De quoi la «burqa pride» est-elle le nom?

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Rédaction en ligne

Cette carte blanche évoque la tenue d’une conférence qui doit se tenir le 28 février prochain à l’ULB et qui a pour objectif de revenir sur l’événement « burqa-bla-bla ». « Notre objectif n’est pas de nous perdre dans de vaines querelles de personnes mais d’aborder la manière dont l’ULB permet d’être à la hauteur de son propre idéal de lieu de réflexion critique et d’espace public ». La carte blanche.

Etudiant administrateur de l’ULB, porte-parole de Quart d’X, un collectif anti-racisme, vice-président du Librex ou encore président des Etudiants socialistes de l’ULB… : ils sont une demi-douzaine à avoir rédigé une carte blanche intitulée « De quoi la burqa pride est-elle le nom ? ». Elle évoque la tenue d’une conférence qui doit se tenir le 28 février prochain à l’ULB et qui a pour objectif de revenir sur les événements d’il y a tout juste un an quand une conférence à laquelle participait Caroline Fourest avait été bruyamment interrompue. « Notre objectif n’est pas de nous perdre dans de vaines querelles de personnes mais d’aborder la manière dont l’ULB permet d’être à la hauteur de son propre idéal de lieu de réflexion critique et d’espace public, à une époque où on a plus que jamais besoin de lieux où une pensée critique puisse émerger », expliquent les organisateurs. C’est, disent-ils, cette question de fond que la conférence souhaite aborder.

De quoi la Burqa Pride est-elle le nom ?

Il y a un an, presque jour pour jour, un groupe de personnes chahutait Caroline Fourest à l’ULB en l’accusant de « représenter l’islamophobie de gauche » et en dénonçant la tribune laudative que les autorités accordaient une énième fois à cette intellectuelle médiatique dont le « progressisme » n’a jamais laissé indifférent à l’ULB.

Le lendemain, la presse se saisissait de l’événement, parlant d’un « attentat contre la démocratie » sous le cadrage contestable d’une remontée d’un communautarisme islamiste aux méthodes fascisantes. Une trop belle unanimité se dégageait ainsi pour donner à l’événement le statut d’un « mardi noir » auquel même le terrorisme pâtissier du plus célèbre des Belges n’avait pu avoir accès.

Mais lorsque les « huées fanatiques » d’un côté et les « applaudissements imbéciles » de l’autre se furent tus, la réflexion pouvait reprendre ses droits, facilitée par l’accès aisé, sur internet, à toutes les pièces de ce qui ne fut jusqu’ici qu’un débat manqué. Chacun a le droit et le devoir de se faire son opinion en tout indépendance, c’est bien le plus cher des idéaux de notre alma mater.

Et de fait, les questions soulevées par la « Burqa Pride » insistent. L’enjeu du débat qu’aujourd’hui nous voulons poser de manière dépassionnée est précisément la question de savoir quels sont les enjeux de cet événement et de ses suites ? Que révèle-t-il sur l’ULB et sur l’espace public en général ? Y a-t-il eu une « hystérie aux relents racistes et islamophobes » comme l’a soutenu très tôt le journaliste Olivier Mukuna ? L’ULB est-elle gangrenée par des logiques clientélistes comme l’affirme celui qui a dû subir le procès politique de son institution ?

Ces questions font aussi partie du débat, mais si nous voulons aujourd’hui revenir sur l’événement du 7 février 2012, ce n’est pas pour se perdre dans une vaine querelle de personnes, ce dont certains nous font pourtant le procès d’intention.

Sur le fond, il faut bien reconnaître que le problème que l’ULB a avec ses « valeurs » ne date pas tout à fait d’hier. Ainsi, il y a quelques années déjà, un « Chantier Valeurs » lancé par les autorités – en parallèle à un plan stratégique bien dans le ton de la novlangue néolibérale –, avait dû faire marche arrière suite à la levée de boucliers d’étudiants et de professeurs « Sans Valeurs » qui ne se reconnaissaient ni dans la logique du conflit de civilisation (le néo-conservateur Bernard Lewis notamment avait été invité par les Autorités avant annulation in extremis lorsqu’il s’est avéré qu’il avait fait l’objet d’une condamnation en justice pour racisme), ni dans les tracasseries administratives auxquelles les associations étudiantes devaient faire face lorsqu’elles souhaitaient organiser un débat autonome.

La question de fond que nous voulons aborder avec toutes les sensibilités universitaires est la manière dont l’Université permet d’être à la hauteur de son propre idéal de lieu de réflexion critique, d’espace public le plus égalitaire possible dans une époque où nous avons plus que jamais besoin de lieux où une pensée critique, voire subversive, puisse émerger.

Lors d’une rentrée académique récente, un représentant des étudiants avait eu cette phrase un tantinet provocatrice : « L’ULB n’est pas (encore) une oasis d’intelligence dans un monde à la dérive. » Elle-même participe de logiques de fond qui doivent pouvoir être débattues. Est-il normal que la logique de management, de rationalisation, de concurrence, en un mot la logique de marché s’installe si confortablement en nos murs ? Qu’est-ce que l’ULB a fait de sa salutaire tradition de subversion ? Est-on à la hauteur de l’idéal libre-exaministe en rappelant simplement les heures de gloire de nos luttes passées (d’ailleurs équivoques pour qui veut bien relire l’histoire sans en faire un récit mythique) ou en affichant des posters de l’illustre Chaïm Perelman lors de la Nocturne de l’ULB ?

Ce que nous demandons, c’est que l’ULB puisse mettre sa propre démocratie interne, ses propres contradictions en débat. Nul ne peut aujourd’hui dire que la Burqa Pride fut un non-événement. Parmi les personnes qui ont participé au chahut, il est aussi difficile de contester que certains ont de bonnes raisons de penser que leur parole n’est pas traitée sur un pied d’égalité. Question de la liberté d’expression donc, mais au sens large du terme. Est-il insensé de considérer que, peut-être, un paradigme comme celui de la lutte pour la reconnaissance pourrait être pertinent pour comprendre le rapport entre certaines élites universitaires et certains jeunes qui demandent des comptes à une Université à laquelle ils n’ont pas accès ?

Depuis plusieurs semaines, nous avons entrepris des démarches afin de proposer aux autorités de parrainer l’événement, de nous proposer le meilleur cadre pour un débat contradictoire et de haute tenue. Mais le malaise semble toujours profond. Ainsi cette manière de répondre à nos interpellations en renvoyant systématiquement au non-débat d’un formulaire de réservation d’auditoire, que nous n’avions pas encore envoyé simplement parce que nous ne sommes sûrs ni de la date, ni des intervenants qui accepteront de mettre leur intelligence à la table des questions que nous posons… Rassurons les autorités, le formulaire a bien été envoyé.

Qui a peur de ce débat ? Pourquoi est-ce que certains co-organisateurs se voient dissuadés de s’engager dans la voie d’un débat contradictoire alors que nombre de professeurs de l’ULB ont émis leur avis sur la question, à chaud au lendemain de « Burqa-bla-bla », notamment par voie de presse.

Et cette question même de la contradiction, ne fait-elle pas partie du débat ? Depuis quand les Autorités ont décidé que certains pouvaient bénéficier d’une tribune libre et élogieuse tandis que d’autres ne peuvent s’exprimer qu’à certaines conditions dont ces mêmes Autorités se prétendraient le seul juge.

Si nous voulons aujourd’hui un véritable débat contradictoire, ce n’est donc pas pour donner l’illusion que la vérité serait nécessairement au milieu de deux extrêmes, que l’honnêteté voudrait qu’on donne le même temps de parole à ceux qui défendent une thèse, qu’elle soit majoritaire ou minoritaire.

Si nous voulons un débat contradictoire en l’occurrence, c’est parce que nous pensons que les questions posées concernent réellement toute l’Université, et que c’est elle-même qui doit être capable de se thématiser réflexivement.

Aujourd’hui, alors qu’il est difficile de trouver des contradicteurs institutionnels de poids, nous demandons aux Autorités d’assumer leurs responsabilités. Nous demandons la participation d’intellectuels soutenant la position officielle de l’ULB, et qui par là même cautionnent les thèses de madame Fourest. Nous voulons un vrai débat sur des questions de fond et qui soit de haute tenue.

Quoi qu’il arrive ce débat aura lieu, il a déjà lieu. Trois intervenants ont déjà confirmé et nous avons également confiance en la capacité critique du public invité.

Comme a dit Jaurès : « Le courage c’est de chercher la vérité et de la dire, de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » Faut-il préciser que personne n’est immunisé contre les « applaudissements imbéciles » ou les « huées fanatiques » ?

Nous l’avons déjà dit à qui veut l’entendre, nous sommes ouverts à toute discussion sur les modalités de la conférence (temps de parole, affiche, intervenants, etc.) La balle est maintenant dans le camp des Autorités : qu’elles nous envoient un représentant institutionnel ! Monsieur le Recteur, vous étiez si disert dans les médias, ne pensez-vous pas que votre participation vous honorerait ?

Pour Quart d’X, Collectif Anti-RacismeS,

 

Nathalie Mathieu, porte-parole de Quart d’X

Géraud Hougardy, ancien étudiant administrateur et vice-président du Librex

Pierre Farchakh, président des Etudiants Socialistes de l’ULB

Abdelilah El Mahsini, ancien président des Etudiants Socialistes de l’ULB

Mouhad Reghif, membre d’Egalité

Zaina Ait Ahmed, administratrice des Indigènes de Belgique

Jérome Lechien, étudiant administrateur de l’ULB

Source

Burqa Bla Bla, Petit chahut deviendra grand
 
Nordine Saïdi, porte-parole du parti ÉGALITÉ, inculpé à la suite d’une plainte de la journaliste Caroline Fourest
 



Burka Blabla – Je suis dangereux! par Nicolas_Ingargiola

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