Rien n’a changé depuis la Castafiore et le prétendu vol de ses bijoux : Tziganes, gitans, Roms et autres « gens du voyage » demeurent, toujours et partout, des parias. Des pestiférés même. Et voleurs de pères en fils, comme de bien entendu ! Les successeurs des Dupont-Dupond ont gardé le flair des faux jumeaux à la légendaire sagacité : pour peu qu’un méfait coïncide avec leur présence dans les parages, les Roms et autres « nomades » sont ipso facto les coupables. Pas étonnant : l’inconscient collectif leur colle le gène du vol et de l’arnaque avec, en tête de leur palmarès, l’escroquerie à la mendicité. Ce vieux préjugé racial, le gouvernement de l’ancien président français Nicolas Sarkozy l’avait exploité de manière spectaculaire au cours de l’été 2010, avec, derrière la tête, l’idée d’en faire un fonds de commerce électoral : chasser et pourchasser les Roms, ça sécurise le bourgeois qui craint pour ses biens et ça fait même plaisir aux prolos car le monde est ainsi (mal) fait que ceux qui sont au bas de l’échelle méprisent souvent ceux qui sont encore plus bas qu’eux Cela n’a pas suffi, électoralement parlant. N’empêche, la nouvelle équipe en place chausse les mêmes bottes et « évacue » les Roms à tire-larigot A Bruxelles, les Tsiganes subissent une politique de la terre brûlée : ni travail, ni aide sociale, ni nourriture, ni toit. Rien. Nada. Sous prétexte qu’ils ont le « privilège » d’être européens (ce sont souvent des Roumains, des Bulgares, des Hongrois ou des Slovaques), pas question d’asile pour eux. Légalement persona non grata après trois mois (mais bien plus tôt dans les préjugés), on les déloge manu militari des coins de gares ou des ruines où ils trouvent un « refuge » pour leurs gosses et eux. Pour calmer les scrupules des belles âmes, on ressort toujours les mêmes balivernes : primo, l’endroit qu’ils ont « choisi » n’est jamais convenable (insalubre, manque de sanitaire, etc.) ; secundo, on ne les chasse pas, « on les renvoie chez eux ». De l’arnaque médiatique et sémantique pure car, si les endroits dont on les chasse sont pitoyables, c’est évidemment parce que s’il leur venait à l’idée de s’installer à l’Elysée ou au château de Laeken, ils ne passeraient même pas les grilles. Et quant à leur « chez eux », s’ils s’en détalent à la première occasion, ce n’est pas pour l’agrément du climat français ou belge mais parce que leurs « concitoyens » les traitent comme des chiens. Les pays plus riches que leurs Etats « d’origine » ont trouvé l’antidote à leurs pulsions migratoires : la matraque, le froid et la faim. Comme ils ne sont propriétaires d’aucun média et n’ont accès à aucune tribune, impossible pour eux de dénoncer le racisme quotidien dont ils sont victimes avec l’éclat, qu’à juste titre, on donne à l’antisémitisme. C’est tout juste si leurs représentants parviennent à arracher, de l’Union européenne, à côté de belles résolutions (sans lendemain) déplorant leur sort, de vagues promesses que l’on va financer de quoi éradiquer les discriminations qu’ils endurent. Mais lorsque les aides parviennent à « leurs » Etats, ils n’en voient souvent même pas la couleur. Pour stigmatiser une population, rien de tel que de lui coller des vices. En la matière, la police fédérale belge a fait fort : dans un rapport confidentiel (mais plus rien ne l’est !) sur la criminalité, les Roms, comme groupe ethnique, se voient affubler de l’étiquette de spécialistes en criminalité contre les biens. On va même jusqu’à affirmer qu’ils seraient les auteurs de 220 000 cambriolages par an ! Dans ce même rapport, intitulé « Image policière nationale de sécurité 2011″, les Roumains sont désignés comme deuxième groupe d’auteurs en importance pour les vols à la tire, les fraudes aux cartes de paiement, les escroqueries et les vols par ruse, et comme troisième groupe d’auteurs, toujours par importance, pour l’exploitation sexuelle, le vol à l’étalage et la criminalité informatique avec cette précision nauséabonde qu’« un certain nombre d’entre eux ont des racines tziganes » (dans « racines », il y a race !) Le pilori policier (mis au jour par l’hebdomadaire « Le Vif-L’Express » début juillet) véhicule les plus gros clichés : les ficelles du métier de voleur seraient transmises par les anciens aux plus jeunes (qui n’ont parfois que six ans, précise-t-on) à qui on apprend à mendier puis, lorsqu’ils sont un peu plus grands, à commettre de petits vols (vols à la tire, vols à l’étalage). Un peu plus tard (14 ans pour les garçons et 16 ans pour les filles, paraît-il), ils sont orientés vers « des formes de criminalité plus graves ou plus spécialisées », comme les effractions, vols par ruse (faux agents de police visant des personnes âgées), fraudes aux cartes de paiement (regarder par-dessus l’épaule pour mémoriser le code Pin). Si d’autres groupes de « criminels » présumés (par la police belge, dans son rapport « confidentiel ») sont classés par nationalité (cela a déjà de forts relents xénophobes), les Roms, Tsiganes et gens du voyage sont les seuls, avec les Nord-Africains, à être pointés du doigt sur la base de leur appartenance ethnique. On n’a pas osé toucher aux juifs sinistrement qualifiés jadis d’usuriers : le tollé aurait été, à juste titre, himalayen. Pourquoi les Roms peuvent-ils, pour leur part, être labellisés « voleurs » ou « escrocs », voire pire, sans que personne ne s’offusque ? L’Europe a pourtant la même dette morale et mémorielle à leur égard qu’envers ceux qui s’étaient vu coller une étoile jaune. Comme eux, ils ont connu aussi les rafles, les déportations et l’extermination dans les camps de la mort, comme « sous-hommes ». Pour eux, c’était le triangle brun au lieu de l’étoile jaune. Quelle différence ? Malgré tout cela, pas de « terre promise » pour eux, ni de compassion, ni même de compréhension « doloris causa ».
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