Gitans contre le Racisme d’état et la Romophobie en Europe


Dans le cadre du #GMD2018 (Génocide Mémorial Day), Bruxelles Panthères organise une conférence sur le racisme d’état que subit la communauté Rom depuis des siècles. A ce propos on invite le sociologue et politologue, membre de Kale Amenge José Heredia de Madrid.

Le samedi 20 janvier 2018 à 18h00

Le Space

Rue de la Clé 26 Sleutelstraat, 1000 Région de Bruxelles-Capital

Présentation

« Comment se fait-il que l’on voie dans certains de ces campements tant de si belles voitures, alors qu’il y a si peu de gens qui travaillent ? » Tels étaient les mots de M. Nicolas Sarkozy en 2002, alors qu’il était ministre de l’intérieur et fermement décidé à traiter le « problème rom ». Suite à ces déclarations, de nombreux camps roms sont démantelés, sous prétexte de l’illégalité de leur présence sur le territoire français. Mais, rapidement rattrapé par « une procédure à laquelle personne ne comprend rien », M. Sarkozy fait alors de la « question rom » une affaire personnelle, multipliant les démantèlements de bidonvilles et les accords bilatéraux de contrôle, notamment avec la Roumanie. Le motif de l’illégalité de présence s’efface au profit de celui de la criminalité et pose les Roms comme une population extrêmement problématique, nourrissant le débat sécuritaire qui se développe en France depuis les années 2000. » Le Monde diplomatique, Juillet 2010

« Tziganes », « Gitans », « Manouches » aujourd’hui. « Bohémiens » ou « Égyptiens » hier, autant d’appellations partielles ou imprécises utilisées par les pouvoirs publics et les populations européens pour désigner des populations nomades, installées depuis mille ans dans les Balkans et arrivées au 15ème siècle en Europe occidentale. Et aujourd’hui comme hier la communauté Rom reste la plus persécutée partout en Europe!

Petit historique sur les persécutions les plus marquantes qu’a connues cette communauté depuis le 15eme siècle date de l’arrivée des Roms en Europe occidentale:

1415 : Arrivée en Europe occidentale
1462 : Des Tsiganes atteignent JAEN en ANDALOUSIE (1ere entrée). Ils sont reçus avec grand honneur.
1492 : Chute de GRENADE aux Arabes
1499 : En ESPAGNE : 4 Mars, la Pragmatique de MEDINA DEL CAMPO condamne les Gitans a l’abandon de la vie nomade.
1500 : Les Tsiganes sont expulses d’ALLEMAGNE (Diète d’AUGSBOURG)

1539 : En ESPAGNE, ils doivent choisir la sédentarisation ou 6 ans de galère

1540 : En BELGIQUE, les Évêques leur demandent de quitter le pays sous peine de mort.

1633 : ESPAGNE (CASTILLE) : interdiction de parler la langue, de danser, de porter des armes à feu sous peine d’esclavage

Dès 1666, par souci d’éviter le « vagabondage » transfrontalier et par défiance pour leur utilisation par certains nobles, notamment, Louis XIV décrète que tous les Bohémiens de sexe masculin doivent être arrêtés et envoyés aux galères – sans procès. 16 ans plus tard, en juillet 1682, il confirme et durcit cette politique : tous les Bohémiens mâles, dans toutes les provinces du royaume sont condamnés aux galères à perpétuité, leurs femmes rasées et leurs enfants enfermés dans des hospices afin de « purger le royaume » de « cette engeance malfaisante ». Quant aux nobles qui auraient eu l’idée de leur apporter leur protection ou de les employer souvent comme troupes d’appoint, mauvaise pioche : ils risquaient la confiscation de leurs domaines.

La période du despotisme éclairé offre aux autorités des possibilités élargies d’appliquer leurs mesures à toutes les personnes soumises à leur juridiction. En Espagne, cette situation aboutit à l’un des épisodes les plus pénibles de l’histoire de la communauté « tsigane » du pays: la rafle générale exécutée sous le règne de Ferdinand VI, le 30 juillet 1749. L’opération — aussi minutieusement préparée que systématique — conduit à l’internement de dix à douze mille personnes «au simple motif qu’elles sont des Tsiganes». La coordination des différentes autorités publiques impliquées, la coopération de l’Église (laquelle demeure passive en face d’une telle injustice), les excès commis par toutes les personnes ayant rendu l’opération possible et la collaboration des concitoyens et des voisins des victimes confèrent à ce «mercredi noir», nom sous lequel l’opération est passée à la postérité, un caractère unique dans la longue série des persécutions antitsiganes menées en Europe.
En décembre 1802, le préfet des Basses-Pyrénées, considérant que « … la plupart des criminels condamnés à mort ou aux fers (…) appartiennent à cette horde dangereuse ou ont été entraînés par leurs liaisons avec elle à contracter l’habitude du crime (…) », fait arrêter en une seule nuit tous les Bohémiens du territoire, soit 500 personnes. Son idée ? Les déporter par bateau vers la Louisiane. La guerre qui fait rage sur mer entre l’Angleterre et la France napoléonienne l’en empêche. Les femmes et les enfants sont alors dispersés dans des « dépôts de mendicité » et les hommes sont affectés de force à plusieurs grands travaux publics : canal d’Arles, canal d’Aigues-Mortes, construction de routes dans les Hautes-Alpes… Leur détention et ces travaux forcés dureront près de trois ans.
A leur arrivée en Europe centrale, les Roms se mirent sous la protection des nobles et des monastères, pour pouvoir exercer leurs métiers traditionnels. Avec le temps, ce statut prit une forme particulière : la robie (du slave « robota », travail, qui donnera… robot), forme d’esclavage qui rappelle d’assez près le système féodal du servage. Le rob appartient à un maître, noble ou religieux, qui peut le vendre quand il le souhaite et lui impose chaque année un impôt qui conditionne sa liberté de déplacement. Seule consolation, le rob lui-même pouvait racheter sa liberté, et la revendre ailleurs, comme dans le système esclavagiste romain. C’est au passage une des raisons qui expliquent que les Roms portent souvent leurs richesses sur eux, bien visibles : colliers, bijoux, dents en or… Historiquement, elles marquaient leur volonté de racheter leur liberté. En Roumanie, le système perdurera et on vendra des Roms par familles entières jusqu’au milieu du 19ème. L’affiche ci-dessous date de 1852.
Au début du 20ème siècle, la multiplication des rapports de gendarmerie, la banalisation du télégraphe et les récits publiés dans la presse donnent aux Français l’impression qu’un nombre immense de Roms s’installent en France. Sous la pression populaire, le système de surveillance, basé sur un contrôle de la circulation des fameuses roulottes, on passe au fichage généralisé. Une loi de 1912 crée un système de fiches fondé sur le système anthropométrique du fameux Bertillon : les « nomades » sont enregistrés systématiquement.
Le contrôle se renforce dans les années 20. A terme, les Roms – dont beaucoup sont on ne peut plus français – doivent remplir CINQ documents au moindre contrôle, en plus de leur carte nationale d’identité. Tous doivent être signés par les pouvoirs politiques au moindre déplacement, fut-ce entre deux communes voisines. Au passage, ces « Bohémiens » sous contrôle sont jugés bien assez français pour payer l’impôt et faire leur service militaire…
Ce fichage sera en tout cas extrêmement utile au gouvernement de Vichy pour lui permettre de repérer les nomades. 6 000 d’entre eux seront internés en France même, dans des conditions lamentables. Les autres, en particulier dans le Nord Pas-de-Calais, seront déportés, que ce soit en tant que tels ou en étant parfois pris pour des Juifs par les autorités nazies.
Ces dernières leur réservent le même sort qu’aux Juifs : incarcération, stérilisation, déportation, travail forcé jusqu’à l’épuisement, exécutions sommaires, conditions de vie abominables et chambre à gaz pour finir. Même traitement donc, mais dans la mémoire Rom, cette politique d’extermination porte un nom à part, différent de la Shoah ou de l’Holocauste. Les Roms l‘appellent le Porajmos : la Dévoration. Selon les études des historiens, on juge que 195 à 250 000 Roms sont morts dans les camps de concentration, plus d’un quart de la population européenne de l’époque. Pendant des années après la guerre, la République fédérale d’Allemagne considérera encore que les mesures prises contre les Tsiganes avant 1943 étaient une politique légitime de l’État et ne nécessitaient aucune réparation.
Ce n’est qu’en 1982 qu’Helmut Kohl reconnut le génocide tsigane.

A propos du Génocide Mémorial Day :

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Cet événement a débuté en Janvier 2010 avec la convergence de deux idées.

La première nécessité était de contrer l’idée que certains génocides sont plus exclusifs que d’autres et donc dignes d’une plus grande attention.
La deuxième nécessité est que ce ne serait pas seulement un souvenir théorique, mais commencer à identifier les pratiques génocidaires actuelles en vue de les arrêter.

La philosophie de ce projet rejette l’idée qu’il y a une hiérarchie des victimes en fonction de leur origine. Nous voulons tenir les gens responsables dans le cadre de GMD en mettant en évidence les personnes et les structures de pouvoir qui ont commis des génocides ou des actes de génocide et nous voulons honorer la mémoire les victimes de ces génocides et actes de génocide qui ont perdu leur vie.

L’initiative est britannique, mais elle se déroule au même moment à Amsterdam, Londres, Paris et cette année à Bruxelles.
Cette journée est appelée à se pérenniser pour que reste vive la mémoire des crimes et génocides coloniaux, de la traite négrière et de l’esclavage et pour que ces crimes occultés et perpétrés par les « nations civilisées » soient pleinement reconnus et assumés par l’ensemble des gouvernants et des peuples européens.

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