Blocus des Etats-Unis contre Cuba : encore une fois, le monde entier dit « NON » (sauf…)

Il y a quelques heures : pour la vingtième année consécutive, l’Assemblée Générale des Nations Unies demande – à l’unanimité moins deux états-voyous (les Etats-Unis et Israël) – la levée du blocus des Etats-Unis contre Cuba.

C’est la seule résolution qui ose nommer les Etats-Unis par leur nom et c’est la seule résolution qui recueille une telle unanimité. Les médias ne vous en parleront pas, pas plus qu’ils ne mentionneront (au mieux) le blocus et encore moins vous expliqueront (et puis quoi encore ?) en quoi il consiste.

Merci à tous nos lecteurs d’assurer une diffusion maximum à cette information (un des secrets les mieux gardés par les médias). Les trolls se déchaîneront mais qu’importe…

Votes aux Assemblées Générales des Nations-Unies sur la nécessité de cesser le blocus des Etats-Unis contre Cuba

Année Date Pour Contre Abstention Pays votant contre
1992 24 Novembre 59 2 72 Etats-Unis, Israel
1993 3 Novembre 88 4 57 Etats-Unis, Israel, Albanie, Paraguay
1994 26 Octobre 101 2 48 Etats-Unis, Israel
1995 2 Novembre 117 3 38 Etats-Unis, Israel, Ouzbékistan
1996 12 Novembre 137 3 25 Etats-Unis, Israel, Ouzbékistan
1997 Octobre 143 3 17 Etats-Unis, Israel, Ouzbékistan
1998 Octobre 157 2 12 Etats-Unis, Israel
1999 Novembre 155 2 8 Etats-Unis, Israel
2000 Novembre 167 3 4 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall
2001 Novembre 167 3 3 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall
2002 Novembre 173 3 4 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall
2003 Novembre 179 3 2 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall
2004 Octobre 179 4 7 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall, Palau
2005 Novembre 182 4 1 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall, Palau
2006 Novembre 183 4 1 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall, Palau
2007 Novembre 184 4 1 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall, Palau
2008 Octobre 185 3 2 Etats-Unis, Israel, Palau
2009 Octobre 187 3 2 Etats-Unis, Israel, Palau
2010 Octobre 187 2 3 Etats-Unis, Israel
2011 25 Octobre 186 2 3 Etats-Unis, Israel

Communiqué de l’Ambassade de Cuba en France

Pour la vingtième année consécutive, le blocus des États-Unis contre Cuba a reçu une nouvelle et large condamnation à l’Assemblée Générale des Nations Unies.

La résolution intitulée « Nécessité de mettre fin au blocus économique, commercial et financier imposé par les Etats-Unis d’Amérique contre Cuba » a été adoptée hier, 25 octobre par la majorité favorable de 186 nations, contre 2 (Les Etats-Unis et Israël) et 3 abstentions (La Micronésie, Les Îles Marshall et Palau).

Depuis 50 ans, le blocus économique, commercial et financier des États-Unis contre Cuba, constitue l’obstacle principal au développement du pays.

Le montant du préjudice économique direct infligé au peuple cubain par le blocus étasunien, depuis sa mise en place jusqu’au mois de décembre 2010, s’élève à 975 milliards de dollars, compte tenu de la dépréciation internationale du dollar face à l’or depuis 1961 jusqu’à 2010.

Il ne s’agit pas d’une question bilatérale entre notre pays et les États-Unis. Il a une évidente application extraterritoriale qui gêne d’une manière significative beaucoup d’autres États y compris la France et d’autres pays européens.

Cuba a une fois de plus obtenu le soutien de la communauté internationale et exige donc des États-Unis la levée immédiate du blocus.

Paris, le 26 octobre 2010

Ambassade de Cuba en France

EN COMPLEMENT

Rapport de Cuba sur le blocus présenté à l’Assemblée Générale de l’ONU – Juillet 2011 http://www.legrandsoir.info/rapport-de-cuba-sur-le-blocus-ju…

CITATIONS

« [nous supprimerons les quotas sucriers cubains] ce qui provoquerait une chute brutale et immédiate de l’industrie sucrière cubaine et généraliserait encore plus le chômage. De grandes quantités de personnes se retrouveraient sans travail et commenceraient à avoir faim. » – mémo du département d’Etat des Etats-Unis – 24 Juin 1959

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« Il faut utiliser au plus vite tous les moyens possibles d’affaiblir la vie économique cubaine (…) afin de provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement. » – Christian Herter – Secrétaire d’Etat Etats-Unien – 6 Avril 1960

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« Cette nuit, la première du blocus, il y avait à Cuba quelque 485550 voitures, 343300 réfrigérateurs, 549700 postes de radio, 303500 téléviseurs, 352900 fers à repasser, 288400 ventilateurs, 41800 machines à laver, 3510000 montres, 63 locomotives et 12 paquebots. Tout, à l’exception des montres suisses, avait été fabriqué aux Etats-Unis. » – Gabriel Garcia Marquez

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« Lorsque ce régime sera tombé, il faudra passer un bulldozer de Pinar del Rio jusqu’à Santiago car tous les habitants de cette île ont été, à un moment ou un autre, des partisans de cette Révolution. Il faudra ensuite la repeupler avec les gens de Miami. » – Yanoska Perez – Porte parole de la CANF – (organisation anti-castriste basée à Miami)

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« Le blocus économique contre Cuba, que les Etats-Unis ont imposé depuis trois décennies, est un crime contre l’humanité. On ne peut interdire nourriture et médicaments à un pays pour des raisons idéologiques, raciales ou religieuses. » – Gonzalo Garcia Bustillos, Ambassadeur du Vénézuela à Cuba, Juin 1992

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« s’il existait une violence justifiable, ce serait celle qui s’exerce actuellement, et qui s’est exercée dans les années 60, contre le régime de Castro ». – Jacobo Machover (dissident « anticastriste »), juste après les attentats contre des hôtels à Cuba, dans la revue « Trazos de Cuba » en septembre 1997

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« Il n’y a qu’un tribunal qui compte ici, c’est la Cour Suprême des Etats-Unis. Il n’y a qu’une loi qui s’applique ici, c’est la Constitution des Etats-Unis. » – Sénateur Jesse Helms, Président de la Commission des Affaires Etrangères du Sénat en réference au non-respect (par les Etats-Unis) des lois internationales, 1998

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« Cuba est la première priorité du gouvernement américain. Tout le reste est secondaire. Aucun effort ne doit être négligé, avec les moyens nécessaires, les hommes nécessaires et le temps qu’il faudra… » – Bob Kennedy, 19 janvier 1962

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« De toutes les ironies exprimées par la politique étrangère américaine, notre position vis-à-vis de Cuba est la plus paradoxale. Une forte dégradation de la situation économique a provoqué une poussée du nombre de Cubains entrant illégalement aux Etats-Unis. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour détériorer la situation économique et ainsi accroître le flux. Nous encourageons également cet exode en accordant aux Cubains, qui arrivent illégalement ou qui s’approchent par voie de mer, un statut de résident et une assistance pour s’installer. Dans le même temps, nous n’avons pas respecté les quotas de visas pour les Cubains désireux d’immigrer aux Etats-Unis […] quand Castro tente d’empêcher des cubains malheureux de quitter leur pays infortuné, nous l’accusons de violation des droits de l’homme. Mais quand il menace d’ouvrir grand les portes si nous continuons à accueillir sans limites des cubains sans visas – y compris ceux qui ont commis des actes de violence pour aboutir à leurs fins – nous brandissons des menaces imprécises mais aux conséquences terribles. » – Jay Taylor, responsable de la section des intérêts américains à Cuba entre 1987 et 1990, in « Playing into Castro’s hands », the Guardian, Londres, 9 août 1994.

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« Il est certain que les Américains sont très contents de notre Mouvement… Je veux dire, de ce que nous avons appelé « Plate forme pour les droits de l’homme et la démocratie à Cuba  » … « Nous nous sommes aperçus qu’il n’y avait [à Cuba] ni éducation ni santé. » … « Parce que là-bas les gens doivent parler tout bas, car ils se sentent persécutés par la Sécurité de l’Etat. Cela les rend malades. Je ne connais pas d’autre pays où les gens ont le visage presque déformé à force de faire des grimaces pour parler bas et dans la crainte, comme ça, sur le côté… » – LIDWIEN ZUMPOLLE, Coordinatrice de la Section Amérique latine à Pax Christi Hollande

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« Quand je suis retourné à Cuba en Février [1993]… J’ai découvert des pédiatres exerçant dans des hôpitaux splendides qui passaient chaque matin à compter les rares médicaments pour les enfants… le directeur d’un centre de soins me faisait part de ses craintes de voir le lait disparaître pour les touts petits, comme cela était déjà le cas pour les enfants de plus de sept ans… Que doit-on penser au sujet d’un embargo qui interdit nourriture et médicaments aux enfants ? J’ai honte. » – Dr Benjamin Spock – lettre au New York Times, le 3 Juin 1993.

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« Le Blocus a été instauré par les Etats-Unis au nom de la « Démocratie » et du « Monde Libre ». Mais le monde est-il plus démocratique lorsqu’une machine-outil tombe en panne faute de pièces détachées ? Le monde est-il plus libre lorsqu’un médecin cubain opère sans anésthésie ? » – Viktor Dedaj

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« A un moment c’était l’Angola. A un autre moment c’était l’Amérique Centrale… mais ce n’était en réalité que rhétorique. En fait, la seule condition préalable qu’ils [les Etats-Unis] ont jamais posée reste la même depuis le tout début : ils n’aiment pas la Révolution Cubaine, point. Ils ne l’ont jamais aimé et ont passé plus de 30 ans à essayer de nous reconquérir. La rhétorique diplomatique change selon les époques mais fondamentalement Washington poursuit toujours exactement le même objectif : l’élimination de la Révolution Cubaine… Mais il faut se souvenir que tout a commencé en Mai 1959 quand nous avons voté la Loi sur la Réforme Agraire. Washington ne s’est jamais fait à cette idée… Le conflit USA-Cuba doît être vu plus à la lumière de nos relations bilatérales que dans un contexte de confrontation Est-Ouest. C’est pour cela que le conflit demeure, bien que la Guerre Froide ait cessé et que l’Union Soviétique n’existe plus.  » Ricardo Alarcon – Ministre des Affaires Etrangères de Cuba – 1992

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« Exiger – sans autre forme de procès – LE multipartisme, LA démocratie, des élections « libres » et une presse « libre » à 150 km de Miami est une façon comme une autre d’aller pisser sur la tombe de Salvador Allende. » – Viktor Dedaj

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« Le gouvernement des Etats-Unis sont seuls, défiant la volonté des nations du monde, dans la mise en oeuvre de cet crime contre l’humanité. Il agit dans l’intérêt d’une poignée de groupes économiques qui veulent s’approprier les richesses de Cuba et appauvrir le peuple Cubain dont la révolution apporta la santé, les libéra de la misère et apporta aussi une éducation universelle partagée avec les pauvres de la planète. Cessez cette honte. » – Ramsey Clark (ex-Ministre de la Justice des Etats-Unis)

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« De ce pays [les Etats-Unis] gonflé de richesses matérielles et intellectuellement misérable, où il y a tant de sans-abris et d’affamés, j’ai pu admirer la lutte de Cuba pour partager ses maigres ressources afin que chacun puisse retrouver sa dignité. Cuba est admiré dans le monde entier parce que les cubains ont démontré un amour, un engagement et un sens du sacrifice pour tout ce qui – les êtres comme la planète – est opprimé, pour tout ce qui souffre. Aujourd’hui, à l’heure où souffre à son tour Cuba, il est temps d’agir.  » – Alice Walker (Pasteurs pour la Paix – USA)

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« …La mal nommée loi « Cuban Democracy Act » [loi dite Torricelli (n.d.r.)] est questionable dans sa théorie, cruelle dans ses mesures pratiques et ignoble dans le contexte expéditif en cette période électorale… Une minorité influente de la communauté cubano-américain réclame à cors et à cris le renforcement des mesures contre un régime blessé… Il y a finalement quelque chose d’indécent à voir vociférer ces exilés vivant en sécurité à Miami et réclamant encore plus de douleur pour leurs cousins plus pauvres… » – New York Times, éditorial du 15 Juin 1992.

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« Cuba, où il y a ni disparus, ni meurtres, ni tortures, subit depuis trente ans un blocus qui entraine d’immenses privations pour son peuple et freine son développement.  » – Beinusz Szmukler, président de l’Association Américaine des Juristes – 1994

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« L’embargo exprime la confusion entre vendetta et politique d’intérêt national. C’est une relique de la guerre froide.  » – George Miller – membre du Congrès des Etats-Unis – 1994

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« Les exemples de Cuba et de l’Irak rendent évidents le fait que les sanctions économiques sont, à la base, une guerre contre la santé publique. Notre éthique exige une défense de la santé publique. Alors, en tant que médecins, nous avons le devoir moral d’appeler à la fin des sanctions. Ayant découvert la cause, nous devons agir pour l’eliminer. Permettre à notre raison de dormir produira plus de monstres. » – Editorial du New England Journal of Medecine, 24 Avril, 1997

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«  »Certes, certes, mais le blocus n’explique pas tout » me disent ceux qui se croient bien inspirés. Mais moi j’attends toujours que quelqu’un, parmi nos médias, me dise enfin ce que le blocus explique. » – Viktor Dedaj

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« Tant qu’il y aura l’impérialisme, nous ne pouvons nous permettre le luxe du pluri-partisme. Nous ne pourrions jamais concurrencer l’argent et la propagande que les Etats-Unis déverseraient ici. Nous perdrions non seulement le socialisme, mais notre souveraineté nationale aussi » – Eugenio Balari in Medea Benjamin, « Soul Searching, » NACLA Report on the Americas 24, 2 (August 1990) : 23-31.

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« Il s’agit de permettre au peuple cubain de se lever et de dire « nous n’en pouvons plus » « . – Dennis Hays Miami Herald, 19 Juin, 2004 – ancien directeur de la Fondation Nationale Cubano-Américaine.

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« Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba, nous n’avons rien dit, nous n’étions pas Cubains « . – Viktor Dedaj

« Les sanctions économiques contre Cuba constituent le principal obstacle au développement du pays »

Salim LAMRANI

 

 

 

 

 

Cuba Si France : Vous venez de publier un nouvel ouvrage sous le titre Etat de siège. De quoi traite-t-il exactement ?

SL : Comme son sous-titre l’indique, ce livre traite des sanctions économiques unilatérales que les Etats-Unis imposent à Cuba depuis 1960. Elles ont été établies en pleine Guerre Froide dans le but de renverser le gouvernement révolutionnaire de Fidel Castro dont les réformes économiques et sociales n’étaient guère appréciées par l’administration Eisenhower de l’époque. Plus d’un demi-siècle plus tard, alors que l’Union Soviétique a disparu et que la Guerre Froide n’est plus qu’un vieux souvenir, Washington persiste à maintenir un état de siège économique qui asphyxie toutes les catégories de la population cubaine et qui affecte en premier lieu les secteurs les plus vulnérables à savoir les femmes, les personnes âgées et les enfants.

Il faut savoir que la rhétorique diplomatique pour justifier l’hostilité étasunienne vis-à-vis de Cuba a fluctué selon les époques. Dans un premier temps, Il s’agissait des nationalisations et leurs indemnisations. Par la suite, Washington a évoqué l’alliance avec l’Union soviétique comme principal obstacle à la normalisation des relations entre les deux pays. Puis, dans les années 1970 et 1980, l’intervention cubaine en Afrique, plus précisément en Angola et en Namibie, pour aider les mouvements de libération nationale à obtenir leur indépendance et pour lutter contre l’Apartheid en Afrique du Sud, a été pointée du doigt pour expliquer le maintien des sanctions économiques. Enfin, depuis l’effondrement de l’Union soviétique, Washington brandit l’argument de la démocratie et des droits de l’homme pour maintenir l’étranglement économique sur la nation cubaine.

CSF : Quel est justement l’impact de ces sanctions sur la population cubaine ?

SL : Les sanctions économiques contre Cuba constituent le principal obstacle au développement du pays et tous les secteurs de la société en sont affectés. Il faut savoir les Etats-Unis ont toujours été le marché naturel de Cuba pour des raisons historiques et géographiques évidentes. La distance qui sépare les deux nations ne dépasse pas les 150 km. En 1959, 73% des exportations cubaines étaient destinées au marché étasunien et que 70% des importations en étaient issues. Il y avait donc une forte dépendance à l’égard du Voisin du Nord. Entre 1960 et 1991, les relations avec l’URSS avaient permis d’atténuer l’impact des sanctions mais ce n’est plus le cas désormais.

Concrètement Cuba ne peut rien vendre aux Etats-Unis, qui reste le premier marché du monde, et ne peut rien acheter hormis quelques matières premières alimentaires depuis l’année 2000, mais à des conditions drastiques tels que le paiement des marchandises à l’avance, dans une autre monnaie que le dollar – donc Cuba doit assumer les frais de taux de change – et sans possibilité de contracter un prêt. Cela limite donc énormément les possibilités commerciales de l’île, qui doit se fournir auprès de pays tiers à un coût bien supérieur.

CSF : Vous soulignez également le caractère extraterritorial des sanctions économiques.

SL : En effet, depuis 1992 et l’adoption de la loi Torricelli, les sanctions s’appliquent également aux pays tiers qui feraient du commerce avec Cuba, ce qui constitue une grave violation du droit international qui prohibe à toute législation nationale d’être extraterritoriale– c’est-à-dire de s’appliquer au-delà du territoire national. En effet, la loi française ne peut pas s’appliquer en Espagne tout comme la loi italienne ne peut pas s’appliquer en France. Néanmoins, la loi étasunienne sur les sanctions économiques s’applique à tous les pays qui font du commerce avec Cuba.

Ainsi toute embarcation étrangère qui accosterait à un port cubain se voit interdire l’entrée aux Etats-Unis pendant six mois. Cuba étant une île, elle est fortement tributaire du transport maritime. La plupart des flottes commerciales opérant dans le détroit de Floride réalisent logiquement la plus grande partie de leurs activités avec les Etats-Unis au vu de l’importance du marché. Donc, elles ne prennent pas le risque de transporter des marchandises à Cuba et lorsqu’elles le font, elles exigent un tarif bien supérieur à celui appliqué aux pays voisins tels qu’Haïti ou la République dominicaine, afin de pallier au manque à gagner découlant de l’interdiction d’accoster à un port étasunien. Ainsi, si le prix habituel du transport de marchandises est de 100 pour la République Dominicaine, il passe à 600 ou 700 lorsqu’il s’agit de Cuba.

CSF : Vous revenez également sur le caractère rétroactif des sanctions économiques.

SL : Depuis l’adoption de la loi Helms-Burton en 1996, tout entrepreneur étranger qui souhaiterait investir à Cuba sur des terres nationalisées en 1959, se voit menacé de poursuites judiciaires aux Etats-Unis et ses avoirs risquent d’être gelés. Cette loi est une aberration juridique dans la mesure où elle est à la fois extraterritoriale et rétroactive – c’est-à-dire qu’elle s’applique pour des faits survenus avant l’adoption de la loi – ce qui est contraire au droit international. Prenons le cas de loi anti-tabac en France. La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Mais si on a fumé dans un restaurant le 31 décembre 2007, on ne peut pas être condamné pour cela car la loi ne peut pas être rétroactive. Or la loi Helms-Burton s’applique pour des faits survenus dans les années 1960, ce qui est illégal.

CSF : Les Etats-Unis affirment que les sanctions économiques sont une simple question bilatérale et qu’elles ne concernent pas le reste du monde.

SL : Les exemples que j’ai cités précédemment démontrent le contraire. Je vais en citer un autre. Un constructeur automobile allemand, coréen ou japonais – peu importe sa nationalité en réalité – doit démontrer au Département du Trésor que ses produits ne contiennent pas un seul gramme de nickel cubain pour pouvoir les vendre sur le marché étasunien. Il en est de même pour toutes les entreprises agroalimentaires souhaitant investir le marché étasunien. Danone, par exemple, devra démontrer que ses produits ne contiennent aucune matière première cubaine. Donc, Cuba ne peut pas vendre ses ressources et ses produits aux Etats-Unis mais dans ces cas précis, elle ne pourra pas les vendre à l’Allemagne, la Corée ou le Japon. Ces mesures extraterritoriales privent ainsi l’économie cubaine de nombreux capitaux et les exportations cubaines de nombreux marchés à travers le monde.

CSF : les sanctions économiques ont également un impact dans le domaine de la santé.

SL : En effet, près de 80% des brevets déposés dans le secteur médical sont du fait des multinationales pharmaceutiques étasuniennes et de leurs filiales, ce qui les place dans une situation de quasi monopole. Cuba ne peut y avoir accès en raison des restrictions imposées par le gouvernement des États-Unis. Or il faut savoir que le droit international humanitaire interdit tout type de restriction à la libre-circulation d’aliments et de médicaments, y compris en temps de guerre. Et officiellement, les Etats-Unis ne sont même pas en guerre contre Cuba.

Un exemple précis : Les enfants cubains ne peuvent bénéficier du dispositif Amplatzer fabriqué aux Etats-Unis qui permet d’éviter une chirurgie à cœur ouvert. Des dizaines d’enfants sont en attente de cette intervention. Rien que pour l’année 2010, quatre enfants ont intégré cette liste. : María Fernanda Vidal, âgée de 5 ans, Cyntia Soto Aponte, âgée de 3 ans, Mayuli Pérez Ulboa, âgée de 8 ans et Lianet D. Alvarez, âgée de 5 ans.

Ces enfants sont-ils responsables du différend qui oppose La Havane à Washington ? Non ! Pourtant ils en payent le prix !

CSF : Dans votre livre, vous revenez également sur le caractère irrationnel de certaines restrictions.

SL : En effet, il faut savoir que depuis 2004 et l’application stricte des règles du Bureau de Contrôle des Biens Etrangers (OFAC), tout touriste étasunien qui consommerait un cigare cubain ou un verre de rhum Havana Club lors d’un voyage à l’étranger risque une amende d’un million de dollars et dix années de prison. Autre exemple : un Cubain vivant en France ne peut théoriquement pas manger un hamburger à Mc Donald’s. Ces mesures sont irrationnelles car elles sont inapplicables. Les Etats-Unis ne disposent pas des ressources matérielles et humaines pour mettre un fonctionnaire étasunien derrière chaque touriste. Néanmoins, elles illustrent l’obsession des Etats-Unis à étouffer économiquement les Cubains.

CSF : Votre ouvrage contient un prologue de Wayne S. Smith et une préface de Paul Estrade, qui sont connus des spécialistes, mais sans doute moins du grand public. Rappelez-nous qui sont-ils ?

SL : Wayne S. Smith est un ancien diplomate étasunien, et actuellement professeur à l’Université Johns Hopkins de Washington. Il a été le dernier diplomate étasunien en poste à Cuba avec le rang d’ambassadeur entre 1979 et 1982. Il s’est distingué par sa politique de dialogue et de rapprochement avec La Havane sous le gouvernement de James Carter. C’est un partisan d’une normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis et il dresse dans le prologue un constat lucide sur le caractère anachronique, cruel et inefficace des sanctions économiques.
Quant à Paul Estrade, il est professeur émérite à l’Université Paris VIII et il s’agit sans doute du meilleur spécialiste de Cuba en France. Ses travaux sur la question sont une référence dans le monde universitaire. Dans sa préface, il rappelle la manière dont l’état de siège contre Cuba est le plus souvent occulté par les médias lorsqu’ils abordent les difficultés économiques de ce pays.

Interview de Cuba Si France http://www.lesamisdecuba.com/

Etat de siège. Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba
Prologue de Wayne S. Smith
Préface de Paul Estrade
Paris, Editions Estrella, 2011
15€

Disponible en librairie et sur http://www.amazon.fr/Siege-Sanctions-Economiques-Etats-Unis-…

Pour toute commande dédicacée, veuillez contacter : lamranisalim@yahoo.fr

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