Le Procès No Border

 

Le Procès No Border

Septembre 2010, Euromanifestation. La LDH est informée des nombreuses arrestations préventives et témoignages de violences policières à l’encontre des militants de No Border.
Février 2012, Palais de Justice de Bruxelles. Un procès est ouvert : celui des atteintes parfois violentes à la liberté d’expression par les forces de l’ordre ? Non : celui de deux militants de No Border… pour rébellion.

Une membre de la LDH nous a proposé de suivre ce procès. Elle nous a fait parvenir son témoignage personnel, critique, à chaud et forcément subjectif, du déroulement des audiences.
Nous lui avons donné carte blanche.

 

 

Impressions d’audience

 

Procès de deux manifestants « NoBorder » pour « rébellion » et « rébellion armée » – 8 février 2012

 

Audience devant la 43ème chambre correctionnelle du Tribunal de 1ère Instance de Bruxelles

 

Les deux militants ont été cités à comparaître suite à leur arrestation préventive, respectivement les les 26 (devant le 127bis) et 29 septembre 2010 (aux casernes d’Etterbeek, alors qu’il prennait des photos.)

 

La salle d’audience est très petite. Elle peu visible dans les dédales du Palais de justice

 

Il y a un important dispositif policier devant la salle. Les personnes souhaitant assister à l’audience ont l’obligation de donner leur carte d’identité à un policier qui indique nom, numéro de carte d’identité… sur une liste papier devant lui. Les sacs sont fouillés.

 

D’emblée les avocats des deux prévenus font part au président du fait que cette liste n’est pas conforme.

 

Immédiatement le ton est donné, le Procureur et le Juge se lancent dans une justification qui serait le fait que c’est indépendant de leur décision, qu’étant donné qu’il y a des risques pour la sécurité et qu’il y aurait déjà eu des arrestations ce matin, il n’y a rien à y redire ni à y faire.

 

Note de la rédactrice: Il apparait que lesdites arrestations concernaient deux personnes portant des instruments de musique (instruments non utilisés) qui ont été arrêtées, sans explications, retenues en cellule et relâchées à la fin de l’audience sans aucune explication ni document.

 

Les deux autres personnes arrêtées devant le Palais, l’étaient pour être porteuses, l’une  d’un porte voix (non utilisé) l’autre un petit drapeau.

 

Les avocats vont téléphoner au bâtonnier qui indique que la prise d’identité n’est plus quelque chose d’inhabituel. Cependant la liste devrait être remise en fin d’audience « s’il n’y a pas eu d’incidents » au président afin qu’il la détruise.

 

Le président fait une interruption d’audience pour vérifier et à son retour confirme qu’il détruira la liste à la fin de l’audience (ce qu’il fit).

 

L’audience commence par le visionnage du film pris par les policiers devant le centre fermé 127bis le 26 sept 2010.

 

Il est évident que l’on cherche des preuves de l’accusaiton de rebellion et de « l’arme », arme étant en fait une baguette utilisée par l’inculpé pour jouer du tambourin.  Visiblement, on ne trouve pas cette preuve. S’ensuivent alors des supputations et réflexions sur la longueur de la baguette par rapport au tambourin; sur le fait que bien que l’on ne voie pas l’inculpé s’en aller pour chercher la baguette et revenir frapper le cheval comme le déclare un policier -et ce qui donne lieu à l’inculpation de « rébellion armée ». Cette baguette est une “arme par destination” et même si cela ne se voit pas, cela aurait pu se faire, et d’ailleurs, cette baguette est vraiment très longue par rapport au tambourin, et cela après avoir pensé que peut-être il s’agissait d’un colson porté par un policier…

 

Bref une scène inouïe, où les avocats, l’inculpé présent et la partie civile se trouvaient derrière le juge pour visionner cette video après que l’inculpé lui eut indiqué comment la mettre en route.

 

Dans son réquisitoire, le procureur dit que, bien qu’il n’y ait rien sur les images, et puisque ce sont des images, les prévenus auraient pu faire ce qui leur est reproché. Ils auraient pu vouloir faire peur aux chevaux pour faire tomber un policier. Et d’ailleurs, ne faut-il pas, si on veut faire prévaloir ses droits, aussi respecter ses devoirs? L’inculpé, professeur en Angleterre, laisse-t-il ses étudiants faire du grabuge et s’opposer à lui? Certainment pas. Le procureur explique que, par le simple fait de se trouver dans une manifestation « illégale », chacun des participants aurait pu être inculpé. C’est facile de faire des choses en anonymat. Le simple fait d’être dans le groupe suffit à être coupable… On pourrait donc demander la condamnation de n’importe quelle personne du groupe. Selon lui, la question de savoir si la l’arrestation est valable et légale n’a aucune incidence. Si l’on considère que l’arrestation n’est pas valable, on n’a qu’à suivre les procédures et porter plainte.

 

Ahurissant comme il dénigre le fait qu’il faille une preuve pour condamner quelqu’un et comme il estime que même si on n’a pas ces preuves., cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu d’intention de commettre tel ou tel acte ….On ne voit pas bien, mais qu’à cela ne tienne !

 

Le procureur a requis 1 an d’emprisonnement avec sursis pour les deux prévenus.
La partie civile réclame 1euro de provision et la couverture des frais des séquelles du policier qui a été heurté par le sabot de son cheval.

 

Il s’ensuit une discussion du juge afin de comprendre pourquoi les deux militants ne sont pas dans le sens de la marche, qu’on voit bien des gens qui lèvent les bras – c’est surement pour faire peur aux chevaux et faire tomber les policiers.

 

Le juge ne croit pas que les manifestants aient pu marcher en arrière par crainte des chevaux. Bref il exprime clairement qu’il n’est pas disposé à accepter une quelconque déclaration de la défense –
lorsqu’à un moment l’inculpé dit qu’il y a des témoins qui pourraient attester des fait, il se voit répondre que seul le juge est là pour décider ou non de qui il convoque comme témoin.
Les policiers n’ont pas vu cela mais peut-être que les manifestants l’ont fait quand même

 

L’avocat plaide surtout sur les détails précis qu’il reprend et démontre qu’à aucun moment, il n’y a de preuve de la culpabilité de l’inculpé. Il indique que le fait de se protéger des chevaux ne constitue pas une rébellion – ce à quoi le juge rétorque qu’il ne croit pas que l’on puisse marcher en arrière par crainte des chevaux.

 

Il indique que le fait d’avoir une baguette de tambour utilisée à cet escient n’indique pas que l’on ait frappé le cheval ce à quoi le juge rétorque que la prévention est bien d’avoir eu « l’intention » de frapper.

 

Il indique enfin que le prévenu a été blessé à l’arcade sourcillière et qu’aucune enquête n’a été menée afin de vérifier ce qui a occasionné cette blessure après qu’il ait été plaqué contre le mur par 5 policiers afin de le prendre en photo. Il rappelle les règles régissant la prise de photos…

 

L’avocate de l’inculpée de rébellion devant le centre fermé 127 bis tente de recontextualiser l’affaire. Elle se fait vertement interrompre par le procureur qui lui dit que si elle veut témoigner, elle n’est pas à sa place. Le juge lui demande d’en venir aux faits faits.

 

A noter ici, que lors des diatribes du procureur avec des digressions hallucinantes, le président ne lui a jamais indiqué qu’il devait s’en tenir aux faits.

 

Le juge, se moquant de l’avocate, lui dit qu’elle est hors débat et que, si elle a des choses à dire, elle n’a qu’à « faire des communiqués de presse »!

 

Au fait relevé par l’avocate qu’il n’y a eu à aucun moment d’enquêtre contradictoire et que seule la parole de la police a été entendue; au fait que la plainte de l’inculpée pour coups et blessures (nécessitant une hospitalisation dont les frais lui sont réclamés) par le policier n’a été suivie d’aucune enquête, le procureur lui rétroque qu’il existe la Loi Franchimont, que rien ne l’empêchait de demander des devoirs complémentaires et que, c’est toujours ainsi, on critique les autres mais on n’entreprend rien.

 

Il reconnait par ailleurs n’avoir pas eu le temps de lire les conclusions et d’avoir pu faire quelque confusion…

 

La parole est donnée très brièvement au prévenu qui tente d’expliquer qu’il est possible de marcher en arrière pour se protéger des chevaux, ce à quoi le juge rétorque qu’il ne pense pas que les chevaux aient été là pour agresser les manifestants! Il lui  coupe ensuite la parole en disant qu’on ne peut pas passer toute la matinée à cette affaire, qu’il passe aux suivantes.
Non sans que le procureur cite Churchill « la démocratie est le totalitarisme des lâches »! (sic)

 

Impression générale : dégoût et indignation tant de l’attitude de la magistrature qui semble s’asseoir allègrement sur le fait qu’il faille prouver un délit, que du juge qui adopte une attitudé dénigrante et partiale dès le début du procès

 

Le déploiement de la sécurité est levé dès la fin de l’audience, contredisant ce qui a été dit au début, à savoir qu’il s’agissait d’un dispositif courant pour tous.

 

Indignation également face à l’attitude des forces de l’ordre à l’extérieur qui, ayant enlevé leur identification et étant questionnés sur celle-ci, se voient soutenus par un valeureux chef qui dit que c’est son nom qui compte et que c’est lui qui décide..

 

Tout cela contribue évidemment à une piètre image du système auquel sont confrontés les manifestants d’une opinion divergeante de celle qui leur est imposée.

 

Seul le soutien des forces de l’ordre armées leur permet de faire valoir la loi du plus fort.

 

Suite du procès: le 7 mars

 

GP, membre de la LDH

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