Cher(e)s ami(e)s
face aux avancées antidémocratiques européennes, un groupement citoyen lance une interpellation parlementaire autour du projet de MES (mécanisme européen de stabilité).
Il est important pour la démocratie qu’un débat public sur le fond soit lancé, c’est pourquoi nous vous invitons à interpeller nos parlementaires.
Pour ce faire, rien de plus facile, toutes les informations sont sur: http://www.interpellation-mes.be/
Cette campagne est importante et permet de toucher l’ensemble des parlementaires fédéraux (149 pour être précis) qui devront se positionner.
Merci également de contacter les journalistes et relayer cette infos dans tous vos réseaux (mails, twitter, facebook, etc.)
Cette action est soutenue par le CADTM.
Cordialement,
L’équipe du CADTM
04/226.62.85
Extrait de l’interpellation:
Madame, Monsieur,
Je vous écris concernant le traité européen instituant le mécanisme européen de stabilité sur lequel vous devrez vous prononcer prochainement en tant que parlementaire belge. Je m’étonne du silence qui entoure ce traité crucial et je m’indigne de l’absence de consultation populaire à ce sujet. Il faut impérativement ouvrir un débat public sur cette question dans les plus brefs délais. Les citoyens n’ayant jusqu’à présent pas été directement consultés sur ce document essentiel, la balle est dans votre camp et je compte sur vous.
Au sein de ce mécanisme, les décisions seront prises par le Conseil des gouverneurs composé exclusivement des ministres des finances de la zone euro1. Aucun veto, ni aucune autorité des parlements nationaux n’est prévu sur ces ministres lorsqu’ils agissent au titre de gouverneurs. De plus, ils jouiront en cette qualité d’une immunité totale leur permettant d’échapper à toute poursuite judiciaire. Pourtant, ils disposeront alors librement des caisses de l’État qui devra accéder de façon « irrévocable et inconditionnelle »3 à leurs demandes. Il est aussi intéressant de noter que le budget de départ4 du MES pouvant être réclamé aux États-membres dans un délai de sept jours seulement5 n’est pas plafonné et peut donc augmenter de façon illimitée sur décision du Conseil des gouverneurs6.
Aucun membre ou employé de cette structure ne sera élu par la population ni responsable devant elle. Plus fort encore, le MES peut attaquer en justice mais pas être poursuivi, pas même par les gouvernements, les administrations ou les tribunaux7. Le manque de transparence concerne aussi les documents « inviolables »8, qui ne seront rendus publics que si le Conseil des gouverneurs le souhaite.
Négation des compétences fiscales et budgétaires des parlements nationaux, déni des principes de base de la démocratie, impossibilité d’opposer un veto, immunité judiciaire totale, opacité des documents… Autant de procédés antidémocratiques qui m’amènent aujourd’hui à vous demander d’adopter une position claire quant à ce traité. Allez-vous l’accepter ou le rejeter ? Il va sans dire que je prendrai en compte votre réaction sur cette question cruciale la prochaine fois que je serai appelé(e) aux urnes. Pour information, votre réaction sera publiée sur un site9 permettant aux citoyens de savoir quels parlementaires ont répondu à cette interpellation et comment chacun s’est prononcé.
Merci d’avance pour votre réponse.
1Traité européen instituant le mécanisme européen de stabilité, Article 5.1., Conseil de l’Europe
2Article 30.1.
3Article 9.3.
4Article 8.1.
5Article 9.3.
6Article 10.1.
7Article 27 (2, 3, 4 en particulier)
8Article 30.1.
L’Union européenne dit adieu à la démocratie
Ce 28 septembre, le Parlement européen a approuvé, pour l’essentiel, le « paquet » de gouvernance économique. Il s’agit de 5 règlements (textes de loi directement applicables dans les États membres sans passer par une ratification parlementaire nationale) et d’une directive (texte de loi à transposer dans la loi nationale, ce qui conduit à une adoption parlementaire nationale et donc à un débat). L’essentiel de ces nouvelles normes devrait être appliqué rapidement pour orienter, dès le 1er janvier 2012, la surveillance européenne des finances publiques prévue par la procédure de « semestre européen ».
En bref, ce programme de politique économique va obliger de nombreux États au sein des 27 pays de l’Union européenne à renforcer drastiquement leur politique d’austérité et surtout à l’imposer durant des décennies à leur population (ceci vaut pour les 20 pays de l’UE en situation de déficit budgétaire – plus de 3% du PIB de déficit) et de façon encore plus marquée pour les 13 pays dont la dette souveraine dépasse 60% du PIB.
Ainsi, la Belgique, qui a échappé à la vague d’austérité de 2010- 2011 car son gouvernement était en affaires courantes, est mise sous forte pression par les autorités de l’UE afin que la crise belge s’achève au plus tôt : la Belgique est engagée à prendre des mesures pour réaliser environ 22 milliards d’euros d’économie en 3 ans. Mais il ne faut pas croire que ce programme de coupes claires dans les dépenses publiques belges s’arrêtera en 2015. Ce nouveau « paquet » législatif européen pousse les États à planifier leurs dépenses publiques de façon à descendre rapidement à un niveau maximum d’endettement de 60% du PIB, sous peine d’amendes conséquentes en cas de « mollesse ». Comme l’exemple grec nous le prouve, il s’agit de facto d’une course à l’enrichissement des créanciers des États, principalement des banques privées : les États désignés comme coupables d’endettement tombent sous la vindicte des agences de notation et doivent emprunter au prix fort.
Pour atteindre ce niveau de 60%, à paramètres monétaires et politiques constants, il faudrait que la Belgique trouve les moyens de rembourser à ses créanciers 7 milliards d’euros chaque année durant… 21 ans !
Comme l’Union européenne oblige à diminuer les cotisations sociales qui servent à alimenter la sécurité sociale et à réduire la pression fiscale directe, il ne reste aux pays qu’à augmenter la TVA et développer d’autres taxes indirectes (impôts injustes car non proportionnels aux revenus). Et privatiser… ou réduire le financement de tous les services publics… ou réduire le salaire des fonctionnaires… ou supprimer le statut des travailleurs de la fonction publique… ou réduire les droits de la pension, de la santé et du chômage…
Le prix du sauvetage des banques
Rappelons que cette nouvelle injonction à l’austérité découle du sauvetage des banques en 2008 : plusieurs États de l’UE avaient alors racheté les dettes des banques, augmentant leurs propres dettes souveraines des pertes réalisées par des banques peu scrupuleuses, et ce pour un montant qui en un an (2008- 2009) a correspondu à 16,5% du PIB européen. Soit 7 fois plus que toute la richesse produite en un an en Belgique, 24 fois le montant actuel des dépenses belges de sécurité sociale. D’après les derniers chiffres communiqués par Barroso, la somme publique totale depuis 2008 de soutien bancaire s’élève à 4 600 milliards d’euros (environ 13 fois la richesse annuelle belge). Ainsi la promesse de celui-ci d’instaurer une taxe sur les transactions financières, au mieux en 2014, qui pourrait rapporter 55 milliards d’euros par an, outre l’effet d’annonce, ressemble surtout à un miroitement aveuglant. Destiné à occulter le fait que l’austérité salariale et budgétaire touche déjà profondément de très nombreux citoyens, que cette austérité semble devenir pérenne et qu’elle conduit à un projet d’État minimal sans services publics et qu’elle renverse les principes démocratiques de fond en comble. En effet, les gros « placeurs » privés acquièrent plus de pouvoir qu’un État, désormais assimilé à un individu imprévoyant qui doit être puni.
Or un État qui abandonne sa souveraineté pour se remettre pieds et poings liés au verdict des marchés est un État qui programme sa fragilité et in fine sa faillite : diminution de ses outils publics pour relancer l’économie, ce qui aboutit à la récession, à l’augmentation du chômage, à une mauvaise note par les agences de notation, à des conditions d’emprunt de plus en plus défavorables… et à l’adoption de nouveaux plans de récession.
Et c’est ce que veulent exactement les puissances bancaires et financières qui pilotent aujourd’hui le navire de l’Union européenne. Enterrer la démocratie et installer le gouvernement des banques et des multinationales. Mario Draghi est le nouveau pilote de ce désastre, désigné en juin à la présidence de la BCE : comme haut fonctionnaire, il a dirigé pendant 10 ans les programmes de privatisation en Italie, il fut ensuite vice-président du secteur Europe de la banque Goldman Sachs au moment où celle-ci truquait les indicateurs budgétaires de la Grèce, puis il devint gouverneur de la Banque centrale italienne. De qui se moque-t-on ?
Curieuse « loyauté »
Le « paquet gouvernance économique » impose aux États qui devraient emprunter auprès du nouveau mécanisme européen de stabilité une totale « loyauté » (c’est le terme utilisé) aux créanciers internationaux, dont, en priorité, avant même la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international. Pour respecter les contraintes imposées par l’UE, avec l’aide du FMI ou sous la menace de son intervention, des États ont déjà imposé des mesures d’exception à leur population comme si nous étions en temps de guerre : suspension des conventions collectives négociées en Grèce et imposition de conventions unilatérales patronales, réquisition militaire des contrôleurs aériens espagnols en grève en décembre 2010 par la voie d’un vieil article franquiste de la Constitution qui prévoit, en cas de non-soumission, des peines de prison pouvant aller jusqu’à 6 ans…
La Cour de justice européenne a considéré en 2008 qu’un État ne pouvait plus définir seul le contenu de son ordre public, qu’il devait s’aligner sur les définitions européennes. Et le traité de Lisbonne est clair (article 4) : la sécurité nationale reste la seule compétence souveraine de l’État ! Pour tout le reste, il doit s’aligner sur l’UE, et sa vision de l’État minimal au service du marché.
Le « paquet gouvernance économique » oblige également la mise sous tutelle de tous les budgets (et de leurs règles de procédures) de l’administration publique d’un État : communes, provinces, régions, communautés, État fédéral… Les budgets devront à l’avenir être programmés de façon pluriannuelle, bouleversant le contrôle démocratique des élus politiques. Qui ose encore parler de suffrage universel ? À quand la suppression du contrôle des élus communaux sur les budgets locaux, pour ne pas s’encombrer de lenteurs inutiles ?
L’UE pousse les États à appliquer au plus tôt ce « paquet gouvernance » alors qu’il nécessite une modification du traité de Lisbonne qui doit être d’abord ratifiée par les parlements nationaux. Personne n’en parle. Et l’UE demande d’inscrire si possible dans les constitutions nationales le principe de la mise sous tutelle européenne des budgets…
Que se passe-t-il donc ? La mort de l’État démocratique, la transformation des États en provinces subordonnées à une sorte de grand empire européen technocratique au service des multinationales.
De quoi comprendre que les indignés ne décolèrent pas…
En acceptant cette obligation d’obéir à une technocratie transnationale qui bafoue les droits les plus élémentaires des peuples, nos gouvernants ne sont-ils pas en train de s’engager vers une situation de haute trahison envers leur population [1] ?
[1] La haute trahison est un principe politique qui qualifie le crime qui est commis lorsqu’est pratiqué un acte d’extrême déloyauté envers son pays et sa nation.
Goldman Sachs au pouvoir ou le dérèglement du monde
Les marchés faisaient déjà les programmes des gouvernements. Ils font maintenant les gouvernements, mieux encore : ils désignent les leurs comme premier ministre ! Cela a, au moins, le mérite de la clarté. Et quand on dit « les marchés », il faudrait préciser les banques et même, dans les cas qui nous occupent, une banque, la Goldman Sachs, celle-là même qui était au centre de la tourmente financière de 2008. Car qu’est-ce qu’il ya de commun entre Mario Draghi, le nouveau président de la Banque Centrale européenne, Mario Monti le nouveau président du conseil italien et Loucas Papademos, le néo premier ministre grec ? Et bien Goldman Sachs, pardi !
Illustration : « La Commune »
Le successeur de Jean Claude Trichet a été vice-président de Goldman Sachs International de 2002 à 2005, l’autre Mario, Mario Monti, a été conseiller international de la même banque depuis 2005 et ce, jusqu’à sa nomination à la tête du gouvernement italien. Quant à Loucas Papademos, il était gouverneur de la Banque centrale grecque lorsque celle-ci maquillait ses comptes avec l’aide de qui ? Goldman Sachs, évidemment. [1] Cette concentration de pouvoir est totalement inédite dans l’histoire. Et bien entendu, nos ex-banquiers vont mener des politiques d’austérité draconiennes qui vont à la fois étrangler les économies, désespérer les peuples et profiter à leurs anciens employeurs. Et plus généralement à l’ensemble du système bancaire qui depuis 2008 ne cesse de passer et repasser à la caisse des États.
Plantu dans Le Monde du 14/11/2011
On me dira que c’est l’impuissance ou l’incapacité des dirigeants politiques qui a mis au pouvoir les banquiers, rebaptisés « techniciens » avec la dose de fausse neutralité que ce titre veut suggérer. Certes, ce sont les politiques eux-mêmes qui leur ont offert les clefs des palais. Mais la situation que nous connaissons aujourd’hui est d’abord le fruit d’une guerre idéologique sans précédent menée par le capitalisme financier qui réussit à présenter la défense de ses intérêts comme la seule solution de « bon sens ». Le paradoxe est énorme : voilà donc ceux qui depuis 2008 ont plongé le monde dans la crise à la tête de gouvernements et d’institutions européennes. Je ne sais pas si on mesure bien ce que nous sommes en train de vivre. Jamais depuis la crise de 1929, le monde occidental n’a vécu ce double mouvement tragique d’une régression sociale d’une violence inouïe et d’une perversion de la démocratie aussi patentée. Le dérèglement du monde avec son cortège de malheurs et sans doute un jour de violences n’en est qu’à ses prémices.
Español Grecia: Crisis humanitaria sin precedentes
Italiano Crisi umanitaria senza precedenti in Grecia
On pourrait continuer presque à l’infini cette description de la déchéance de la population grecque. Mais, même en se limitant à ce qu’on vient de dire, on constate qu’on se trouve devant une situation sociale qui correspond parfaitement à la définition de l’état de nécessité ou de danger reconnu depuis longtemps par le droit international. Et ce même droit international oblige expressément les Etats à donner la priorité à la satisfaction des besoins élémentaires de ses citoyens et non pas au remboursement de ses dettes.
Comme le souligne la Commission du droit international de l’ONU à propos de l’état de nécessité : « On ne peut attendre d’un État qu’il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un État, de la même façon que pour un individu. »
Notre conclusion est catégorique : la tragédie grecque n’est ni fatale ni insoluble. La solution existe et la répudiation, l’annulation et le non paiement de la dette publique grecque en font partie en tant que premier pas dans la bonne direction. C’est-à-dire, vers le salut de tout un peuple européen menacé par une catastrophe humanitaire sans précédent en temps de paix…