La culture d’une société raciste est elle-même raciste.

« Une société est raciste ou ne l’est pas. II n’existe pas de degré du racisme. II ne faut pas dire que tel pays est raciste mais qu’on n’y trouve pas de lynchages ou de camps d’extermination. La vérité est que tout cela et autre chose existent en horizon. Ces virtualités, ces latences circulent dynamiques, prises dans la vie des relations psycho-affectives, économiques. »[1]

Alost, Ath, Lessines, Malmedy, Binche, noirauds, père fouettard, musée coloniale de Tervuren, etc. La culture d’une société raciste est elle-même raciste et est de manière endémique défigurée par d’ignobles représentations négrophobes, antisémites, islamophobes, racistes.

Des politiciens francophones

L’antiracisme d’état, l’antiracisme moral de l’état belge, lui, est nu. Les femmes et les hommes politiques francophones qui se sont exprimés n’ont pu s’empêcher d’être opportunistes dans leur antiracisme en n’évoquant que l’inadmissible antisémitisme exhibé au carnaval d’Alost. Se prétendant d’une certaine supériorité morale par rapport aux Flamands (« les Flamands sont racistes, ils ont voté VB », « les Flamands sont des collabos », etc), ils ne disent pas un mot sur les représentations négrophobes ou islamophobes, que celles-ci se manifestent en Flandre ou en Wallonie. Opportuniste, la Première ministre (MR – libéral) Sophie Wilmès n’a pu s’empêcher, comme son président de parti, d’être aussi équidistante que possible entre la défense de la liberté d’expression et la lutte contre l’antisémitisme.

« Si tu es neutre en situation d’injustice, alors tu as choisi le côté de l’oppresseur».[2]

Bart De Wever, NVA comme le bourgmestre d’Alost, s’est exprimé pour dire que le char antisémite du carnaval d’Alost est irrespectueux. Nous n’avons vu aucune réaction d’Ecolo, du PTB-PVDA ou du CDH. Qu’ils soient flamands ou francophones, de droite ou de gauche, aucun de ces politiciens n’a par ailleurs réagi aux multiples condamnations de l’UNESCO concernant la Belgique et ses folklores racistes.

Le PS s’est lui exprimé par le biais d’un opportuniste tweet antiraciste du bourgmestre de la capitale.

Le problème, c’est que Unia travaille avec les outils qui sont mis à sa disposition par les politiciens qui légifèrent. Unia, en plus de son manque de courage politique, est mise en incapacité de combattre le racisme de manière efficace. Face aux attaques des partis de droite extrême (qu’ils soient au gouvernement ou pas) et pour leur montrer « patte blanche », Unia n’hésite cependant pas, par exemple, à se portée partie civile dans une affaire de « racisme anti blanc » (sic). Une institution établie et financée par l’Etat, ne peut pas lutter contre le racisme d’Etat. La loi Moureaux de 1981 et singulièrement le critère farfelu d’  « intentionnalité » qu’elle contient, loi dont les socialistes aiment tant se targuer de la maternité, est inutile pour lutter contre le racisme structurel.

Philippe Close fait mine d’ignorer, que son collègue bourgmestre socialiste de Lessines, Pascal de Handschutter, charge en justice, pour menace terroriste, des activistes antiracistes pacifiques parce que ceux-ci demandent l’annulation d’une parade négrophobe dans sa ville.
Philippe Close ignore aussi que Rudy Demotte, alors ministre-président de la Communauté française a fait un discours, en présence du prince Laurent, pour défendre le maintien du personnage négrophobe qu’est le « sauvage » de Ath, en donnant au passage, de manière assez hallucinante, le rôle de « Goliath » à Bruxelles Panthères.
Philippe Close ignore aussi que son collègue bourgmestre socialiste de Ath, dans une prise de position strictement identique à celle du bourgmestre NVA d’Alost, a déclaré préféré perdre son label de patrimoine immatériel de l’humanité plutôt que de se débarrasser du personnage négrophobe de sa ducasse.
Philippe Close ignore encore qu’aucune réponse n’a été donnée à la lettre ouverte envoyée à son président de parti, Paul Magnette, demandant de la cohérence de sa part entre les discours antiracistes du PS, certains actes posés récemment en fonction de ce discours (exclusions à Bruxelles) et sa position par rapport à la plainte d’un bourgmestre socialiste contre un collectif antiraciste qui dénonce et combat un défilé négrophobe dans un village de Wallonie.

Paul Magnette n’a non seulement pas su s’abstenir de participer au concert de déclarations antiracistes imprégnées de racisme en se limitant à n’évoquer que le répugnant antisémitisme du carnaval d’Alost :

Mais il est aussi, en tant que président du PS, responsable pour les poursuites judiciaires intentées contre Nordine Saidi et Bruxelles Panthères par le bourgmestre socialiste de Lessines parce que ceux-ci ont eu l’outrecuidance de lui envoyer deux courriels dénonçant une parade négrophobe et demandant sa suppression. Paul Magnette est bien au fait de ces poursuites puisqu’il en a été informé par une lettre ouverte dont il ne peut pas sérieusement prétendre ne pas avoir eu connaissance et à laquelle il n’a jamais daigné répondre. Paul Magnette dénonce l’antisémitisme du carnaval d’Alost mais en ignorent les manifestations négrophobes et islamophobes. Et en plus il couvre (ou tente de couvrir) la protection, par des bourgmestres socialistes, de pratiques folkloriques négrophobes et ne trouve rien à redire à la répression politique engagée, en instrumentalisant la Justice, contre un militant et un collectif antiraciste, pour cause de fantasmagorie islamophobe, pour cause d’islamophobie. La même islamophobie qui a tué ces derniers jours en Allemagne et blessé en Angleterre.

Le PS n’est pas le seul parti à se dire progressiste, antiraciste, égalitaire, « ouvert à la diversité », etc.

Comme indiqué, nous n’avons entendu ou lu aucune réaction publique des pontes d’Ecolo. La section Ecolo de Lessines, elle, prétend que c’est une plainte du bourgmestre socialiste de Lessines et qu’elle n’est pas concernée. Nous en sommes très étonnés. Comment des Ecolos pourraient-ils ne pas être concernés par une plainte pour menace terroriste déposée par le bourgmestre d’une ville, où ils siègent au conseil communal, contre une association antiraciste ? Comment cette section peut-elle prétendre ne pas être au courant de la participation du bourgmestre à une plainte dans laquelle il dépose « en sa qualité de bourgmestre de la ville de Lessines » ? Comment une section Ecolo à Lessines peut-elle se taire face à un folklore négrophobe et donc le défendre alors même que Ecolo à Bruxelles prétend avoir participé à la mise en place d’un programme de gouvernement dont la « décolonisation » est l’un des points ? Ecolo, comme le PS, parleraient-ils « décolonisation » à Bruxelles et négrophobie et islamophobie en Wallonie ?

Nous avons pris connaissance aujourd’hui d’un texte de soutien émis par une des filiales du PTB. Nous les en remercions chaleureusement. Les soutiens sont d’autant plus précieux qu’ils sont rares. Nous aurions cependant apprécié d’entendre une prise de position de la part du patron de la maison-mère. Mais il est sans doute encore en train de démêler rumba et zumba.

Aucune déclaration non plus de la part de Défi, si ce n’est une déclaration antiraciste aussi opportuniste et imprégnée de supériorité morale que celles décrites supra : « l’antisémitisme (des Flamands) c’est mal » (mais la négrophobie et l’islamophobie, y compris celle des francophones, ça va).

Aucune nouvelle non plus du CDH, le parti humaniste.

De l’antiracisme et de l’antisionisme

Luttant contre toutes les formes de discriminations raciales, discriminations qui mènent à la déshumanisation, à la mort sociale et/ou physique de celles et ceux qui les subissent, nous ne pouvons que nous réjouir des condamnations de l’infâme antisémitisme manifesté durant le carnaval d’Alost.

Cependant, contrairement aux antiracistes sélectifs, nous condamnons et combattons toutes les structures de domination. Le racisme contre les Noirs, contre les Juifs, contre les Musulmans, contre les Rroms, contre les êtres humains qui viennent d’autres pays ou d’autres continents au péril de leur vie et qui finissent trop souvent au fond de la Méditerranée ou étouffés par des policiers civilisés.

C’est pour cette raison que nous pensons que les récriminations émises par les antiracistes sélectifs belges, tout comme celles émises par des ministres, représentant et soutiens d’un des états les plus (légalement) raciste du monde, l’état sioniste qui occupe la Palestine, sont fondées mais non recevables.

Ces récriminations sont fondées car l’antisémitisme manifesté au carnaval d’Alost est inacceptable.

Que vaut l’ « intention » (chère à Patrick Charlier) de heurter quand on heurte effectivement ? Quand on déshumanise et qu’on tue socialement ?

Elles ne sont pas recevables car elles viennent d’organisations et de personnes qui dirigent, représentent ou soutiennent la colonisation de la Palestine par Israël. Si le défilé carnavalesque d’Alost est heurtant, il l’est factuellement moins que les terres volées, les enfants emprisonnés sans jugement, les bombes envoyées depuis un drone ou un F-16, l’accès fermé à la route, à la mer et au ciel, la privation d’eau et finalement la dénégation de son droit à l’existence et au respect de son humanité et de sa dignité que doit subir le peuple Palestinien. Ces sirènes sionistes, pourront donc s’exprimer légitimement le jour où les Gazaouis et tous les autres Palestiniens seront aussi mal traités par Israël que les Juifs le sont à Anvers ou à Alost.

Des idiots utiles

Un dernier mot pour ceux et celles qui traduisent la position du bourgmestre NVA d’Alost comme une victoire (sic) de celui-ci contre un diktat sioniste. Vous êtes politiquement à côté de la plaque. Quand De Wever ou Magnette échange avec un soutien ou un représentant d’Israël il ne s’agit jamais d’un combat dans lequel il y aurait une éventuelle victoire à attendre d’un côté ou de l’autre. Il s’agit, au pire, d’un débat portant sur leur désaccord quant à la définition de la liberté d’expression.
Être « dans le camp » du bourgmestre « rigolo » d’Alost, c’est être dans le camp d’Israël. Un état d’apartheid. C’est être antisémite.

« Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».[3]

 

De la RTBF

En cette nouvelle journée de honte internationale pour la Belgique, la RTBF a invité une carnavalogue, experte en carnavals, conservatrice du Musée international du Carnaval et du Masque de Binche. Cette dame est peut-être experte en carnavals. Mais elle n’est experte ni en histoire, ni en racisme structurel. Elle a dit sur le plateau du journal du service publique francophone belge, au moment de parler des blackfaces négrophobes des carnavals de Lessines, Ath ou Dunkerque, que les « noirauds » (œuvre royale) apparus en 1876 seraient apparus au moment du retour de Léopold 2 du Congo. S’il y a fait couper beaucoup de mains, Léopold 2 n’a jamais mis les pieds au Congo.  Elle explique dans la phrase suivante l’une des raisons de la présence endémique de caractères négrophobes dans le folklore belge et la raison de son erreur quant au prétendu « retour de Léopold 2 du Congo » : l’histoire de la colonisation du Congo par le roi des Belges et ensuite par le royaume de Belgique n’est pas enseignée en Belgique. Nous ne manquons pourtant ni d’études ni de connaissances sur ce sujet.

C’est bien beau de la part de la RTBF d’évoquer, même en le minimisant, le racisme du carnaval d’Alost qui fait parler négativement de la Belgique à travers le monde. Ce serait mieux de le faire en invitant des gens qui savent de quoi ils et elles parlent. Ce serait encore mieux de le faire en ne donnant pas exclusivement la parole à des alostois.e.s qui sont pour la défense du maintien d’un folklore polyraciste et dont certains exigent même du respect pour ce carnaval antisémite, négrophobe et islamophobe. Carnaval exclu de la liste du patrimoine mondial immatériel de l’Humanité par l’Unesco en décembre 2019. Exclusion qui est une première mondiale !

Dernier mot au sujet de la RTBF : ce n’est pas joli-joli de tenter de nous faire passer des cafards ou des cloportes pour des fourmis !

Mouhad Reghif

Porte-parole de Bruxelles Panthères

 

[1] « Racisme et culture », conférence de Frantz Fanon au congrès des écrivains et artistes noirs, 20 septembre 1956.

[2] Desmond Tutu

[3] Peau noire, masque blanc, Frantz Fanon

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