Tandis que l’on entre dans la 13ème année de détentions à Guantánamo, le monde doit interpeller les Etats-Unis quant à leur insupportable mépris des normes internationales en matière de droits humains qu’ils rappellent pourtant si souvent aux autres pays.
La récente vague de transferts de détenus depuis Guantánamo (neuf en décembre 2013, suite à une grève de la faim très suivie sur la base pendant l’année) ne saurait occulter le fait que sous couvert de leur politique approximative de « lois de la guerre », les Etats-Unis n’ont toujours pas reconnu pleinement leurs obligations en matière de droits humains dans ce contexte, et les ont encore moins appliquées. Au lieu de cela, le régime de détention des Etats-Unis continue de porter préjudice aux fondements de la justice pénale, et reste un affront à la Déclaration universelle des droits de l’Homme et à d’autres instruments internationaux qui posent précisément les normes sur lesquelles les Etats-Unis s’appuient chaque année pour établir le bilan des autres pays en matière de droits humains.
Immobilisme et impunité
Douze ans après l’arrivée à Guantánamo des premiers détenus, sanglés dans des avions-cargos, plus de 150 hommes s’y trouvent toujours en détention, pour la plupart sans inculpation ni procès. Une poignée d’entre eux est en attente de jugement par une commission militaire, dans le cadre d’un système qui ne respecte pas les normes internationales relatives à l’équité des procès.
En parallèle, l’impunité qui perdure pour les crimes au regard du droit international commis par des agents américains contre des détenus de Guantánamo, actuels ou anciens, est une terrible injustice par laquelle les Etats-Unis se rendent coupables d’une grave violation de leurs obligations au regard du droit international, en matière de vérité, d’obligation de rendre des comptes, et de voies de recours.
Si un autre pays, quel qu’il soit, créait et entretenait un tel vide en matière de droits humains, les Etats-Unis le condamneraient très certainement. Au lieu de cela, année après année, ce camp de détention tristement célèbre continue d’exister, tandis que les Etats-Unis clament leur engagement pour le respect des droits humains.
Torture dans les « sites noirs »
Bien qu’ayant autorisé l’usage de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants contre les détenus de Guantánamo et ailleurs, et que leur ayant refusé l’accès à une assistance juridique et aux tribunaux, l’administration Bush a critiqué d’autres pays pour ces mêmes pratiques. Dans la ligne de mire se trouvait, parmi d’autres, le gouvernement cubain, notamment pour des violations similaires commises à l’encontre de détenus, précisément dans le pays où les Etats-Unis géraient l’installation de Guantánamo.
Quatre des 14 hommes transférés en septembre 2006 sous la responsabilité de l’armée américaine à Guantánamo après des années de détention secrète aux mains de la CIA ont déclaré qu’ils avaient été détenus à Guantánamo en 2003 ou 2004. En d’autres termes, Guantánamo était l’un des « sites noirs » de la CIA où se trouvaient des détenus suite à leur disparition forcée.
L’administration Obama pourrait peut-être se targuer d’avoir mis un terme à la pratique de la torture et des disparitions forcées telles qu’elles ont été menées sous l’administration précédente et pourrait affirmer qu’une page est tournée. Les Etats-Unis n’appliquent pas à leurs propres agissements les normes qu’ils ont définies pour d’autres pays, notamment concernant des violations des droits humains passées commises par les Etats-Unis dans ce pays.
9 libérations en décembre 2013
Les libérations les plus récentes de Guantánamo concernent trois Chinois de l’ethnie ouïghoure, transférés en Slovaquie plus de cinq ans après qu’un juge fédéral a statué que leur détention était illégale au regard de la législation américaine.
Si l’initiative slovaque mérite certes d’être saluée, le Pentagone omet cependant de préciser que les trois détenus en question auraient pu être libérés immédiatement après la décision du tribunal fédéral en octobre 2008, si le gouvernement américain avait eu la volonté de les autoriser à rester aux Etats-Unis. Au lieu de cela, le pays autoproclamé champion en matière des droits humains a continué à attendre que d’autres pays agissent à sa place.
Le premier commandant de la prison de Guantánamo après le premier transfert de détenus le 11 janvier 2002, le général Michael Lehnert, a déclaré le mois dernier que Guantánamo était une prison qui « n’aurait jamais dû être ouverte ». Il a raison. Et si les Etats-Unis ont perdu la « bienveillance du monde » en mettant en place l’installation pénitentiaire de Guantánamo, comme le suggère Michael Lehnert, ils ne la regagneront certainement pas en jouant un double jeu en matière de droits humains.
POUR EN SAVOIR PLUS
Lire notre page : La lutte contre le terrorisme ne saurait justifier de graves violations des droits humains
manifestation AI Belgique 2013
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