Le 2 janvier 1492, chute de Grenade et déportation des juifs et des musulmans.

Fac-similé du décret de l’Alhambra «… Nous avons décidé d’ordonner à tous les juifs, hommes et femmes, de quitter nos royaumes et de ne jamais y retourner… à la date du 31 juillet 1492 et ne plus rentrer sous peine de mort et de confiscation de leurs biens… »

 

Bonjour, après cette dernière mise à mort, l’Espagne et le Portugal sont devenues les pays les plus pauvres d’Europe, et il a fallu attendre quelques siècle plus tard l’entré de ces deux pays dans l’union européenne pour qu’ils retrouvent la prospérité. Le drame c’est que cette destruction du patrimoine architectural et culturelle d’Al Andalus à aussi entrainé le Maghreb arabe dans la chute.

On semble oublié qu’après cette dernière mise à mort des musulmans d’Espagne, habitants légitimes de ce pays, autant légitime que les Wisigoths trouvant refuge dans la péninsule ibérique car chassés d’Europe de l’est par les Huns.
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Le 2 janvier 1492, chute de Grenade et déportation des juifs et des musulmans.

Il s’agit de la première déportation humaine d’un système politique et d’un pouvoir organisés en Etat, la seule aussi où l’on constate qu’une autorité étatique déporte en dehors de son cercle de souveraineté et d’influence des personnes qui relèvent directement de cette autorité. L’estimation des déportés varie entre 500.000 et 1.000.000 de personnes, voire plus.

En 1492, avec la chute du dernier Royaume musulman de Abou Abdillah, les Rois-catholiques optent pour l’évangélisation des musulmans. En 1525, Charles Quint prescrit à tous les Morisques de se convertir. En 1605, la décision définitive de déporter tous les Morisques est prise par le Conseil d’État. Ce fut la fin de l’Islam espagnol.

L’histoire commence avec la mort de Wittiza, roi wisigoth de la péninsule ibérique qui s’était allié aux juifs pour combattre le catholicisme encore balbutiant dans ces contrées.
En 709, Wittiza est tué par un autre Wisigoth, Rodrigue, qui est proclamé Roi. Rodrigue est, pour sa part, un chrétien catholique de fraîche date qui s’attaque d’emblée aux juifs et aux arianistes (des chrétiens qui rejettent la Trinité). Excédés par les exactions, les juifs durent rechercher des alliances pour mettre fin au règne de Rodrigue.

Aidés par les fils de Wittiza qui s’étaient repliés à Tanger après la mort de leur père, les juifs parviennent à convaincre Tarik de traverser le Détroit pour leur apporter un soutien. L’objectif immédiat est de se débarrasser de Rodrigue.

Tarik débarque en 711 à Gibraltar à la tête de 5.000 hommes, berbères et arabes selon certains, moins de mille, musulmans ou arianistes, pour d’autres. La conquête fut facile, les arianistes proches de Wittiza et les juifs avaient balisé le terrain de la conquête, permettant une avancée foudroyante des troupes venues de la rive sud de la Méditerranée. Rodrigue est tué et un pouvoir musulman prend place.

La péninsule ibérique avait, en cette période, trois principales composantes religieuses: les juifs, les catholiques et les arianistes. S’y est ajouté l’Islam, porté par des Arabes mais aussi, et surtout, par des Berbères, anciens juifs ou arianistes. Des musulmans peu nombreux, en sommes, sont donc à la base de l’islamisation de cette partie de l’Europe.

À cette islamisation adhèrent les premiers Européens, des arianistes wisigoths, qui seront suivis par des catholiques, le brassage aidant. Ce sont les descendants de ce brassage, sujets d’un Roi, qui seront expulsés de la péninsule en 1609. Ce fut un génocide.

Les croisades
Le monde catholique a imposé la croisade. En fait, il y eut deux sortes de croisades: L’une, qui eut plusieurs vagues, dont l’objectif était Jérusalem, c’est celle d’Orient qui débuta vers le XI ème siècle et cessa au XIII° siècle. L’autre, moins connue, imperceptible, mais efficace, c’est celle de l’Occident. Elle débuta au XI ème siècle avec pour objectif la “reconquista”. Elle s’est complue dans l’inquisition née au XIII° siècle, ce tribunal ecclésiastique qui perdura dans la péninsule jusqu’en 1808.

Cette croisade devait “dé-judaïser” et “dés-islamiser” la péninsule ibérique.

Pour la “dé-judaïsation”, ce sera fait en 1492 par Isabelle la Catholique, par un édit qui accorda quatre mois aux juifs pour se convertir ou quitter la péninsule sous peine de mort. Des dizaines de milliers d’entre eux quittèrent la péninsule dont 30.000, au moins, s’installèrent au Maghreb, dont 70 à 80% au Maroc. Leurs noms témoignent de leur origine, ils s’appellent Koria, Ovadia, Toledano, Moreno, Berdugo…

Pour la “désislamisation », dès 1492, avec la chute du dernier royaume musulman de Abou Abdillah, les Rois-catholiques optent pour l’évangélisation des musulmans.

À partir de ce moment, sur la péninsule, il y eut deux catégories de catholiques: Les vieux-chrétiens qui se prévalaient d’un sang pur, et les nouveaux-chrétiens, juifs ou musulmans convertis. Ils seront appelés marranes pour les premiers et morisques pour les seconds ; termes péjoratifs, suspects qu’étaient les marranes et les morisques de continuer à pratiquer leur religion d’origine mais en cachette. S’il y eut des conversions loyales et nombreuses au catholicisme, les faits retiennent qu’effectivement, nombre de morisques continuaient à pratiquer l’Islam, tout en participant, plus ou moins sincèrement, au culte catholique: Ils jeûnaient pendant le Ramadan et pratiquaient le sacrifice de l’Aïd Al Adha, mais se rendaient aussi à l’église. Pouvait-il en être autrement? On ne change pas de religion du jour au lendemain aussi facilement.

Les Morisques
Passibles des tribunaux de l’Inquisition, soumis à une inégalité fiscale, brimés et dépouillés, les morisques se révoltèrent et se soulevèrent contre l’injustice. Une première révolte à Grenade en 1499, durement réprimée, impose déjà aux mudéjars grenadins -musulmans vivant sous un pouvoir chrétien- de se convertir ou de s’expatrier à Valence.

En 1525, par décret, Charles Quint prescrit à tous les musulmans de se convertir. Ils avaient donc obligation de faire baptiser leurs enfants, d’observer la foi et de convertir leurs mosquées en églises. Les révoltes sont réduites par la violence.

Sous le règne de Philippe II, une série de révisions foncières qui les lèsent, en plus de l’interdiction de l’utilisation de l’arabe, la destruction des textes arabes et le changement vestimentaires requis, débouchent, en 1568, sur la guerre d’Alpujaras, montagnes où se réfugièrent des morisques révoltés. Cette insurrection réprimée durement dans le sang prit fin en 1571. Les morisques seront une nouvelle fois déplacés. Le soulèvement de 1568 consomme en quelque sorte le divorce entre les monarques catholiques et les morisques.

A partir de ce moment, réellement chrétiens ou non, accusés d’hérésie et de concussions avec l’empire ottoman ou, plus tard, de collaboration avec la France d’Henri IV, le sort des morisques est scellé : Ils seront déportés.
En attendant, il fallait préparer le terrain.

L’Inquisition
Dès 1582, Francisco de Sandoval Y Rosa, marquis de Denia, futur Duc de Lerma, se charge de cette préparation.
Les morisques du royaume de Valence, préoccupés par leurs problèmes traditionnels que sont l’Inquisition, le prédicateur et les seigneurs censiers, ne pouvaient deviner que leur sort était désormais un jouet entre les mains du Duc de Lerma.
La mort de Philippe II en 1595, qui fut d’une extrême prudence dans ses décisions, permet à ce duc de mettre en place tous ses pions, à commencer par le nouveau monarque.

En 1605, la décision définitive de déporter tous les morisques est prise par le Conseil d’État. Les derniers préparatifs se font en secret car il fallait réunir d’importantes forces terrestres et navales, le but de l’opération ne devant être divulgué qu’au dernier moment par le chef du dispositif militaire. La date est fixée à l’automne 1609.
L’on commence par le recensement discret des foyers morisques pour identifier les morisques avec exactitude pour ne pas les confondre avec les foyers de vieux-chrétiens.

Les troupes commencent à rejoindre leurs cantonnements près des lieux où résident les morisques.
Le Vatican est contre la déportation mais le pouvoir religieux dans la péninsule est puissant. Ce pouvoir opte pour la déportation, persuadé qu’il était par le duc de Lerma.

Les garnisons sont mises en état d’alerte au début de 1609. Une flotte de soixante-deux galères et quatorze galions avec 7.000 marins est consignée. Des vétérans de l’armée de Flandre sont mis directement à la disposition du Vice-Roi de Valence.
Le 4 août 1609, Philippe III signe les ordres de déportation, confiés au chef de la milice Augustin Mexia, et destinés au chef des opérations militaires, Miranda.

Le 20 août, Mexia constate que le doute s’installe chez les morisques de Valence qui soupçonnent une anormale mobilisation de troupes venues des quatre coins de la péninsule. Il faut faire vite.
Le 17 septembre 1609, les galères du marquis de Santa Cruz se portent à Denia.
Le 22 septembre 1609, l’édit d’expulsion est promulgué et crié dans les rues de Valence et sa région. C’est l’explosion de joie chez les vieux-chrétiens. Le malheur s’abat sur les morisques.

La déportation
Cet édit précise : « Dans les 3 jours de la publication de cet édit, tous les morisques de ce Royaume (Valence), hommes, femmes et enfants, devront quitter leurs maisons et leurs villages et aller s’embarquer à l’endroit qui leur sera indiqué par ordre du commissaire chargé de cette affaire.

Chacun pourra emporter la part de ses biens et meubles qu’il pourra porter sur sa personne, et devra s’embarquer sur les galères et les navires qui sont préparés pour les transporter en Berbérie où ils seront débarqués ». Pour calmer les esprits, l’édit garantit qu’il ne sera fait aucun mal et proposait même un débarquement en France ou en Italie.

Les femmes morisques mariées aux vieux-chrétiens pouvaient rester, mais pas les hommes morisques ayant une épouse vieux-chrétiens, ils devaient partir seuls sans les enfants. Les enfants de moins de quatre ans pouvaient rester si leurs parents morisques acceptent. L’immense machine militaire se met en marche, les galères de la marine militaire ne suffisant pas, il est fait appel aux transporteurs privés et, comble de malheurs, ce sont les morisques qui durent payer la traversée.

Les transporteurs privés se multiplient et les allers-retours devinrent rapides et plus fréquents, car il était plus rentable de débarquer les morisques en mer. Certains, débarqués sur des parties de la rive africaine de la Méditerranée, furent la proie des autochtones: tués, volés, réduits à la mendicité, ils étaient soupçonnés de vouloir occuper le pays et le doute subsistait quant à leur réelle religion. Les conditions de déportations devenaient de plus en plus difficiles, plus dures, totalement inhumaines, d’où des révoltes et des tentatives de résistance, vite réprimées par l’armada militaire réunie.

Un autre édit d’expulsion sera promulgué le 9 décembre 1609: Il décide de la déportation des morisques de Murcia, Grenade, Jaen, Cordoue et Séville, ainsi que d’une seule bourgade de l’Extremadura et du Leon : la bourgade d’Hornachos, exclusivement peuplée d’une importante communauté morisque constituée en une sorte de République.

C’est cette communauté qui peuplera Rabat et maintiendra intact son style de vie. D’autres édits, jusqu’en 1613, furent pris apres la decouverte de quelques lots de morisques oubliés dans l’arrière pays.

La description de la déportation des morisques de Valence donne une idée approximative de l’ensemble de l’opération. Il est dit que le transfert des populations morisques de l’intérieur se faisait évidemment à pied, dans des conditions tellement effroyables et que la majorité des déportés mourut.

Fray Jaime Bleda, inquisiteur conseiller du duc de Lerma dans la préparation et l’exécution de l’expulsion, était parfaitement informé, vu qu’il y prit une part essentielle: Il fut le témoin oculaire des déportations du Royaume de Valence. Voici ses conclusions :
“Ainsi, il est certain que des milliers de morisques qui quittèrent ce Royaume de Valence, même pas le quart survécut. Nombreux périrent en mer noyés, jetés par-dessus bord par les patrons des bateaux qui les volaient. D’autres naufragèrent sans pouvoir atteindre les plages de la Berbérie.

Les Arabes en tuèrent un nombre infini. La plupart moururent de faim, de soif, de froid et d’affliction après leur arrivée en Afrique, où ils se voyaient exilés d’un paradis terrestre dans les sables, la sécheresse et la chaleur ardente de ces contrées, et aux mains de cette gente si féroce, inhumaine et barbare. C’eût été encore mieux pour l’Espagne, si tous avaient péri. »

Berbérie
Il s’agit de la première déportation humaine d’un système politique et d’un pouvoir organisés en Etat, la seule aussi où l’on constate qu’une autorité étatique déporte en dehors de son cercle de souveraineté et d’influence des personnes qui relèvent directement de cette autorité. L’estimation des déportés varie entre 500.000 et 1.000.000 de personnes, voire plus.

Plusieurs trouvèrent refuge en France, en Italie, au Maghreb et en Turquie, principalement, mais nombreux furent ceux qui n’arrivèrent nulle part, voués dès le départ à une mort certaine : L’Etat organisateur de cette déportation n’avait-il pas estimé les pertes acceptables à 75%?

Les morisques furent déportés mais aussi dépossédés de leurs biens qui revinrent à la Couronne et à ceux qui ont organisé la déportation, tel que le Duc de Lerma, dont la fortune personnelle dépassa les moyens financiers du Trésor Public. Ces biens revinrent aussi à l’inquisition, pour une large part.

La corruption et l’inefficacité dominaient trop l’administration locale sous Philippe III pour que cette déportation soit réalisable en totalité. De nombreux morisques, heureusement pour eux, passèrent à travers le filet qui leur fut tendu, d’autres revinrent plus tard d’Afrique ou de France, d’autres surent encore acheter leur immunité.

Les morisques de Hornachos, méthodiques et gérant leurs malheurs, sont arrivés, par bateaux affrétés par eux, dans un premier temps à Salé. Considérés comme de curieux musulmans avec des mœurs particulières, ils durent opter pour une installation dans la ville jumelle de Salé, Rabat, dite Salé le neuf.

Ils ont perpétué leur mode de vie, de gestion et d’organisation, basé sur la solidarité et l’espoir du retour avec le rejet de tout ce qui n’est pas de leur essence. Repliés sur eux-mêmes, il vécurent jusqu’à l’indépendance en 1956 avec ce modèle social dont l’érosion avait débuté avec l’institution de Rabat comme capitale du Royaume par le Maréchal Lyautey en 1912.

Survivances
Ils portent, pour une grande partie, un nom andalou à consonance ibérique: Moréno, Palimano, Trédano, Mouline, Ronda, Roudies (Rodriguez), Barco, Bargach (Vargas), Caracso (Carasco), Cérone, Dinia, Koria, Farchado, Piro, Fennich, Palafrej, Palamino… Ils sont toujours fiers de leurs noms.

D’autres morisques, les Torres, Médina, Almandre… ont élu domicile à Tétouan, autre ville morisque du Maroc où, là aussi, ils perpétuent toujours le souvenir de leurs ancêtres par la culture, l’érudition et la musique dite andalouse.

A Fès, les nouveaux arrivants en ce début du 17°siècle se sont joints aux premiers migrants andalous qui quittèrent l’Andalousie dès les premières victoires de la “reconquista  » au XIII° siècle, n’acceptant pas de vivre comme mudéjars dans leur ancienne patrie.
Ces descendants de morisques perpétuent, pour l’Histoire, le souvenir de ceux pour lesquels le Cardinal Richelieu affirmait, dans ses mémoires, que « les commissaires de la déportation faisaient payer aux morisques lors de leurs déplacements forcés, l’eau des ruisseaux et l’ombre des arbres», et dont Ulysse Robert disait, dans son ouvrage Les signes d’infamie au moyen-âge édité à Paris en 1891, que « les morisques reçurent, lors du règne de Jeanne la Folle, l’ordre de porter des croissants de lune en tissu bleu sur leurs chapeaux, croissant de lune de la taille d’une demi-orange.»

L’histoire de l’Islam dans cette partie de l’Europe commence avec Wittiza, dont on ne connait pas le destin des nombreux fils, qui ont tout fait pour que Tarik prenne pied sur la péninsule. Leurs descendants furent-ils vieux-chrétiens ou nouveaux-chrétiens? Où sont-ils? A Rabat ou Tetouan? A Alméria ou Barcelone, ayant échappé à une funeste fatalité ? Dans la région de Mâcon en France grâce à Henri IV l’humaniste? Ou bien le transporteur privé les a-t-il jetés en mer?… Chacun dans ses certitudes, pourra-t-il donner sa réponse?

Déjà, dès la disparition de Paul V, pontife qui régnait lors de la déportation, l’édit de 1609 commença à peser comme une grande dalle sur la conscience de la population de la péninsule, et l’on a considéré comme injuste et inutile la déportation de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Cette déportation scella le déclin de l’Espagne, alors forte, riche et conquérante: Les artisans de cette puissance avaient disparu.

Youssef Elidrissi, Maroc Hebdo no. 521
Revu et corrigé par: Omar Tounsi

http://www.maroc-hebdo.press.ma/MHinternet/Archives_521/pdf_521/page30et31.pdf
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Source de remplacement : https://groups.google.com/forum/#!topic/gcrp/bkCP08gj0BI

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