lamis Deek, cofondatrice de l’Alliance juridique mondiale pour la Palestine et de la Commission PAL sur les crimes de guerre.
Elle ajoute « Le génocide est le crime le plus élevé et aucun n’a été aussi publiquement documenté que le génocide israélien en Palestine. La sincérité de l’engagement des États à l’égard des principes des conventions de Genève et du génocide est désormais soumise à un examen approfondi. » Le moins que les États puissent faire est de soumettre des déclarations, afin de garantir à leur population — et à l’humanité — qu’ils n’ont pas perdu leur sens moral et qu’ils n’ont pas abdiqué leurs obligations en vertu du droit international.
Malgré les preuves évidentes des actes génocidaires commis quotidiennement par les forces israéliennes d’occupation, l’État d’Israël sollicite activement les pays pour qu’ils nient ses atrocités et dénoncent la plainte de l’Afrique du Sud. À l’heure actuelle, les États-Unis, l’un des principaux soutiens de l’État israélien qui a opposé son veto à trois résolutions appelant à un cessez-le-feu au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, sont les seuls à nier qu’Israël commet un génocide.
Edith Ballantyne, ancienne secrétaire générale et présidente internationale de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, met en garde : « J’écris sur la base de mon expérience personnelle de plus de dix décennies, au cours desquelles j’ai traversé deux guerres mondiales et survécu au fascisme, avec la conviction absolue que la base du conflit doit être résolue de manière légale, politique et non violente comme seul moyen de parvenir à une paix permanente dont les peuples du monde ont désespérément besoin et qui est nécessaire à la survie de notre planète ». Elle ajoute : « La guerre génocidaire que le gouvernement israélien mène dans les territoires palestiniens occupés contre le peuple palestinien doit être arrêtée. J’invite tous les citoyens à demander à leurs gouvernements de respecter les principes de la Charte des Nations unies et du droit international, y compris les droits de l’homme et le droit humanitaire. »
La Cour internationale de Justice entendra l’affaire de l’Afrique du Sud contre l’État israélien les 11 et 12 janvier 2024
Les audiences seront diffusées en direct et en différé (VOD), dans les deux langues officielles de la Cour, le français et l’anglais, sur le site Internet de la Cour, ainsi que sur UN Web TV. Des extraits vidéo haute résolution et des photographies réalisées par le Greffe pendant les audiences seront mis à disposition gratuitement et libres de droit pour un usage éditorial (hors usage commercial) sur le site Internet (téléchargement disponible dans la rubrique Multimédia) et le compte X (anciennement Twitter) de la Cour (@CIJ_ICJ).
Appel à l’action les 11 et 12 janvier
L’ICSGP appelle les organisations qui soutiennent la lettre à se joindre à des actions de soutien à La Haye pendant l’audience et à organiser des rassemblements locaux et des veillées, y compris des expressions de gratitude et de solidarité aux ambassades d’Afrique du Sud, cette semaine.
De plus, elle invite toutes les organisations et les personnes à participer à une Intifada numérique mondiale sur les media sociaux X (Twitter), Instagram, Facebook, Tiktok et d’autres plateformes. Il faut partager des vidéos, des photos, des images et déclarations et d’autres formes de preuves et de témoignages qui prouvent qu’Israël a commis et continue de commettre le crime de génocide contre la population palestinienne de Gaza.
Pour nous assurer que le hashtag #EndIsraelsGenocide devient virale, nous devons publier en utilisant les mêmes hashtags à la même heure du jour. La campagne durera 2 heures et commencera en même temps que les audiences: Plaidoirie de l’Afrique du Sud : jeudi 11 janvier de 10h à 12h. Plaidoirie d’Israël : vendredi 12 janvier: de 10h à 12h. (Québec 04 h à 06 h).
Communiqué de la Cour internationale de Justice, 3 janvier 2024
Document de la Cour sur les procédures
Texte de la lettre et signatures
Nous, syndicats, mouvements et organisations signataires de cette lettre, félicitons l’Afrique du Sud d’avoir déposé une requête auprès de la Cour Internationale de Justice (CIJ) contre Israël invoquant la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Nous exhortons aux autres pays à renforcer cette demande énergique en déposant immédiatement des déclarations d’intervention à la CIJ.
De nombreux pays ont condamné fermement à Israël pour ses actes de génocide, ses crimes de guerre et ses crimes contre l’humanité contre les Palestinien.nes. Les forces israéliennes d’occupation ont bombardé des hôpitaux, des maisons, des centres de réfugié.es des Nations Unies, des écoles, des temples, des églises et des mosquées, ainsi que des voies d’évacuation, tuant plus de vingt mille Palestinien.nes depuis le 7 octobre 2023. Plus de la moitié des morts sont des femmes et des enfants.
Les dirigeants israéliens ont fait de nombreuses déclarations ouvertement génocidaires, montrant leur intention d’expulser définitivement le peuple palestinien de ses terres ancestrales. L’Afrique du Sud a raison d’affirmer qu’en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les actions d’Israël « sont de caractère génocidaire, car elles sont commises avec l’intention requise et spécifique… de détruire les Palestinien.nes à Gaza dans le cadre du groupe racial, national et ethnique palestinien plus large ».
Les États parties à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ont l’obligation d’agir pour prévenir le génocide. Une action immédiate est donc nécessaire. La déposition d’une déclaration d’intervention de support au dossier de l’Afrique du Sud contre Israël est un mécanisme direct pour garantir la cessation des actes de génocide et pour établir la responsabilité des auteurs de ce génocide pour la perpétration de ces crimes.
Les meurtres, les blessés et le déplacement forcé de nombreux palestiniens par l’État d’Israël, ainsi que le refus d’accès à l’eau, à la nourriture, aux médicaments et aux carburants sont des actes que répondent aux critères que constituent le crime de génocide. Si la majorité des nations du monde appellent à un cessez-le-feu, mais n’exigent pas que Israël soit poursuivi par la justice, comment serait-il possible de mettre fin à l’extermination ethnique du peuple palestinien ?
En outre, comment serait-il possible de mettre fin à d’autres atrocités aussi vastes que celles qui puissent avoir lieu ailleurs ? C’est pour toutes ces raisons que nous demandons aux gouvernements du monde qu’ils déposent immédiatement des déclarations d’intervention en soutien aux arguments de l’Afrique du Sud contre Israël devant la CIJ pour mettre fin au carnage dans les territoires palestiniens occupés.
Pour télécharger le texte de la lettre cliquez ici.
Pour accéder à la liste actualisée des signataires, cliquez ici.
À propos de la Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP)
Le 30 décembre, des personnes représentant d’un groupe d’organisations, y comprenant entre autres Black Alliance for Peace, l’Internationale progressiste, International Association of Democratic Lawyers, Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun, Ligue internationale des femmes pour la Paix et pour la Liberté (Section É.-U.), CODEPINK, la Coalition internationale Flottille de la liberté à Gaza, Popular Resistance (É.-U.), Veterans for Peace (É.-U.), l’Organisation mondiale contre la guerre, le militarisme et pour la paix (World Beyond War) et le Memorial Center Dr Martin Luther King Jr. (Cuba), nous sommes réunis avec l’urgence de soutenir les initiatives juridiques orientées à mettre fin au génocide perpétré par Israël à Gaza. Pour prendre contact avec la coalition :
Adrienne Pine, Popular Resistance, 1-202-652-5601, adrienne@quotha.net
Lamis Deek, Palestine Assembly for Liberation, 1-212-226-3999, Deek@DeekDictorAdi.com
Genie Silver, WILPF US, 1-610-283-1376, rhsilver@comcast.net
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À La Haye, Aharon Barak jouera
le rôle du Dr Jekyll face au M. Hyde israélien
L’annonce qu’Israël a choisi Aharon Barak, le célèbre ancien président de la Cour suprême, pour rejoindre la Cour internationale de justice (CIJ) alors qu’elle juge une affaire historique accusant Israël de génocide, a mis le pays en émoi. M. Barak sera le représentant d’Israël au sein d’un panel réuni à la hâte pour examiner la requête de l’Afrique du Sud visant à suspendre d’urgence l’assaut d’Israël sur la bande de Gaza – un panel composé des 15 juges permanents de la CIJ, d’un représentant d’Israël et d’un représentant de l’Afrique du Sud.
Barak a longtemps été vilipendé par la droite israélienne pour avoir inscrit divers principes libéraux dans la quasi-constitution de l’État durant son mandat de président de la Cour suprême de 1995 à 2006. Ses fans, quant à eux, ont du mal à contenir leur excitation. « Le sceau d’approbation le plus approprié. Israël ne peut compter que sur Aharon Barak », a déclaré Yossi Verter, commentateur à Haaretz. Le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël a fait une déclaration similaire : « Le juge Barak est l’un des plus grands juristes de l’État d’Israël et sa nomination à ce poste est indispensable ».
À première vue, Barak est un choix déroutant de la part d’un gouvernement d’extrême droite qui a passé l’année dernière à essayer de démanteler une grande partie de ce qu’il représentait. Selon les médias israéliens, M. Barak n’était même pas le premier choix de M. Netanyahou pour ce poste, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de l’histoire de leur mésentente.
Pourtant, il est difficile d’imaginer une personne mieux adaptée à ce rôle. Non pas en raison des prouesses juridiques de M. Barak, ni de la réputation internationale qu’il s’est forgée, ni même du fait qu’il est un survivant de l’Holocauste – ce qui n’est pas passé inaperçu aux yeux de ceux qui l’ont envoyé à La Haye.
En réalité, le nouveau rôle de Barak poursuit la mission à laquelle il a consacré toute sa vie professionnelle : légitimer la majorité des crimes commis par Israël, tout en défendant la façade de la « démocratie israélienne ». Après tout, Barak est l’un des principaux auteurs de la doctrine juridique selon laquelle Israël peut prétendre être une démocratie tout en maintenant une occupation militaire sans fin et en privant systématiquement les Palestiniens de leurs droits, de leur dignité, de leurs terres et de leurs biens.
D’une part, le système judiciaire israélien sous la direction de Barak a considérablement élargi les limites de sa propre autorité. D’autre part, le tribunal s’est presque toujours tenu à côté des positions de l’establishment sécuritaire israélien. Selon les propres termes de Barak : « Toutes les questions relatives à la Cisjordanie et à Gaza sont justiciables [c’est-à-dire qu’elles peuvent être traitées dans le cadre du système judiciaire israélien]. Les affaires militaires dans les territoires [occupés] sont justiciables. La question de savoir s’il faut couper l’électricité à Gaza est justiciable. Pourquoi ? Parce qu’il existe un droit international. Si la coupure de l’électricité à Gaza n’est pas justiciable ici, elle le sera à La Haye. C’est le cas dans cette affaire et dans celle des colonies ».
Aujourd’hui, Barak découvre que l’armure juridique qu’il s’est efforcé de fournir pour les crimes d’Israël pourrait ne pas suffire – et qu’il devra lui-même se battre pour l’obtenir à La Haye.
Le mirage de cette doctrine juridique a été rendu possible par deux des concepts avec lesquels Barak est le plus fortement identifié : tout est justiciable et la proportionnalité. Par exemple, sous sa direction, la Cour suprême a légalisé la barrière de séparation dans les territoires occupés, mais a « équilibré » la décision, au nom de la proportionnalité sacrée, en décidant que son tracé devait être modifié afin de ne pas couper une poignée de villages palestiniens du reste de la Cisjordanie.
De même, Barak s’est assuré de présenter l’arrêt de la Cour suprême sur Jami’at Iscan – qui a permis à l’armée israélienne d’exproprier des terres palestiniennes pour la construction d’autoroutes en Cisjordanie – comme s’il était destiné à servir les résidents sous occupation, arguant qu’« un régime militaire à long terme pourrait conduire à une stagnation du développement de la population locale et de la région ».
Bien qu’il ait trouvé les démolitions punitives de maisons palestiniennes « inappropriées » et inutiles, il a décidé qu’en tant que juge, il n’avait pas de pouvoir discrétionnaire en la matière et n’a pas agi pour mettre fin à cette politique. Cette approche a abouti à la décision finale de Barak, qui a en fait légalisé la politique de l’armée en matière d’« assassinats ciblés » – c’est-à-dire d’exécutions extrajudiciaires – mais avec une mise en garde selon laquelle « des restrictions et des limitations doivent être définies pour les assassinats ciblés, de sorte que chaque cas soit examiné séparément ».
En réponse à cette décision, la juriste Suzie Navot a écrit : « En théorie, cette décision rendra difficile le ciblage des terroristes … Mais ce n’est qu’en théorie. En effet, dans la pratique, même aujourd’hui, les forces de sécurité décident d’assassinats ciblés sur la base de considérations similaires à celles énoncées dans le verdict. On peut supposer que la réalité ne changera pas beaucoup ».
Avec ces mots, Navot a mis le doigt – en le soutenant – sur le double mirage de Barak, dont elle explique l’essence et l’objectif comme suit : « La décision sur les assassinats ciblés n’a pas été rédigée uniquement pour l’armée. Il s’agit peut-être de l’un des documents juridiques les plus importants rédigés en Israël du point de vue de la hasbara (relations publiques). Il est essentiellement similaire à d’autres jugements rédigés par Aharon Barak, notamment en ce qui concerne la barrière de séparation. Des jugements tournés vers l’extérieur – vers la communauté internationale, qui examine les actions d’Israël dans les territoires [occupés]. La dernière phrase de l’ancien président Barak constitue une déclaration sensible de défense de la situation impossible d’Israël et de sa guerre constante contre le terrorisme ».
Il s’avère que ce n’était pas le dernier mot du juge après tout. Âgé de 87 ans, il s’est porté volontaire pour revêtir la cape du Dr Jekyll afin de légitimer les crimes de M. Hyde – un corps au service de la hasbara israélienne – une fois de plus.
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Orly Noy
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