Les deux facettes de la violence

La violence policière prend deux formes : la violence contre la police et la violence par la police. Si on veut y changer quelque chose, on doit s’attaquer à ces deux aspects. 

A nouveau, un exemple de violence policière a été constaté. Un homme en captivité a été roué de coups pendant que sept policiers restaient passifs alors qu’un de leurs collègues se démenait. Lorsque l’homme arrêté était amené à la voiture de police, il a reçu quelques coups sur la tête et dans le cou. Un voisin a tout filmé, puis mis en ligne sur YouTube.

Ceci n’est pas un exemple isolé. Il n’est pas facile de trouver de preuves en ce qui concerne la violence policière, parce qu’on ne nous montre qu’une partie de l’histoire, celle de la police. En plus, nous ne pouvons pas de vue sur ce qui se passe dans le bureau de police avec les gens qui sont arrêtés.

Nous devrions être reconnaissants par rapport aux gens qui, malgré tout, osent filmer l’agression policière et ainsi rendent visible comment nos policiers procèdent trop souvent. L’année passée, on a vu des images d’un jeune indigné grec qui a reçu un coup de pied d’un policier bruxellois dans le visage, comment la police de Matongé a mal traité des manifestants, et récemment comment un homme a été abordé violemment par six policiers lors d’une manifestation. Les exemples ne manquent pas.

Il y a un problème de violence et nous devons le dénoncer. Les politiques et tous les autres acteurs doivent prendre leurs responsabilités. Actuellement, on n’agit pas du tout dans le bon sens. Pourquoi ?

Nous considérons que seule la violence contre la police est un problème. En plus, on fait une mauvaise analyse et on prend des mauvaises décisions en mettant l’accent sur les symptômes et pas sur les causes de cette violence. Le ministre concerné ainsi que le gouvernement ont commis une erreur en ignorant les causes. Il en va de même pour les médias, qui se concentrent aussi uniquement sur les symptômes. Ainsi, ils propagent une image déséquilibrée. Ce n’est pas étonnant dès lors que l’’opinion de beaucoup de gens n’aille pas plus loin que : « c’est la responsabilité de cette racaille », « c’est dans leurs gènes », « il faut des peines plus sévères » et ainsi de suite. Voilà ce qu’on entend assez souvent.

La réaction de la police est regrettable. Elle demande du renfort dans la rue alors qu’elle devrait réaliser que ce n’est pas la solution. Parce que, comme le prétend la police, le citoyen a perdu le respect ainsi que la confiance dans la police. On cherche toujours la cause ailleurs, mais c’est justement au sein de la police qu’il faut qu’on se pose des questions. Que faisons-nous de mal nous-mêmes ?

Dans ce pays, la police et la justice sont confrontés à des responsabilités pour lesquels ils ne sont pas préparés. Ils ont du mal à faire leur travail et cela s’empirera si les problèmes socio-économiques dans nos villes augmentent. Ceux qui en doutent n’ont qu’à se rendre aux Etats-Unis, au Royaume Uni et dans un certain nombre de nos pays voisins.

Il faut réagir face à ceux qui commettent des violences contre la police, car on ne peut pas tolérer la violence. Il n’y aucun doute à ce sujet.

Maintenant, il faut regarder l’autre côté, celui que le ministre, les politiques et les médias continuent à ignorer :la violence par la police.

Pourquoi personne ne parle de la violence policière ? Comme écrit ci-dessus, les exemples ne manquent pas. La ministre était la première à utiliser des mots durs et de faire des promesses concernant la violence contre la police, mais en ce qui concerne la violence policière, elle garde le silence absolu. Pourtant c’est un problème majeur. Pourquoi ?

Si les gens n’ont aucun respect pour la police, ce n’est pas par hasard. Les jeunes de Bruxelles considèrent la police comme la source principale de discrimination. Une recherche journalistique de John Vandale de MO*-magazine montre des témoignages inquiétants de victimes de violence policière. Cette recherche a été ignorée par les médias de masse. Un certain nombre de policiers eux-mêmes avouent ce qui se passe mal : la formation, les stéréotypes et les préjugés. Et oui, même le racisme. Le commissaire de Molenbeek, M. Pierre Collignont, l’a dit récemment : « Il y a des gens qui joignent la police uniquement pour ‘craquer’ des Arabes ».

Souhaite-t-on renouer récupérer le lien entre les citoyens et la police ? Veut-on que le citoyen montre plus de respect pour la police ? Alors il est temps d’imposer des peines appropriées pour les policiers qui utilisent ce type de violence. Tolérance zéro pour la violence contre la police, mais aussi tolérance zéro pour la violence policière. La formation des policiers devrait être reformée. Les policiers qui travaillent à Bruxelles, mais originaires d’ailleurs doivent recevoir des formations spécifiques pour rompre avec les stéréotypes et apprendre à comprendre les jeunes de la ville. Les agents de police ne devraient pas être des robocops répressifs, ils ont aussi un rôle social à jouer. Il faut aussi revoir la sélection des agents. Les racistes qui veulent « craquer des Arabes » n’ont pas leur  place au sein de la police.

Encore un mot sur les médias qui ne semblent jamais comprendre ce qu’ils font de mal. Il y a beaucoup de stigmatisation par les médias que les lecteurs /auditeurs /téléspectateurs considèrent comme la vérité. Ces « vérités » sont intégrées par les jeunes. Il est temps que les médias se concentrent sur les causes et non seulement les symptômes.

Les médias sont souvent trop unilatéraux. Dans le cas de la violence policière, ils ne laissent parler qu’une seule voix, celle de la police. Combien de fois entend-on d’autres voix ? En outre, peu importe le type d’activité de la jeunesse contre la police, les médias parlent presque toujours de « violence ». D’autre part, comme dans l’exemple récent, De Standaard du 23/08 déclare : « La zone de police Montgomery examine les comportements agressifs des agents ». La violence par la police est appelée « agression ». Si on mentionne ceci aux journalistes, leur réaction est en général: qu’est-ce qu’on fait de mal? En réalité beaucoup, mais les médias pourraient agir autrement car, qu’on le veuille ou non, les médias jouent tous un rôle prépondérant.

Bleri Lleshi est philosophe politique.

Son nouveau livre “De neoliberale strafstaat” paraitra au printemps 2013.

http://blerilleshi.wordpress.com

https://www.facebook.com/Bleri.Lleshi

Twitter @blerilleshi

Traduction du néerlandais par Mark Willems

Photo: Youtube

Images youtube:

http://www.youtube.com/watch?v=5UnscdNhBC4

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http://www.mo.be/artikel/zeg-dat-je-een-makaak-bent-ik-sla-harder

http://www.mo.be/politiegeweld-brussel

http://blerilleshi.wordpress.com/2012/08/01/violence-policiere-tolerance-zero/

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