Procès Thomas Sankara et douze autres : Justice enfin pour les familles !

Ceci est une déclaration du Réseau international Justice pour Sankara, justice pour l’Afrique sur le verdict prononcé à l’issue du procès de Thomas Sankara.

Affaire Sankara et compagnons. Un procès salutaire mené à terme. Mais le combat pour la vérité continue. C’est avec grande satisfaction que nous apprenons la fin de ce premier procès historique, marqué par la condamnation à la perpétuité des Sieurs Blaise Compaoré, Gilbert Diendéré et Hyacinthe Kafando.

Rien n’était joué en effet. Mais si l’essentiel du complot national a pu être démêlé par les six (06) mois de débats, le combat pour faire émerger la vérité sur le complot international continue.

Thomas Sankara/Photo:DR

Des manœuvres de toutes sortes ont tenté d’en entraver la justice, au premier rang desquelles : le blocage de toutes procédures judiciaires sous le régime de Blaise Compaoré ; la volte-face du Comité des droits de l’homme de l’ONU en 2008, occultant le fait qu’il avait demandé une enquête deux (02) ans auparavant ; l’exfiltration de Blaise Compaoré, par les forces spéciales françaises, après l’insurrection de 2014, soustrait à la justice de son pays ; la lenteur de la part des autorités françaises refusant en réalité de livrer les documents « secret défense » pourtant promis par le président Emmanuel Macron en novembre 2017 à Ouagadougou; l’ultime tentative d’avocats de la défense de suspendre le procès à la suite du coup d’État de janvier 2022.

Comme nous l’avons déjà dit, la tenue même de ce procès constitue une victoire. L’aboutissement de ce procès, faut-il le rappeler, est la résultante d’un engagement citoyen durant des années, parachevé par la magnifique insurrection d’octobre 2014, et d’une mobilisation internationale. C’est aussi la démonstration de l’utilité du local et du global, de la solidarité, et de l’engagement pour la paix et la justice.

Nous remercions aussi tous ceux, nombreux à travers le monde, qui ont participé aux campagnes pour réclamer justice dont celle de notre réseau international _Justice pour Sankara justice pour l’Afrique_ qui n’a cessé d’agir, d’alerter et d’informer depuis 2008.

Près de six (06) mois de procès, dans un pays en proie à la guerre est une véritable gageure. Nous tenons à saluer tout le travail des avocats de la partie civile, de certains de la défense qui ont pris à cœur de jouer leur rôle, l’engagement du juge d’instruction François Yaméogo qui a mené son enquête avec rigueur et constance, l’autorité et l’équité dont a fait preuve le président du jury Urbain Méda lors du procès.En ces instants, notre pensée va aussi aux différentes familles des victimes, celles de Thomas Sankara, Bonaventure Compaoré, Christophe Saba, Frédéric Kiemdé, Patrice Zagré, Paulin Babou Bamouni, Abdoulaye Gouem, Emmanuel Bationo, Hamado Sawadogo, Noufou Sawadogo, Wallilaye Ouédraogo, Paténéma Soré et Der Somda en espérant que les condamnations prononcées puissent en partie atténuer leur douleur et permettre à chaque famille de pouvoir enfin faire le deuil.

On ne peut que regretter l’absence de Blaise Compaoré et de Hyacinthe Kafando, le chef du commando. Nous exigeons que la Côte d’Ivoire procède à leur extradition. Ils ont choisi la fuite plutôt que de venir s’expliquer et se défendre.

Malheureusement, la volte-face de certains témoins par rapport à ce qu’ils avaient déclaré lors de leurs auditions a montré que la peur n’avait pas disparu. Mais pour l’essentiel, l’enquête puis la tenue du procès, ont permis de démêler les fils du complot, du moins pour son volet national. Il est établi que le 15 octobre, le commando est parti du domicile de Blaise Compaoré. Thomas Sankara et ses collaborateurs ont été tués sans sommations, ainsi que les gardes et gendarmes présents sur place ce jour-là.

Le lieutenant Koama, proche de Thomas Sankara, le plus à même d’intervenir pour le défendre, a été assassiné quelques temps avant. Gilbert Diendéré, présent sur les lieux, donnait les ordres pour envoyer des groupes de soldats sécuriser la ville et prendre le contrôle des garnisons qui auraient pu réagir.Pour autant ce combat n’est pas terminé. L’État français n’a toujours pas réellement fourni ses documents « secret défense ».

Nous continuerons à faire pression pour que soit tenue la promesse faite par le président Macron à Ouagadougou en novembre 2017.Nous appelons toutes les forces démocratiques éprises de justice, de France, des États-Unis, de Côte d’Ivoire, du Togo, de la Libye, du Liberia, de la Sierra Leone à intervenir auprès de leurs gouvernements respectifs qu’ils collaborent sincèrement avec la justice burkinabè. L’affaire « Sankara et compagnons » n’est pas terminée. L’enquête sur le volet international doit continuer. Notre réseau va rester mobilisé.

Fait à Ouagadougou, Banfora, Bobo Dioulasso, Ottawa, Nîmes, Niamey, Montpellier, Berlin, Dakar, Sabadel, Barcelone, Marseille, Ajaccio, Toulouse, Las Palmas, Turin, Rome, Toronto le 8 avril 2022.Le Réseau international Justice pour Sankara justice pour l’Afrique.

Contact : contactjusticepoursankara@gmail.com

Procès Thomas Sankara et douze autres : Justice enfin pour les familles !

Procès Thomas Sankara et douze autres : Justice enfin pour les familles !Mariam Sankara, Auguste et Philippe Sankara, les autres veuves (invisibles dans les médias), les orphelins des douze autres victimes de la boucherie et les grandes familles de toutes les personnes abattues le 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente qui est entré tristement dans l’histoire comme le lieu du crime, pourront se reposer enfin. Ils pourront commencer leur deuil, car après 35 ans, la justice a entendu leurs cris, leurs détresses et leurs souffrances. Le pays officiel a enfin solidarisé avec eux en disant non à ces crimes et en punissant les coupables.

Le procès du siècle qui s’est ouvert à Ouagadougou en octobre 2021, a rendu son verdict ce 6 avril 2022 et a condamné à la prison à perpétuité Blaise Compaoré, l’ami infidèle qui a été reconnu coupable du crime d’attentat à la sûreté de l’État et de complicité d’assassinat, de concert avec le général Gilbert Diendéré. Le chef du commando des assassins, Hyacinthe Kafando, absent au procès comme le dictateur déchu, est condamné pour assassinat et écope de la même peine que ses deux supérieurs.

Un petit florilège de sentiments nous submergent après le verdict.
Notre joie serait plus grande, si le pays n’était pas encore victime d’un coup d’État. Mais il faut faire avec, en espérant que la leçon du procès sera apprise par tous, au Burkina, au Mali, en Guinée, en Afrique pour balayer à jamais de notre continent la violence en politique.

Ce petit bonheur de voir les crimes du 15 octobre 1987 jugés, nous le devons à beaucoup d’artisans anonymes qui ont œuvré sans rechercher la lumière, parmi lesquelles : les martyres de l’insurrection de 2014 et du coup d’État de 2015 du général Gilbert Diendéré. Il faut saluer tous ceux qui se sont battus contre la dictature de Blaise Compaoré, celui-là, à qui les crimes ont profité. On doit redire haut et fort ce que ce jugement doit aussi quelque chose à la vie et au sacrifice héroïque de Norbert Zongo. Car c’est le mouvement de révolte et d’insurrection qui a suivi sa mort qui a appris au peuple burkinabé la voie de l’insurrection qui a chassé Blaise Compaoré de son trône et du pays.

Mariam l’héroïne

Peut-on parler des combattants sans rendre hommage à cette dame qui a épousé un homme qui s’est donné à son pays totalement, sans lui demander quelque chose en retour, et est mort pour lui, pour les idées qu’il avait de sa transformation ? Mariam Sankara, l’épouse de Thomas est la première sankariste, puisqu’après la mort de son mari, elle, encore jeune, mère de deux petits garçons aurait pu refaire sa vie, vivre d’autres aventures, que de rester dans le noir et porter ce deuil qui n’en finissait pas pendant trente-cinq longues années.

Elle a supporté de vivre avec le fantôme, d’être l’épouse de l’absent, parti sans dire au revoir. Elle a accepté d’incarner et de jouer le rôle de la mère et du père et en plus d’être le modèle que les admirateurs du héros voulaient qu’elle soit, scrutant son comportement pour rechercher la tache qu’elle aurait jetée sur leur étoile défunte. Elle a choisi de vivre avec un mort, pour sa mémoire, pour que justice lui soit rendue, lui et ses collaborateurs assassinés.

Elle a donné 35 ans de sa vie à ce combat dont elle était l’égérie. Si Thomas est un héros, Marian n’en est pas moins une héroïne.
La principale leçon à la postérité, c’est que les différents politiques ne se règlent pas par les armes. L’argument de la force ne doit pas intervenir dans le débat politique qui reste le lieu de la raison et de la conviction.

Cette leçon est induite par le grand principe du respect du droit à la vie des autres. Le caractère sacré de la vie a été bafoué bien avant leur divorce dans un bain de sang, par les jeunes officiers qui ont pris le pouvoir en 1984. Les crimes de sang ont continué durant les 27 ans de règne de Blaise Compaoré. Quand on a quelque chose à reprocher au président, à son frère et ami, on n’envoie pas la troupe pour l’assassiner, si les fils du dialogue sont rompus entre vous, la justice est le lieu où se règlent les conflits.

Ce procès montre à la jeunesse et aux dirigeants actuels et futurs qu’ils n’ont pas droit de vie et de mort sur les autres citoyens. Le pouvoir sert à améliorer la vie de ses concitoyens, pas à la leur ôter. Le pouvoir sert à garantir à ses compatriotes un pays de sécurité et de paix. L’insécurité ne doit pas provenir de ceux qui sont aux affaires.

Les mouvements des droits de l’homme et tous ceux qui ont combattu l’impunité ces longues décennies n’ont pas vécu, n’ont pas lutté pour rien. La justice vient de parler, une partie de l’ombre s’est dissipée. Le Burkina est reconnaissant pour leur combat.
La vie humaine est sacrée.

Notre pays a perdu trop de ses fils par la violence en politique. Si nous arrivons à accepter que tous les citoyens ont le droit d’avoir leurs opinions et qu’ils ne devraient ni souffrir, ni mourir parce qu’ils pensent autrement, le procès aura fait œuvre utile en plus de la consolation pour les parents des victimes qui ont enfin la justice.

Ce procès ouvre une brèche dans le grand mur de l’impunité dans notre pays. Mais pour un procès emblématique comme celui de Thomas Sankara et des douze, combien d’autres crimes restent impunis ?

Sana Guy
Lefaso.net

Procès Sankara : Compaoré, Kafando et Diendéré condamnés à la prison à vie

Ouvert le 11 octobre 2021, le procès sur l’assassinat du Capitaine Thomas Sankara et ses 12 compagnons a connu son verdict ce 6 avril 2022 au Tribunal militaire de Ouagadougou délocalisé à la Salle des Banquets. Retrouvez le verdict complet plus bas.  

LA SUITE APRÈS CETTE PUBLICITÉ

Le Tribunal a condamné Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando et Gilbert Diendéré à la prison à vie.

Le Parquet avait pourtant requis, le 8 février 2022, 30 ans de prison ferme contre Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando, 20 ans de prison ferme contre Gilbert Diendéré.

Le ministère public avait également demandé un mandat de dépôt pour tous ceux qui ont été accusés et demandé le maintien du mandat d’arrêt contre Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando, toujours absents depuis l’ouverture de l’instruction.

Quant à certains autres accusés, le verdict est également connu : 5 ans avec sursis pour Belemlilga Albert Sibidi et Deme Diakalia ; 3 ans fermes pour Tondé Ninda Pascal alias Manganaaba ; 10 ans fermes pour Tibo Ouédraogo et Jean Pierre Palm ; 11 ans fermes pour Élysée Yamba Ilboudo ; 20 ans fermes pour Sawadogo Idrissa, Ouédraogo Nanonswindé. Par contre, Traoré Bossobé, Hamado Kafando, Diébré Alidou ont été acquittés.

Cependant, juste après la suspension de l’audience pour quelques minutes, certains criaient victoire, d’autres personnes scandaient dans la salle « Libérez Diendéré »… Les deux camps ne se sont pas affrontés. Les forces de l’ordre sont intervenus pour ramener le calme.

« La loi a été dite », a déclaré le journaliste, défenseur des droits humains, Abdoulaye Diallo, même s’il affirme être étonné de la prison à perpétuité prononcée. Maître Prosper Farama a salué une journée historique. « C’est un jour de justice pas seulement pour Thomas Sankara et ses compagnons, c’est un jour de justice pour tout le peuple burkinabè. Nous espérons que ce jour historique marquera le début d’une aire nouvelle, pour la justice burkinabè« , a-t-il laissé entendre.

« Nous avons tous attendu ensemble. Aujourd’hui, le verdict est tombé, le juge a donné son verdict, c’est la loi, tout le monde apprécie. Nous avons demandé la justice, la vérité, et le procès a permis de confirmer beaucoup de choses qui étaient dites. Le verdict est tombé, le juge a fait ce qu’il pouvait. Notre but était aussi que ces violences politiques finissent.

Je pense que ce verdict va donner à réfléchir à beaucoup de personnes. Je remercie tout le monde, les médias, qui nous ont soutenus depuis que cette plainte a été déposée« , a déclaré Mariam Sankara, veuve de Thomas Sankara.

Selon l’ancien ministre de la Défense et ex-Haut représentant de Roch Kaboré, Moumina Chérif Sy, « ce verdict est une reconnaissance du combat mené par Thomas Sankara. C’est aussi un aboutissement de ceux-là qui, depuis 1987, ont lutté pour qu’il y ait une justice. Mon souhait le plus sincère est que le verdict apaise les cœurs des uns et des autres et que nous avancions dans l’histoire de la construction de notre pays (…)
On a tué des gens de la façon la plus odieuse, on les a enterrés comme des chiens. Vous pensez que ça, ce n’est pas la peine la plus forte? La peine à vie et celle des victimes ne sont pas comparables« . La peine du général Gilbert Diendéré n’est pas du gout de son conseil. « Etant un accusé présent, il a pris la même peine que ceux qui étaient absents. J’ai trouvé cela, sans rentrer dans les détails, pas tout à fait juste. Parce qu’il est venu quand même apporter sa contribution en s’expliquant devant le tribunal », s’est-il exprimé.

« Moi j’assiste un client. Mon mandat s’arrête là, s’il renouvelle dans le sens d’une déclaration, nous avons 15 jours, on va y aller. Dans tous les cas, la voie du recourt est ouverte », a laissé entendre maitre Mathieu Somé, l’un des avocats du général Gilbert Diendéré.

Contrairement aux réquisitions du procureur qui demandait d’acquitter Belemlilga Albert Sibidi, Tibo Ouédraogo, Deme Diakalia, des faits de complicité à la sureté de l’Etat, le tribunal en a décidé autrement en condamnant Tibo Ouédraogo à 10 ans de prison ; Belemliga Albert et Deme Diakalia à 5 ans de prison avec sursis. Maitre Olivier Somé, l’avocat de Deme Diakalia, dit attendre la décision rédigée du tribunal pour savoir les « motivations réelles de cette condamnation ».

« Mon client est libre de ses mouvements, mais quand on dit que vous êtes complices des actes qui ont abouti à la mort de plusieurs personnes, du point de vue psychologique, il y a un impact. Il y a donc un effet psychologique, mais comme la loi nous donne la possibilité de faire appel, dans 15 jours, nous aviserons », a-t-il dit.

La date du mercredi 13 avril a été retenue pour le début des plaidoiries autour des questions de réparations civiles.

Récapitulatif du Procès Sankara sur Burkina24

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