Les peuples du monde unis contre le néolibéralisme et pour la paix
mardi, 24 juillet 2012
1. La XVIIIe rencontre du Forum de Sao Paulo (FSP), qui s’est tenue à Caracas les 4, 5 et 6 juillet 2012, s’est déroulée dans un contexte de crise structurelle profonde du capitalisme, conjuguée à une lutte pour le contrôle d’espaces géopolitiques et géostratégiques, à l’émergence de nouveaux pôles de pouvoir, à des menaces pesant sur la paix mondiale et à l’agressivité militaire et interventionniste d’un impérialisme tentant d’enrayer son déclin. A la crise économique s’ajoute une crise environnementale, énergétique et alimentaire, ainsi qu’une crise des systèmes de représentation politique. Cette situation appelle une réponse déterminée de la part des peuples latino-américains et caribéens, et une action efficace des forces progressistes, populaires et de gauche.
2. La crise économique mondiale est loin d’être maîtrisée. Les responsables à la tête des institutions financières internationales restent embourbés dans le dogme néolibéral. L’effet de la récession aux Etats-Unis et de la paralysie du moteur européen est déjà perceptible dans de vastes régions, y compris en Chine, malgré le dynamisme de l’économie. La zone latino-américaine et caribéenne n’échappe pas aux répercussions négatives du marasme mondial, même si les politiques économiques et sociales d’une grande partie des gouvernements de la région ont permis d’éviter un impact majeur.
3. Tandis qu’en Europe et aux Etats-Unis, par exemple, le néolibéralisme demeure le fondement idéologique de la politique économique, qui se traduit par des mesures d’austérité permanente et par la primauté du capital, en Amérique latine, les forces progressistes et de gauche au pouvoir dans de nombreux pays prennent des initiatives qui ont permis – dans une certaine mesure – de sortir de la « longue nuit néolibérale ». Cela en lançant des plans sociaux de grande envergure, en obtenant des succès indiscutables dans la lutte contre la pauvreté et en insufflant une dynamique sans précédent au processus d’intégration. Tout l’enjeu consiste à poursuivre ces politiques et à approfondir ces changements dans le contexte actuel d’aggravation de la crise.
4. La droite et le camp impérialiste répondent de diverses manières au développement des forces démocratiques, populaires, progressistes et de gauche en Amérique latine et dans les Caraïbes, notamment à travers l’agression systématique du gouvernement des États-Unis, la manipulation et la criminalisation des revendications sociales dans le but de provoquer des affrontements violents et une contre-offensive putschiste.
5. En Bolivie, on retiendra les deux tentatives de coup d’Etat et celle de « magnicide », ainsi que la mutinerie policière récemment mise en échec par l’intervention des mouvements sociaux. Mais d’autres pays ont également connu des épisodes putschistes : en 2002, le Président Chavez a été destitué pendant 48 heures ; en juin 2009, son homologue hondurien a été chassé du pouvoir ; en septembre 2010, c’est l’Equateur qui échappe à un coup d’Etat grâce à la mobilisation immédiate du peuple équatorien et à l’intervention rapide de la communauté internationale. Il y a seulement quelques semaines, Fernando Lugo, président du Paraguay, a été renversé. Cet événement, à l’instar du putsch hondurien, démontre que la droite est prête à user de méthodes violentes et/ou à recourir à la manipulation des voies institutionnelles pour se débarrasser des gouvernements qui ne servent pas ses intérêts.
6. De même, la droite a lancé une vaste campagne médiatique pilotée à l’échelle internationale par de puissants consortiums de communication. L’attitude de ces derniers constitue un thème récurrent de l’agenda politique régional. Les grandes corporations déploient des plans de déstabilisation et agissent comme des organes de pouvoir plus influents que les gouvernements émanant du suffrage universel. Jour après jour, les grandes entreprises médiatiques défient la démocratie et ses institutions. En conséquence, la démocratisation de la communication représentera sans doute à l’avenir l’un des principaux enjeux pour les pouvoirs de gauche.
7. Parallèlement, des victoires électorales significatives ont récemment été remportées, comme celles de Dilma Rousseff au Brésil, de Daniel Ortega au Nicaragua, de Cristina Fernandez de Kirchner en Argentine ou de Danilo Medina en République dominicaine : des succès indiscutables qui reflètent l’avancée des forces progressistes et de gauche.
8. Il y a quelques jours, les présidentes Dilma Rousseff et Cristina Fernandez de Kirchner et le président uruguayen José Mujica ont décidé d’expulser du Mercosur le gouvernement putschiste du Paraguay jusqu’à ce que la démocratie soit restaurée. Ils ont approuvé, dans le même temps, l’admission du Venezuela comme membre de plein droit du principal groupement politique et économique de cette partie du monde.
9. Il est probable que l’Equateur intègre le Marché commun du Sud à plus ou moins court terme, ce qui établirait une réalité nouvelle en offrant à l’organisation un débouché sur le Pacifique après avoir assuré l’ouverture vers les Caraïbes grâce à l’admission du Venezuela.
10. Dans le même temps, les chefs d’Etat des pays formant la Communauté andine des nations (CAN) s’efforcent de s’engager plus avant sur la voie de l’intégration, même s’ils devront pour cela surmonter des difficultés de taille.
11. Par ailleurs, l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) met en place des politiques économiques communes telles que le SUCRE, le Fonds de réserve et Petrocaribe. Les présidents ou premiers ministres des Etats membres ont récemment décidé de créer une zone économique ALBA, ce qui marque une nouvelle étape dans la volonté d’intégration d’Antigua-et-Barbuda, de la Bolivie, de Cuba, de l’Equateur, de La Dominique, du Nicaragua, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines et du Venezuela.
12. Les efforts déployés par l’Union des nations sud-américaines (UNASUR) sont à la fois surprenants et encourageants. Un ensemble d’initiatives d’intégration a été mis en oeuvre, comme la définition d’une politique de défense commune caractérisée, notamment, par le développement et le maintien de l’Amérique latine comme zone de paix dépourvue d’armes nucléaires. Parallèlement, des progrès sont réalisés dans la construction d’une nouvelle architecture économique fondée sur la complémentarité, la coopération, le respect de la souveraineté et la solidarité.
13. La réunion constitutive de la Communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), qui s’est tenue à Caracas en décembre 2011, constitue un point d’inflexion dans le processus d’intégration. L’accord conclu marque le début d’un programme de travail destiné à trouver des éléments de convergence et à souligner la nécessité de s’unir, tous les Etats reconnaissant que les grands problèmes communs ne peuvent être résolus que par l’intégration.
14. Par ailleurs, face à l’échec de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA ou ALCA en espagnol et en portugais) et au succès limitée des traités de libre-échange bilatéraux, les puissances impérialistes cherchent à affaiblir les mécanismes latinos et sud-américains d’intégration en développant l’Alliance du Pacifique.
15. L’intégration, qui repose sur une base politique, répond à une réalité changeante et se fonde notamment sur les éléments matériels que sont les forces productives et les ressources naturelles abondantes et diverses (forêts, pétrole, minéraux de tous types, terres rares, gaz, vastes surfaces consacrées à l’agriculture et à l’élevage), mais surtout sur la diversité culturelle et humaine de plus de 500 millions d’individus. Le processus d’intégration doit rechercher des politiques communes de gestion et d’exploitation souveraines des ressources naturelles, y compris en matière d’accès à l’eau, lequel doit être reconnu comme un droit humain.
16. La nécessité de s’appuyer sur une politique commune de développement durable, sur les sciences et technologies et sur le développement humain inclusif – en accordant la priorité aux femmes, aux enfants et aux jeunes – fera partie des thèmes centraux de l’agenda du Forum de Sao Paulo.
17. Compte tenu de la grande richesse de notre région en termes de ressources naturelles renouvelables et non renouvelables, nous devons renforcer la défense de l’environnement, entreprendre un développement industriel, technologique et scientifique de grande envergure, et faire respecter les droits des peuples autochtones, notamment celui d’être consultés.
18. La droite tente de faire sien, sur le plan symbolique, le discours en faveur de la défense de l’environnement en occultant les politiques néolibérales prédatrices dans ce domaine et la dette écologique du capitalisme envers la planète. Il existe une lutte acharnée pour le contrôle de ces richesses.
19. Les partis de gauche, populaires, progressistes et démocratiques du FSP réaffirment leur soutien aux relations d’amitié, de fraternité, de coopération solidaire, d’intégration et de respect absolu de la souveraineté de chaque pays, telles qu’elles promues par le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela. A cet égard, ils récusent fermement les accusations infondées d’interventionnisme formulées par le gouvernement illégitime du Paraguay à l’encontre du ministre des affaires étrangères Nicolas Maduro.
20. Pour être à la hauteur des enjeux tactiques et stratégiques considérables du FSP, nous comptons sur les forces présentes dans le cadre de cette XVIIIe rencontre, à laquelle participent 800 délégués issus de 100 partis et organisations de 50 pays répartis sur les 5 continents.
21. Au cours des journées des 4, 5 et 6 juillet, cette importante assemblée a réalisé de nombreuses activités, parmi lesquelles on signalera : les réunions des secrétariats régionaux du Cône Sud, andino-amazonien, d’Amérique centrale et Caraïbes ; les ateliers thématiques des Afrodescendants ; les rencontres des autorités locales et infra-nationales ; celles consacrées à la défense, à la démocratisation de l’information et de la communication, aux fondations, écoles ou centres de formation ; celles portant sur l’environnement et le changement climatique, sur les migrations, les mouvements syndicaux, les mouvements sociaux et le pouvoir populaire, les peuples autochtones, la sécurité agroalimentaire, la sécurité et narcotrafic ; celles également des travailleurs des arts et de la culture. A quoi il faut ajouter les travaux sur l’ union et l’intégration latino américaine et caribéenne, la première Rencontre des femmes, le IVème rassemblement des jeunes, le deuxième séminaire sur les gouvernements progressistes et de gauche et le séminaire sur la paix, la souveraineté nationale et la décolonisation.
22. Le compte rendu de chacune de ces réunions et activités, les résolutions respectives, le document de base ainsi que les motions et la déclaration finale seront publiés dans les Annales de cette XVIIIè Rencontre. Parmi ces résolutions il y a quelques thèmes que nous voudrions souligner.
23. Les partis membres du FSP, de gauche, progressistes et anti-impérialistes reconnaissent que la présence et participation des femmes dans les différents secteurs de la société, y compris dans les partis, est indispensable pour leur renforcement, leur développement et leur croissance. Il n’est pas possible de construire le socialisme (ou une société socialiste, juste et équitable) si on ne modifie pas les rôles et schémas traditionnels qui ont été assignés et assumés historiquement, de manières différentes, par les hommes et les femmes, si on ne crée pas les conditions nécessaires pour déraciner les bases de la discrimination contre les femmes, et pour que hommes et femmes participent sur un pied d’égalité, tant à la sphère publique que privée. Un défi reste encore à relever : l’incorporation d’un véritable axe sur le genre et sur l’agenda des femmes de gauche et révolutionnaires en politique, sur les programmes et actions qui se dessinent dans la lutte contre la droite et le capitalisme déprédateur et patriarcal, et sur la construction du socialisme.
24. Depuis la naissance même du Forum, la reconnaissance de la souveraineté de la République argentine sur les Malouines est évidente et indiscutable. La XVIIIè Rencontre soutient la demande d’ouverture de négociations diplomatiques entre l’Argentine et le Royaume-Uni et réitère la protestation latino américaine contre les actions entreprises par le gouvernement britannique dans une zone déclarée libre d’armes nucléaires. De même, le FSP condamne la situation coloniale dans laquelle se trouvent plusieurs nations latino-américaines et caribéennes. Nous refusons également les tentatives de recolonisation.
25. Le FSP soutient la revendication du peuple et du gouvernement de Bolivie pour un accès souverain à l’Océan Pacifique.
26. Les partis et mouvements regroupés au sein du Forum, ainsi que les autres mouvements sociaux, avons la tâche de déployer toutes les initiatives possibles pour que le thème de l’indépendance de Porto-Rico devienne un point essentiel de l’agenda des Nations unies. Il est inconcevable que subsistent, au XXIème siècle, des enclaves coloniales dans notre espace régional et dans le monde. Nous nous unissons à la demande de libération du prisonnier politique portoricain Oscar López Rivera, emprisonné dans les geôles des États-Unis depuis plus de 31 ans, pour le seul « délit » de lutter pour l’indépendance de sa patrie.
27. Cette Rencontre doit entreprendre de nouvelles tâches et mettre en place un plan d’action commun contre l’embargo nord-américain de Cuba et pour la libération des cinq héros, emblème commun de toutes et tous.
28. Le FSP exprime son soutien au peuple du Nicaragua et à son gouvernement face à la menace d’embargo financier que représenterait le refus, par le gouvernement des Etats-Unis, de la dispense qu’il accorde ou non chaque année, et qui constitue un instrument de chantage arbitraire, par l’utilisation de son droit de veto dans les organismes multilatéraux.Il s’agit là d’une prétention nord-américaine visant à imposer des décisions politiques qui sont de la compétence exclusive des Nicaraguayens dans l’exercice de leur souveraineté.
29. Le Forum exprime son soutien au peuple bolivien et à son président et camarade Evo Morales Ayma, dans la défense de la démocratie et le profond processus de changement qu’il mène aux côtés des mouvements sociaux et des secteurs populaires.
30. Le FSP exprime son soutien et sa solidarité active au peuple paraguayen, au Front Guasú et au Front pour la défense de la démocratie, ainsi qu’au mouvement paysan mobilisé, en refusant de reconnaître le gouvernement de fait dirigé par le putschiste Federico Franco. Il et annonce des actions au niveau du continent en faveur de la démocratie, du respect de la volonté populaire exprimée en avril 2008 et pour l’unité et l’intégration des peuples et gouvernements d’Amérique latine et des Caraïbes.
31. Le FSP exprime sa solidarité avec le peuple haïtien, dans sa lutte pour la reconquête de sa dignité et de sa souveraineté nationale. Seule la consolidation de ses structures étatiques permettra à Haïti de surmonter la crise qu’elle est en train de vivre. Le succès de ce processus exige l’appui des gouvernements de gauche et des peuples latino américains et des Caraïbes, comme le retrait programmé des forces étrangères du territoire haïtien. Le dépassement de cette situation de crise que vit Haïti exige notre appui technologique, humanitaire et matériel.
32. Le Forum exprime son soutien au processus de paix en Colombie, où reste d’actualité la lutte pour une solution politique au conflit armé, la paix avec la justice sociale et pour un nouveau modèle économique et social qui garantisse le respect des droits de l’Homme et la protection de la nature. Il décide de former une commission représentative des mouvements et partis politiques du Forum de Sao Paulo, et qui, en accord avec les partis et mouvements colombiens, visitera le pays et proposera un agenda d’étude, de contacts et d’appui pour des propositions unitaires.
33. Le FSP manifeste sa solidarité avec le Frente Amplio du Guatemala en tant que référence de la gauche guatémaltèque, et salue la vomonté des partis membres – WINAQ, ANN y URNG- de continuer à travailler pour l’unité de la gauche guatémaltèque et pour la recherche d’alliance avec les forces démocratiques et progressistes. Par ailleurs, le Forum condamne l’usage de la force répressive de la part du gouvernement guatémaltèque contre les secteurs populaires.
34. Le FSP exprime sa solidarité avec la lutte du peuple hondurien, pour le respect des droits de l’homme, et il apporte son soutien total à la camarade Xiomara Castro de Zelaya, candidate du consensus des forces de résistance à la présidence de la République de Honduras.
35. Le FSP exprime son total soutien et sa solidarité avec la lutte du peuple sahraoui dans la défense de son autodétermination, sa souveraineté et son indépendance nationale.
36. Le FSP exprime son soutien à la lutte de la Palestine pour la souveraineté et autodétermination et pour son entrée aux Nations unies comme membre de plein droit.
37. Nous nous opposons vigoureusement à toute intervention armée etrangère en Syrie et en Iran, et invitons les forces progressistes et de gauche à défendre la paix dans cette région.
38. Au cours des prochains mois se dérouleront plusieurs processus électoraux, comme celui de novembre 2012 au Nicaragua, pour des élections municipales. En février 2013 auront lieu des élections générales en Équateur où le président Rafael Correa est proposé à la réélection. Le Forum de Sao Paulo lui exprime son engagement, sa solidarité et son soutien total.
39. Le Forum de Sao Paulo appelle aussi à la défense de la démocratie au Mexique. Une fois de plus, la droite mexicaine a eu recours à la manipulation médiatique avec l’aide d’enquêtes truquées, à l’achat massif de votes et d’autres types de fraudes qui ont dénaturé l’élection présidentielle du 1er juillet. Tout cela pour tenter d’imposer un candidat opposé aux intérêts bien compris du peuple mexicain. Le FSP demande que les dénonciations présentées par les partis progressistes fassent l’objet d’une enquête approfondie.
40. L’enjeu central des prochains mois est la bataille électorale qui se déroulera au Venezuela le 7 octobre. La campagne a commencé par de puissantes mobilisations populaires en soutien à la candidature de Hugo Chávez et au programme qu’il a présenté. Tous les sondages d’opinion indiquent clairement que l’avance du candidat Hugo Chavez sur le candidat de la droite dépasse les 20 points. A quelques mois des élections, la droite considère déjà comme acquise la victoire de Hugo Chavez. C’est pourquoi elle participe au processus électoral, mais tout en préparant les conditions qui lui permettraient de remettre en cause le résultat, ainsi que le Conseil national électoral. Face à cette situation, le Foro de Sao Paulo demande instamment à toutes les forces progressistes et de gauche à appuyer la démocratie vénézuélienne et à repousser toutes les tentatives de déstabilisation de la droite.
41. La XVIIIème Rencontre du Forum de Sao Paulo conclut en appelant les peuples à lutter contre le néolibéralisme et les guerres, à construire un monde de paix, de démocratie et de justice sociale. Un autre monde est possible, et nous sommes en train de le construire : un monde socialiste.
(Traduit de l’espagnol par Frédérique Rey et Philippe Ogonowski (pôle traduction du Parti de gauche)