« All Power to the people », textes et discours des Black Panthers

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Avec l’aimable autorisation des éditions Syllepse

uneBeaucoup de choses ont été dites à propos du Black Panther Party et à la fois trop peu. L’imagerie du Black Panther Party et quelques citations brandies comme des résumés réducteurs de cette expérience ont souvent nourri des fantasmes et figé une histoire encore méconnue, une histoire violente, complexe et contradictoire dans un pays qui était alors secoué par de multiples mouvements : bataille pour les droits civiques et révoltes urbaines, mouvement contre la guerre au Vietnam, féminisme, contre-cultures, radicalisation ouvrière.

De la même manière que la vie de Malcolm X est souvent présentée comme une trajectoire de rédemption l’ayant conduit du « racisme anti-blanc » à l’internationalisme socialiste, on voit souvent esquissé un parcours similaire quand il est question des Black Panthers, qui seraient passées du nationalisme noir séparatiste au marxisme-léninisme internationaliste. En réalité, on cherchera en vain cette trajectoire linéaire.

Il serait plus juste de voir le Black Panther Party comme une synthèse en tension permanente de nationalisme noir et de socialisme révolutionnaire. Les Panthères sont donc à la fois un mouvement -d’affirmation raciale – dans un pays où la domination blanche et la ségrégation modèlent les existences – avec toutes les haines, les affects et les stratégies que cela implique, et un mouvement révolutionnaire prônant la lutte des classes et la solidarité internationale avec les peuples qui combattent le capitalisme, l’impérialisme américains et la suprématie blanche1. Le nationalisme noir – notamment à travers le mot d’ordre d’autodétermination de la « colonie noire » –, si présent dans le fameux programme en dix points du parti, restera un des piliers du Black Panther Party :

Notre principal objectif politique est la mise en place, sous l’auspice des Nations unies, d’un référendum ouvert seulement aux sujets de la colonie noire, afin que le peuple noir puisse décider de son destin en tant que nation.

Le nationalisme des Panthères est un nationalisme révolutionnaire où l’autonomie de la communauté noire signifie à la fois la rupture complète avec le système d’oppression et d’exploitation et la transformation profonde de tous les aspects de l’existence. C’est aussi en cela qu’ils s’opposent aux courants modérés et « petits-bourgeois » qui sont aux commandes des organisations du mouvement des droits civiques et qu’ils travaillent au recrutement dans les marges de l’Amérikkke, dans les ghettos, les gangs, les pénitenciers, de ceux qu’ils appellent les « frères du bloc », bloc qui désigne autant les blocs d’immeubles que les blocs cellulaires des prisons.

Prenant acte de la ségrégation raciale, sociale et spatiale, le parti des Panthères choisit les communautés comme unité de base d’organisation et d’action. Celles-ci ont toujours été définies sur une base raciale, ce qui va amener les Panthères à poser la question des alliances avec les organisations similaires dans les communautés portoricaines, chicanas, chinoises et blanches, et à mettre cette orientation en pratique.

Enfin, on assiste également à des tentatives de survalorisation de certains aspects de l’activité des Panthères au détriment d’autres. Ainsi, certains insistent sur les programmes communautaires (comme les petits déjeuners gratuits pour les écoliers) pour dépasser l’imaginaire de l’autodéfense armée, laquelle est par d’autres mise en avant comme une activité unique, sans doute du fait de la puissance des images qu’elle renvoie. Mais dans cet imaginaire et cette fascination, l’insistance sur cette dimension « militaire » ne va jamais bien loin, que ce soit en amont, en n’inscrivant pas le Black Panther Party dans une tradition d’autodéfense noire qui remonte aux temps de l’esclavage et de la ségrégation, ou en aval, car il faudrait alors notamment parler de la Black Liberation Army, du passage de l’autodéfense armée à la lutte armée qui impliqua un grand nombre de militants du Black Panther Party, qui tomberont sous les balles de la police ou sont encore aujourd’hui enfermés dans les prisons américaines.

En réalité, comme on pourra le lire, les activités communautaires et l’autodéfense armée sont deux aspects inséparables de cette expérience d’autodétermination en acte qu’ont impulsé les Black Panthers.

Si autant de propos contradictoires ont pu être tenus sur le Black Panther Party, c’est qu’il a laissé une empreinte dans la mémoire inversement proportionnelle à sa durée de vie extrêmement courte à la charnière des années 1960 et 1970. Si le Black Panther Party a existé en tant qu’organisation de 1966 à 1982, et en tant qu’organisation révolutionnaire seulement cinq ans, de 1966 à 1971, il a marqué une rupture dans la lutte des Noirs en « Amérikkke2 ».

Pour expliquer l’irruption du Black Panther Party, tout comme celle du Black Power dont elle est inséparable3, il faudrait remonter au moins jusqu’au panafricanisme, au mouvement de Marcus Garvey, aux organisations noires sous influence communiste des années 1920 et 19304, aux expériences des Noirs durant la Deuxième Guerre mondiale, à la tradition noire d’autodéfense5 et bien sûr aux insurrections anticoloniales et aux luttes de libération nationale. Ici, plus modestement, nous partirons de la naissance des Panthères noires sur les cendres des révoltes urbaines qui secouent les ghettos noirs à partir de la deuxième moitié des années 1960.

Jusqu’en février 1968, le Black Panther Party était une petite orga-nisation locale. Mais cette année-là tout changea. Au mois de décembre, le parti avait ouvert des sections dans vingt villes, de Los Angeles à New York […]. En 1970, il avait des sections dans 68 villes de Winston-Salem à Omaha en passant par Seattle. Le Black Panther Party était devenu le centre d’un mouvement révolutionnaire aux États-Unis6.

C’est cette ascension fulgurante, et la violence que vont lui opposer l’État amérikkkain et les forces de la suprématie blanche, qu’il faut essayer d’expliquer.

De la révolte de watts à l’organisation contre la police

Alors que le mouvement des droits civiques vient d’arracher une conquête avec l’adoption du Civil Rights Act en 1964, la deuxième moitié des années 1960 va être marquée par des centaines de révoltes urbaines dans les ghettos noirs et latinos, le plus souvent déclenchées par des violences ou des crimes policiers ; révoltes qui vont rythmer le développement du Black Panther Party à partir de sa création en 1966.

Parmi ces révoltes, l’une des plus connues est celle de Watts en août 1965, déclenchée par un contrôle de police au cours duquel une mère inquiète pour son fils est frappée par la police. Un énième contrôle qui intervient sur fond de terreur policière : à Los Angeles, entre janvier 1962 et juillet 1965, 65 crimes policiers s’étaient produits, dont 64 considérés par les autorités comme des « homicides justifiés ». Les émeutes de Watts dureront six jours et se solderont par 34 morts, plus de 1 000 blessés et près de 4 000 arrestations. Relayant les propos de policiers affirmant avoir eu l’impression de « se battre contre les Vietcongs », la chaîne CBS, dira : « Ce n’était pas une émeute. C’était une insurrection contre toutes les formes d’autorité […] Si ça avait été plus loin ce serait devenu une guerre civile7. »

Les cendres des bâtiments brûlés sont encore chaudes quand Martin Luther King, venu à Watts pour apporter un message d’apaisement et en appeler à la non-violence, est accueilli par de la défiance et des sarcasmes. Huey Newton, cofondateur du Black Panther Party, se rappellera de la venue de Martin Luther King « pour tenter de calmer les gens » : « On a appris aux Noirs à être non-violents, c’était inscrit profondément en nous. Mais quelle valeur a la non-violence quand la police est résolue à s’imposer par la force8 ? »

Pour répondre aux révoltes urbaines, le gouvernement lance sa « guerre contre le crime » et déploie un arsenal juridique et policier renforcé9, en s’appuyant sur des discours scientifiques et sociologiques décrivant les « tendances naturelles » à la délinquance des communautés noires et portoricaines. Cette époque marque les débuts de l’incarcération massive des Noirs et des Latinos, de ce qui va être appelé le « complexe industrialo-carcéral ». La justice et la prison deviennent des outils de criminalisation, de contrôle et d’enfermement d’un nombre toujours croissant de non-Blancs. Cela fera dire au Panthère new-yorkais Zayd Shakur, à peine quelques années après le début de cette « guerre contre le crime » : « Les prisons sont de véritables extensions de nos communautés10. »

Après les révoltes de Watts, face aux violences et aux crimes policiers, des activistes locaux lancent les Community Alert Patrols, des groupes destinés à surveiller les agissements de la police. L’objectif est clairement résumé par l’un de leurs membres : « Il n’y a qu’une façon d’arrêter tout ça, c’est de sortir nos flingues et de commencer à tirer11. » Très vite, les Community Alert Patrols ornent leurs voitures d’une panthère noire, tout comme de nombreux groupes à cette époque qui prennent l’animal pour emblème, à l’instar des activistes du comté de Lowndes, dans l’Alabama ségrégué, luttant pour l’inscription des Noirs sur les listes électorales et tentant de se défendre contre la terreur raciste de la police et du Ku Klux Klan12. C’est d’ailleurs en entendant parler de ces luttes à Lowndes que Bobby Seale et Huey P. Newton décident d’utiliser la panthère comme emblème de leur parti, le Black Panther Party for Self-Defense13, le Parti de la panthère noire pour l’autodéfense.

Bobby Seale et Huey Newton, tous deux originaires des quartiers ouest d’Oakland14, s’étaient connus étudiants au Merrit College où ils militaient dans une organisation affiliée au Revolutionary Action Movement, une organisation d’autodéfense armée née dans le Sud ségrégué sous l’influence de Robert Williams15. Si le discours du Revolutionary Action Movement – un nationalisme noir révolutionnaire qui lie le sort de la « colonie noire » aux États-Unis à celui des autres peuples colonisés à travers le monde – a de l’influence sur les deux hommes, ils lui reprochent son incapacité à mobiliser les « frères du bloc » et à apporter une réponse populaire concrète, c’est-à-dire physique, aux violences policières qui sont la face quotidienne et la plus brutale de l’emprise du système.

C’est au cours de l’année 1966 que Huey P. Newton et Bobby Seale, rapidement rejoints par Elbert Howard, Sherwin et Reggie Forte et Lil’ Bobby Hutton, cherchent à « organiser la rage16 » dans une ville, Oakland, que des experts gouvernementaux ont désigné comme un des ghettos « les plus susceptibles de devenir le prochain Watts17 ».

L’organisation de cette rage va passer par la lutte pied à pied contre l’ennemi principal, du moins le plus direct, de la communauté : la police. Après avoir étudié en détails la législation sur le port et le transport d’armes, le Black Panther Party naissant va commencer à patrouiller dans les quartiers ouest d’Oakland. Ces patrouilles donnent fréquemment lieu à des affrontements, les Panthères rendent les coups, mettent la police en joue, insultent les flics en les traitant de « porcs », de « chiens ». C’est avec ces confrontations, auxquelles les habitants assistent, qu’ils commencent à faire connaître leur organisation dans leur communauté qui voit ces initiatives d’un bon oeil, car « les Panthères n’ont fait que cristalliser les sentiments existants à l’égard de la police ; dans la communauté noire, la police avait toujours été perçue comme une armée d’occupation18 ».

Les Panthères vont également asseoir leur légitimité en apportant leur soutien aux familles victimes de violences ou de crimes policiers. Le 1er avril 1967, à North Richmond, près d’Oakland, un jeune Noir de 22 ans, Denzil Dowell est abattu de plusieurs balles dans le dos et la tête par la police. Le scénario est classique : la police aurait été appelée pour un cambriolage, elle aurait vu Denzil Dowell et un autre homme s’enfuir et aurait alors tiré. La famille et le quartier vont aussitôt se mobiliser et relever les incohérences de la version policière : aucune trace d’effraction n’a pu être relevée, le policier qui a tué Denzil l’avait menacé par le passé et l’expertise montre que Denzil avait les mains en l’air quand il a été abattu. Des preuves disparaissent et très vite un jury blanc conclut à un « homicide justifié ». Dès le lendemain du meurtre, Newton et Seale, contactés par un proche de la famille, se rendent à un meeting organisé par la soeur de Denzil. Les Panthères vont alors commencer leur contre-enquête, chercher des témoins, passer du temps avec la famille, aller voir le légiste et les différents experts, organiser des réunions d’information dans les rues de North Richmond. Le 25 avril 1967, le premier numéro du journal du parti, The Black Panther, titre « Pourquoi Denzil Dowell a-t-il été tué ? » et appelle à un nouveau meeting qui se tient dans une rue qu’ils ont bloqué. Après un point sur l’enquête, les Panthères appellent les gens à se défendre et voient arriver des habitants du quartier venus avec leurs propres armes.

C’est par ces tactiques visant à se protéger et à riposter face à la police que le Black Panther Party commence à attirer l’attention des autorités qui prennent alors des mesures pour identifier les membres du parti et leurs véhicules de patrouille.

Le 2 mai 1967, une loi rendant illégal le port d’armes chargées dans l’espace public, le Mulford Act, doit être adoptée par le Congrès de Californie. Ce jour-là, une délégation de Panthères armées se rend à Sacramento où, sur les marches du Congrès, Bobby Seale va lire une déclaration dénonçant « une loi destinée à ce que les Noirs demeurent désarmés et impuissants alors même que les forces de police racistes intensifient la terreur, la brutalité, les meurtres et la répression des Noirs à travers le pays19 ». Sur le chemin du retour, ils seront arrêtés et accusés de conspiration en vue d’envahir le Congrès. Si cette action les fait connaître largement, l’adoption du Mulford Act va les contraindre à changer de tactique face à la police.

Collectif angles morts

« All Power to the people », textes et discours des Black Panthers

Editions Syllepse – Radical America,

http://www.syllepse.net/lng_FR_srub_37_iprod_670-all-power-to-the-people-textes-et-declarations-des-black-panthers-.html

Réédition Paris 2016, 400 pages, 17 euros

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The Last Poets – New York, New York (1970)‬

 

1. Le Black Panther Party se mobilise contre la guerre au Vietnam en partant du constat que les Noirs ont aux États-Unis un statut de « colonisés » et qu’ils sont massivement envoyés au Vietnam pour combattre un peuple qui essaie de se libérer de l’oppression coloniale et impérialiste. Au nom de la solidarité entre peuples en lutte, écrit Tom Van Eersel, le parti soutien le Vietcong et des contacts sont établis avec la résistance vietnamienne : « Le Black Panther Party propose même aux Vietnamiens d’envoyer sur le front des combattants Panthères noires », Tom Van Eersel, Panthères noires. Histoire du Black Panther Party, Montreuil, L’Échappée, 2007.

2. Joseph Peniel distingue trois phases dans l’existence du Black Panther Party, une phase révolutionnaire de 1966 à 1971, une phase réformiste marquée par la campagne autour de la candidature au poste de maire d’Oakland de Bobby Seale, entre 1971 et 1974, et une dernière phase, entre 1974 et 1982, celle du déclin au cours de laquelle le Black Panther Party devient une organisation locale de plus en plus insignifiante. Voir Joseph Peniel, « The Black Power movement : A state of the field », The Journal of American History, vol. 96, n° 3, décembre 2009.

3. Sur les origines du Black Power, voir Joseph Peniel, Waiting ‘til the Midnight Hour. A Narrative History of Black Power in America, New York, Henry Holt and Company, 2007.

4. Voir Ahmed Shawki, Black and Red. Les mouvements noirs et la gauche américaine, Paris, Syllepse, 2012 ; C.L.R. James, Sur la question noire, Paris/Québec, Syllepse/M. Éditeur, 2012.

5. Des insurrections d’esclaves aux ligues de défense rurales du Sud ségrégué en passant par les « unités paramilitaires d’autodéfense » de l’African Blood Brotherhood. Voir Akinyele Omowale Umoja, « Repression breeds resistance : the Black Liberation Army and the radical legacy of the Black Panther Party », New Political Science, vol. 21, n° 2, 1999. Pour ne citer qu’un exemple, nous évoquerons l’expérience d’autodéfense menée par Gloria Richardson à Cambridge, dans le Maryland, et que Malcolm X citera comme exemple de la « révolution noire » en marche. En 1963, ce mouvement organisa la défense des manifestations pour les droits civiques contre les suprématistes blancs en plaçant des snipers. La Garde nationale fut envoyée pendant un an à Cambridge. Le ministère de la justice fut obligé d’intervenir et de négocier une « trêve » entre le mouvement de Richardson et les autorités locales.

6. Joshua Bloom et Waldo E. Martin Jr., Black against Empire. The History and Politics of the Black Panther Party, Berkeley, University of California Press, 2014. De nombreux éléments historiques de cette introduction, ainsi que son titre, sont issus de ce livre qui est selon nous la meilleure histoire des Black Panthers. Quant au nombre de membres, le chiffre généralement avancé est celui d’environ 10 000 en 1969.

7. Black against Empire, op. cit., p. 28-29.

8. Huey P. Newton, Revolutionary Suicide, New York, Penguin, 2009, p. 110.

9. La police reçoit notamment en dotation les surplus militaires de la guerre au Vietnam.

10. Cité dans Dan Berger, We Are the Revolutionnaries : Visibility, Protest and Racial Formation in the 70’s, Publicly accessible Penn Dissertations, Paper 250, p. 70-71. Voir Michelle Alexander, The New Jim Crow : Mass Incarceration in the Age of Colorblindness, New York, The New Press, 2012 (trad. française à paraître aux éditions Syllepse).

11. Cité dans Black against Empire, op. cit., p. 39.

12. Le Lowndes County Black Panther Party ou Lowndes County Freedom Organization se constitua en 1965 avec le soutien de Stokely Carmichael et du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC, « Comité non-violent de coordination des étudiants »).

13. Huey Newton commentera ce choix en disant : « Si tu pousses la panthère noire dans un coin, elle va tenter de fuir en passant par la gauche. Si tu la coinces là, elle va vouloir s’échapper par la droite. Et si tu continues à l’opprimer et à la pousser dans ce retranchement, tôt ou tard, cette panthère va sortir de là et va décimer quiconque l’oppressera », cité par Tom Van Eersel, op. cit.

14. Ces quartiers se forment ou se développent fortement durant la Deuxième Guerre mondiale qui voit de nombreuses familles noires fuir le régime d’apartheid du Sud en s’installant dans des villes du Nord et de l’Ouest où ils sont confrontés à un racisme et une ségrégation qui s’exercent différemment. Pour ne parler que de la police, en 1966, celle d’Oakland ne comptait que 16 Noirs sur 661 agents.

15. Robert Williams, personnage central de l’histoire de l’autodéfense noire aux États-Unis, est l’auteur de Negroes with Guns, paru en 1962. Suite à des menaces de lynchage et une accusation fabriquée de kidnapping, il s’exile à Cuba. Son livre et les expériences d’autodéfense armée auxquelles il a participé ont influencé de nombreux groupes comme les Deacons for Defense and Justice et les Black Panthers.

16. « Organiser la rage » est le titre d’une des parties du livre Black against Empire, qui correspond pour ses auteurs à la période 1966-mai 1967 au cours de laquelle le parti se construit et développe sa première tactique face à la police.

17. Black against Empire, op. cit., p. 38.

18. Jamal Joseph, un militant du Black Panther Party new-yorkais cité dans Robert J. Here, Lost in the whirlwind : The New York Black Panther Party, Political Repression and the Rise of the Black Liberation Army, thèse, Rutgers College, mai 2010.

19. Black against Empire, op. cit., p. 59-60.

20. Ibid., p. 67

21. Ibid., p. 68.

22. Ibid., p. 87.

23. Le Peace and Freedom Party est fondé en 1966-1967 en Californie. Impliqué dans le mouvement antiguerre et dans le soutien aux luttes pour les droits civiques, il adopte dès sa création une stratégie électorale. En 1968, il proposera la candidature d’Eldridge Cleaver à l’élection présidentielle avant de le remplacer par Dick Gregory.

24. Cité dans Black against Empire, op. cit., p. 110.

25. Stokely Carmichael et Charles V. Hamilton, Le Black Power. Pour une politique de libération aux États-Unis, Paris, Payot, 2009. Le SNCC était l’une des organisations les plus actives du mouvement noir dans les années 1960. Créé par des étudiants proches de la Southern Christian Leadership Conference de Martin Luther King, il évoluera, sous l’influence de Stokely Carmichael notamment, vers des positions proches du Black Power, franchissant ainsi le pas de la non-mixité raciale en 1965. Le SNCC jouera un rôle important dans les freedom rides, les campagnes itinérantes contre la ségrégation et pour l’inscription des Noirs sur les listes électorales dans le Sud. Après les émeutes de Watts en 1965, le mouvement prendra clairement ses distances avec le pacifisme des organisations traditionnelles de lutte pour les droits civiques. Il disparaîtra au début des années 1970.

26. Un épisode est souvent cité à ce sujet, celui de la marche de protestation qui suivit l’assassinat de James Meredith, le premier étudiant noir à avoir intégré l’université du Mississippi. Lors de cette marche une division s’opérera entre Martin Luther King et la nouvelle génération menée par Stokely Carmichael qui voulait que la marche soit non-mixte et protégée par les Deacons for Defense. Voir Waiting ’til Midnight Hour, op. cit.

27. À la fin de l’été 1968, des luttes de pouvoir éclatent au sein de la direction du SNCC, opposant James Forman à Stokely Carmichael qui ont des positions opposées sur les relations avec le Black Panther Party. Le SNCC prendra finalement parti pour Forman et mettra un terme à ses relations avec les Panthères.

28. En 1947, la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) présenta à l’ONU un document intitulé « Un appel au monde ». Rédigé sous la supervision de W. E. B. Du Bois, il portait en sous-titre : « Une déclaration concernant le refus de reconnaître leurs droits humains aux minorités dans le cas des citoyens américains afro-descendants et un appel aux Nations unies pour obtenir réparation ». En 1951, la pétition « Nous les accusons de génocide » fut présentée aux Nations unies par William L. Patterson, secrétaire exécutif national du Congrès pour les droits civils. La pétition était un catalogue des lynchages et autres violences dont des Noirs avaient été victimes et réclamait l’intervention des Nations unies au titre de l’article 2 de la Convention sur le génocide. En 1964, Malcolm X assista à la conférence de l’Organisation de l’unité africaine afin de pousser les nations africaines à porter devant les Nations unies la question des droits des Noirs. Cette même année, Jesse Gray, leader de la grève des loyers de Harlem, informa la presse qu’il avait l’intention d’organiser une manifestation au siège des Nations unies « pour demander à l’ONU de mettre fin à la terreur policière aux États-Unis ».

29. Cité dans Black against Empire, op. cit., p. 136

30. Sa mort déclenchera trois semaines de révoltes dans les ghettos noirs de plus de 120 villes. Elle sera par ailleurs instrumentalisée par le pouvoir qui y verra l’opportunité de se gagner le soutien des organisations noires modérées. Le président Johnson qualifiera ainsi Martin Luther King de « martyr américain » et s’affichera à une cérémonie funèbre en son honneur aux côtés de dirigeants de l’Urban League et de la NAACP.

31. Black against Empire, op. cit., p. 122.

32. L’histoire new-yorkaise explique l’identité particulière et les alliances de la section locale. Ses membres adoptent pour la plupart des noms africains ou arabes (Kuwasin Assata, Dhoruba ou Zayd, par exemple) et portent des vêtements africains. La direction nationale d’Oakland leur interdira leurs alliances locales avec des groupes nationalistes culturels ou d’utiliser le drapeau panafricain noir rouge et vert.

33. Voir « Repression breeds resistance : the Black Liberation Army and the radical legacy of the Black Panther Party », art. cité.

34. Cité dans Black against Empire, op. cit., p. 227.

35. Cet agent témoigne dans le documentaire Bastards of the Party. Cité dans « “La victoire est dans la lutte”. Entretien avec Ahmad Raman, ex-Black Panther », quartiersxxi.org. Ce documentaire, réalisé par Cle Sloan, un ancien membre des Bloods, retrace l’histoire des gangs à Los Angeles à partir de l’époque des droits civiques. Le titre du documentaire est tiré d’une phrase de City of Quartz, de Mike Davis, que le réalisateur a lu en prison : « Même le Los Angeles Times doit reconnaître que la destruction des Panthères conduisit directement à une recrudescence des gangs au début des années 1970. Les Crips, le plus extraordinaire de ce phénomène des nouveaux gangs, étaient un rejeton bâtard du charisme passé des Panthères, venu combler le vide laissé par les équipes d’intervention du LAPD. » Voir également le projet alternatif de reconstruction rédigé et publié en commun par les Bloods et les Crips après les révoltes de 1992, « Quand les gangs de South Central produisent un plan alternatif », L’Autre Amérique, n° 0, Paris, Syllepse, 1992.

36. « La victoire est dans la lutte », art. cité. En plus du meurtre de Clark et Hampton, quatre autres Panthères sont grièvement blessés et trois autres arrêtés lors de cette opération. Quelques heures plus tard, le procureur général de l’État déclare que la police a trouvé une cache d’armes et a tiré en état de légitime défense. On apprendra rapidement que c’est la police elle-même qui avait placé des armes lourdes dans le salon et dans deux des chambres et que rien n’indiquait qu’elle avait agi en riposte à des tirs des Panthères. L’enquête du grand jury confirmera que la police n’avait pas agi en état de légitime défense mais aucun policier ne sera inculpé.

37. Black against Empire, op. cit., p. 177. En anglais les programmes du Black Panther Party sont tous baptisés « Free » (« Free breakfast for children », « Free busing », « Free health clinics », etc.) qui en anglais veut dire à la fois « libre » et « gratuit ».

38. Ibid., p.182.

39. Voir cahier photos, p. 211.

40. Ibid., p. 181.

41. « Blouses blanches et Panthères noires. Entretien avec Alondra Nelson », Vacarme, n° 65, avril 2013.

42. Sur cette expérience voir « Lincoln Detox Center : The people’s drug program. Interview with Vicente Panama Alba », The Abolitionist, n° 19, 2013.

43. « Cointelpro » est l’acronyme de « Counter Intelligence Program ». Voir à ce sujet Ward Churchill et Jim Vander Wall, The Cointelpro Papers : Documents from the FBI’s Secret Wars against Dissent in the United States, Boston, South End Press, 2001.

44. Cité dans Brian Glick, War at Home : Covert Action against US Activists and What We Can Do About It, Boston, South End Press, 1989.

45. À l’instar d’Eldridge Cleaver qui a pris la fuite dès l’autonome 1968 pour rejoindre Cuba avant de trouver refuge à Alger où il lance la section internationale du Black Panther Party. C’est à Alger, en juillet 1969, à l’occasion du festival panafricain qu’avec Emory Douglas et Masai Hewitt ils rencontrent les représentants d’autres mouvements de libération, du Mozambique, d’Angola et d’Afrique du Sud. Voir le documentaire de William Klein tourné lors du festival et sorti l’année suivante, Eldridge Cleaver.

46. Black against Empire, op. cit., p. 347.

47. Voir George Jackson, Les Frères de Soledad, Paris, Syllepse, 2013.

48. Black against Empire, op. cit., p. 377.

49. « Repression breeds resistance », art. cité.

50. Black against Empire, op. cit., p. 374. Le rapport se poursuit ainsi : « Le conflit entre Huey Newton et Elridge Cleaver menace de conduire à une phase de violence et de terreur dans ce qui reste du Panther Party. […] Il est difficile de croire qu’il y a un an à peine les Panthères […] fascinaient la gauche, mettaient la police dans tous ses états, terrifiaient une grande partie de l’Amérique et avaient un impact extraordinaire sur la communauté noire. »

51. « Repression breeds resistance », art. cité.

52. Assata Shakur, Assata. An Autobiography, Londres, Zed Books, 1987.

53. « Repression breeds resistance », art. cité.

54. Malgré la répression, la BLA tente de renforcer le mouvement en se dotant d’un commande-ment central, le Coordinating Committee, afin de mieux coordonner les actions qui se poursuivent.

55. Alors que nous rédigeons ces lignes, nous apprenons la mort, le 11 mars 2016, derrière les murs d’une prison du Nebraska de Mondo We Langa, après quarante-cinq années d’enfermement. Il avait été condamné à perpétuité en 1970 avec Edward Pointdexter pour le meurtre d’un policier d’Omaha. À la fin des années 1970, une enquête révélera les agissements du Cointelpro pour faire condamner de nombreux Black Panthers, dont les « deux d’Omaha ». Pour plus d’informations sur les prisonniers politiques, voir le site du Jericho Movement : http://www.thejerichomovement.com.

56. L’expression est de George Jackson. Voir Les Frères de Soledad, op. cit.

57. Ibid.

58. À propos de la langue utilisée dans Les Frères de Soledad par George Jackson, voilà ce que disait Jean Genet dans préface : « Le prisonnier doit se servir du langage même, des mots, de la syntaxe de son ennemi alors qu’il sent le besoin d’une langue séparée qui n’appartiendrait qu’à sa nation […] il n’a donc qu’une ressource : accepter cette langue mais la corrompre si habilement que les Blancs s’y laisseront prendre. L’accepter dans sa richesse, augmenter encore sa richesse, et faire passer en elle toutes les hantises et toute la haine du Blanc », Les Frères de Soledad, op. cit.

59. Souvent, les affiches d’Emory Douglas étaient imprimées à 10 000 ou 20 000 exemplaires et distribuées et collées dans les quartiers noirs. Voir Erika Doss, « Revolutionary art is a tool for liberation. Emory Douglas and protest aesthetics at the Black Panther », New Political Science, vol. 21, n° 2, 1999.

60. Ibid.

61. Les dozens africains-américains sont des affrontements verbaux, sur le modèle des « clashs » que l’on trouve dans le rap dont ils sont les précurseurs, qui se déroulent en public et qui voient les deux participants échanger des « snaps », des insultes. L’origine de ces dozens est souvent expliquée comme un moyen d’évacuer les tensions générées par le racisme et la domination et qui ne pouvaient s’exprimer contre les Blancs.

Du Collectif angles morts :

Permis de tuer. Chroniques de l’impunité policière, les-crimes-policiers-et-leur-signification-politique/

Vengeance d’État. Villiers-le-bel des révoltes aux procès, Absence de procès pour les uns et condamnation pour les autres

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Dans la collection Radical America :

Ahmed Shawki : Black and Red. Les mouvements noirs et la gauche américaine 1850-2010, Rétablir le riche passé, nié, rejeté ou dénigré, du radicalisme états-unien

C. L. R. James : Sur la question noire. Sur la question noire aux États-Unis 1935-1967, qui-sommes-nous-ici-pour-nous-lever-ou-plutot-rester-assis-et-leur-dire-ce-quils-doivent-faire-ou-ne-doivent-pas-faire/

James Baldwin : Le jour où j’étais perdu. La vie de Malcolm X : un scénariola-situation-de-lhomme-blanc-lui-interdit-daccuser-qui-que-soit-de-haine/

George Jackson : Les frères de Soledad, jappartiens-a-un-peuple-juste-lent-a-se-mettre-en-colere-mais-dont-rien-ne-peut-endiguer-la-fureur/

Manning Marable : Malcolm X. Une vie de réinventions (1925-1965), la-tradition-des-rebelles-noirs-transgresse-lordre-moral-dominant/

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