Bilan des élections communales

Bilan des élections communales

Pourquoi l’égalité ?

lundi 15 octobre 2012, par Paul Willems

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Voilà, c’est fini, c’est terminé. Les élections, je veux dire. Hier, dimanche, les bureaux de vote étaient ouverts. Des candidats montaient la garde à l’entrée de certains d’entre eux. Des policiers les entouraient. D’autres candidats filaient doux en allant eux-mêmes voter. Dans les bureaux de vote, d’aimables assesseurs en chemise se sont parfois chargés de valider eux-mêmes les bulletins de vote imprimés par les petites machines électroniques qu’ont utilisées les électeurs. Ce n’étaient pas les même machines, ni la même procédure que lors des élections précédentes. Malgré cela, un grand nombre de bulletins ont, semble-t-il, été invalidés, considérés comme blancs, ce qui avec les abstentions et les électeurs non inscrits porte le chiffre des abstentionnistes à plusieurs dizaines de pour cent.

Vers 5, 6 heures, les uns après les autres, les présidents des bureaux de vote sont venus apporter leurs cd avec les résultats de leur bureau de vote à la maison communale. Un policier montait la garde. Un peu plus tard, les représentants des grands partis se sont rendus à la dite maison communale.

À un moment, la bourgmestre faisant fonction est arrivée en voiture. Je lisais le journal. Une candidate d’un autre parti était partie chercher un pull. Des policiers ont immédiatement fait mouvement vers moi. Ils ont fait tellement vite que je ne m’en suis aperçu que lorsqu’ils furent à quelques centimètres de moi. J’ai continué à lire mon journal sans m’émouvoir. À force de participer à des manifs, je finis par avoir l’habitude. Les policiers se sont éloignés lentement, voyant que leur attitude ne suscitait pas de réaction de ma part. Sans doute, un tel comportement était-il en partie involontaire. C’est vous dire la tension qui régnait à la fin de la campagne électorale à Saint-Gilles, et sans doute ailleurs également. Les candidats des principaux partis se critiquent et en viennent à se craindre l’un l’autre. L’on est près du dénouement et un dernier coup bas est encore possible. L’on est près du point de rupture, pas seulement dans les petites listes.

Il ne s’est rien passé. La bourgmestre a disparu dans la maison communale. J’ai attendu encore un peu et puis je suis parti assister avec les membres d’Égalité à la retransmission télévisée des commentaires des journalistes et des élus de la campagne électorale.

Samedi après-midi, à la place Émile Bockstael, des militants d’Égalité se sont fait agresser par des militants d’un grand parti qui les ont accusés de commettre des incivilités… Vous savez cette loi qui… Même en démocratie, et peut-être surtout en période d’élections, les militants ne sont pas égaux devant la loi. Si vous êtes membres d’un grand parti vous pouvez facilement invoquer la loi, voire donner des ordres à des policiers.

À la fin de la campagne, j’’ai été accusé sur FB d’être un antidémocrate. Sans doute parce qu’en début de campagne, des journalistes ont traité Égalité de parti antisémite, ce qui m’a incité à critiquer une carte blanche parue à ce sujet dans le Soir en ligne. Ma critique a également été publiée. Des militants « engagés », croyant bien faire, qui relaient les déclarations de personnalités politiques, qui en remettent une couche dans le sens qui les intéresse. Tous invoquent la démocratie, des valeurs sacrées.

La campagne a été rude, y compris pour les petits partis. Même des amis m’ont insulté sur FB ou ailleurs. M’apercevant à un concert, une connaissance d’ami d’est mise tout d’un coup à me critiquer : quoi, c’est toi, le type qui milite chez Égalité, avec ces musulmans. J’en avais le souffle coupé. Je n’ai pas eu l’occasion de m’exprimer. ll posait des questions et y répondait lui-même, s’en prenant à mon manque supposé de culture, d’intelligence. Comme je ne suis pas professeur d’université en titre, et que je ne suis qu’un chômeur, alors qu’il me prenait pour je ne sais qui, je ne savais trop quoi lui dire.

Depuis, un autre stalinien zélé a exprimé tout le mépris que lui inspire mon engagement politique. Il n’est pas le premier. Ce ne fut que l’occasion de réentendre certains choses. Pour lui, de fait, Égalité n’est pas un parti politique.

Le bilan, cependant, n’est pas négatif. À de multiples occasions, j’ai pu défendre toutes sortes d’idées qui me tiennent à cœur. J’ai mieux compris le fonctionnement des élections. Mon point de vue au sujet des institutions démocratiques et mes idées sur toutes sortes de thèmes se sont enfin approfondies. À Saint-Gilles, Égalité a obtenu 206 voix. J’en ai obtenu un peu plus de 130. Tout cela en me présentant seul, en trouvant avec peine, sur les vitrines de commerces surchargées de propagande des autres partis, un emplacement où mettre une affiche. En faisant tout moi-même : design, mise en page, textes de mes flyers et affiches. Bien entendu, faute de moyens, je n’en n’ai pas fait beaucoup. Si je compare avec le score de candidats dont la campagne elle-même a été subsidiée, et dont le groupe a pu compter sur des professionnels de la mise en page, sur des salariés pour distribuer leurs tracts dans toutes les boites aux lettres de Saint-Gilles, ce score n’est pas mauvais.

Avant même le début de la campagne, il a fallu trouver une centaine d’électeurs parmi la population saint-gilloise pour présenter une liste, alors que près de la moitié des habitants n’y sont même pas électeurs, que beaucoup ne le savaient même pas.

Égalité a fait un score acceptable si on le compare avec celui de listes comportant bien plus de candidats, disposant de plus de moyens.

Il y a des points réellement positifs. J’ai fait la connaissance d’une multitude de Saint-Gillois et d’autres candidats éminemment sympathiques appartenant à tous les partis. Ce sont en partie eux qui m’ont permis de garder le moral. J’ai surtout fait la découverte des militants et des autres candidats d’Égalité. Leur soutien indéfectible, leur aide logistique, leur bonne humeur, leur allant m’ont littéralement galvanisé. Depuis longtemps, je ne m’étais plus senti aussi à l’aise dans un groupe de personnes, toutes plus simples et délicieuses les unes que les autres. L’humour fut constamment de la partie. Pas le genre à se prendre la tête. À part l’un ou l’autre, pas le genre militant, si vous voyez ce que je veux dire. Des gens concernés simplement par la multitude de problèmes, préjugés, critiques, qui aggravent encore l’impact des discriminations dont elles font l’objet, comme bien d’autres et qui essaient de porter leurs difficultés à la connaissance du public, alors qu’elles font l’objet d’une certain déni. Bien sûr, ces personnes ne sont pas les seules à faire l’objet de discriminations, de critiques. Elles semblent même jouir d’un plus grand confort de vie et de pensée que certains chômeurs par exemple. Mais cela ne change rien au fait qu’elles souffrent et qu’elles se sentent parfois en péril, qu’elles mènent une vie dure, souvent plus dure que d’autres. Quand on connaît les difficultés que rencontrent même des membres aisés d’origine européenne de la classe moyenne pour inscrire leur enfant à l’école, ou pour trouver un logement convenable, et surtout abordable, ou, parfois, pour (re)trouver un travail, on comprend un peu mieux de quoi se compose leur quotidien. Enfants de mères qui travaillent et qui se lèvent seuls, dès l’âge de six ans, et qui vont seuls à l’école par exemple.

Leur militance pour des causes un peu inhabituelles (anti-extradition, anti-prison, contre les violences, B.D.S (Boycot, disinvestment, sanctions) à l’égard d’un état qui défraie souvent la chronique, Israël, en font des militants un peu à part. L’on perçoit parfois avec peine le sens de leur engagement. L’on est beaucoup trop sensibles aux critiques à sens unique des médias, à l’aspect rébarbatif de l’implication de l’appareil d’état dans les cas qui les préoccupent. [1] C’est qu’on s’imagine aisément en Belgique, même, sinon surtout à gauche, que démocratie et justice, que l’égalité elle-même, en tout cas sur le plan formel, sont des faits acquis.

L’extrême-gauche, du moins une partie de l’extrême-gauche, celle qui a l’habitude de parler de politique autour d’un verre de bière, dans des salons, ou lors de concerts relativement sélects, avec d’autres individus sélects, de participer à des manifestations syndicales, ou organisées pour la défense des grandes valeurs de notre civilisation Occidentale, elle-même, est outrée lorsque ses certitudes sont remises en cause. Elle réagit avec virulence, et parfois mépris. Une sorte d’oubli, de dissimulation auxquels elle participent a cours. Elle se considère à tort elle-même comme une référence ou une experte en matière de luttes. Bref, nos relations avec une partie de l’extrême-gauche sont au moins aussi délicates, sinon davantage, que nos relations avec les autres milieux politiques en général.

Néanmoins, cette campagne, ce fut super de bout en bout. Merci à toutes et à tous.

Des proches ne comprennent pas nos scores. Certains essaient de me réconforter. L’un ou l’autre ne peut s’empêcher de me faire des critiques. Quelqu’un m’a expliqué qu’Égalité manque de clarté. Notamment sur la laïcité. Ai eu de grosses discussions à ce sujet pendant toute la campagne et ce n’est pas terminé.

Égalité, est-ce un parti laïc, m’est-il demandé ? Je réponds que oui, que nous avons toujours été clairs à ce sujet, que ce sont certains partis, les médias qui ne sont pas clairs à ce sujet. Nous sommes laïcs, mais cela veut dire que nous sommes ouverts à toutes les tendances, religions, dans la mesure où elles ne promeuvent pas des discriminations, des divisions inutiles. Certains d’entre nous sont croyants, d’autres ne le sont pas. En quoi cela ne serait-il pas clair ? Nous ne nous disons ni francophones, ni musulmans, nous ne nous appuyons pas sur l’une ou l’autre identité, ce qui rend évidemment notre formation politique attractive pour des personnes qui, ailleurs, ne se sentent pas acceptées telles qu’elles sont. Elles sont vues comme des exceptions par leurs partis et incitées à se rallier à des normes de pensée et de comportement qui ne sont pas forcément les leurs à cause d’une sorte d’intolérance.

Les partis d’extrême-gauche qui se servent d’un baratin marxisant ou syndical antédiluvien sont-ils clairs ? En quoi seraient-ils clairs ? Ils n’en ont que pour le travail, sans manifester le moindre esprit critique à l’endroit du travail. Ils n’ont pas la moindre idée de comment s’y prendre pour créer de l’emploi. Ils ne songent même pas à rendre plus égales les conditions de travail. Ils ont peur de l’égalité. Pour eux, l’État seul est censé réparer tous les torts. Ils croient sans autre forme de procès que les sommes d’argent qui s’échangent massivement à l’échelon capitaliste, ce qui cause, de fait, des désastres, pourraient indifféremment servir à autre chose. Mais ils n’envisagent pas de mettre fin à leur façon de causer des désastres, à l’exploitation forcenée, dans d’autres régions du monde, sinon dans leur propre pays. Ils savent tellement bien que leur modèle ne tient pas la route, qu’il ne s’agit que d’un alibi, d’un prétexte, qu’ils font tout, dirait-on, pour éviter la discussion à ce sujet, se montrant plus autoritaires, péremptoires, les uns que les autres. Ils servent de plus en plus eux-mêmes d’alibi. De façon purement démagogique, ils se plaignent constamment du sort de la classe ouvrière, transformée pour la forme en abstraction, car cela leur permet d’ignorer certains aspects de ses conditions de vie et de travail, ou plutôt une grande partie de cette classe, assimilée délicatement à ce qu’ils appellent le lumpen prolétariat. Dans un univers multiculturel, cela en fait de vulgaires organisations racistes qui ne parlent cependant que de l’emploi, cherchant à se hisser le plus possible au sommet de la hiérarchie du travail, et de ses clivages racistes. Cela devient réellement le cas lorsqu’elles se mettent à jouer le même rôle que les autres, autrement dit à décrocher des élus, à force d’adhérer aux normes et au consensus racistes en vigueur.

Face à de tels moyens à une telle organisation de la propagande, comment communiquer, comment présenter le site d’Égalité, avec ses beaux textes, ses témoignages de militants et de résistants, qui parlent d’une autre réalité, d’autres valeurs, d’autre chose. Leur expérience semble incompréhensibles au profane, à l’homme de la rue, qui a déjà d’énormes difficultés à s’y retrouver dans les institutions existantes, qui est lobotomisé, conditionné par une propagande.

Notre force, c’est notre programme. Tout tient debout dans ce programme. Même s’il y a beaucoup de travail de clarification à faire. Les programmes des autres partis sont bien mieux présentés, avec des titres et des sous-titres, des tonnes d’infos, de chiffres, mais derrière un professionnalisme apparent, il y a un grand creux. On ne sait pas avec quel argent on va construire les 2, 10, ou 100.000 logements qu’ils promettent, on ne sait pas si nos institutions sont démocratiques ou ne le sont pas, on ne sait pas comment on va donner du travail au gens, on ne sait rien, on n’apprend rien. mais on sait tout, on promet tout. Même les Écolos qui parlent sans cesse de changement, on se demande à quel changement ils font allusion. Changement de personnalités au pouvoir, oui, mais pas de politique, ni de race. Ils devraient clairement et carrément proposer la suppression de la voiture en ville. Mais non, à ce sujet, comme au sujet de centaines d’autres mesures, c’est le néant. Voilà tout ce qui nous oppose aux militants de partis comme Gauches communes, ou le PTB, et d’autres encore, et que nous ne parvenons pas à leur faire comprendre. Ce quotidien tant vanté par les autres partis et dont les programmes politiques communaux sont censés s’occuper, eux-mêmes croient seulement pouvoir l’accommoder de façon réformiste. Tout cela me fait bouillonner.

J’ai un peu de mal avec le site d’Égalité. Lorsque des gens me demandent si on a un site et que je leur donne l’adresse de ce site, je me demande ce qu’ils vont penser. Vont-ils lire les textes qui concernent tous ces prisonniers victimes de la torture ? Comment ils vont faire pour trouver notre programme ? Il aurait au moins fallu une rubrique « programme 2012″… Comment faire le rapport entre ces articles sur la Palestine, ou sur Malcolm X, ou le texte Ce que peut une minorité de Félix Boggio Éwanjé-Épée et de Stella Magliani-Belkacem, et le programme d’Égalité ?

Mais il y a vraiment de bonnes choses là-dedans.

Encore merci à Égalité. On ne lâche rien…

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