« Dégage, sale nègre ! » ou le continuum colonial

Depuis plus d’un mois, les Congolais de Belgique manifestent contre la réélection truquée du dictateur Joseph Kabila en RDC. D’interdictions officielles en tolérances quadrillées, le droit de protester leur est désormais refusé sur Bruxelles. Déni de droit qui s’est doublé d’une nouvelle agression de Belges d’origine congolaise par des policiers fous furieux. Le « crime » de Cathy et Julie Mubenga ? Avoir manifesté ? Avoir commis des déprédations ? Incendié une voiture ou détruit une vitrine commerciale ? Non : être « nègres » au mauvais endroit, au mauvais moment ! Coup de projecteur sur cette sauvagerie policière négrophobe bénéficiant d’une totale impunité politique …

La Bourse à Bruxelles

4 janvier, Bruxelles, 15h30. Toléré pendant une trentaine de minutes, un sit-in s’est achevé sur les marches de la Bourse, une heure et demie plus tôt. L’objectif des manifestants : « Prier pour ramener la Justice au Congo ». Réunie à l’appel des pasteurs congolais de Belgique, la centaine de personnes présentes a majoritairement quitté les lieux. Comme d’habitude en surnombre et très nerveuses, les forces de l’ordre quadrillent encore les alentours.

Sur le trottoir, Cathy Mubenga tente de ne pas y prêter attention. Elle a un autre souci en tête. En compagnie de sa sœur, Julie Mubenga, elle guette l’arrivée de son mari, Simon Mabuila, et de son beau-frère, Emmanuel Pindi, partis garer la voiture. Sa sœur et son fiancé sont venus de Rotterdam (Pays-Bas) pour passer les fêtes de fin d’année à Bruxelles. L’heure est à la détente touristique. Ce jour-là, la famille a décidé de manger dans la célèbre enseigne américaine de restauration rapide, située en face des marches de la Bourse.

Soudain, un policier en civil se dresse devant Cathy ! Et l’insulte avec des propos racistes : « Qu’est-ce que tu fais, ici ? Dégage, sale pute ! Sale nègre ! Dégage ! ». Estomaquée, Cathy tente une explication : « Mais non, j’attends mon mari et mon beau-frère pour aller manger au …  ». Le policier la coupe : « Tu ne dois pas être ici ! Le feu est vert : traverse la rue ! Dégage ! ». Cathy refuse d’obtempérer. Estimant qu’elle n’a commis aucun délit et qu’elle a le droit de se trouver sur la voie publique. Le pandore se dirige rapidement vers une dizaine de ses collègues en uniforme. Cathy décide finalement d’emprunter le passage pour piétons, suivie par Julie.

« Pendant que je marchais, j’ai senti un violent coup de pied dans mes jambes : je suis directement tombée par terre », poursuit la mère de famille. « C’était les policiers qui étaient sur moi et qui voulaient me menotter. Je me suis débattue. Et lorsqu’on m’a tordu le pied, j’ai entendu Julie crier : ‘C’est ma sœur ! Qu’est-ce qu’elle a fait ? Mais qu’est-ce qu’elle a fait ?!’ ». Désespérée, Julie Mubenga tente d’empêcher les policiers de brutaliser sa sœur aînée. L’un des pandores se relève d’un bond et lui décoche un violent coup de coude, droit sur l’artère. La jeune femme perd immédiatement connaissance ! Elle tombe à la verticale sur le sol ; sa tête fracassant le bitume dans un bruit sordide …

D’une violence inouïe, l’ensemble de la scène a été filmée par Roger Bongos, cadreur professionnel, rompu à se faire oublier des forces de l’ordre en plein travail de répression (1). Sans son habileté et son sang-froid, le cameraman, comme d’autres Congolais, se serait fait embastillé, tabassé, ses images confisquées ou détruites. Arrivés quelques minutes plus tard, deux journalistes du site du quotidien Le Soir parviennent à filmer une autre arrestation brutale. Avant de se faire menacer par les pandores et empêchés d’exercer leur métier (2).

 

Message à la ministre Milquet

Inanimée, Julie reçoit les soins d’un passant et de son fiancé, arrivé sur place. Cathy, elle, se retrouve enfermée dans une fourgonnette avec huit policiers. « J’ai été tabassée dans le combis ! », affirme la maman, nous montrant son bras et son poignet gauche recouverts de compresses.

« Ils m’ont tiré les cheveux, déchiré les vêtements, détruit mes lunettes. J’étais menottée, mais ça ne les empêchait pas de me frapper avec leurs matraques et ils n’arrêtaient pas de m’insulter : ’Tu vas voir, sale nègre ! Espèce de macaque, on va te faire retourner là-bas ! Tu mérites une balle comme les macaques’ … Deux jours après, j’ai encore mal partout et des difficultés à respirer ».

Cathy MubengaChoquée mais digne, Cathy interpelle ensuite la ministre de l’Intérieur de son pays : « Je demande à Joëlle Milquet de faire quelque chose contre ces violences ; de ne plus donner l’ordre à ces policiers d’arrêter et de tabasser des citoyens innocents. Nous n’étions pas venus manifester à la Bourse mais pour manger en famille ! Le sit-in a commencé vers 13h00. A ce moment-là, nous étions en train de faire des achats à Ikea. Mon mari et moi sommes ensuite retournés à notre maison chercher ma sœur et mon beau-frère pour aller au centre-ville ». Pour prouver sa bonne foi, Cathy nous montre un ticket de caisse d’Ikea, daté du 4 janvier 2012, imprimé à 13h41. Soit, effectivement, au moment même ou se terminait le sit-in sur les marches de la Bourse …

Julie Mubenga

Hospitalisée, Julie Mubenga restera plus de quatre heures en syncope. Elle regagnera le domicile de sa sœur avec une attelle à la jambe gauche ; en attente des résultats médicaux sur l’absence ou non de séquelles suite à sa commotion cérébrale … « Je reste très angoissée », nous confie Julie. « J’ai fort mal à la tête et aux épaules. J’ai peu d’appétit et ai des difficultés à marcher avec mon attelle … Mais surtout, cela fait très mal de voir que des policiers peuvent maltraiter à ce point des femmes, les tabasser, les insulter alors qu’elles n’ont rien fait. Et même si on avait participé au sit-in, ce n’est absolument pas justifiable. Il faut qu’ils arrêtent de nous frapper et de nous maltraiter, nous, les Congolais ! La mission des policiers, c’est de protéger les citoyens, pas de les frapper  ».

Fiancé de Julie, Emmanuel Pindi estime que « le sit-in était terminé depuis longtemps lorsque nous sommes arrivés à la Bourse. A l’endroit où ils ont agressé Cathy, on devait être, maximum, une vingtaine de personnes d’origine africaine. Mais chaque fois que ces policiers voyaient un Noir, c’est comme si cela décuplait leur colère. C’est comme s’ils voyaient en chaque Africain sur place un dangereux agitateur à maîtriser directement. C’était hallucinant ! ».

Emmanuel Pindi

Et le jeune homme d’enchaîner sur la façon dont il a évité « l’arrestation administrative » : « J’étais aux côtés du Monsieur qui ventilait Julie inconsciente, lorsque le commissaire, qui dirigeait les arrestations, m’a pris par le bras. Il m’a désigné aux policiers pour qu’ils m’embarquent. Juste avant, il a crié  : ‘Qui accompagne la dame en Ambulance ? ’. J’ai répondu : ‘Moi !’. Resserrant son étreinte autour de mon bras, le commissaire a directement dit  : ‘Non !’. En le regardant droit dans les yeux, je lui ai dit : ‘C’est ma fiancée ! Elle vient de Hollande, comme moi. Elle n’a pas ses papiers sur elle et personne ici ne connaît son identité ! Elle est inconsciente : comme va-t-elle faire à l’hôpital ?’ … Il m’a finalement laissé monter dans l’ambulance  ».

Calme et posé tout au long de l’entretien, Emmanuel conclut sur cette conviction : « Une chose est sûre : ils arrêtaient les gens au faciès ! Si vous étiez noir, vous aviez toutes les chances d’être embarqué. Ce fût le cas du Congolais dont l’arrestation brutale a été filmé par vos collègues journalistes du Soir. Je vous l’assure : ce Monsieur ne faisait que parler ! Il n’a touché ni agressé personne. Au moment où le Commissaire a demandé si on avait appelé une ambulance, ce Monsieur a crié : ‘la police est là et c’est nous qui devons appeler l’ambulance ?! Pourquoi vous n’appelez pas cette ambulance ?’. Le Commissaire l’a directement pointé du doigt pour qu’on l’embarque ! Cet homme a été arrêté parce qu’il était noir et qu’il usait de son droit à la liberté d’expression  »

Sauvagerie planifiée 

Vivant en Belgique depuis 36 ans, naturalisé Belge et marié à Cathy Mubenga, Simon Mabuila ne risque pas non plus d’oublier le 4 janvier 2012. « En revenant d’avoir garé la voiture, je vois un attroupement où les choses dégénèrent. J’ignore à ce moment-là que c’est mon épouse qui est brutalisée et mise à terre par huit policiers. Lorsque je la reconnais, je cours et tente d’intervenir, mais suis directement repoussé par d’autres policiers. Ils hurlent  : ‘Si vous traînez encore ici, vous serez embarqué !  ». J’ai répondu  : « Mais c’est ma femme ! Qu’a-t-elle fait pour que vous la traitiez de la sorte ? ». « Dégagez ou on vous embarque ! », ont-ils crié. C’était d’une violence inouïe  ».

Pris entre l’objectif de libérer son épouse et l’état de santé de sa belle-sœur, Simon Mabuila passera la soirée à faire la navette entre plusieurs commissariats et la Clinique Saint-Jean. De ces heures éprouvantes, ce professeur à l’IPFC de Nivelles retient amèrement une chose : « Dans leur attitude et leur façon d’agir, ces policiers ont eu des comportements racistes. Quasiment tout ce qui bougeait et ressemblait à un Noir était pris et jeté dans des combis ! En outre, quand ma belle-sœur est tombée sur le sol, la tête la première, ils auraient pu faire quelque chose, l’assister, appeler une ambulance. Ils n’ont pas bougé ! Pas du tout ! C’est moi qui ai appelé les secours. Dans un pays qui se dit être un pays de droits, c’est inacceptable de traiter les gens comme ça ! ».

Egalement embarquée le 4 janvier et souhaitant conserver l’anonymat, une dame âgée d’une soixantaine d’années témoigne : « J’ai le diabète, j’ai subi deux opérations à l’épaule droite et bénéficie du statut d’invalide depuis 1999. J’ai vu les policiers poursuivre un Congolais. Dans sa course, celui-ci à trébuché sur un vélo et est tombé face contre terre. Tandis qu’il était complètement sonné et que sa main saignait, quatre policiers se sont jetés sur lui ! Ils l’écrasaient et le frappaient. J’ai crié : ‘Laissez-le respirer ! C’est un être humain !’. Dans la minute, deux policiers m’ont entouré et dit : ‘Allez, kom ! Tu viens avec nous !’ ». Je leur ai demandé pourquoi ils m’arrêtaient ? L’un d’eux m’a hurlé au visage : ‘Parce que vous criez !’ » …

Après avoir participé au sit-in des pasteurs congolais, Bénédicte Meiers connaîtra le même sort. Mais, volontairement … « J’étais sur le trottoir en train de discuter avec quatre Congolais », explique cette chercheuse à l’Université de Liège (ULg). « Soudain, on a entendu des cris et on a vu des policiers tabasser plusieurs personnes. C’était d’une violence extrême ! Ceux qui prenaient les coups n’avaient même pas participé au sit-in : c’était des passants … Très vite, mon groupe s’est fait encercler par un mur de policiers. Nous ne pouvions plus bouger. A cet instant, je vois une policière qui me fait signe de m’en aller. Très clairement : ils avaient l’intention d’arrêter les gens avec qui j’étais, mais me laissaient, moi, la Belgo-belge blanche, partir … J’ai décidé de rester. A tour de rôle, ils m’ont fait signe de déguerpir. Je leur ai dit :Je ne partirai pas : je suis observatrice et je veux voir comment travaille la police belge’. Cela les a fort énervés. ‘Puisque Madame veut être solidaire, on l’embarque !’, fût leur réponse  ».

 

Racisme ordinaire

Contrairement aux autres, Bénédicte Meiers ne sera pas victime de violences physiques : « Je me suis laissé faire mais cela aurait pu être violent. Ils sont systématiquement dans la provocation et poussent les gens à bout. Honnêtement, plus d’une fois, j’ai eu envie de les prendre à la gorge. Sachant qu’ils n’attendent que ça pour vous tabasser, je n’ai opposé aucune résistance  ».

Emmenée dans le bus de la police, Bénédicte se retrouve avec Cathy Mubenga, Victorine Ngalula et une trentaine d’autres détenus d’origine congolaise. Elle est la seule blanche menottée. Plus tard, une jeune policière amène la dame d’une soixantaine d’années. La bousculant et l’humiliant, la pandore l’assoit au fond du bus. Puis lance à la senior : « Tiens ! Mets-toi là avec tes copines ! ». « Là, je l’ai engueulée ! », raconte Bénédicte.

« Ils sont dans la vexation systématique et sont imbibés de racisme ordinaire. Par exemple : un policier a demandé à Victorine : ‘Vous êtes chrétienne, Madame ? ’. Cette femme, quinquagénaire, lui répond positivement. ‘Léopold II, vous connaissez ?’, ajoute le policier. Victorine, perplexe, se demande ce qu’il lui veut. Je le regarde et lui demande quel est le rapport ? ‘Avant Léopold II, il n’y avait pas de chrétiens au Congo, Madame !’.’Qu’est-ce que vous allez nous apprendre ?’ lui ai-je rétorqué. ‘Que les Belges ont apporté la civilisation au Congo, c’est ça ?! Et votre comportement d’aujourd’hui, vous croyez que c’est une preuve de civilisation ?’ … On était tout le temps dans ce registre-là, dans la disqualification : l’autre est bête ; l’autre est sauvage. Tout, dans le comportement de ces policiers, leur façon de parler aux gens, de poser des questions et de faire des réflexions insidieuses, est raciste  ».

Malgré nos tentatives, la police n’a pas souhaité répondre à nos questions. Les sœurs Mubenga, Bénédicte Meiers et d’autres s’estiment, eux, victimes d’arrestations arbitraires et d’abus de pouvoir. «  On était sur le trottoir, on ne manifestait pas, on n’entravait pas la circulation et personne n’a occasionné de troubles à l’ordre public  », souligne Bénédicte. Une plainte collective a été déposée par Simon Mabuila, tandis que sont clairement interpellées les responsabilités politiques du Maire de Bruxelles, Freddy Thielemans (PS), du Ministre-président de la Région bruxelloise, Charles Picqué (PS) et de la ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet (CDH) …

 

« Congolais : votez Flamand ! »

Durant le sit-in du 4 janvier, deux pasteurs n’ont pas décoléré. Tenus à distance de la Bourse par un interminable cordon policier, l’un d’eux s’exclame : « Pourquoi, ici à Bruxelles, on nous méprise, nous, les Congolais ? En Flandre, on a marché sans problème et, ce samedi, on sera à Leuven (Louvain). In Vlanderen, geen problemen ! Maar als we zijn in Brussels, altijd problemen ! (3) ».

A ses côtés, l’autre homme de Dieu a cette métaphore glaciale : « Le Bourgmestre de Bruxelles n’a pas répondu à notre demande de sit-in. Ni par écrit, ni par mail, ni par téléphone. Ils n’ont dit ni ‘oui’ ni ‘non’ : voilà pourquoi nous sommes là ! Tout ce que nous voulons dire aux Autorités politiques belges : s’ils veulent la paix au Congo, qu’ils essayent de changer la situation ; qu’ils comprennent que l’homme qui pleure n’est pas un ours qui danse. Le Congolais n’est pas un animal qui doit danser et les Belges, applaudir … S’ils disent que Kabila est la solution pour le Congo alors nous, nous disons que Bart De Wever est la solution pour la Belgique !  ».

Allusion électoraliste que tout Belge comprendra aisément. Voter pour la formation du leader de la NV-A, parti visant la séparation du pays et qui vient de paralyser la gouvernance fédérale plus d’un an et demi, voilà une option qui se répand parmi les Congolais. Sur Bruxelles, le PS comme le CDH, partis francophones qui font généralement le plein de voix d’origine subsahariennes, risquent fort d’y perdre des plumes …

D’abord minoritaires, ces appels à voter NV-A ou CD&V dès les communales d’octobre 2012 se multiplient. Et la sauvagerie policière du 4 janvier ne peut qu’accélérer le phénomène (4). Chantage électoral sans lendemains ou « carte-maîtresse » dans le rapport de force avec un pouvoir politique francophone, obstinément sourd aux aspirations des Congolais de Belgique ?

S’ajoute, en contraste ravageur, la gestion politique et médiatique du « problème » en Flandre. Aucune provocation ou violences policières n’ont été enregistrées à Anvers ou à Louvain lors des marches congolaises. Manifestations qui n’ont d’ailleurs pas été interdites ni entachées de dérives émeutières … Sur la télévision publique flamande VRT, le journaliste Peter Verlinden – 22 ans de couverture du Congo – critique sans fard le scrutin congolais frauduleux (5).

En termes plus feutrés, il semble inviter l’Etat Belge à ne plus se fourvoyer dans un soutien politique non assumé à la dictature de Kabila, sous prétexte de « stabilité  » et d’intérêts économiques à préserver. Une analyse professionnelle, digne et courageuse. Mais tragiquement absente des médias audiovisuels francophones comme sous les plumes des célèbres africanistes francophones, Colette Braeckman et Marie-France Cros (6) …

« La contestation congolaise a ses origines et celles-ci sont connues » (7), rappelle le professeur Mabuila. « Toutes les classes d’âge et classes sociales d’origine congolaises a été et ira dans la rue pour réclamer la liberté et la démocratie en RDC. Là-bas, les chars sont dans les quartiers, la police est partout, tire sur la population ou procède à des enlèvements et des tueries. Autant de crimes qu’un gouvernement d’un pays démocratique comme la Belgique ne peut soutenir ».

 

Au pied du mur

Président du HCLC (Haut Conseil de Libération du Congo), Henri Muke milite depuis 2004 contre la dictature en RDC. « A chaque manifestation à Bruxelles, il y a des policiers qui nous injurient : ‘Sales nègres, rentrez au pays ! Vous n’avez rien à faire, ici !’. On est y habitué. Des policiers sont même venus jusqu’à mon domicile pour me dire de ‘rentrer au Zaïre’, que je n’avais ‘pas à faire de politique en Belgique’. Ils ont dit ‘Zaïre’ au lieu de ‘Congo’, c’est vous dire … », sourit celui que ses amis surnomment avec respect « Combattant ».

« Nous avons dénoncé ce racisme policier au Maire de la commune d’Ixelles, Willy Decourty », poursuit Henri. « On lui a décrit comment ils ont tabassé d’autres femmes et des jeunes à Matonge (quartier africain d’Ixelles secoué par deux semaines d’émeutes, début décembre, ndlr). On lui a raconté comment les policiers lancent des bombes lacrymogènes sur les manifestants pour faire monter la tension. Tout cela relève de plans prémédités. Comme ce qui s’est passé le 4 janvier ».

Du communal au Fédéral, les Autorités belges sont au pied du mur. Soit elles persistent à s’enfoncer dans le continuum colonial – d’autant plus insupportable qu’il accuse plus d’un siècle d’existence oppressive sous des formes diverses – soit elles retrouvent une cohérence avec leur défense affichée des principes démocratiques. Dans le second cas, deux urgences politiques sont incontournables. D’une part, condamner sans équivoque le hold-up électoral du régime Kabila ; d’autre part, cesser de traiter les Congolais et Belges d’origine congolaise en citoyens de seconde zone à qui on interdit de manifester.

De Montréal à Madrid, en passant par Londres, Paris ou Bruxelles, un vent de révolte unit et mobilise la diaspora congolaise. A l’instar des révolutions du Maghreb, celui-ci ne s’arrêtera pas. « Qu’ils soient en Belgique ou ailleurs, les Congolais s’informent et savent ce qui s’est passé », conclut Simon Mabuila. « Aucun peuple ne peut accepter la fraude électorale. Si en Belgique, un parti parvenait à truquer les élections en sa faveur, les Belges l’accepteraient-ils ? Non. Alors, ce qu’on n’accepte pas en Belgique, pourquoi devrait-on l’accepter pour le Congo ? ».

 

Olivier Mukuna

 

(1) http://www.dailymotion.com/video/xng7i4_sit-in-a-bxl-un-drame-une-femme-est-dans-le-coma-et-une-forte-repression-gratuite-de-la-police-belge_news

(2)http://www.lesoir.be/regions/bruxelles/2012-01-04/une-manifestation-de-congolais-rapidement-dispersee-888174.php

(3) Traduction : « En Flandre, pas de problèmes ! Mais dès que nous sommes à Bruxelles, toujours des problèmes ! ».

(4) Comme le montre cet extrait d’un message circulant sur le net, signé Jean-Louis Tshimbalanga, Président de la Convergence pour l’émergence du Congo : « La réprimande musclée et la violence policière sont les seules réponses et le seul langage que réserve la Belgique francophone à tout Congolais qui ose revendiquer son droit humain, en oubliant que la Belgique a une dette incommensurable envers le peuple du Congo depuis le Roi Léopold II. Le temps de la chicotte belge est révolu … Le temps de nos ancêtres tués pour enrichir la Belgique est révolu ; autre temps, autre mœurs. Aujourd’hui le Congolais veut un rapport égalitaire et ouvert à tous les peuples du monde, dans les échanges équitables et respectueux. Désormais, le ‘mot d’ordre’ est donné à tous les Congolais de nationalité Belge de ‘voter utile, voter Flamands, même extrémistes de droite, car avec eux, il y aura d’autres voies négociées pour aider le Congo à asseoir sa vraie démocratie, seule piste qui suscitera le retour automatique des Congolais d’origine dans leur pays pour le reconstruire et le développer. A bas la dictature et à bas les Belges francophones racistes  ».

(5) http://www.youtube.com/watch?v=TblKXw0saGs&feature=youtu.be

(6) http://www.youtube.com/watch?v=HdQenS7ldKI&feature=share

(7) Dans le cas contraire, lire ceci : http://soiressecalvin.wordpress.com/2011/12/29/emeutes-de-matonge-la-necessite-se-poser-les-bonnes-questions/

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