Les Féministes pour l’égalité dénoncent les agressions contre les femmes voilées ET le silence des autres féministes

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Communiqué 

Le jeudi 13 juin dernier, une femme musulmane voilée a été agressée à Argenteuil avec une telle violence qu’elle vient de perdre son bébé.

Ces agressions se multiplient ; les victimes en sont des femmes musulmanes portant le foulard ; le silence qui les entoure est effrayant, accablant. Les violences contre les femmes se développent, aujourd’hui comme hier, sur le terreau d’un silence qui banalise et tue.

Le Collectif des Féministes pour l’Egalité dénonce les attaques qui visent spécifiquement les femmes musulmanes –parce qu’elles sont femmes et parce qu’elles sont musulmanes ; et demande un traitement médiatique et juridique de ces agressions adéquat, fondé sur la loi et le souci de la paix civile. Un traitement adéquat commencerait par dénoncer les rodomontades islamophobes qui émaillent le discours public : car comment ne pas établir de lien entre ces déclarations hostiles et la recrudescence d’agressions « motivées » par la religion –visible- des victimes ?

En tant que féministes nous nous étonnons du silence des autres féministes. Auraient-elles eu une telle absence de réactions si des femmes non voilées avaient été agressées par des « barbus » ? Sans doute pas. Ce deux poids deux mesures est insupportable, et il donne à voir l’impact profond du racisme qui vise les musulmans et surtout les musulmanes.

C’est pourquoi nous souhaitons rencontrer dans les meilleurs délais les représentants du gouvernement ayant en charge les questions relatives aux femmes et relatives à la sécurité.

Nous nous joignons à l’appel au rassemblement prévu le samedi 22 juin à 15 heures devant la sous-préfecture d’Argenteuil, 2 rue Alfred Labrière (face à la gare d’Argenteuil). 

Paris le 20 juin 2013

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Agression d’une femme voilée à Argenteuil : le silence ahurissant des féministes

 

Avatar de Laura-Maï Gaveriaux

LE PLUS. La semaine dernière, une jeune femme enceinte et portant le voile a déposé plainte, expliquant avoir été agressée à Argenteuil par deux hommes qui lui ont coupé un bout de son vêtement. Quelques jours plus tôt, une autre femme voilée avait dénoncé une agression similaire. Dans les deux cas, silence radio des féministes françaises, quel que soit leur courant. Notre contributrice s’en indigne.

Une femme voilée à Marseille, en 2011 (Rafael Ben-Ari/Cham/NEWSCOM/SIPA)

Une femme voilée à Marseille, en 2011 (Rafael Ben-Ari/Cham/NEWSCOM/SIPA)

 

Certains silences sont plus assommants que le son de la bêtise.

 

Alors qu’une tribune scientifique sur le féminisme me valait hier une volée de bois vert en cascade, j’apprenais que la jeune femme victime (ou plutôt présumée comme telle, pour la terminologie juridique) d’une agression à Argenteuil jeudi dernier, avait perdu son bébé. Une jeune femme voilée, qui a raconté avoir été agressée par deux hommes à la sortie d’un laboratoire médical : ils lui ont arraché son voile, ont découpé un bout de son vêtement, et l’ont traînée de force en la tirant par les cheveux.

 

Il est bien évident que la prudence est de mise. On ne pouvait d’ailleurs pas la rater, la prudence des médias, dans leur compte-rendu des faits. Incertitudes sur le déroulé de l’agression, incohérences dans le récit de la victime présumée, que l’on était pourtant bien enclins à attribuer au choc subi… on est tout de même empathiques, on a bon cœur…

 

Mais il va de soi que ces situations sont délicates et qu’on ne saurait se précipiter sans un minimum de complément d’informations objectives et certaines. Une prudence que n’eurent pas les commentateurs concernant la mort de Clément Méric. Mais Clément n’était pas une femme voilée.

 

Silence radio des féministes

 

Où sont donc passées les féministes, d’habitude si promptes à agiter leurs banderoles d’indignation à la moindre occasion ? Et pendant que les passionarias de la cause étaient occupées, hier, à m’envoyer critiques et messages d’insultes parce que j’osais dire que la terminologie de la théorie du genre présente dans les argumentaires du féminisme français était révolue, me faisant traiter d’universitaire (comme si c’était une tare) et d’élitiste (par des gens qui restent à l’abri de leur écran d’ordinateur), que n’eurent-elles trouvé le temps de dire un mot sur cette femme ?

 

Le plus ironique, c’est que dans mon papier d’hier, je parlais de la nécessité de concevoir un féminisme global, conscient de la réalité multiculturelle du monde, à l’image de ce que fait la philosophe américaine Martha Nussbaum.

 

Or cette histoire horrifiante et le silence ahurissant des féministes à son sujet nous mettent devant l’un des défis les plus aigus du féminisme français actuel : la question du voile. C’est comme si, parce que cette femme était voilée, elle ne mériterait pas notre compassion et notre énergie à défendre ses droits à la dignité et à la sécurité. Finalement, les élitistes ne sont pas toujours là où l’on s’attend à les trouver… et les misogynes ne sont peut être pas ceux qu’on croit.

 

Les précaires, les Roms, les migrantes… C’est ça aussi, le féminisme

 

Cette agression soulève cette question parce qu’elle s’inscrit dans une tendance qui voit augmenter les agressions islamophobes contre les femmes voilées. Le féminisme français qui doit, je le répète, faire son aggiornamento, n’a tout simplement rien à dire de rationnel et de justifié sur cette question.

 

Mais savent-elles même, ces féministes low-cost qui se repaissent de leurs certitudes parce qu’elles ont lu Judith Butler, qu’il existe des féminismes non-occidentaux avec lesquels nous devons dialoguer ? Je dis bien féministes low-cost car à mes yeux, il est facile de pousser des cris d’orfraies sur internet parce qu’une philosophe a osé dire que le premier âge de la pensée féministe française était révolu… mais je n’ai pas souvent vu ces soi-disant féministes (celles qui ne sont pas élitistes, donc) aux côtés des femmes précaires dans les structures d’accueil où les côtoient les travailleurs sociaux… Que savent-elles des difficultés concrètes que rencontrent les femmes migrantes, des problématiques de santé à proprement parler féminines dans les camps de Roms, des obstacles socio-économiques des familles monoparentales où le chef de famille est la femme, des problématiques féminines de la précarité rurale ?

 

Caroline de Haas est très forte pour s’exprimer sur DSK et l’abolition de la prostitution, mais je ne l’ai pas souvent vue dans les structures sociales auprès des putes pour les accompagner dans l’accès aux soins… Et aux attaques agressives dont j’ai été hier l’objet, et qui disaient en substance « c’est quoi au juste votre féminisme avec des mots compliqués? », je réponds : voyez-vous, mon féminisme c’est ça. Ce féminisme que nous sommes quelques unes à essayer de promouvoir, consiste en cela. Et parfois nous écrivons des articles philosophiques savants pour justifier notre action, mais nous savons remonter nos manches et aller sur le terrain auprès de ces femmes fragiles ; parce que c’est cela le coeur du problème français aujourd’hui. Certainement pas de savoir si Judith Butler a été bien traduite en français.

 

Toutes femmes, toutes sœurs

 

Cette femme, quand bien même est-elle voilée, c’est notre soeur. Toutes femmes, toutes soeurs. Que les féministes françaises commencent par assumer ce principe et nous pourrons reparler d’élitisme. Que l’on produise des propositions théoriques substantielles sur la question du voile et je considérerai que la discussion est lancée. La question du voile doit être traitée sans condescendance, sans préjugés, ni filtre idéologique. Nous devons pouvoir résoudre ce conflit normatif qui ne manque de surgir dès lors que l’on voudrait produire des principes à portée universelle sans rester sourds à la diversité culturelle du monde, et aux revendications culturelle des femmes à travers le monde. Je n’ai pas entendu beaucoup de propositions à ce sujet ces dernières années. Féminisme low-cost parce qu’après tout, ça ne coûte rien de s’indigner à la petite semaine, sans jamais prendre le risque de se mouiller sur ces questions qui surgissent pourtant de notre présent.

 

Où qu’elle soit, je voudrais dire à cette jeune femme d’Argenteuil que je pense à elle, que je pleure pour elle et je sais que je ne suis pas la seule. J’écris pour toutes celles qui ont partagé leur tristesse avec moi hier, ainsi que leur incompréhension face au silence des féministes françaises. Je leur ai promis d’écrire aujourd’hui pour porter leur tristesse, et je suis heureuse d’avoir la chance de pouvoir le faire.

 

Toutes femmes, toutes sœurs.

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