Islam et islamophobie

De la république coloniale à la république post-coloniale

Première partie : Islam imaginaire et islamophobie

par Céline Lebrun
23 juillet 2012

La Grande-Bretagne et la France, par leurs empires coloniaux respectifs, ont été pendant près d’un siècle, avec l’Empire ottoman, les plus grandes puissances musulmanes du monde. Produit de la conquête coloniale, le premier contact institutionnalisé entre islam et État en France s’est basé sur le contrôle et la domination de ce dernier sur le premier. Religion des indigènes, l’islam a été l’objet comme ceux-ci, d’une politique particulière de la part de l’État français. La question qui nous intéresse ici est de savoir dans quelle mesure ces premiers rapports coloniaux, de domination et de traitement différencié, se retrouvent aujourd’hui dans la société française postcoloniale.

Le point de vue théorique que nous avons choisi afin d’observer la relation entre islam et société en France est celui des études postcoloniales, reposant sur une double hypothèse :

« la première est d’envisager la colonisation comme n’affectant pas seulement les pays colonisés mais également la métropole ; la seconde est de considérer que la période coloniale a eu de multiples et profondes conséquences postcoloniales. » [1]

Il s’agira dans un premier temps de mettre en avant le poids de l’héritage colonial dans les représentations, les pratiques et les institutions de l’ex-colonisateur français vis-à-vis de l’islam et des musulmans en France. Comme nous le verrons, le « brouillard sémantique » [2] qui mène de l’islam aux musulmans en général, aux immigrés, aux arabes, aux jeunes de banlieue, aux islamistes et aux terroristes, nous renvoie toujours en définitive à l’image de l’étranger. Un étranger qu’il s’agit de contrôler, réprimer, émanciper, intégrer. Cette image consubstantielle nous amènera à voir dans un second temps que ce qui est en cause dans la relation entre l’islam et la société française postcoloniale, ce n’est pas tant l’héritage colonial que la permanence du mythe républicain français : celui qui poursuivait et consolidait hier l’entreprise coloniale au nom d’un certain humanisme et universalisme. L’analyse de ce modèle nous permettra de dépasser l’approche purement postcoloniale pour rattacher notre problématique à celle plus ancienne et plus générale du traitement des minorités en France.

« L’ islam imaginaire » et sa matrice coloniale

Dans L’islam imaginaire [3], Thomas Deltombe revient sur les trois étapes de la construction d’un « islam imaginaire » dans la France postcoloniale. Naissance médiatique dans les années 1970, elle est la conséquence de plusieurs évènements : sur le plan international, la crise pétrolière de 1973 et la révolution iranienne de 1979 portent les pays musulmans sur le devant de la scène ; en France, les années 1970 voient la sédentarisation de l’immigration de travail « provisoire et de passage » en provenance des ex-colonies. Les représentations de l’islam, qui se retrouvent ainsi dès le début liées aux évènements se déroulant dans le monde « arabo-musulman » et à l’immigration, participent à la construction de l’islam comme un « corps étranger ». Les discours à l’encontre de ce dernier, d’abord paternalistes, deviennent accusatoires : les musulmans sont « coupables d’un déficit d’intégration ». Cette représentation culmine en 1989 avec l’affaire Rushdie [4] et la première polémique autour du hijab.

1989 avec la chute du mur de Berlin marque cependant une nouvelle étape dans la construction de l’islam imaginaire en France. La « fin » de la guerre froide laisse place à une nouvelle bipolarité, entre Islam et Occident. En France, où l’islam est devenu une réalité française, il s’agit dorénavant de distinguer entre les « modérés » et les « islamistes », entre les « bons musulmans » et les « mauvais », et d’organiser le culte en ce sens [5]. Sur ce point, on note l’influence des « nouveaux » universitaires français spécialistes de l’islam à l’image de Gilles Kepel qui, en 1991, dans la conclusion de son ouvrage Les Banlieues de l’islam [6], fait de l’intégration et du clergé les deux problèmes centraux de l’islam en France.

Si, comme le montre Thomas Deltombe, l’islam a tendance à disparaître de la scène publique à la fin des années 1990 [7], le 11 septembre 2001 le ramène sur le devant de la scène, ouvrant la troisième étape de la construction d’un islam imaginaire en France. L’obsession sécuritaire qui se retrouve à ce moment-là au coeur des discours politico-médiatiques glisse rapidement vers l’obsession identitaire. Thomas Deltombe relève ainsi trois éléments clés de la peur de l’islam :

« le traumatisme de la guerre d’Algérie, la visibilité de la religion musulmane et la crainte de l’islamisation des modes de vie. » [8]

L’islam devient vite le coupable de tous les maux – terrorisme, communautarisme, antisémitisme, sexisme… – et donc l’ennemi intérieur d’un État occidental récemment lancé dans la nouvelle guerre contre le terrorisme islamiste. Les deux conjonctures, internationale qui pose l’islam « radical » comme la menace majeure, et nationale, postcoloniale, où la question du rapport à l’autre est « réduite à la gestion de cette « menace » avec les outils et représentations héritées de l’ex-empire » [9], réifient ainsi les deux dynamiques, sécuritaire et identitaire, à l’oeuvre dans le discours dominant. C’est dans ce contexte que se vulgarise le terme d’islamophobie.

Racisme postcolonial et islamophobie

Avant de parler plus spécifiquement d’islamophobie, il faut rattacher cet « islam imaginaire » à l’existence de ce que Saïd Bouamama et Pierre Tevanian nomment « un racisme postcolonial » [10]. Postcolonial parce que celui-ci diffère de la xénophobie qui peut se manifester à l’encontre d’autres minorités, nationales, culturelles ou même religieuse, non-issues des ex-colonies :

« Les enquêtes d’opinion mettent en évidence une forme de mépris ou de rejet spécifique, plus fort et plus durable, à l’encontre des immigrés originaires de pays colonisés. De ces enquêtes, il ressort en effet que, depuis plusieurs décennies, deux phénomènes sont observables : d’une part, les vagues d’immigration les plus récentes sont toujours les plus dépréciées, les plus craintes ou les plus méprisées, tandis que le temps dissipe peu à peu cette crainte et ce mépris ; d’autre part, les immigrés issus de pays anciennement colonisés, notamment d’Afrique, font exception à cette première règle. En d’autres termes, il convient de distinguer le stigmate xénophobe, qui n’existe sous une forme exacerbée que pour les nouveaux arrivants, et le stigmate raciste, qui cristallise des représentations beaucoup plus profondément enracinées, et qui par conséquent ne perd pas – ou très peu – de sa force avec le renouvellement des générations et leur enracinement en France. Si les immigrants italiens, polonais, arméniens ou portugais ont pu être, à leur arrivée en France, l’objet de discours infamants et de mesures discriminatoires d’une grande brutalité, souvent comparables par leur forme et par leur violence à ce que subissent aujourd’hui les immigrants post-coloniaux, il n’en est pas allé de même pour leurs enfants, et moins encore pour leurs petits-enfants. On ne peut pas en dire autant des enfants d’immigrés maghrébins ou noirs-Africains, seuls condamnés à l’appellation absurde – mais éloquente politiquement – d’ ”immigrés de la deuxième ou troisième génération”, et aux discriminations qui l’accompagnent. » [11]

L’omniprésence du concept de tolérance dans les discours dominants n’invalide pas l’existence d’un racisme. La tolérance, comme l’explique Wendy Brown, est un « discours de pouvoir » qui sert toujours « à désigner quelque chose d’étranger à l’identité de l’hôte » [12], l’élément toléré. Si l’islam n’est pas une « race » mais une religion – ou une culture, cela n’invalide pas non plus la notion de racisme pour autant. Comme l’observe Alain Gresh :

« Le racisme s’abrite de plus en plus derrière les « différences » culturelles ou religieuses, qui mettraient en danger l’identité de la France. Dès la fin des années 1980, notamment avec la première affaire du foulard, émerge l’argument selon lequel l’obstacle à l’intégration serait religieux et culturel – c’est l’islam, dans son essence même hostile à la laïcité et à la démocratie, qui créerait un obstacle à l’assimilation des immigrés. C’est ce qu’explique, par exemple, Claude Imbert, directeur du Point, selon lequel on a atteint “les limites de la tolérance” : “Les Français n’ont jamais craint l’immigration [assertion que dément toute l’histoire du XXème siècle], parce qu’ils ont toujours réussi à l’intégrer. Mais, avec plus de trois millions de musulmans, ils voient désormais que la magie du creuset national n’opèrera pas comme jadis avec Polonais, Italiens, Espagnols et autres Portugais. La difficulté nouvelle n’est nullement raciale : elle est culturelle, religieuse et tient à l’islam.” » [13]

Par rapport à la question spécifique de l’islam, Geisser souligne ainsi l’importance de la colonisation qui a été une « époque charnière » avec une islamophobie institutionnelle qui était une des modalités de l’action publique vis-à-vis des indigènes musulmans [14].

La chronologie de la construction des représentations de l’islam en France montre en premier lieu que ce dernier n’a jamais cessé d’être présenté et perçu comme « un corps étranger », et donc potentiellement un « corps dangereux ». La (re)découverte par la société française de la question de l’islam dans le monde contemporain parallèlement à celle de l’immigration postcoloniale entraîne une ambivalence coloniale qui explique que la problématique de l’islam est par la suite toujours associée à d’autres problématiques : immigration, intégration, racisme, laïcité… Il s’agit d’un islam partiel regardé à travers des problèmes et donc également d’un islam évanescent qui apparaît et disparait au gré des évènements. Ce qui intéresse véritablement c’est l’islam fantasmé, imaginaire et non l’islam vécu : les musulmans, souvent mal voire pas définis, sont les figurants, l’ombre de ces représentations et les victimes du racisme postcolonial qu’elles véhiculent.

 

Bibliographie

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Articles

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Notes

[1] Nicolas Bancel, « Peut-on dire que la France est une société post-coloniale ? », in Esther Benbassa (dir.), Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations, Larousse, Paris 2010, pp. 27-31/ p. 28.

[2] Thomas Deltombe, Mathieu Rigouste, « L’ennemi intérieur : la construction médiatique de la figure de l’ »arabe » », in Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire (dir.), La Fracture coloniale, la société française au prisme de l’héritage colonial, La Découverte, Paris, 2005.

[3] Thomas Deltombe, L’Islam imaginaire, La Découverte, Paris, 2007 (2005).

[4] Suite à la publication de Versets sataniques, jugé « blasphématoire » envers l’islam, Salman Rushdie est l’objet d’une fatwa le 14 février 1989 par l’ayatollah Khomeini, guide de la révolution de l’Iran qui réclame son exécution.

[5] Cf. infra

[6] Gilles Kepel, Les Banlieues de l’islam, Editions du Seuil, Paris, 1991.

[7] Thomas Deltombe, op. cit, p. 263.

[8] Ibid.

[9] Thomas Deltombe, Mathieu Rigouste, op. cit. p.202.

[10] Saïd Bouamama, Pierre Tevanian, « Un racisme post-colonial », extrait de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire (dir.), Culture coloniale en France. De la Révolution française à nos jours, les Éditions Autrement et les Éditions du CNRS, 2008. Texte publié sur le site Les Mots sont importants le 22 février 2011.

[11] Ibid.

[12] Wendy Brown, « Configurations contemporaines de la domination et des résistances : un regard transnational », in Cahiers du genre, n°50, 2011.

[13] Alain Gresh, « A propos de l’islamophobie. Plaidoyer en faveur d’un concept controversé », publié sur le site Les Mots sont importants]

La multiplication des discours racistes visant spécifiquement l’islam, tels que celui de Claude Imbert, explique l’émergence du concept d’islamophobie. Pour reprendre Nicolas Bancel :

« Si le racisme n’est pas un phénomène colonial stricto sensu, la colonisation et la culture coloniale l’ont très largement influencé, conformé, infléchi. » [[Nicolas Bancel, op. cit., p.28.

[14] Vincent Geisser, La Nouvelle islamophobie, La Découverte, Paris, 2003.

Une religion sous tutelle

Islam et Etat en France : de la république coloniale à la république post-coloniale (Deuxième partie)

par Céline Lebrun
26 juillet 2012

Le legs colonial n’est pas une pure affaire d’images et de représentations : on le retrouve dans les politiques publiques conduites vis-à-vis de l’islam et des musulmans en France.

 

Comme l’explique Jacques Chevallier [1], « du point de vue de la science politique, les séquelles de la colonisation peuvent être évaluées à cinq niveaux différents » : celui des institutions étatiques, celui du lien social et politique, celui des politiques mémorielles et ceux de la politique étrangère et des relations internationales. L’objet de cette réflexion étant la relation entre islam et société en France, nous ne nous attarderons pas sur ces deux derniers niveaux, bien qu’ils aient une incidence certaine sur la gestion de l’islam en France, cela en partie à cause des jeux de pouvoirs qui s’exercent entre l’ex-métropole et ses anciennes colonies, essentiellement du Maghreb qui se caractérisent par un interventionnisme structurel de ces dernières dans les affaires musulmanes françaises [2]. La persistance d’un sentiment de supériorité occidentale et de relations d’exception vis-à-vis des ex-colonies constitue le principal héritage colonial.

Contrôle étatique

En ce qui concerne les institutions étatiques, il faut revenir à l’époque coloniale. Comme nous l’expliquions plus haut, et comme l’explique également Anna Bozzo [3], la situation coloniale a généré un rapport de domination sur l’islam qui devait être contrôlé car majoritaire dans les colonies [4], surtout en Algérie. Ce contrôle s’est organisé par le biais de la « fonctionnarisation du culte musulman » et sa « cléricalisation » – y compris après la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, à laquelle une dérogation fut apportée concernant les colonies afin de ne pas y appliquer la loi et d’éviter une forme quelconque d’autonomisation. Sadek Sellam, dans son ouvrage La France et ses musulmans, un siècle de politique musulmane 1895-2005, revient sur cet épisode :

« Ainsi la loi de 1905, qui compte parmi les très grands changements de l’histoire de France, fut réduite à l’état de non-évènement dans les 3 départements français d’Algérie. Presque rien ne fut changé au dirigisme religieux de l’arrêté du 11 mai 1848 par lequel l’autorité militaire créa un service spécial de l’administration civile indigène ayant les attributions suivantes : “surveillance et police des mosquées, marabouts, zaouias et autres établissements religieux ; propositions pour les emplois supérieurs du culte ; nominations aux emplois subalternes ; réglement et acquittement de toutes les dépenses de personnel et d’entretien des établissements religieux.” » [5]

Mieux : en 1924, la création du Service des Affaires Indigènes Nord-africaines importe le dirigisme religieux et l’apartheid judiciaire du système de l’Indigénat, reposant sur la différenciation, en métropole. Si celui-ci prend fin officiellement en 1945, des effets persistent.

Au sujet du traitement différencié de l’islam dans la société française postcoloniale, on citera les nombreuses lois discriminant les personnes de confession musulmane mais également les dérogations apportées à ces mêmes lois dans certains cas. La loi du 15 mars 2004 par exemple, interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les écoles, plus communément appelée « loi contre le voile à l’école », n’interdit pas le voile mahorais sous prétexte qu’il est culturel et non pas religieux. Quant à la loi sur l’interdiction du voile intégral dans l’espace public, entrée en vigueur début 2011 sous le nom de « loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public », elle est soumise à une application spécifique à Mayotte et à la Réunion où elle n’est pas coercitive. Un nouveau statut d’exception en somme.

Pour Anna Bozzo, outre ce traitement différencié, l’aspect principal hérité de cette période coloniale est la surveillance sécuritaire et le maintien d’un contrôle du culte musulman. En revenant sur la création en 2003 du CFCM, Conseil Français du Culte Musulman, à l’initiative du ministère de l’Intérieur, Anno Bozzo dénonce la logique concordataire et l’institutionnalisation qui représentent à ces yeux des dispositifs à « doubles tranchants » dans le contexte de contrôle et de suspicion dans lequel s’inscrit la création de ce conseil.

On retrouvait déjà cette logique à l’oeuvre dans la création, là encore à l’initiative du ministère de l’Intérieur, en mars 1990, du CORIF, Conseil de Réflexion sur l’islam de France. Ce conseil, qui visait en grande partie à contrebalancer la « représentativité » de la Mosquée de Paris gérée par l’Algérie où la popularité du Front Islamique du Salut était en train de monter, montre une nouvelle fois la volonté politique, ancienne, d’organiser le culte musulman en France mais surtout de définir, de l’extérieur et par en haut, un « Islam de France ». En cela, nous retrouvons la chronologie de Thomas Deltombe : les années 1990 voient s’affirmer de plus en plus nettement la volonté de distinguer entre les « bons » et les « mauvais » musulmans. Il ne s’agit donc pas seulement d’organiser le culte musulman mais également de réformer l’islam, de le « moderniser » ou encore de le « franciser », pour mieux l’intégrer. Sur ce point, Esther Benbassa établit une comparaison avec les appels du début du siècle pour une « régénération du Judaïsme » [6].

En résumé, comme l’expliquent Vincent Geisser et Aziz Zemouri lorsqu’ils parlent du « syndrome algérien » de l’État français :

« Près de cinq décennies après l’indépendance de la plus ancienne colonie de peuplement de la République française, le fantôme algérien hante en effet plus que jamais l’espace public national. Il reste aujourd’hui au coeur des cinq piliers de la politique républicaine de l’islam : une gestion bureaucratique et autoritaire du culte musulman, parfois tempérée par un certain libéralisme ; une conception sécuritaire qui conduit à une surveillance permanente des acteurs musulmans ; un appel aux « experts savants » pour éclairer et légitimer les mesures en direction des populations musulmanes ; la promotion d’un islam officiel qui favorise en réaction la constitution d’un islam « libre », parfois rebelle à l’autorité ; enfin, le projet d’un « islam français » qui, de manière paradoxale, est inséparable d’une vision diplomatique (l’islam au service de la politique extérieure de la France), contribuant à conforter l’« islam d’ambassade » et l’intervention intempestive des Etats étrangers dans les affaires franco-musulmanes. » [7]

Alors que l’islam constitue aujourd’hui la deuxième religion de France, celui-ci n’est toujours pas indépendant : entre le traitement différencié, la domination héritée du régime de l’Indigénat, et les « politiques d’intégration » qui font écho aux politiques coloniales d’assimilation, nous constatons une fois de plus le poids de l’héritage colonial dans la relation entre islam et Etat en France.

Discrimination systémique

Avec les politiques d’intégration, nous arrivons à un autre niveau de notre analyse du legs colonial, celui du lien social et politique. Ce niveau d’analyse révèle les discriminations systématiques à l’encontre des personnes issues de la colonisation et de l’immigration post-coloniale – et donc des musulmans – qui sont d’après de nombreuses recherches sociologiques, les premières personnes touchées par la précarité sociale, les problèmes d’insertion et d’exclusion. Comme nous l’avons vu, considérés comme « responsables d’un déficit d’intégration » et coupables de tous les maux – terrorisme, communautarisme, antisémitisme, sexisme… – les musulmans, mais comme les autres personnes issues de la colonisation et de l’immigration, sont victimes d’une gestion pénale plus que sociale. Les causes sociales sont reléguées et on érige la responsabilité individuelle et le choix rationnel [8].

Ces discours dédouanant les structures économique, politique et sociale sont renforcés par l’image de « ceux qui ont réussi ». Là aussi, certains [9] ont fait le parallèle avec l’époque coloniale où l’établissement par les autorités d’une « élite indigène » servait à mieux masquer les discriminations systématiques du plus grand nombre. De plus, comme le relèvent Thomas Deltombe et Mathieu Rigouste, ceux qui ont réussi, souvent artistes ou footballeurs, restent limités au champ du spectacle et du divertissement [10].

La problématique de la cohésion sociale est agitée face aux personnes dont la capacité d’intégration et d’adaptation aux valeurs communes est remise en cause. C’est ce qui s’observe dans la multiplication des théories racistes [11] s’interrogeant sur la possibilité d’être à la fois « français » et « musulman » [12] qui mettent en exergue le lien entre le caractère « inassimilable » des musulmans et les politiques d’assimilation de l’époque coloniale : à l’image des colonies où elle était d’abord prônée, l’assimilation finit par être laissée de côté, non plus à cause de l’« infériorité du colonisé » mais de celle du musulman, de l’immigré – y compris de deuxième génération – bref, de l’étranger.

Paradoxalement, les principaux intéressés de ces débats sur la compatibilité entre l’islam et les « valeurs de la cohésion sociale », tels le féminisme ou la laïcité, à savoir les musulmans et les musulmanes, ne sont pas invités à s’exprimer lors de ces mêmes débats [13]. Cette absence de représentation et cette invisibilisation fait écho à l’absence de représentation dans le champ politique et aux volontés politiques d’invisibiliser l’islam – mais aussi les immigrés et autres minorités telles que les femmes – dans l’espace public français en général, comme cela a été le cas avec les lois contre le voile à l’école et celle contre le voile intégral dans l’espace public [14].

Ces lois, et ces discours qui s’inspirent des représentations coloniales et orientalistes de l’islam et du « garçon arabe » ne sont pas sans rappeler « la bataille du voile » pendant la guerre d’Algérie [15]. En se servant d’un langage progressiste pour stigmatiser [16], ils reprennent à leur compte une certaine vision émancipatrice du colonialisme et de l’État qui renvoie au point commun de tous les colonialismes : celui de la différenciation, de la séparation entre un monde libéral, un monde des libertés politiques et un monde où l’accès à ces mêmes libertés politiques est refusé, un monde de l’administration, incarné en France par le code de l’Indigénat et le statut d’exception en Algérie. L’exemple d’une marocaine, mariée à un Français et mère de trois enfants nés sur le territoire national, a qui a été refusé par le Conseil d’État, la nationalité française au motif qu’elle « a adopté, au nom d’une pratique radicale de sa religion, un comportement en société incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française, et notamment le principe d’égalité des sexes » [17] montre ici les discriminations religieuses s’exerçant dans l’accès à la citoyenneté, aux libertés politiques [18].

Cette séparation entre « deux mondes » est d’autant plus visible que l’exclusion sociale et politique se retrouve symbolisée par une exclusion ou ségrégation géographique :

« À l’idée, partagée par une majorité de Français, que l’immigré est une « menace » pour la culture ou l’identité hexagonales se superpose le sentiment que les populations immigrées vivent dans un espace désormais étranger, la banlieue, devenue, à travers les médias, les films, les discours politiques, une terra incognita et un espace quasi « ethnique ». Ces lieux sont appréhendés comme des enclaves au sein de la République, des « points noirs », des espaces à reconquérir ou à pacifier. En 2005, cette situation explose avec les émeutes et le lien avec le temps colonial est très vite d’actualité avec le couvre-feu mis en place par le gouvernement à partir d’une ancienne législation qui n’avait été utilisée, jusqu’alors, que dans les outre-mers (en Algérie et en Nouvelle-Calédonie). » [19]

L’association entre islam et « banlieue » opérée par la territorialisation permet une mise à distance géographique et symbolique de l’altérité, et donc de la menace. Elle permet également l’essentialisation, la stigmatisation et les représentations réductrices des musulmans en France, processus que nous avons déjà évoqués et sur lesquels nous reviendrons, mais surtout elle renforce l’inégalité sociale. Partant de cette réalité, certains dénoncent le traitement colonial des banlieues ou encore une « palestinisation » des banlieues [20].

Cette analyse rapide des séquelles coloniales sur le lien social et politique met en évidence une ethnicisation des rapports sociaux. Cette ethnicisation, qui s’appuie en grande partie sur les pratiques et les représentations de la culture coloniale toujours présente dans la société française post-coloniale, permet la mise en place d’une frontière entre un « eux » et un « nous » ainsi que la production d’une « conscience de race » en lieu et place d’une « conscience de classe », c’est-à-dire la production d’un nouveau bouc émissaire [21]. De plus, cette ethnicisation s’accompagne de l’assimilation d’une appartenance ethnique à une religion, l’islam. Une « causalité religieuse censée expliquer tous les comportements des populations issues de l’immigration post-coloniale. » [22]. Comme l’explique Robert Castel,

« cette stigmatisation par le détour de la religion s’ajoute ainsi aux autres formes de discrimination négative que subissent les membres des minorités ethniques. Elle alourdit le contentieux attaché à leur particularité ethno-raciale, et exprime un déni de leur reconnaissance comme sujets de droits. » [23]

Selon Saïd Bouamama, c’est cette nouvelle causalité religieuse et l’abandon des grilles explicatives en termes d’intérêts économiques qui a conduit à la théorie du « choc des civilisations », en imposant « une frontière d’ordre ethnique, culturelle et religieuse en lieu et place des frontières de la période antérieure qui était d’ordre économique, social et politique » :

« On comprend mieux dès lors la fonction sociale de l’islamophobie : désarmer les contestations sociales en construisant un “ennemi de l’intérieur”. » [24]

Pour résumer, comme l’expliquent Saïd Bouamama et Pierre Tevanian :

« Le système postcolonial reproduit aussi des opérations de division et de compartimentage des individus issus du système colonial : une masse à intégrer, une masse à réprimer, une élite à promouvoir, des femmes à “émanciper” .

Une masse à intégrer. “Handicaps culturels”, “résistances”, “inadaptation de l’islam à la modernité” ou à “la laïcité”, manque d’“efforts d’intégration” : nous retrouvons dans tous ces clichés l’une des principales marques du “portrait mythique du colonisé”, qu’Albert Memmi avait en son temps nommée “la marque du négatif”. Nous retrouvons le motif de “l’arriération” et du “retard”, et son pendant : la mission “civilisatrice” de l’État français.

(…) Des femmes à “émanciper”, malgré elles et contre leurs groupes familiaux. Les débats autour de la loi sur les signes religieux ont mis en évidence la persistance des représentations coloniales sur “l’hétérosexualité violente” du “garçon arabe” ou du “musulman” et sur la soumission de sa femme et de ses filles. Le fait même de récuser la parole des premières concernées, et de les sommer de se dévoiler, sous peine d’exclusion et de déscolarisation – en d’autres termes : de les “forcer à être libres” – relève d’une conception de l’émancipation qui fut celle des colonisateurs. » [25]

Mémoire sélective

Le poids de l’héritage colonial est enfin sensible dans la mémoire collective. Chez les ex-colonisateurs, la vision enchantée de la colonisation résiste encore aux « discours réactifs des ex-colonisés et à la mise en évidence par les historiens des aspects négatifs de l’entreprise coloniale » [26], en témoigne la loi de 2005 sur les bienfaits de la colonisation. Alors qu’on vote les aspects positifs de l’entreprise coloniale, on refuse la discrimination positive. Un « deux poids, deux mesures » dans le traitement du passé colonial français qui marque l’exclusion des mémoires des ex-colonisés, le rejet des mémoires plurielles et à travers les lois mémorielles de l’Etat, la volonté de fixer une certaine vision/version de l’histoire coloniale. Le passé colonial se réactualise en somme dans une « lutte des mémoires », incarnée par exemple par la lutte pour la reconnaissance du 17 octobre 1961 comme crime d’État [27]. Si la société française n’est plus coloniale, la culture coloniale reste présente – ce qui pose notamment la question de l’enseignement du fait colonial et de l’histoire « nationale » à l’école.

Les formes de contrôle politique et social, ainsi que les représentations de l’ex-Empire, se reportent donc sur l’immigration postcoloniale, et plus précisément sur les musulmans. Mais un fait singulier doit être relevé : ce ne sont plus les populations indigènes de l’Empire colonial qui sont sujettes à ces politiques mais, de plus en plus, des citoyens français de plein droit. Au-delà du constat d’une continuité « coloniale » dans la gestion et la perception de l’islam en France, ce sont donc les fondements mêmes de la « République universelle française » qu’il convient d’interroger, tant son rapport à « l’Autre » (ici le musulman), qu’il soit français ou indigène, semble problématique.

Bibliographie

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Notes

[1] Jacques Chevallier, « L’Héritage politique de la colonisation » in Marie-Claude Smouts (dir.), La situation post-coloniale, les postcolonial studies dans le débat français, Presses de Sciences Po, Paris, 2007.

[2] Sur ce sujet, voir Vincent Geisser, Aziz Zemouri, Marianne et Allah, les politiques français face à la « question musulmane », La Découverte, Paris, 2007.

[3] Anna Bozzo, « Islam et République : une longue histoire de méfiance », in Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire (dir.), op. cit.

[4] Bien que conscients des différences de statuts des territoires occupés (protectorats, colonies, voir mandats), pour une question pratique nous utilisons le terme général de « colonies ». En dépit de cette simplification de langage, et de notre analyse qui se veut générale quant aux politiques conduites, nous sommes également conscients des différences qui pouvaient s’observer alors entre ces différents territoires.

[5] Sadek Sellam, La France et ses musulmans, un siècle de politique musulmane 1895-2005, Fayard, Paris, 2006, p.166.

[6] Esther Benbassa, « Juifs et Musulmans : le modèle républicain renégocié », in revue Mouvements, n°38, 2005, pp.60-67.

[7] Vincent Geisser, Aziz Zemouri, op. cit., pp. 269-270.

[8] Comme cela est démontré dans Soum El Yamine et Geisser Vincent, « La diversité made in France : une avancée démocratique en trompe-l’oeil », Revue internationale et stratégique, n° 73, 2009, pp. 103-108, les récents discours et mesures sur la « diversité », même s’ils témoignent d’une prise de conscience du caractère structurel des discriminations, ne suffisent pas à contrebalancer cette idée de la responsabilité des minorités.

[9] Voir par exemple Saïd Bouamama, « Les faillots de la République », in Zone d’Expression Populaire, Nique la France, devoir d’insolence, Darna édition, Lille, 2010. (Pages non numérotées)

[10] Thomas Deltombe, Mathieu Rigouste, op. cit.

[11] cf. supra

[12] Voir par exemple l’ouvrage de Yves Charles Zarka (dir.), L’Islam en France, Presses Universitaires de France, Paris, 2004, qui offre un large panel de ces théoriciens de l’incompatibilité entre les valeurs françaises et l’islam.

[13] Voir Ismahane Chouder, Malika Latrèche, Pierre Tevanian, Les Filles voilées parlent, La Fabrique, Paris, 2008.

[14] Sur ce point, voir Charlotte Nordmann et Jéröme Vidal, « La République à l’épreuve des discriminations », in Charlotte Nordmann (dir.), Le Foulard islamique en questions, Amsterdam, Paris, 2004, pp. 5-14.

[15] A ce sujet, voir Todd Shepard, « La Bataille du voile » pendant la guerre d’Algérie, in Charlotte Nordmann (dir.) op. cit., pp. 134-141.

[16] Sur cet usage du langage progressiste pour stigmatiser et l’hypocrisie d’un tel discours, voir également Christine Delphy (dir.), Un Troussage de domestique, Syllepse, Paris, 2011 et Pierre Tevanian, La République du Mépris, les métamorphoses du racisme dans la France des années Sarkozy, La Découverte, Paris, 2007.

[17] Arrêt du 27 juin 2008 du Conseil d’État cité par Esther Benbassa (dir.), op. cit., Entrée « Discrimination religieuse », p. 296.

[18] Voir sur ce sujet les travaux de Abdellali Hajjat, notamment «  »Bons » et « mauvais » musulmans. L’État français face aux candidats « islamistes » à la nationalité », in Cultures & Conflits, n°79/80, 2010.

[19] Thomas Deltombe, op. cit.

[20] Achille Mbembe, « La République et sa bête, à propos des émeutes dans les banlieues de France », in Africultures, n°65, février 2006.

[21] Saïd Bouamama, « Ethnicisation et construction idéologique d’un bouc émissaire » in Charlotte Nordmann (dir.), op. cit, pp. 37-44.

[22] Saïd Bouamama, « L’Islamophobie comme arme de destruction massive », in Zone d’Expression Populaire, op. cit.

[23] Robert Castel, La Discrimination négative, citoyens ou indigènes ?, Editions du Seuil, 2007.

[24] Saïd Bouamama, « L’Islamophobie comme arme de destruction massive », op. cit.

[25] Saïd Bouamama, Pierre Tevanian, op. cit.

[26] Jacques Chevallier, op. cit.

[27] Voir Olivier Le Cour Grandmaison (dir.), 17 octobre 1961, un crime d’État à Paris, La Dispute, Paris, 2001.

Universalisme ou ethnocentrisme ?

Islam et Etat en France : de la république coloniale à la république post-coloniale (Troisième partie)

par Céline Lebrun
30 juillet 2012

Issu de la Révolution de 1789, le modèle républicain français se réclame des idées des Lumières et des valeurs émancipatrices que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Si ce modèle a légitimé la colonisation, il est également à l’origine d’une certaine construction identitaire française. Ainsi partagé entre l’universel et le particulier, le modèle républicain français, davantage qu’un universalisme, s’avère être un ethnocentrisme [1].

 

Une des manifestations les plus marquantes de cet ethnocentrisme est celui des théories, débats et autres qui s’interrogent sur la compatibilité entre islam et République. Cette interrogation, qui n’a pas lieu d’être puisqu’aujourd’hui des centaines de milliers de musulmans vivent sous ce régime [2], révèle une conception ethnocentrée de ce qu’est le républicanisme.

Accusés de ne pas s’intégrer, les musulmans sont taxés de « communautarisme ». Cette accusation, qui nie la réciprocité du processus dialectique et le rôle fondamental du regard majoritaire qui fixe les identités « eux/nous » mérite que nous nous y arrêtions. Comme l’explique Laurent Levy :

« Si l’on peut discuter longuement de ce que l’on désigne par ce mot, « communautarisme », il demeure qu’il correspond à des réalités incertaines dans leur contours, dans leur substance, dans leur homogénéité – bref, que sa pertinence est discutable. Son rejet – le rejet du spectre – est par contre une réalité tangible, certaine, quotidienne, parfaitement identifiable, et donc en fin de compte bien plus riche de sens que le spectre lui-même. » [3]

C’est pourquoi, tout comme Laurent Lévy, « plus que le communautarisme, c’est l’anticommunautarisme qui nous retiendra ici. » [4] Cet anticommunautarisme, qui s’explique par une relation fantasmatique à la société française accusée de « multiculturalisme » ou encore de promouvoir l’existence de lobbies ethniques, se traduit par des appels répétés au « sursaut républicain et national » contre le communautarisme pour retrouver les valeurs de cohésion – liberté, laïcité… Le républicanisme, qui n’avait de sens que dans son opposition au monarchisme ou au féodalisme, se retrouve face à un nouvel adversaire : le communautarisme.

Communautarisme majoritaire et essentialisation de l’Autre

Cependant, et comme le souligne Laurent Lévy, cet « anticommunautarisme » est en fait le reflet d’un communautarisme majoritaire et qui, parce que majoritaire, s’oublie :

« Invisible car majoritaire, il est en position d’imposer l’invisibilité à tout ce qui n’entre pas dans son moule. Il peut, et ne s’en prive pas, se définir comme normal – renvoyant le reste de l’humanité à l’anormal ; universel – le renvoyant au particulier ; comme légitime – le renvoyant au parasite ; comme naturel – le renvoyant à l’ostentatoire. » [5]

La loi sur « l’interdiction des signes ostentatoires » à l’école, qui visait plus spécifiquement le voile islamique prend alors tout son sens :

« ce n’est pas l’amour de l’universel républicain qui cimente une grande partie du camp prohibitionniste, mais un communautarisme majoritaire, intolérant face aux manifestations sociales d’une altérité religieuse et culturelle » [6].

Laurent Lévy conclut :

« Pour faire vite, on remarquera que seules les identités dans lesquelles la doxa dominante considère que chacune et chacun pourrait aisément se reconnaître – bref, les identités “normales” – apparaitront en définitive comme licites. Quant aux autres, le sentiment identitaire qui les manifeste sera considéré comme “communautariste”. (…) Ainsi, le discours de l’anticommunautarisme discrimine sans le dire identités acceptables et identités inacceptables. » [7]

« Le communautarisme, c’est cette chose inacceptable qui a lieu dès que plus de trois Arabes sont au même endroit et parlent ensemble. » [8]

Il convient de revenir sur les effets de l’accusation de communautarisme adressée à l’encontre des musulmans. Soupçonnés d’être « incompatibles » avec la République, ils se trouvent sommés de fournir des gages de leur citoyenneté et de leur francité – injonction paradoxale puisqu’ils sont en même temps systématiquement renvoyés à leur islamité [9]. L’accusation de communautarisme participe de ce fait elle-même à communautariser les musulmans.

Cette communautarisation va de pair avec un autre traitement caractéristique : l’essentialisation. L’essentialisation de l’islam tout d’abord, que révèlent les théories sur un islam par essence incompatible avec la république. Comme l’explique Jean-François Bayard, on ne peut pas en effet isoler l’islam des « interactions mutuelles généralisées » avec d’autres facteurs, économiques, politiques, sociaux :

« La question de la “compatibilité” de l’islam et de la République française, pour parler comme M. de Villiers, se pose alors différemment que dans l’une de ces psychomachies dont nous raffolons. Tout simplement, répétons-le, parce que l’islam, qu’il soit “de” France ou “en” France, n’existe pas. Il n’est que des musulmans, dont les pratiques sociales sont plurielles et contradictoires, et qui sont en interaction mutuelle généralisée avec le reste de la société, par l’école, le travail, le syndicalisme, la santé publique, le sport, le marché, la consommation, la politique et, last but not least,le mariage, le concubinage ou les relations sexuelles. » [10]

Ceci nous conduit à une autre forme d’essentialisation, celle qui consiste à utiliser le terme « islam » pour désigner « les musulmans », et à réduire ainsi la diversité des musulmans à une religion pourtant hétérogène. C’est cette essentialisation que révèle le célèbre échange entre le boxeur Mohammed Ali et un journaliste après les attentats du 11 septembre 2001 :

« Comment vous sentez-vous à l’idée que vous partagez avec les suspects arrêtés par le FBI la même foi ?
– Et vous, rétorqua-t-il, comment vous sentez-vous à l’idée qu’Hitler partageait la votre ? »
 [11]

Comme l’explique Vincent Geisser :

« Le musulman paisible de la mosquée de Bordeaux ou la jeune fille voilée d’un collège lillois [deviennent] les éléments visibles d’un ensemble faisant problème et qui légitime pleinement que l’on entretiennent à leurs égards une forme de suspicion permanente, sous couvert de « vigilence républicaine ». Le glissement du combat idéologique vers l’islamo-terrorisme à l’islamophobie devient alors possible. » [12]

Cette essentialisation permet l’instauration d’une « responsabilité collective » des musulmans auxquels est adressée, même implicitement comme le montre l’exemple de Mohammed Ali, l’injonction à se distinguer des intégristes ou des terroristes [13].

L’essentialisation de l’islam et des musulmans, en réduisant la personne musulmane à sa croyance, participe de la négation des autres traits identitaires (sociaux, économiques, politiques, psychologiques, etc.) de la personne musulmane. Comme l’observe Vincent Geisser, l’emploi du terme « musulman » a supplanté depuis vingt ans d’autres référents, nationaux, régionaux ou culturels utilisés pour désigner des minorités issues de la colonisation ou de l’immigration postcoloniale [14]. Le rôle joué par une institution comme le CFCM illustre également cette réduction du musulman à sa croyance : lancée à l’initiative du ministère de l’intérieur, cette institution censée représenter les musulmans ne représente en réalité que les personnes qui fréquentent la mosquée. Témoignant d’une vision réductrice du culte musulman, elle laisse ainsi de côté la plupart des musulmans vivant en France ayant une conception différente de leur islamité.

Cette essentialisation, cette « communautarisation par le haut » [15], cette « assignation communautaire par le regard de l’Autre majoritaire » [16], participent à la construction d’identités conservatrices, à une « islamisation » qu’on prétend par ailleurs vouloir éviter, à une « auto-assignation du regard minoritaire sur lui-même » [17]. Autant de conséquences du mythe républicain…

Bibliographie

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Notes

[1] Entendu comme une tendance à « privilégier un groupe ethnique donné (celui auquel on appartient) sur tous les autres et à appréhender le monde essentiellement à partir des valeurs de ce groupe ».. Article « Ethnocentisme », Esther Benbassa (dir.), op. cit., p. 333.

[2] Voir à ce sujet Jean-François Bayard, L’islam républicain, Ankara, Téhéran, Dakar, Albin Michel, Paris, 2006.

[3] Laurent Levy, op. cit., pp. 9-10.

[4] Ibid.

[5] Laurent Lévy, op. cit., p.47.

[6] Propos de Philippe Marlière à l’occasion des débats sur la loi anti-foulard, cités par Laurent Lévy, op. cit., p.42.

[7] Laurent Lévy, op. cit., pp.35-36.

[8] Ibid, p.33.

[9] Vincent Geisser, op. cit. Cette injonction paradoxale se retrouve plus généralement lorsqu’elle est adressée aux « Français issus de… » qui sont systématiquement renvoyés à leur altérité.

[10] Jean-François Bayard, op. cit.

[11] Propos rapportés par Sylvain Cypel in Le Monde, le 6 octobre 2001, cité par Vincent Geisser, op. cit., p.119.

[12] Vincent Geisser, op. cit., p.119.

[13] En témoigne également l’injonction faite aux représentants du culte musulman de condamner l’incendie des locaux de Charlie Hebdo, qui n’a pas eu d’équivalent auprès des autorités chrétiennes lorsque des catholiques intégristes s’en sont pris à une oeuvre d’art jugée blasphématoire au musée d’Avignon. Un exemple parmi d’autres…

[14] Vincent Geisser, « Comment peut-on être musulman en France ? », in Esther Benbassa (dir.), op. cit., pp.32-36.

[15] Entrée « Communautarisme » in Esther Benbassa (dir.), op.cit., p.234.

[16] Vincent Geisser, « Comment peut-on être musulman en France ? », op. cit.

[17] Ibid.

Déconstructions et résistances musulmanes

Islam et Etat en France : de la république coloniale à la république post-coloniale (Dernière partie)

par Céline Lebrun
2 août 2012

Si la réalité postcoloniale a été contestée et dénoncée dès les origines par celles et ceux qui en étaient les victimes, les années 2000 marquent un tournant dans cette contestation avec l’entrée dans la troisième phase de la construction d’un islam imaginaire en France [1]. Alors que se multiplient après le 11 septembre les attaques contre l’islam et les musulmans, qu’est imposé un débat sur la laïcité qui aboutit en 2004 à la loi contre le voile à l’école, les prises de paroles pour dénoncer l’ « islamophobie » se multiplient et s’organisent…

 

Le point fort de cette période – pas encore refermée – est l’année 2005 : l’Appel des indigènes de la République, qui appelle l’État et la société à « opérer un retour critique radical sur leur passé-présent colonial » [2], est lancé en janvier. Peu après, en février, est votée la loi sur les bienfaits de la colonisation. En juillet, les attentats de Londres sont présentés comme l’échec du modèle multiculturel ou communautaire anglo-saxon alors qu’en novembre ont lieu les « émeutes » des banlieues. En novembre également, le CRAN, Conseil Représentatif des Associations Noires, est créé. Réunissant 120 organisations, il a pour objectif « la lutte contre les discriminations, ainsi que la mémoire de l’esclavage et de la colonisation ». [3].

Dans ce contexte, la société française découvre les postcolonial studies, qui posent la question de l’héritage colonial et de ces conséquences sur les sociétés postcoloniales. Le livre de Neil Lazarus, Penser le postcolonial : une introduction critique, publié en 2006, est le premier livre sur ce sujet à être traduit en français [4].

Si tous ces évènements, indissociables par ailleurs, sont intéressants, l’Appel des Indigènes de la République mérite que l’on s’y arrête.

« La République de l’Égalité est un mythe. L’État et la société doivent opérer un retour critique radical sur leur passé-présent colonial. Il est temps que la France interroge ses Lumières, que l’universalisme égalitaire, affirmé pendant la Révolution Française, refoule ce nationalisme arc-bouté au « chauvinisme de l’universel », censé « civiliser » sauvages et sauvageons. Il est urgent de promouvoir des mesures radicales de justice et d’égalité qui mettent un terme aux discriminations racistes dans l’accès au travail, au logement, à la culture et à la citoyenneté. Il faut en finir avec les institutions qui ramènent les populations issues de la colonisation à un statut de sous-humanité. » [5]

Cet extrait permet de mieux comprendre les réactions hostiles que cet appel à suscitées de toutes parts. Comme l’explique Lévy :

« En combinant de manière inextricable rêve et réalité, principes et pratiques, [le mythe républicain] rend formellement solidaires un idéal indiscutable – liberté, égalité, fraternité… – et des réalités contestables, odieuses, voire criminelles : les ségrégations et discriminations de tous ordres, l’exploitation capitaliste, l’accaparement du pouvoir par une caste professionnelle, le colonialisme et le néocolonialisme, la gestion postcoloniale de la société, etc. […] Le mythe – et c’est bien là sa fonction – ferme ainsi tout accès à l’analyse critique : dès que l’on interpelle la République sur ses pratiques réelles, elle se drape dans ses idéaux prétendus. » [6]

Une islamité réactive ?

Dans ce même appel, le « Nous, descendants d’esclaves et de déportés africains, filles et fils de colonisés et d’immigrés » semble marquer une sorte de retournement du stigmate. C’est à ce processus que se réfère aussi Faysal Riad lorsqu’il écrit :

« Et tant que l’islam sera considéré comme “la religion la plus con” par les écrivains à la mode, je refuserais de discuter sérieusement de métaphysique et je me proclamerai, sans hésitation, musulman. » [7]

Dans ces réactions, on peut également voir ce que Wendy Brown appelle une « politique identitaire », c’est-à-dire

« la prise de conscience par divers groupes, que l’“universel” ne les inclut pas, que l’égalité en droit n’équivaut pas à l’égalité de statut, de pouvoir ou d’appartenance, que certaines normes en vigueur concernant l’être humain ou le citoyen stigmatisent ou marginalisent toujours certaines pratiques, certains attributs ou modes de conduites. » [8]

En ce qui concerne les musulmans, Brown explique qu’

« une décennie supplémentaire de rejet, d’hystérie, voire de criminalisation de ces pratiques (…) pourraient aisément engendrer chez les musulmans les conditions du ressentiment au fondement des « dévouements blessés » » [9].

Par « dévouements blessés », Brown entend :

« Un ensemble propre de conditions en vertu desquelles certains groupes se montrent plus attachés à l’exclusion ou aux blessures qui sous-tendent leur identité qu’à la promesse d’une éventuelle émancipation de leur statut présent. L’identité devient alors réactionnaire dans tous les sens du mot. Une façon de réagir contre le pouvoir, de se retrancher dans une identité source de handicap… » [10]

Si l’on peut émettre des réserves quant au caractère « réactionnaire » de l’identité musulmane qui s’affirme alors, on peut cependant parler de communautarisme réactif ou défensif à la façon de Laurent Lévy :

« On rencontre également – et on peut s’attendre à rencontrer toujours plus – un autre usage du mot [communautarisme], compris non pas dans le sens que lui donnent les anticommunautaristes, mais comme le fait d’assumer son appartenance à une “communauté” (minoritaire) en adaptant ses comportements à ce fait. Ce n’est, dans ce cas, pas le communautarisme qui crée les communautés, mais la conjonction de l’existence des communautés et de l’hégémonie idéologique “anticommunautariste” qui le suscite. » [11]

En ce qui concerne les musulmans, Vincent Geisser évoque une islamité réactive ou défensive qui serait la conséquence d’une « dialectique identitaire “perverse” que l’on pourrait résumer ainsi » :

« Les Français issus des migrations postcoloniales, en dépit de leur affirmation de citoyenneté et de nationalité, continuent d’être majoritairement perçus à travers le prisme d’une islamité réelle ou imaginaire. Cette situation suscite en retour chez eux une sorte de feed-back identitaire qui les pousse de plus en plus à se définir spontanément comme musulmans dans la société française actuelle » [12].

Cependant, plus qu’une islamité réactive ou défensive, il convient de reprendre la notion de « politique identitaire » de Brown ou encore la notion d’islamité « positive » défendue par Geisser. Une islamité positive, plus que réactive ou défensive dans le sens où elle se développe « rarement en antagonisme avec la société française » et qu’elle n’est pas « systématiquement synonyme d’une montée de religiosité ». Il évoque sur ce point le développement d’un islam « hétérodoxe et a-institutionnel », un rapport à l’islam qui reste majoritairement « conceptuel, hors de toute référence à une orthodoxie religieuse » [13]. C’est ce qu’exprime également Jean-François Bayard lorsqu’il explique que

« la plupart des musulmans vivant en France ont “élaboré leur laïcité personnelle” et n’ont plus de musulmans que le nom, ou plutôt une forme de socialisation et de conviction familiales, à l’instar de la majorité des catholiques. » [14]

Plus que des « dévouements blessés », se dessine alors la revendication d’un « droit à la différence ». « Différence » entendue comme « le fait de différer, c’est-à-dire de se distinguer d’un autre », et supposant donc d’abord la capacité de diverger en pensée – avoir des pensées et des idées différentes de celles d’autrui – mais aussi la capacité objective et subjective de « diverger en actes : exprimer, assumer, vivre sa différence. » [15]. Souvent taxée de « différentialisme » et d’outil du communautarisme, la revendication d’un droit à la différence – qui n’est pas la revendication d’une différence des droits – participe d’une autre revendication, l’égalité de traitement [16].

Ces revendications se retrouvent dans l’émergence de l’Appel des indigènes de la République et d’autres mouvements, associations, initiatives comme la création de Z.E.P., Zone d’Expression Populaire, qui sort en 2010 un clip intitulé Nique la France et un livre éponyme : Nique la France, devoir d’insolence. [17]. Dans l’introduction à ce livre, on peut lire :

« Nous sommes accusés de “communautarime” lorsque nous tentons de nous organiser entre dominés de manière autonome. Lorsque nous ne baissons plus la tête et que nous refusons d’être invisibilisés. Ce “communautarime” diabolisé est pourtant dans le contexte de domination qui est le nôtre, un rempart contre la dépersonnalisation. La décomposition. La haine de soi. Pourquoi diable aurions-nous honte d’être Arabe, Noir, Musulman… D’être des non-Blancs (…) Ce nous est à la fois un héritage de la colonisation et une production permanente du système social français actuel (…) C’est d’abord et surtout à ce nous que nous nous adressons pour qu’il relève encore plus la tête (…) Pour qu’il ne se berce plus d’illusions devant les fausses promesses, les discours d’intentions et/ou de compassions et les mythes de la République (égalité des chances, fraternité, pensée des Lumières, etc.) que l’on nous brandit pour nous endormir. » [18]

Z.E.P, lancé à l’initiative de Saïdou, chanteur du groupe M.A.P, Ministère des Affaires Populaires, rejoint par d’autres chanteurs et musiciens illustre l’engagement politique et l’expression de revendication qui s’opère également dans l’émergence d’une culture « identitaire » ou de ce que Fanon appelait une « culture de la culture » [19]. Le rappeur Médine, incarnation, si l’on peut dire, d’une affirmation de l’islam par le rap dans les années 2000 avec la sortie de son premier album Ni violeur, ni terroriste en 2004, explique quant à lui :

« quand je parle de l’islam, j’en parle de façon identitaire, toujours quand je parle de l’Islam, j’en parle en tant que facteur d’exclusion de notre société. » [20].

Par ses titres et slogans, tel que « I’m muslin, don’t panik », Médine entend provoquer pour « bousculer les consciences » et « apporter le débat » [21].

Conclusion : Etat ou Nation ?

Maxime Rodinson et Edward Saïd, entres autres, ont montré comment les représentations identitaires et les politiques qui en découlent sont largement tributaires de rapports de forces politiques et sociaux. Aujourd’hui, le conservatisme républicain provoque un double phénomène d’islamisation : par l’assignation du regard majoritaire et l’auto-assignation du regard minoritaire sur lui-même. La création d’identités conservatrices, la mise en place d’un « contrat ethno-racial » ou la « racialisation du conflit social » révèlent un échec de la République à gérer les différences, et les limites d’un modèle républicain dont « l’universalisme empêche le cosmopolitisme » [22].

Mais plus que le mythe ou modèle républicain, ce qu’il convient d’interroger c’est le modèle plus général de l’Etat-Nation dans lequel le modèle républicain s’inscrit lui-même. Si le « républicanisme français » témoigne d’un paradoxe entre l’universel et le particulier, c’est qu’il reprend l’oxymore que constitue la notion d’ « État-Nation ». L’État, au sens des théories contractualistes, est inclusif. Il est constitué de l’ensemble des citoyens sur une base d’égalité entre ces derniers au sein de la société. La Nation, concept réactionnaire [23], est exclusif : il repose sur l’idée d’une particularité, d’une identité propre à un groupe, le peuple et de la constitution de ce groupe contre un autre.

Comme l’explique George Corm :

« l’identité fonctionne en référence à un pôle négatif : la vision de l’autre, différent sinon ennemi. C’est pourquoi tout système de valeurs structurant l’identité est en même temps une composante essentielle du système de pouvoir qui organise l’ordre à l’intérieur d’une société et décide de la guerre ou de la paix avec la société voisine différente. » [24]

La construction d’une « identité nationale française » au sein d’un monde occidental, d’une civilisation aryenne puis « judéo-chrétienne » ou encore l’identification d’une culture « indo-européenne », s’est faite en référence à un pôle négatif : l’orient, les sémites, ou les « arabo-musulman ». La rencontre coloniale entre ces deux « autres », dont l’immigration postcoloniale est un des produits, ne pouvait pas ne pas poser problème : cette dernière, en remettant en cause le système de valeurs structurant l’identité – « française » – remet en cause le système de pouvoir qui organise l’ordre à l’intérieur de la société.

Bibliographie

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Articles

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Notes

[1] Cf. supra p.3.

[2] « Appel des indigènes de la République »

[3] Site du CRAN.

[4] Neil Lazarus, Penser le post-colonial : une introduction critique, 2006.

[5] « Appel des indigènes de la République »

[6] Laurent Lévy, op. cit. p.55.

[7] Faysal Riad, « De quoi, de qui veut-on parler lorsqu’on utilise le mot « arabe » ? », publié sur le site Les Mots sont importants, en novembre 2009.

[8] Wendy Brown, op. cit., p.154.

[9] Ibid. p.155.

[10] Ibid.

[11] Laurent Lévy, op. cit., p.11.

[12] Vincent Geisser, « Comment peut-on être musulman en France ? », op. cit., p.36.

[13] Ibid, p.35.

[14] Jean-François Bayard, op. cit., p.420.

[15] Pierre Tevanian, La Mécanique raciste, Dilecta, Paris, 2008, p.14.

[16] Sur le droit à la différence, voir l’analyse de Pierre Tévanian, « Egalité e(s)t différence » in Pierre Tevanian, La Mécanique raciste, op. cit., pp.11-33.

[17] Zone d’Expression Populaire, op. cit.

[18] Ibid.

[19] Frantz Fanon, 1er Congrès des Écrivains et Artistes Noirs à Paris, septembre 1956.

[20] Interview de Médine, dans le film Don’t Panik, réalisé par Keira Maameri, 2010.

[21] Sans rouvrir l’analyse sur la persistance d’une culture coloniale en France, il est intéressant de rappeler ici les propos d’Eric Zemmour sur le rap qu’il qualifie de « sous-culture d’analphabètes » (Emission « L’Hebdo », France Ô, décembre 2008).

[22] Achille Mbembe, « La République et l’impensé de la « race » » in Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire (dir.), op. cit., pp.143-157.

[23] Voir Benedict Anderson, L’Imaginaire national, réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, La Découverte, Paris, 1996 (1ère édition anglaise 1983).

[24] Georges Corm, La Question religieuse au XXIe siècle, La Découverte, Paris, 2006, p. 46.

SOURCE

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