Depuis plus d’une décennie, je soupçonne l’Union européenne (UE) d’avoir une politique tendant à éviter de heurter Israël. Aujourd’hui, j’ai enfin la preuve que cette politique existe bel et bien.
Alors que la bureaucratie bruxelloise a célébré « le succès des dialogues contreterroristes » qu’elle entretient avec Israël depuis 2015, très peu de détails de ces échanges ont été rendus accessibles au public.
En janvier dernier, j’ai introduit une plainte auprès de l’ombudsman de l’UE – nominalement, un contrôleur au service des citoyens – à propos de ce manque de transparence. La plainte a été introduite après que les services diplomatiques de l’UE avaient refusé de divulguer les noms des institutions israéliennes qui avaient participé à ces « dialogues ».
Via une requête au nom de la liberté d’information, j’ai obtenu un document qui résumait les discussions concernant ma plainte entre l’équipe de l’ombudsman et les diplomates de l’UE.
Quelle excuse les diplomates ont-ils invoquée pour leur dissimulation ? « Ils craignent que les Israéliens ne soient offensés par des révélations », dit le document.
Offenser Israël « nuirait gravement aux relations internationales » et les diplomates de l’UE « en ont fourni des preuves », ajoute le document (voir ci-dessous).
Il est impossible de rester calme lorsqu’on lit ces quelques mots.
L’excuse concernant la possibilité d’offenser Israël a été fournie lors d’une rencontre qui a eu lieu le 23 février.
La veille, Israël avait commis un massacre à Naplouse, en Cisjordanie. Un adolescent de 16 ans et trois hommes de plus de 65 ans figuraient parmi les 11 victimes.
Les diplomates grassement payés de l’UE n’ont nullement été affligés par ce crime. Ils considèrent son perpétrateur – Israël – comme un allié et n’oseraient rêver d’offenser cet État le moins de monde.
Raisonnable ?
De façon honteuse, le personnel travaillant pour l’ombudsman de l’UE a qualifié l’excuse proposée par les diplomates de « raisonnable ».
Ce point de vue contredisait une évaluation préliminaire de ma plainte.
Dans cette évaluation préliminaire, le personnel de l’ombudsman prétendait que les arguments présentés par les services diplomatiques de l’UE en faveur de la « confidentialité absolue » à propos des dialogues autour du contreterrorisme « ne s’avèrent pas convaincants ».
« Les institutions participantes étaient probablement le ministère israélien de l’Intérieur, ou le ministère de la Défense »,
dit le document.
« L’agent [de l’ombudsman] qui enquête ne comprend à quel point révéler cette information, sans la moindre donnée personnelle, pourrait « nuire gravement » aux relations entre l’UE et Israël. »
L’ombudsman de l’EU est une institution dirigée par Emily O’Reilly.
Durant sa précédente carrière en tant que journaliste irlandaise, O’Reilly avait révélé des vérités – en particulier sur le pouvoir de l’Église catholique – que l’élite au pouvoir aurait préféré tenir secrètes.
À l’époque, elle n’avait pas eu peur de provoquer des offenses. On pourrait même prétendre à raison que l’Irlande avait changé en mieux du fait que des personnes en son genre ont offensé les conservateurs qui dirigent le pays.
Ainsi donc, il est dérangeant qu’elle préside désormais une institution qui considère comme acceptable une excuse du style « nous ne devons causer aucune offense ».
Dans son travail actuel, la tâche officielle d’O’Reilly consiste à demander des comptes aux institutions de l’UE.
Manifestement, son personnel ne le fait pas à propos des relations entre l’UE et Israël.
Accepter la lâcheté
L’« accord associatif » juridiquement contraignant entre l’UE et Israël stipule que toutes les tractations « reposeront sur le respect des droits humains et des principes démocratiques ».
Entretenir des « dialogues autour du contreterrorisme » avec un État qui, parmi d’innombrables autres crimes, tue des enfants et des personnes âgées à Naplouse, constitue une violation grave de l’accord.
L’ombudsman de l’EU a néanmoins refusé d’enquêter sur ces violations, prétendant que l’accord associatif constitue une « décision politique » et que la politique étrangère se situe en dehors de la mission de l’institution.
Si c’est vraiment le cas, pourquoi O’Reilly s’est-elle exprimée sur le Qatargate – un scandale impliquant l’ingérence supposée d’un gouvernement étranger dans les affaires de l’UE ?
Prétendre qu’il est raisonnable de craindre d’offenser Israël signifie que l’on accepte la lâcheté et la duplicité.
Cela signifie que l’on accepte que l’UE doive répondre – comme cela a été le cas la semaine dernière – par rien de plus qu’une déclaration timide de « regret » quand Israël expulse une famille palestinienne de son habitation à Jérusalem.
Cela signifie que l’on accepte que l’UE doive promouvoir Israël en tant que pays sans grand danger sur le plan environnemental – comme cela a été le cas la semaine dernière – alors qu’il vole de l’eau aux Palestiniens.
Cela signifie que l’on accepte que l’UE doive constamment chercher un volume commercial plus important avec Israël quand cet État porte sa violence génocidaire contre les Palestiniens à de nouvelles extrémités.
Quoi que puissent prétendre les diplomates de l’UE, Israël mérite non seulement d’être offensé, mais également d’être boycotté et ostracisé.
Document de l’ombudsman de l’UE
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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation(Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”.
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel(Pluto Press – Londres 2017).