Seul a un sens progressiste ou non le contenu politique et économique de l’indépendanceCette nouvelle collection « Pensées d’hier pour demain » se propose d’offrir au public, jeune en particulier, de courts recueils de textes de divers-e-s actrices/acteurs qui, hier, furent au cœur de la lutte des peuples pour l’émancipation et dont, aujourd’hui, la pensée s’impose toujours comme de la plus grande actualité.
Dans son introduction Bachir Ben Barka décrit l’itinéraire intellectuel et politique de son père. Il indique, entre autres, l’autocritique, somme toute assez rare chez les militant-e-s, « il analysera dans une autocritique franche et responsable, les erreurs du mouvement national marocain durant les pourparlers d’Aix-les-Bains qui avaient préparé le retour d’exil de Mohamed V et l’indépendance du Maroc ». Il souligna aussi qu’au lendemain de l’indépendance, Mehdi Ben Barka « comprend rapidement qu’elle ne peut avoir de signification réelle que si la souveraineté et l’initiative du peuple deviennent le fondement même des nouvelles institutions du pays ». Il parle aussi de l’exil, de l’Organisation de solidarité des peuples afro-asiatiques, de la Conférence Tricontinentale, de son assassinat à Paris et « Ensuite, le scandale soulevé par ce crime d’État s’est prolongé par le scandale des raisons des États invoquées pour empêcher la vérité de voir le jour ».
Les différents textes choisis éclairent les positions de Mehdi Ben Barka sur les communes rurales, la lutte contre l’analphabétisme, l’éducation, l’arabisation de l’enseignement, la nécessaire participation constante et active des populations, le journal Manar al Maghrib « seul journal en langue arabe vocalisée », les relations franco-maghrébines, la forte colonie française implantée au Maroc « qui impose des obligations car nous entendons bien la voir se maintenir chez nous et s’y développer », le Maghreb comme terre de coopération, « Mais la communauté de pensées, de buts et de destins est telle entre les trois peuples d’Afrique du Nord et leurs mouvements de libération, qu’en parlant d’une partie on parle nécessairement du tout et inversement ».
L’auteur analyse aussi l’impérialisme comme agression permanente, les problèmes des pays sous-développés, « Un autre trait commun est né d’une espèce de conscience d’exploitation économique et de sous-développement, donc d’une aspiration vers le progrès social même lorsque l’exploitation économique apparaît sous le jour d’un néocolonialisme économique, ou d’un néocolonialisme national, quand certains privilégiés nationaux veulent prendre la place des privilèges étrangers », la réforme agraire et la redistribution des terres, la réunion de Bandung, l’aide technique et financière, l’expérience de la Guinée, le colonialisme racial en Afrique du Sud, la révolution nationale en Afrique et en Asie, les fausses indépendances, « La compréhension de la réalité du néocolonialisme, l’étude précise des moyens qu’il emploie, l’isolement des éléments qui lui servent d’appui dans nos pays, demandent un travail constant d’investigation et de clarification », l’option révolutionnaire au Maroc, la lutte d’autodétermination en Algérie, « L’avenir de la Révolution algérienne n’est pas seulement un problème algérien, c’est aussi le nôtre et celui de tout le Maghreb arabe », la bourgeoisie, les tâches anti-impérialistes, la violence…
Le livre se termine sur « L’appel de la Tricontinentale ».
Des textes pour rappeler les nécessaires luttes d’indépendance et reprendre les débats sur des apports et des limites des révolutions « anti-coloniales »…
Dans la même collection :
Patrice Lumumba : Entre la liberté et l’esclavage il n’y a pas de compromis
Frantz Fanon : Aussi notre revendication est-elle d’emblée totale et absolue
Amilcar Cabral : La lutte de libération est un fait essentiellement politique
Voir aussi l’ouvrage de Saïd Bouamama : Figures de la révolution africaine. De Kenyatta à Sankara, Zones 2014, Sortir l’Afrique de la nuit coloniale
Mehdi Ben Barka : Recueil de textes introduit par Bachir Ben barka
CETIM, Pensées d’hier pour demain, Genève 2013, 96 pages, 8,50 euros