Nouveaux tarifs dans plusieurs musées fédéraux

masque-venise-418
Principales victimes: les visiteurs précaires
Avant de quitter son poste de ministre de la Politique Scientifique, Paul Magnette a opté pour une évolution interpellante des tarifications de plusieurs parmi nos musées fédéraux qui se concrétisent actuellement, et pour plusieurs années.

Il revient à Philippe Courard, le nouveau ministre chargé de cette matière, de prendre l’initiative d’une concertation avec les représentants des associations qui soutiennent les intérêts des visiteurs, dont celles qui défendent les droits des différents publics lésés par les nouvelles mesures qui se mettent en place actuellement:

– les jeunes,
– les personnes âgées,
– les demandeurs d’emploi,
– les personnes handicapées.
 
En mai 2009, le ticket qui permet de visiter à la fois le Musée d’Art Ancien et le Musée d’Art Moderne connait une hausse substantielle: il passe de 5€ à 8€ (pour une offre moins importante puisqu’il ne permet plus, dès ce moment-là, de découvrir les nombreuses œuvres de Magritte regroupées dans un nouveau «musée» spécifique).
Au début 2011, lorsque l’offre muséale est réduite de moitié par la fermeture soudaine du Musée d’Art Moderne (avec, on suppose, des économies substantielles en frais de gardiennage, d’assurances, d’électricité, etc.), il eût été honnête de ramener, par exemple à 4€, l’entrée pour l’unique Musée d’Art Ancien, ce qui ne sera jamais le cas, et ce malgré de nombreuses protestations. 8€ continueront d’être perçus.
Sur ce point, il existe pourtant d’autres pratiques muséales.
Un exemple en France: plusieurs salles étant fermées pour travaux, le Musée des Beaux-Arts de Rennes ramena pendant de nombreux mois son prix d’entrée de 4,45€ à 1,05€.
Depuis janvier 2013 et pour les années à venir, le tarif «prix plein» se stabilise à 8€.
Par contre, les réductions et les gratuités en prennent un sacré coup!
Vont subir les évolutions tarifaires, en pleine crise économique, essentiellement les populations fragilisées, celles précisément pour qui le prix de l’entrée constitue de tout temps un obstacle non négligeable à leur venue au musée.
Ce changement radical de politique tarifaire est imposé aux musées par le gouvernement fédéral (sur base, quand même, des propositions de la Commission de gestion des MRBAB, les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, formulées les 15 juin 2011 et 14 juin 2012).
Jusqu’à présent, l’entrée était gratuite tous les jours pour les jeunes (-18ans).
Désormais, seuls, profiteront de cette mesure les moins de 6 ans (s’ils sont accompagnés d’un adulte «payant»), les autres visiteurs de 6 à 18 ans, s’acquittant d’un tarif préférentiel à 2€.
La gratuité pour les demandeurs d’emploi (relativement récente puisque mise en place en 2009) et celle pour les personnes handicapées passent à la trappe et sont remplacées par une réduction à 2€.
Quant aux réductions pour les + de 60 ans, elles ne sont désormais plus attribuées qu’aux + de 65 ans.
Aucune explication du pourquoi de pareils changements n’est proposée aux visiteurs. On en est toujours au stade stalinien de la communication alors qu’il y aurait là un franc débat citoyen à tenir avec les usagers culturels du service public.
Des évolutions analogues se retrouvent dans les nouvelles tarifications d’autres institutions fédérales: Musée Magritte Museum, Musée des Instruments de Musique, etc.
On va progressivement passer de 5€ à 32€
Le Moniteur du 21 décembre dernier acte une autre décision du ministre Magnette:
il y aura bien un droit d’entrée de 8€ pour le futur Musée Fin de Siècle quand il occupera, rue de la Régence, l’espace jadis attribué au Musée d’Art Moderne.
En moins de cinq ans, les Musées Royaux des Beaux Arts de Bruxelles vont ainsi réussir l’exploit de quasi multiplier par cinq le prix de leur entrée.
La surface à visiter ne s’est guère développée.
Pareille entité est toujours en évolution et les conservatrices qui ont précédé Michel Draguet, lorsqu’elles réaménageaient une section, n’augmentaient pas pour autant le prix du ticket unique qui permettait de tout découvrir: les œuvres anciennes et modernes (dont les Magritte), soit 5€ en tout et pour tout.
L’apport (!!!) de Michel Draguet, le conservateur actuel, est d’avoir, par un beau travail de communication, défini ces sections comme étant des «musées» spécifiques, ce qui lui a permis de multiplier progressivement par trois les tickets.
En 2009, la tarification est remaniée une première fois avec la naissance du Musée Magritte Museum: 8€ pour celui-ci, et 8€ pour le ticket couplé qui permet de visiter les sections ancienne et moderne. Il ne restait plus qu’à «dédoubler» ce dernier ticket…
Dans quelques mois, quand le Musée Fin de Siècle sera enfin accessible au public, on passera à une addition salée de 24€ (soit 3 x 8€), si l’on ne visite pas les trois entités muséales le même jour (sinon, un ticket couplé limite quelque peu les dégâts). Quand existera un nouveau lieu où l’on pourra réadmirer, de façon provisoire ou définitive, la collection d’art moderne reléguée scandaleusement dans les réserves des MRBAB, on passera à 4 x 8€.
Tout ceci n’est et ne sera sans doute pas sans conséquence sur la fréquentation.
Il faut rappeler que le passage en 1997 de la gratuité quotidienne à l’entrée payante (150 FB) exigée par le ministre Yvan Ylieff (qui réduisit à la même époque la dotation des Musées Royaux des Beaux-Arts de 7 millions de FB) fut désastreux: plus des 2/3 du public a déserté. On est passé de 953.316 (en 1996) à 306.321 visiteurs (en 2001).
Si le succès du Musée Magritte Museumest bien réel (mais pour combien de temps encore?), il va de pair avec une diminution de fréquentation de plus en plus préoccupante pour le reste des collections des Musées Royaux des Beaux-Arts.
Si les résultats du Musée Magritte Museum sont, chaque année, hyper médiatisés, ceux du reste des collections des Musées Royaux des Beaux-Arts ne le sont guère. Par exemple: en 2012, plus que 143.490 entrées (prix plein, réductions, entrées gratuites) pour le Musée d’Art Ancien (le Musée d’Art Moderne étant fermé depuis février 2011).
Comme les visiteurs étrangers continuent d’affluer, il conviendra de se préoccuper de la désertion progressive de la population locale, à moins que «notre» institution muséale fédérale la plus emblématique n’ambitionne plus qu’une vocation de tirelire touristique.
Autrefois, aller au musée s’apparentait financièrement à fréquenter un ciné-club.
Aujourd’hui, les tickets délivrés peuvent être aussi onéreux que ceux des grands complexes cinématographiques. On change de catégorie!
Si pareille évolution ne peut être empêchée dans les structures privées, elle doit être contenue dans les institutions subsidiées où la part des rentrées «tickets» est relativement limitée dans le budget. Il faut maîtriser l’envolée des tarifs en vue d’assurer la démocratisation de l’accès de la culture à tous nos concitoyens.
« Cette décision politique est un mauvais signal pour les jeunes ! » indique le communiqué de presse diffusé le 23 mai 2013 par le Conseil de la Jeunesse de la Fédération WB qui appelle le Ministre Courard à revenir sur la décision et se rend disponible « pour réfléchir ensemble à des mesures facilitant un accès privilégié à la culture pour les jeunes ».
Pour le CJ : «  (…) la gratuité offrait l’avantage d’inciter certains jeunes à pousser les portes des plus grands musées du pays, ce qu’ils ne feront sans doute plus si l’accès en devient payant » :
Bernard Hennebert,
Coordinateur de Consoloisirs.be
Auteur de «Les musées aiment-ils le public?»

(Éditions Couleur Livres)

Spread the love

Laisser un commentaire