Sur la question noire aux Etats-Unis – Black Power

Sur la question noire aux Etats-Unis – Black Power

CLR James - AK Press
[Pouvoir noir[1]], je crois que ce mot d’ordre est destiné à devenir un des grands slogans politiques de notre époque. Il est évident que seul le temps nous le dira. Cela étant, quand nous voyons la puissance de son impact, il est évident qu’il touche des points éminemment sensibles de la conscience politique mondiale contemporaine. Je n’ai pas l’intention, ce soir, de vous parler des tâches politiques qui sont les vôtres dans le combat contre le racisme des Britanniques, ni des moyens qu’il nous faut trouver pour mettre fin à la politique racialiste du gouvernement travailliste actuel.
Ce que je veux faire ce soir, c’est éclairer pour chacun d’entre nous le sens du mot d’ordre de Pouvoir noir, ce qu’il ne signifie pas et ce qu’il ne peut pas signifier. Je le dis clairement, nous devons mettre un terme une bonne fois pour toutes, à toute la confusion qui s’installe de toutes parts, tant à droite qu’à gauche. […]
La question à traiter est extrêmement vaste et elle concerne des millions de personnes. […] Mais avant d’exposer les prémisses sur lesquels je m’appuierai, je voudrais dire quelques mots à propos de Stokely Carmichael[2] – autant que je le sache, tout le monde l’appelle Stokely et c’est là un fait politique de grande importance. Le mot d’ordre de « Pouvoir noir », qui est né aux États-Unis et qui a commencé à se répandre un peu partout, est de toute évidence intimement lié à Stokely et à ceux qui se sont battus à ses côtés. Mais, pour nous, en Grande-Bretagne, son nom, que nous l’appréciions ou non, revêt une plus grande signification. Il ne fait aucun doute que c’est grâce à sa présence ici et à l’impact qu’ont eu ses discours et ses entretiens que le slogan lui-même a pu avoir un écho considérable sur la scène politique britannique, et au-delà de la scène politique, en Grande-Bretagne en général. Je commencerai par évoquer la personne Stokely, duquel, par bonheur, je suis en mesure de parler. Je me permets de le faire parce qu’en général dans mes interventions, dans mes écrits (et aussi, dans une certaine mesure, dans les conversations privées) qui portent sur des questions politiques, je m’efforce d’éviter de mettre trop d’insistance sur un tel ou tel individu. […]
Stokely Carmichael
Je l’ai entendu parler au Canada à l’université Sir George Williams, en mars de cette année. Un millier de personnes, pour l’essentiel des étudiants blancs et quelque soixante ou soixante-dix Noirs, étaient rassemblées pour l’écouter. J’ai été si frappé par ce qu’il disait et par la manière dont il le disait – ce qui politiquement ne m’arrive pas très souvent – que je me suis immédiatement attablé pour lui écrire une lettre, une lettre politique. Après tout, c’était un jeune homme de vingt-trois ou vingt-quatre ans et comme j’étais suffisamment âgé pour être son grand-père, j’ai pensé que j’avais plusieurs choses à lui dire, et à travers lui au mouvement qu’il représente, qui pourraient lui être utiles. Je vais donc vous lire quelques extraits de cette lettre.
« […] Originaire des Caraïbes, une des expériences les plus essentielles pour moi est le parcours de ceux de ces îles qui ont fait leur chemin sur la scène de la civilisation occidentale. J’ai connu personnellement certains d’entre eux et les activités des autres me sont familières. Je me suis aussi imprégné de tout ce qui se disait sur eux. Je citerai Marcus Garvey, George Padmore, Aimé Césaire, Frantz Fanon. Ce sont des Caribéens qui ont joué un rôle sur la scène internationale, ce qui a d’ailleurs suscité une certaine incompréhension de la part de leur propre peuple. Un des objectifs que je me suis fixé est de faire comprendre ce que ces hommes ont fait et le sens de leur action dans la politique mondiale. D’une certaine manière, je suis l’un d’entre eux, même si je n’ai pas joué le rôle concret qu’eux ont joué. Si je dis que je suis l’un d’entre eux, c’est dans le sens où je les comprends très bien. Et vous aussi êtes l’un d’entre eux. Je m’en suis douté en lisant quelques-uns de vos articles et j’en ai acquis la certitude en vous écoutant parler. […] »
[…] J’ai continué ma lettre en lui indiquant qu’il y avait certains points discutables dans son discours auxquels il devrait réfléchir. J’ajoutais que la lutte des Noirs aux États-Unis souffrait de graves faiblesses, notamment l’absence d’une base théorique et historique conséquente. […] Une lutte si étendue et aux objectifs si ambitieux doit savoir où elle en est, d’où elle vient et où elle va.
J’ai reçu, en mars ou avril de cette année 1967, sa réponse qui reprenait un à un les points que j’avais soulevés et en reconnaissait l’importance. L’année n’est pas terminée qu’il s’exprime désormais avec une envergure et une profondeur politiques qui m’éblouissent. L’évolution, en moins d’une année, du Stokely que j’avais vu en mars […] vers celui que nous écoutons et que nous observons maintenant témoigne de la rapidité de l’évolution politique du monde moderne. […]
Venons-en au Pouvoir noir. C’est à la fois un mot d’ordre politique et pas tout à fait un mot d’ordre politique. C’est bien plutôt un drapeau. Cela apparaît clairement lorsqu’on se remémore les propositions qui, par le passé, sont parvenues à capter l’imagination politique et orienter l’activité des masses partout dans le monde. Je prendrai pour exemples les plus connues dont l’évocation nous permettra d’appréhender plus justement le mot d’ordre de Pouvoir noir.
Vous vous souvenez qu’au milieu du 18e siècle, Rousseau commençait son célèbre Contrat social en déclarant que si l’homme naît libre, partout il est dans les fers. Lisons-le à nouveau : « L’homme naît libre et partout il est dans les fers. » Cela a été écrit il y a deux cents ans et encore aujourd’hui, dans toutes les classes de philosophie du monde entier, dans des articles, dans des livres qui sont publiés chaque jour, le débat fait rage : que voulait donc dire Rousseau en déclarant que l’homme était libre, mais que partout il était dans les fers ? Certains sont parvenus à la conclusion que Rousseau est le précurseur de l’État totalitaire, d’autres que nous n’avions pas encore atteint le stade démocratique qu’il avait en tête. Ce soir, ce n’est pas là notre problème (bien que j’aie mon opinion sur le sujet). Notre angle d’attaque doit être le suivant : cette phrase a été la bannière sous laquelle des hommes ont combattu pour la liberté et la citoyenneté et c’est en son nom que le combat continue aujourd’hui.
Citons maintenant une phrase de Jefferson, vieille de près de deux siècles :
« Nous tenons ces vérités comme allant d’elles-mêmes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables. »
C’est par ces mots que commence l’un des textes historiques les plus célèbres, la Déclaration d’indépendance des États-Unis, faite devant le Congrès le 4 juillet 1776. « Allant d’elles-mêmes » : Jefferson avait de l’audace. Rien de tout cela n’« allait de soi ». En Angleterre, partout en Europe et en Asie, partout dans le monde connu, les peuples ont été gouvernés par des rois qui étaient censés avoir été placés sur le trône par la volonté de Dieu ; il y avait des nobles, des aristocrates ; il y avait un clergé qui jouissait de droits particuliers. Partout dans le monde. Aux États-Unis mêmes, il y avait un grand nombre de gens qui ne croyaient pas que tous les hommes avaient été créés égaux. [Au moment où Jefferson écrivit cette phrase], très peu de gens lui accordaient crédit. Encore aujourd’hui, il y a un grand nombre de personnes qui n’y croient pas. Malgré cela, il s’agit d’une des plus importantes déclarations politiques qui aient jamais été faites. C’est une bannière qui a entraîné dans son sillage de formidables luttes pour la liberté, pour la démocratie, pour les libertés démocratiques.
J’espère que vous saisissez la nécessité d’inscrire le mot d’ordre de Pouvoir noir dans une perspective historique afin d’éviter de dangereux écueils. En réalité, ce n’est pas du tout un mot d’ordre. C’est bien plutôt une bannière pour des gens unis par des objectifs politiques, des positionnements et des besoins communs. C’est une bannière sous laquelle se rassembler. C’est une bannière que, j’en suis convaincu, des millions de gens regardent aujourd’hui et qu’ils considéreront dans un avenir pas si lointain comme le symbole d’un formidable changement de la vie et de la société qu’ils connaissent.
Laissons maintenant ce mot d’ordre – que je préfère me figurer comme une bannière – et allons directement aux origines de ce mouvement qui secoue le monde en évoquant Booker T. Washington. Oui, c’est par lui que nous devons débuter. De nos jours, son nom n’est guère mentionné lorsque l’on traite du développement de la lutte des Noirs. On parle même avec un certain mépris de sa politique de concessions ou, pourrait-on dire, de sa tristement célèbre capitulation devant la domination raciale dans le Sud. Et pourtant, Booker T. Washington fait partie de l’histoire des Noirs et de celle des États-Unis avec le discours qu’il fit à Atlanta, en Georgie, et dans lequel il déclarait :
« Dans tout ce qui est du ressort de l’activité sociale, nous [les Noirs et les Blancs] pouvons être aussi séparés que les cinq doigts, mais nous devons ne faire qu’un, comme la main, pour toutes les choses essentielles au progrès mutuel. »
Aujourd’hui, nous devons être capables de considérer en premier lieu que Booker T. Washington faisait face à une situation où il cherchait désespérément une issue et n’en trouva une que par la capitulation. Mais il nous faut retenir autre chose de son discours. Il déclarait que les Noirs devaient se préparer à être des artisans et des travailleurs. Tous ne pourraient pas devenir des érudits ou des employés de bureau qualifiés. Le Noir devait se préparer au travail manuel. Cependant, ajoutait Booker T., il doit aussi veiller à se cultiver dans les humanités. C’est ce qu’il a fait à Tuskegee, qui fut un centre pour l’éducation des Noirs dans le Sud pendant de nombreuses années, et qui fut un lieu pionnier de l’éducation moderne, c’est-à-dire de l’éducation des membres d’une communauté moderne, l’éducation du corps et de l’esprit des travailleurs manuels et intellectuels. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les méthodes d’éducation de Booker T. Washington, qui se sont imposées à lui en raison des préjugés raciaux, sont devenues un idéal éducatif qui est de plus en plus largement accepté comme une nécessité dans le monde où nous vivons.
On doit aussi se souvenir des violentes attaques qu’il a essuyées de la part d’un autre grand pionnier de la lutte des Noirs, W. E. B. Du Bois. En déclarant que les Noirs ne pouvaient plus accepter la sujétion prêchée par Booker T. Washington, Du Bois a permis à l’histoire de la lutte des Noirs de franchir un pas énorme. Booker T. avait bâti un projet qui gravitait autour des figures de l’éducateur et du fonctionnaire noirs. Du Bois a proclamé le droit absolu du Noir à effectuer toutes les tâches pour lesquelles il était qualifié. […]. Du Bois se fit néanmoins le champion du « dixième talentueux » de la communauté noire qui, croyait-il, était déjà prêt à mettre pleinement en œuvre les qualifications qu’il avait déjà acquises. La marche de l’histoire a conduit cette revendication, légitime en son temps, de ce grand pionnier de l’émancipation des Noirs à être aujourd’hui énergiquement rejetée par Stokely et par les partisans du Pouvoir noir. Ces derniers ne cherchent pas à mettre en avant des revendications et des droits pour le dixième de la population noire des États-Unis. Ils disent que c’est ce dixième qui a eu, et qui a encore, des privilèges particuliers qui entravent, tel un poids mort, le progrès des masses noires dans leur ensemble. Alors qu’il y a cinquante ans le « dixième talentueux » de Du Bois représentait un progrès, c’est aujourd’hui l’ennemi principal de tous ceux qui luttent sous la bannière du Pouvoir noir.
WEB Du Bois
[…] Avec la fondation de la NAACP et de son journal, The Crisis, Du Bois contraignit les États-Unis et le monde à reconnaître que le préjugé racial ne se limitait pas à la persécution des Noirs, mais constituait bien un cancer qui empoisonnait la civilisation des États-Unis tout entière. Ses conférences panafricaines organisées à travers le monde contribuèrent à ce que les Américains et les autres peuples prennent conscience que l’Afrique ne pouvait demeurer dans l’état de stagnation et d’exploitation qui avait caractérisé son entrée dans le 20e siècle. Ses études sur le commerce des esclaves en Amérique et ses travaux sur la Guerre civile en font sans aucun doute l’un des historiens les plus valables et les plus pénétrants de son temps : aujourd’hui et depuis cinquante ans, tous les historiens américains d’envergure ont une dette importante envers lui. C’est ainsi qu’il fut, à bien des égards, bien plus qu’un « dirigeant de notre peuple ». Sur des aspects fondamentaux, il a été en avance d’une génération sur ce que pensaient la majorité des Américains de son temps et compte ainsi au nombre des grands citoyens des États-Unis du 20e siècle. […]
Il nous faut désormais évoquer Marcus Garvey, au sujet duquel je serai bref. Avant lui, les millions d’Africains et d’afro-descendants n’avaient tout bonnement aucune existence dans la conscience politique du monde en général, et dans celle de l’opinion publique et des politiciens en particulier. En moins d’une décennie, ce Jamaïcain leur a rendu leur place d’une manière définitive. Garvey ne les a pas seulement installés dans la conscience des oppresseurs, mais a fait de ce geste une composante de l’esprit et des objectifs de la grande masse des Africains et des populations afro-descendantes. […]
Après Garvey, il y eut Padmore, qui introduisit une nouvelle dimension. Il fut l’initiateur du mouvement qui se donna pour objectif l’indépendance politique des pays africains et des peuples afro-descendants. Voilà pourquoi d’aucuns le présentent comme le père de l’émancipation de l’Afrique. Très rapidement après l’indépendance du Ghana, l’émancipation africaine a franchi une étape vers l’indépendance politique, en voyant se multiplier les dirigeants politiques africains.
À ce stade, il nous faut insister sur l’importance de l’activité et des écrits de Frantz Fanon. Nous devons le voir comme le militant et l’auteur qui a rappelé qu’une fois l’indépendance acquise, il nous faut combattre le retour larvé du vieil impérialisme, mais aussi mener une lutte globale contre les dirigeants indigènes qui peuvent avoir combattu pour l’indépendance. Nombre d’entre eux sont un frein à la marche en avant des peuples sous-développés vers une nouvelle étape du progrès économique et politique. Fanon ne dit pas autre chose : après l’indépendance, les voilà devenus nos ennemis. Nous ne pouvons pas comprendre Fanon de façon correcte si nous ne le considérons pas comme le développement naturel de ce qu’a représenté Padmore, et Padmore à son tour comme une étape politique de la grande voie ouverte par Du Bois et par Marcus Garvey.
Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons comprendre ce que Stokely et les partisans du Pouvoir noir représentent. Ils se sont hissés sur les épaules de leurs prédécesseurs. Je ne les ai pas tous cités. Par exemple, je n’ai parlé ni d’Aimé Césaire, l’homme de la négritude, ni de Malcolm X, cet immense combattant dont les potentialités prenaient une telle ampleur que ses ennemis durent l’écarter en l’assassinant.
Ce n’est qu’alors que nous pourrons comprendre ce que représente Stokely et le sens du concept de Pouvoir noir.
Stokely et les partisans du Pouvoir noir se sont hissés sur les épaules de ceux qui les ont précédés. Trop de gens, ici en Angleterre et malheureusement aux États-Unis aussi […], trop de gens considèrent le Pouvoir noir et ses partisans comme un maléfice, comme une soudaine apparition, une éruption raciste venue des profondeurs de l’oppression des Noirs et de leur arriération. Le Pouvoir noir n’est rien de tout cela. Il est le point culminant de la pensée sur la question noire qui s’est développé pendant un demi-siècle. C’est cela que nous devons comprendre et faire comprendre.
Comme tout processus politique à l’échelle mondiale, il n’engage pas uniquement des principes généraux. Et dans la mesure où cela concerne un pays en particulier, nous devons considérer ce processus non seulement sous l’angle de sa signification générale, mais aussi dans ses applications particulières. Il convient de rappeler ici que Booker T. Washington était originaire du sud des États-Unis. Du Bois, qui avait à la fois un pied dans le Sud et l’autre dans le Nord, déploya son activité dans le monde entier : il avait l’esprit universel. Les Caribéens comme Garvey, Césaire, Padmore et Fanon ont agi loin de chez eux, et une grande part de leur activité – en réalité l’essentiel de leur activité – concerna l’Afrique.
De cette immense expérience politique accumulée et du niveau de développement de la société américaine, nous pouvons conclure que c’est aux États-Unis que la lutte des Noirs progresse et qu’elle atteint de nos jours des sommets inégalés. Il faut souligner que tandis que cette génération caribéenne se concentrait de manière générale sur l’Afrique et les afro-descendants, à travers la voix de Stokely c’est la volonté claire de poser les bases d’une lutte mortelle pour les droits que le peuple noir considère être les leurs qui sont affirmées.
Ils ont ensuite étendu leur lutte à ce qu’ils appellent le tiers-monde. En parlant du « tiers-monde », ils s’adressent à ce qui constitue aujourd’hui la majorité du genre humain. Il y a ceux qui disent que le Stokely qu’ils ont entendu ici, en Angleterre, et que le Stokely dont ils ont entendu parler, est un raciste. La fausseté de cette assertion – ou tout du moins sa malhonnêteté – peut être aisément démontrée. Nous l’avons tous entendu déclarer qu’à ses yeux, Tshombé[3] est un Blanc ; bien que sa peau soit noire, Tshombé est un laquais de ce que Malcolm X appelait la structure du pouvoir blanc. Stokely a précisé que le concept de tiers-monde concernait les peuples d’Amérique latine, en dépit du fait que la majorité d’entre eux ne soient pas de couleur. Après cela, qui oserait parler de racisme sauf par ignorance ou par malveillance ? Et si Stokely enrôle le tiers-monde sous la bannière du Pouvoir noir c’est parce que les Noirs sont ceux qui subissent le plus et depuis le plus longtemps les crimes de l’impérialisme.
Il y a en outre aux États-Unis des conditions particulières sur lesquelles je voudrais attirer votre attention. En premier lieu, il y a dans le Sud des circonscriptions où les Noirs sont privés de toute forme d’exercice des droits élémentaires de la démocratie parlementaire par les armes que pointent sur eux les racistes blancs. Les partisans du Pouvoir noir disent qu’ils ont l’intention (par les armes si nécessaire) de restituer aux Noirs le pouvoir politique qui leur revient de droit. Ensuite, ils disent […] que du fait de la migration des Blancs dans les banlieues résidentielles, les centres des grandes villes américaines sont désormais majoritairement peuplés de Noirs. Ces quartiers constituent une source de pouvoir qu’ils se proposent d’organiser et de transformer en places fortes dans la bataille pour les droits des Noirs dans tous les États-Unis. Remarquez et notez bien la précision avec laquelle ils utilisent l’expression Pouvoir noir. Enfin, les Noirs américains ne sont pas un peuple d’une colonie arriérée ; ils vivent aux États-Unis qui sont, par bien des aspects, le pays le plus développé du monde. De ce fait, non seulement les Noirs américains constituent-ils une avant-garde pour le tiers-monde, mais également pour les États-Unis dont ils sont la composante la plus avancée politiquement.
[…] Voilà ce que signifie le Pouvoir noir, et quand nous observons où cette bannière est brandie et par qui elle l’est, nous pouvons augurer que cette bannière est appelée à durer, que c’est un mot d’ordre avec lequel le 20e siècle devra compter pour vaincre la crise que la domination impérialiste a imposé au monde. Et pas uniquement au tiers-monde.
Jusqu’ici j’ai traité de ce que nous savons ou de ce que nous devrions savoir, soit une réponse à la première des trois célèbres questions posées par Kant : « Que puis-je savoir ? ». La seconde question étant « Que dois-je faire ? », je prendrai la liberté de vous rappeler une autre des leçons prononcées par un célèbre philosophe : toute détermination est une négation. Cela signifie que chaque fois que vous agissez, chaque fois que vous faites un choix, vous en écartez un autre. Ce point est crucial pour nous. Selon moi, ce que nous devrions faire – j’évoquerai deux choses en particulier – se situe en totale opposition avec ce que nous ne devrions pas faire.
Premièrement, nous devons soutenir ceux qui se battent pour les droits des Noirs et pour le Pouvoir noir aux États-Unis. Cela veut dire que nous devons en aucun cas chercher à excuser, à expliquer – aux Britanniques (et encore moins aux marxistes britanniques), ou encore à justifier les formes, quelles qu’elles soient, que prennent ces luttes aux États-Unis. Cela fait plus d’un siècle que l’esclavage a été aboli. Les Noirs des États-Unis ont beaucoup subi mais ils ont atteint une étape où ils ont décidé que c’en était fini. Qui sommes-nous, ici, pour nous lever – ou plutôt rester assis – et leur dire ce qu’ils doivent faire ou ne doivent pas faire ? Prenons le cas de M. Rap Brown[4], dont les déclarations ont été fortement contestées. Rap Brown est résolu à affronter le racisme américain jusqu’à l’ultime limite de ses forces et de celles des Noirs qui le suivent. Qui sommes-nous pour dire : « Vous avez le droit de dire ceci, mais pas cela. Vous êtes autorisés à faire ceci, mais pas à faire cela » ? Si nous connaissons la réalité de l’oppression des Noirs aux États-Unis (et si nous l’ignorons, alors nous devons la boucler jusqu’à ce que nous le sachions), alors nous devons nous laisser guider par un dicton des Caraïbes, que je vous recommande, « ce qu’il fait, il le fait bien ». Je répète : à nos yeux, ce que les Noirs américains font, ils le font bien. Ils vont se saisir des opportunités, ils vont risquer leur liberté, ils vont risquer leurs vies si besoin était. Leurs décisions leur appartiennent.
Un mot de plus sur Rap Brown. Qu’il soit ce qu’« ils » appellent un raciste ou non ne m’intéresse pas du tout. Je m’intéresse à Rap Brown parce que c’est un dirigeant politique et que je sais ce qu’il est en train de faire. Il n’est pas un partisan de Garvey dont la doctrine correspond à une époque révolue. Pour sa part, voici ce que fait Brown : il veille à ce que le rejet absolu de la citoyenneté de seconde classe, la ténacité et la détermination à combattre, jusqu’à la mort s’il le faut – état d’esprit qui imprègne désormais le mouvement noir – ne soient pas corrompus, atténués, ou détournés de quelque façon que ce soit de ses buts généraux par ces Blancs bienveillants dont regorgent les États-Unis. Même quand les Blancs descendent dans le Sud pour affronter les coups et les balles de la police et des voyous sudistes, le mouvement noir trouve qu’ils provoquent des difficultés et entravent la lutte. Si vous voulez en savoir plus sur cet aspect, lisez donc le numéro d’avril 1967 du magazine noir Ebony. […] Vous pourrez y lire que certaines composantes du mouvement déclarent ne pas vouloir accepter de membres blancs dans leurs organisations. Ce n’est pas du racisme, c’est de la politique. Et la rapidité avec laquelle ils se développent politiquement est attestée par la magistrale solution qu’ils ont trouvée au problème soulevé. Ils disent aux Blancs qui veulent combattre :
« L’apport de vos forces à la lutte est le bienvenu. Mais, là-haut, dans le Nord, dans vos propres villes, il y a des zones entières où le Noir n’a pas le droit d’acheter une maison ou même de la louer. Il y a là une occasion de combattre les préjugés raciaux américains. Vous voulez vous battre ? Allez-y et battez-vous. Ici, nous pouvons nous débrouiller sans vous. »
Non, cela n’est pas du racisme. Le racisme est en déclin aux États-Unis. Oui, en déclin. Autrefois, on voyait des Blancs attaquer les Noirs. Plus aujourd’hui. Stokely rappelle, et les violences qui ont eu lieu le montrent, que dans les villes américaines, on voit plutôt les Noirs affronter la police[5]. En d’autres termes, ils s’en prennent à un vieil ennemi qui est un des bras du pouvoir d’État.
Ce n’est pas du racisme. C’est de la politique révolutionnaire. Ils décident et nous les soutenons. Mais si nous faisons cela, nous ne faisons pas autre chose. Nous ne nous baladons pas partout pour trouver des explications à ce qu’ils ont fait, ou pour démontrer qu’ils ne sont pas de bons marxistes parce qu’ils n’attendent pas que le prolétariat américain se mette en mouvement. […]
Deuxièmement, nous ne devons manquer aucune occasion de faire savoir à l’opinion publique britannique que nous considérons que la sécurité et la vie de Stokely Carmichael sont en grand danger aux États-Unis. Nous sommes nombreux ici, et partout dans le monde, à comprendre que la seule issue pour les racistes américains (ou pour les partisans de la paix, de la paix à n’importe quel prix) est de l’assassiner. C’est ce qu’ils ont fait avec Malcolm X. Et aujourd’hui, les progrès de la lutte, bâtie sur les fondations jetées par Malcolm X, font que Stokely est en danger de mort, qu’il est une cible pour ceux qui veulent préserver l’ordre existant aux États-Unis. […] Par conséquent, nous devons faire savoir à nos amis, à nos connaissances, aux syndicats et aux partis politiques auxquels nous appartenons, nous devons leur dire qu’il est de leur devoir de prendre acte, par des résolutions et des motions, des craintes que nous avons pour la sécurité de Stokely.[…]
Les mouvements révolutionnaires partout dans le monde devraient accorder leur soutien à Stokely, soutien qui pourrait bien le prémunir contre la répression des impérialistes, de sorte que tout le monde soit convaincu qu’une atteinte à la vie de ce dirigeant aura de sérieuses répercussions internationales. Notre solidarité peut contribuer à protéger la vie de Stokely.[…]
Nous en arrivons maintenant à la dernière question posée par Kant. La première, vous vous en souvenez, était : « Que sais-je ? » La seconde était : « Que dois-je faire ? » Voici maintenant la troisième : « Que puis-je espérer ? » Ici, j’aimerais partager avec vous ma propre expérience. […] Venant d’Angleterre, je suis arrivé aux États-Unis en 1938. Et je trouvais [des militants] plongés dans une grande confusion quant à ce qu’une approche marxiste de la question noire devrait être. La complexité de cette question pour ces marxistes était en outre accrue par le fait que depuis de nombreuses années les staliniens prêchaient, au nom du marxisme, en faveur de la création d’un État noir indépendant sur le territoire américain. Quant au mouvement trotskiste, de la base au sommet, dans le pays comme à l’étranger, il ne savait tout bonnement pas comment se positionner sur cette question fondamentale pour un parti socialiste aux États-Unis. Je n’eus guère de difficultés à leur dire ce que je pensais avec certitude être la politique adéquate. Et cela, je le savais, non parce que je suis noir ou parce que j’avais soigneusement étudié la situation américaine. Non. Dès le début, j’ai mis en œuvre ce que je pensais être une très simple et très directe politique léniniste. J’avais étudié Lénine pour écrire Les jacobins noirs, une étude d’une révolution pour l’autodétermination dans un territoire colonial. J’avais aussi étudié Lénine pour écrire mon livre sur la révolution mondiale[6]. Je l’avais étudié pour pouvoir participer avec George Padmore à son organisation qui militait pour l’indépendance de tous les territoires coloniaux, et plus particulièrement de ceux d’Afrique. De ce fait, j’avais été dès le départ à même de développer ma position dans une discussion que nous avons eue en 1939 sur la question noire avec Trotsky[7].
Les Jacobins Noirs
Ma position était celle-ci : la lutte indépendante des Noirs pour leurs droits démocratiques et pour l’égalité avec tous ceux qui composent la nation américaine doit être soutenue et promue par le mouvement marxiste. Celui-ci doit comprendre que ces luttes indépendantes sont un élément constitutif de la révolution socialiste. Je vais reformuler cela de manière aussi sommaire que possible : en luttant pour leurs droits démocratiques, les Noirs américains font un apport fondamental à la lutte pour le socialisme aux États-Unis. J’insiste là-dessus parce que cette proposition ne se résume pas à cette tentative de remédier à la confusion qui frappait alors le mouvement trotskiste au sujet de la question noire en 1938-1939. Aujourd’hui, en 1967, en Angleterre, la confusion sur cette question est tout aussi grande qu’aux États-Unis en 1938, et elle n’est nulle part aussi grande que parmi les marxistes.
Je vais maintenant vous citer un texte de Lénine où il jette les bases de son argumentation. On retrouvera son programme précis dans les résolutions qu’il présenta au deuxième congrès de la 3e Internationale sur l’autodétermination, et plus particulièrement celle où il fait référence aux Noirs américains. L’argumentation de base sur laquelle reposait la politique de Lénine est réaffirmée à plusieurs reprises dans les débats qu’il a menés avant 1917 sur le droit des peuples à l’autodétermination. Je citerai plus particulièrement ses observations particulièrement aiguisées sur la rébellion irlandaise de 1916 :
« Croire que la révolution sociale soit concevable sans insurrections des petites nations dans les colonies et en Europe, sans explosions révolutionnaires d’une partie de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés, sans mouvement des masses prolétariennes et semi-prolétariennes politiquement inconscientes contre le joug seigneurial, clérical, monarchique, national, etc. […] C’est s’imaginer qu’une armée prendra position en un lieu donné et dira “Nous sommes pour le socialisme”, et qu’une autre, en un autre lieu, dira “Nous sommes pour l’impérialisme”, et que ce sera alors la révolution sociale ! C’est seulement en procédant de ce point de vue pédantesque et ridicule qu’on pouvait qualifier injurieusement de “putsch” l’insurrection irlandaise. »
Ici, Lénine est très en colère, ce qu’il convient de relever, car s’il se montrait souvent acerbe, il exprimait rarement de la colère. Il poursuit en expliquant comment est survenue la révolution de 1905 :
« La révolution russe de 1905 a été une révolution démocratique bourgeoise. Elle a consisté en une série de batailles livrées par toutes les classes, groupes et éléments mécontents de la population. Parmi eux, il y avait des masses aux préjugés les plus barbares, luttant pour les objectifs les plus vagues et les plus fantastiques, il y avait des groupuscules qui recevaient de l’argent japonais, il y avait des spéculateurs et des aventuriers, etc. Objectivement, le mouvement des masses ébranlait le tsarisme et frayait la voie à la démocratie, et c’est pourquoi les ouvriers conscients étaient à sa tête. »
Il nous faut continuer avec Lénine parce que, me semble-t-il, il a fait l’expérience, a eu l’intuition que les gens ne comprendraient pas ce qu’est la révolution socialiste. C’est là un des passages les plus percutants. Je vous le livrerai intégralement de manière à ce que vous puissiez appréhender l’importance qu’il accordait à un élément absolument nécessaire à la compréhension de ce qu’est une révolution socialiste :
« La révolution socialiste en Europe ne peut pas être autre chose que l’explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement – sans cette participation, la lutte de masse n’est pas possible, aucune révolution n’est possible – et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s’attaqueront au capital, et l’avant-garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d’une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l’unir et l’orienter, conquérir le pouvoir, s’emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes !) et réaliser d’autres mesures dictatoriales dont l’ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne “s’épurera” pas d’emblée, tant s’en faut, des scories petites-bourgeoises. »
Lorsque Trotsky déclara qu’à ses yeux la lutte indépendante des Noirs pour leurs droits démocratiques était une partie constitutive de la voie vers la révolution socialiste, le mouvement trotskiste se rallia à cette position. Il s’y rallia, mais je ne crois pas qu’il l’ait jamais comprise.
En 1951, mes amis et moi avons rompu fondamentalement et de manière irrévocable avec les prémisses du trotskisme et, en tant que marxistes indépendants, nous avons défendu cette politique, cette politique léniniste, sur la question noire. Nous pensions que nous avions approché adéquatement cette question. Nous ne savions pas ce que cette politique allait nous réserver. J’ai commencé en vous disant qu’au début de cette année, j’ai entendu Stokely Carmichael parler et j’ai immédiatement été frappé par l’énorme potentiel révolutionnaire qu’il incarnait. Mais je ne soupçonnais pas alors qu’avant même la fin de l’année, il dirait la chose suivante :
« Nous nous adressons à vous, camarades, parce que nous entendons montrer clairement que nous comprenons que nos destins sont inextricablement liés. Notre monde ne peut être que le tiers-monde ; notre lutte est celle du tiers-monde ; notre perspective est le tiers-monde. »
Ces paroles de Stokely à la conférence de l’OLAS[8] s’ajoutant à l’état actuel du mouvement noir aux États-Unis, il est désormais clair que ce dernier se considère comme partie prenante du tiers-monde. Mais rapidement, Carmichael a ajouté des précisions – précisions que je savais être présentes dans son esprit, bien que parfois peu présentes dans ses discours. Je vous invite à apprécier le sérieux et le poids des mots prononcés par Stokely :
« Nous ne cherchons pas à créer des communautés où, à la place du pouvoir blanc, s’établirait le contrôle de dirigeants noirs sur la vie des masses noires et où l’argent des Noirs irait dans quelques poches noires : nous voulons que cet argent aille dans la poche de la communauté. La société que nous voulons construire n’est pas une société capitaliste oppressive – ce qui est la véritable nature du capitalisme qui est incapable de créer des structures libérées de l’exploitation. Nous combattons pour la redistribution de la richesse et pour la fin de la propriété privée aux États-Unis. »
Mon opinion comme celle de mes amis est qu’il n’y a jamais eu aux États-Unis de voix plus claire et plus puissante qui s’est élevée en faveur du socialisme. Il est évident que pour lui, alors qu’il combat pour un avenir de liberté pour les Noirs des États-Unis, la société socialiste n’est pas un espoir, mais une nécessité impérieuse. Ce qu’il dira dans l’avenir, ou ce que dira un autre dirigeant noir, je n’en sais rien. […] Je crois que son avenir et l’avenir de la politique qu’il défend ne dépendent pas de lui en tant qu’individu. Ils dépendent des actions et des réactions de ceux qui l’entourent et, dans une certaine mesure, non pas de vos espoirs, mais de vos actes.

[1] NdT : Ce discours fut prononcé par C. L. R. James à plusieurs reprises en Grande-Bretagne, la première fois en août 1967 dans un centre d’étudiants caribéens à Londres. Stokely Carmichael, dirigeant du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC), était intervenu à Londres au cours de l’été 1967, dans le cadre du cycle de conférences « Dialectics of Liberation » qui rassembla de nombreux acteurs des luttes noires et radicales américaines, et c’est à cette intervention à laquelle James fait référence à plusieurs reprises. Le gouvernement britannique, attentif aux révoltes de Détroit et de Newark, craignait que la venue de Stokely Carmichael ne déclenche des « troubles ». La presse présentait le dirigeant afro-américain comme « le plus grand propagandiste de la haine raciale aujourd’hui ».
[2] NdT : Dirigeant du SNCC, Stokely Carmichael était en effet originaire de Trinidad, comme C. L. R. James, où il vécut jusqu’à l’âge de onze ans. Le SNCC était une organisation d’étudiants noirs qui sautera le pas de la non-mixité raciale. Un temps membre du Black Panther Party, Carmichael partit s’installer en Guinée en 1969, où il changea de nom pour celui de Kwamé Turé (en hommage à Kwamé Nkrumah, le président ghanéen et à Sékou Touré) et devint conseiller du président Sékou Touré. Il est l’auteur de Black Power, coécrit avec Charles V. Hamilton, et publié en 1967, ouvrage qui introduisit la notion de « racisme institutionnel ». N’ayant pas la date précise de la conférence donnée par C. L. R. James et en l’absence de références de sa part, on ne peut savoir si l’ouvrage était déjà paru et si, le cas échéant, il n’en avait pas connaissance ou ne désirait pas l’évoquer.
[3] NdT : Le 11 juillet 1960, Moïse Tshombé déclare l’indépendance et la sécession du Katanga de l’ex-Congo belge, devenu République démocratique du Congo, avec l’appui des compagnies minières belges, des États-Unis et de la France qui envoie des mercenaires pour l’aider à former une armée katangaise. « Nous faisons sécession du chaos » déclarera-t-il à ce propos. Il sera impliqué dans l’assassinat du premier ministre progressiste Patrice Lumumba le 14 janvier 1961, par les forces armées de Mobutu. En 1963, il dut s’exiler, à la suite de la reprise du Katanga par les Nations unies pour le compte du Congo.
[4] NdT : H. Rap Brown, qui se fit appeler Jamil Abdullah Al-Amin après sa conversion à l’islam lors d’un séjour à la prison d’Attica entre 1971 et 1976, fut le président du SNCC, après le retrait de Carmichael et « ministre de la justice » lors de la brève alliance entre le Black Panther Party et le SNCC. À sa sortie de prison en 1976, il se consacra à de l’activisme communautaire dans un quartier d’Atlanta. En 2002, il sera condamné à la prison à perpétuité, accusé d’avoir tué un shérif. À l’époque où l’auteur prononce cette conférence, H. Rap Brown s’était rendu célèbre par ses talents d’orateurs, qui lui valurent d’être emprisonné en 1967 pour incitation à l’émeute.
[5] NdT : On peut supposer que l’auteur fait référence aux émeutes de juillet 1967 à Détroit, dont l’ampleur fut telle que la Garde nationale et l’armée furent envoyées pour les réprimer. On dénombra quarante-trois morts, plus de 700 blessés et plus de 7 000 arrestations. Les médias et les discours officiels tentèrent de masquer le caractère interracial de cette émeute, dont témoigne la liste des morts, des blessés et des personnes arrêtées, et en attribuèrent la responsabilité à la communauté noire. Les émeutes éclatèrent suite à une descente policière dans un bar sans licence et dans un contexte de tension créé par le couvre-feu municipal alors en vigueur. Les émeutes furent émaillées de violences et de crimes policiers qui attisèrent la haine contre la police et la Garde nationale.
[6] NdT : C. L. R. James, World Revolution, 1917-1936. The Rise and Fall of the Communist International, New Jersey, Humanities Press International, 1993 [1937].
[7] NdT : Voir à ce sujet les discussions entre C. L. R. James et Léon Trotsky dans Léon Trotsky, Question juive, question noire, Paris, Syllepse, 2011.
[8] NdT : Il s’agit de « Solidarité avec l’Amérique latine », un discours prononcé par Stokely Carmichael en juillet 1967 à La Havane, lors de la première conférence de l’Organisation latino-américaine de solidarité (OLAS), organisation créée lors de la conférence tricontinentale de 1966.
C.L.R. James

Sur la question noire aux
Etats-Unis 1935-1967
 

Editions Syllepse
Coll. Radical America

Parution : décembre 2012
Pages : 250 pages
Format : 150 x 210
Prix : 15 euros
The-Black-Power3
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