COMMUNIQUÉ
(sur l’immigration clandestine des enfants marocains mineurs)
Le drame de l’immigration clandestine des citoyens marocains s’accentue de jour en jour. Mais on connaît moins la tragédie de ces enfants de 8 à 15 ans qui quittent le Maroc dans des conditions dangereuses et inhumaines où nombre d’entre eux perdent la vie en chemin. C’est la presse aujourd’hui qui révèle l’étendue inattendue de ce phénomène.
Avec cette vague de froid, jusqu’à moins 20°, les associations de la protection de l’enfance, et les services qui s’occupent de trouver gîtes et nourritures aux nécessiteux, viennent de recenser à Bruxelles parmi ces derniers, une majorité de jeunes marocains (8 à 15 ans) qui grelottent sous le froid glacial et meurtrier d’Europe. Lorsque ces enfants évoquent, avec regret et tristesse, leur immigration clandestine, ils sont tous unanimes de parler de « l’espoir » cultivé pour « améliorer leur condition, étudier ou travailler en vue de venir en aide à leurs familles sans ressources, restées au Maroc ».
Dans ce panorama de détresse et d’errance de cette enfance marocaine sacrifiée, les autorités consulaires marocaines brillent par leur absence et loin d’accomplir leur devoir de venir en aide à personne en danger !
Les mineurs étrangers non accompagnés et le froid
Les services sociaux bruxellois poussent un cri d’alarme: des dizaines de mineurs étrangers non-accompagnés vivent et dorment dans la rue. Le centre SOS Jeunes Quartiers Libres d’Ixelles vient à leur secours.
Ils sont neuf jeunes, originaires du Maroc et d’Algérie. Ils ont tous entre 15 et 17 ans et certains ont déjà passé plusieurs nuits dehors cet hiver.
C’est par exemple le cas d’Omar. Il est arrivé il y a trois mois en Belgique. Il y a une semaine, il est venu frapper à la porte de SOS Jeunes Quartiers Libres. « Il est venu de Tanger, au Nord du Maroc, dans l’espoir de trouver une école, d’avoir un métier et de pouvoir aider sa famille », explique la directrice du centre, Fatima Zeitouni, qui traduit ses propos. « Il est venu ici pour trouver de l’aide dans un centre comme le nôtre. Et il se rend compte qu’il n’y a pas grand’chose. »
Il n’y a que quatre lits dans le centre. Un jeune a trouvé une chambre d’hôtel, Omar et trois autres partent pour un lieu d’hébergement d’urgence pour le moins singulier: la mosquée Arafat à Molenbeek.
« Nous avons transformé une salle de prières en un grand dortoir pour venir en aide aux personnes sans domicile fixe pendant ce froid polaire », indique le président de la mosqué, Jamal Zahri. « Dans ce dortoir, il y a de tout, des jeunes de différentes nationalités, qui viennent d’Afrique, d’Asie… Ils sont tous les bienvenus. »
Une cinquantaine de personne a trouvé refuge ici. Au matin, il y aura un petit-déjeuner. Puis pour Omar et ses copains, ce sera la rue, le froid et l’espoir de retrouver une place au chaud pour la nuit.
PIAB, avec Erwan Pastol
Des dizaines d’ados laissés à la rue
Annick Hovine
Mis en ligne le 08/02/2012
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Ce sont des jeunes étrangers arrivés seuls du Maroc, de Tunisie, d’Algérie. Fedasil ne les prend pas en charge parce qu’ils ne demandent pas l’asile.
Personne dehors pendant les nuits glaciales ? Faux ! Dimanche, Maggie De Block (Open VLD), la secrétaire d’Etat chargée de l’Asile, de l’Intégration sociale et de la Lutte contre la pauvreté affirmait pourtant que, depuis le déclenchement du plan d’urgence lié à la vague de froid, tous les gens qui avaient demandé un lit en avaient reçu un. Pas un citoyen n’aurait donc passé la nuit en rue contre sa volonté.
« Est-elle consciente de la réalité ? » , interroge Xavier Briké, coordinateur pédagogique du service d’aide en milieu ouvert SOS Jeunes-Quartier Libre à Ixelles. « Sur le terrain, la situation est tout autre. Depuis jeudi dernier, on reçoit plus de quinze jeunes par jour qui demandent un hébergement. »
Des jeunes qui ont le statut particulier de mineurs étrangers non accompagnés (Mena). A Quartier Libre, on dispose de quelques places en urgence, mais on ne peut pas faire plus. « On est totalement démunis en termes de réponses , se désole M. Briké : on les nourrit tant que possible mais pour l’hébergement, on est limité par les assurances et les autres autorisations. » Ces gamins de 15, 16 ou 17 ans, pour qui rien n’est prévu, retrouvent alors les trottoirs gelés, les encoignures de bâtiments, les gares Combien sont-ils ? « Il est impossible d’en connaître le nombre exact mais, à Bruxelles, ils sont sans doute plusieurs dizaines dans le cas. »
Chaque année, on dénombre entre 2 500 et 3 000 jeunes étrangers âgés de moins de 18 ans qui arrivent sans leurs parents en Belgique. Si on y ajoute ceux qui ne sont pas identifiés, il doit y en avoir plus de 4 000, estime Xavier Briké. Soit tout de même 10 à 12 arrivées par jour . Tous ces jeunes ne sont pas logés à la même enseigne. « Les mineurs étrangers qui se retrouvent aujourd’hui à la rue sont principalement des jeunes qui n’ont pas demandé l’asile » , explique Charlotte Van Zeebroeck, coordinatrice du projet Menamo, qui regroupe notamment douze services d’aide en milieu ouvert (AMO).
En principe, la Belgique, signataire de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, est obligée d’héberger tous les mineurs âgés de moins de 18 ans, qu’ils soient ou non demandeurs d’asile. C’est écrit noir sur blanc dans la loi « asile ».
Mais, dans les faits, Fedasil (l’agence fédérale en charge de l’accueil des demandeurs d’asile) ne les prend plus en charge depuis trois ans. Depuis 2008, Fedasil, dont le réseau est saturé, ne les accueille plus. Les places disponibles dans les deux centres pour Mena (à Neder-over-Hembeek et à Steenokkerzeel) sont exclusivement réservées aux jeunes qui ont introduit une demande d’asile.
Ces deux structures sont aussi débordées : 180 Mena sont actuellement logés dans 8 hôtels bruxellois, sans accompagnement approprié et sans véritable prise en charge. « Les AMO organisent une tournante de visites dans les hôtels, pour qu’ils ne croupissent pas là, livrés à eux-mêmes, pendant des mois » , précise Fatima Zaitouni, directrice de SOS Jeunes-Quartier Libre.
Pour les autres Mena, qui sont délaissés par Fedasil, le secteur associatif pare au plus pressé. « Hier, on a placé quatre jeunes à la mosquée de Molenbeek, qui accueille déjà 150 personnes. Mais c’est une solution précaire et partielle, ils doivent libérer les lieux pour 7 heures du matin et se retrouvent de nouveau dans la rue pour la journée » , poursuit Mme Zaitouni.
Et ceux pour qui on ne trouve rien ? « Allez voir à la gare du Nord. A la gare du Midi, où ils sont bien cachés. C’est là que beaucoup d’entre eux passent souvent plusieurs nuits. Certains squattent aussi des bâtiments inoccupés. » Pas par tout le monde : ces enfants étrangers, au profil très particulier, ne sont pas facilement acceptés par les autres squatters, sans papiers ou sans domicile fixe.
Officiellement, les Mena dépendent du fédéral et pas du secteur de l’Aide à la jeunesse (compétence de la Communauté française). En dehors des AMO, très peu d’associations acceptent de prendre ces jeunes en charge. « Ce sont des jeunes rarement hébergés dans des structures classiques parce qu’ils ont un profil très différent du public confié par les juges de la jeunesse et qu’ils sont difficiles à prendre en charge , explique encore M me Van Zeebroeck. Arrivés en Belgique sans parents, ils n’entrent pas dans le cadre de projets de retour en famille. Ils sont vraiment laissés-pour-compte. »
Dans la rue, ils se retrouvent dans une situation de grande précarité; pour se nourrir, ils n’ont souvent pas d’autre solution que de faire la manche ou de commettre des actes délictueux, complète Xavier Briké.
C’est aujourd’hui le cas de plusieurs dizaines de mineurs étrangers, principalement des garçons de 15, 16 ou 17 ans (les filles, considérées comme vulnérables, sont davantage accueillies par Fedasil). Ils sont originaires pour la plupart d’Afrique du Nord (Maroc, Tunisie, Algérie), avec déjà un long parcours d’errance. Et souvent de gros problèmes de santé mentale. Pour oublier leur sort, ces enfants absorbent médicaments, solvants, alcool et autres drogues mêlés. « Certains sont tellement perdus qu’ils en arrivent à s’automutiler pour matérialiser leur souffrance , témoigne Fatima Zaitouni. Plusieurs sont venus se taillader les veines, ici, dans nos locaux. »
Cet article provient de http://www.lalibre.be