Sadri khiari, intellectuel et militant tunisien, coauteur avec Houria Bouteldja du récent Nous sommes les indigènes de la république (éd. Amsterdam), invite la gauche française à mesurer et prendre en compte la domination racialiste dont sont l’objet les « émigrés-immigrés » de France et leurs enfants. Dans notre trimestriel (actuellement en kiosques) nous publions des extraits de son intervention prononcée fin octobre lors du colloque du Lausanne « Penser l’émancipation », nous vous proposons de retrouver ce texte dans sa version intégrale.
Quitter l’univers colonial
Il y aurait beaucoup à dire – à apprécier et à critiquer – sur l’internationalisme tel qu’il a été porté par le mouvement ouvrier, et notamment par ses tendances les plus radicales, au cours du siècle dernier. Idéal généreux d’émancipation humaine, il a connu des moments glorieux dont il m’est difficile de parler sans émotion. Les deux exemples qui me viennent immédiatement à l’esprit sont l’extraordinaire mouvement de solidarité suscité par la révolution espagnole et, évidemment, puisque cela me concerne directement, le soutien apporté par de nombreux mouvements internationalistes, communistes ou anarchistes, aux luttes anticolonialistes.
Je pourrais évoquer quantité d’autres exemples. Il se trouve qu’un ami m’a envoyé récemment un court extrait d’un texte de Trotsky datant de mai 1938 que je mourrais d’envie de partager à mon tour sans en trouver l’occasion. Cette conférence me la fournit. Le voici, il est magnifique : « Supposons que, dans la colonie française d’Algérie, éclate demain une rébellion, sous la bannière de l’indépendance nationale et que le gouvernement italien, poussés par ses propres intérêts impérialistes, livre des armes aux insurgés. Quel devrait être dans ce cas, le comportement des ouvriers italiens ? J’ai délibérément pris l’exemple d’une révolte contre un impérialisme démocratique et d’ingérence en faveur de rebelles par un impérialisme fasciste. Les ouvriers italiens doivent-ils empêcher l’envoi d’un navire avec des armes pour les Algériens ? Supposons qu’un quelconque gauchiste réponde à cette question par l’affirmative. Tout révolutionnaire, de concert avec les ouvriers italiens et les Algériens rebelles, rejetterait avec indignation cette réponse. Même si dans l’Italie fasciste à ce moment éclate une grève générale des marins, dans ce cas les grévistes doivent faire une exception en faveur des navires qui apportent de l’aide aux esclaves coloniaux, sinon ils seraient des syndicalistes jaunes, et non des ouvriers révolutionnaires » [1].
En ces temps de guerres impériales, d’interventions ou de menaces d’intervention impérialistes ici ou là, ces phrases pourraient être longuement commentées, tant du point de vue des militants de gauche agissant dans le cadre d’un Etat impérialiste que du point de vue des militants agissants dans un pays en révolution auxquels un Etat impérialiste, en fonction de ses propres calculs, fournit une aide militaire. Mais là n’est pas le sujet de cette communication. Je me bornerais ici à souligner une des idées fortes de ce paragraphe, en l’occurrence : la priorité absolue que devraient donner les ouvriers au soutien à la lutte anticoloniale menée dans un pays dominé y compris lorsque ce soutien se fait au détriment de leurs propres luttes et risquent de les diviser eux-mêmes. Bon, je m’arrête pour en venir à ce dont je voudrais parler ici et qui n’est pas nécessairement sans rapports.
La question coloniale, sous une forme renouvelée, se pose désormais au cœur des métropoles impériales. Elle s’était déjà posé de cette manière aux Etats-Unis à travers la question noire. A propos de l’esclavage et de la guerre de sécession Marx avait proposé, quant à lui, des réponses inspirées d’une approche internationaliste. Au XXème siècle, le Parti communiste américain et les organisations trotskistes avaient également abordé de front cette problématique. Les Afro-américains, hélas, ne sont toujours pas sortis de l’auberge. La domination raciale, ce colonialisme intérieur, est toujours omniprésente aux Etats-Unis. Elle se double de plus en plus d’une autre forme de conflictualité raciale engendré par l’afflux massif de populations immigrées, originaires notamment des pays d’Amérique Latine.
C’est cela la forme nouvelle de colonialisme surgie au cours de ces dernières décennies et qui interroge profondément l’internationalisme traditionnel : l’émigration massive de populations du sud vers les métropoles impériales, leur stabilisation et leur reproduction. J’aborderai plus particulièrement cette question à partir du cas de la France où la gauche radicale a une fâcheuse tendance à oublier dans ses réflexions stratégiques l’importance décisive de populations opprimées issues des anciennes colonies et de ses « territoires d’Outre-mer ».
La gauche radicale ne méconnait pas totalement le lien étroit qui associe l’oppression subies par les populations issues de l’immigration et la domination impérialiste néo-coloniale. Elle n’en retient cependant qu’une des facettes, occultant ce qu’expliquait pourtant le sociologue Abdelmalek Sayyed, en l’occurrence que l’immigré n’est jamais seulement un immigré. Il demeure un émigré, indissociablement émigré-immigré. Lorsqu’en outre, il est originaire d’un pays colonisé ou dépendant et qu’il s’installe dans un Etat impérial, comme la France, un Etat producteur, en son propre sein, de hiérarchies raciales, l’émigré-immigré se déplace, en fait, dans un même continuum de relations de pouvoir marquées par la colonialité. Alors même qu’il s’insère dans la trame du pouvoir capitaliste, il reste, dans son statut social, politique, culturel, symbolique, pris, enserré dans les rapports coloniaux ou néo-coloniaux de domination. En cela, il se distingue réellement des immigrations intra-européennes. En cela, contrairement à ces dernières, il transmet à sa descendance son propre mouvement d’émigration-immigration et le rapport colonial qui en est la matrice. Pour la gauche radicale, cependant, une fois en France, l’immigré n’est plus qu’immigré et les générations qui le prolongent des Français comme les autres, non pas soumis aux rapports impérialistes néo-colonialistes mais à un manque de droits, à des préjugés racistes et aux discriminations qui en seraient la conséquence.
A cette incompréhension de la spécificité de l’immigration issue des anciennes colonies s’ajoute une vision réductrice de la notion de racisme. L’une des dimensions du rapport néo-colonial qui échappe, en effet, à la gauche, c’est qu’il perpétue également le rapport racial produit par la colonisation. Cette dernière, identifiée généralement à une période révolue de l’expansion impériale, est comprise par la gauche comme occupation de territoire, comme une forme d’oppression nationale doublée d’une exploitation de type capitaliste. Or, c’est sous l’angle des rapports sociaux qu’elle a développés qu’il faut appréhender la colonisation. Et l’une des caractéristiques sinon la caractéristique fondamentale de ces rapports sociaux, c’est leur racialisation. Le colonialisme moderne, en effet, cette forme sociale qui a accompagné la modernité capitaliste et étatique, c’est la construction d’une hiérarchisation sociale mondiale basée sur la notion de race, c’est la constitution d’une stratification statutaire des pouvoirs, fondement de la suprématie blanche, à tous les niveaux du lien social. On peut l’appeler colonialité ou racialité des rapports de pouvoir, elle continue d’être reproduite à l’échelle internationale par les nouvelles formes de domination impérialiste, indépendamment de l’occupation de territoires.
Dans son écrasante majorité, cependant, la gauche persiste à interpréter le racisme d’un point de vue moral. Il serait une idéologie venant d’un passé pré-moderne, toujours vivace, l’expression de la haine de l’Autre, du rejet de la différence, d’une intolérance qui viendrait des âges les plus obscures, une disposition qu’attiseraient les forces les plus réactionnaires, relayées de manière démagogique par la bourgeoisie pour diviser les classes populaires.
L’incapacité à saisir le racisme dans la profondeur de ses rapports avec le capitalisme et l’impérialisme, n’est pas sans conséquences sur l’action que la gauche radicale mène sur le front de la lutte antiraciste. Elle se borne ainsi à une attitude pédagogique (« L’ennemi, c’est le banquier, pas l’immigré »), et agit contre les différents types de discriminations comme le ferait n’importe quelle association de défense des droits de l’homme, tout en l’accompagnant parfois d’un discours anticapitaliste. La démarche d’ensemble vise à favoriser l’intégration de tous dans la lutte considérée comme principale, en l’occurrence la lutte anticapitaliste.
Cette stratégie, finalement plus droitsdelhommiste qu’anticapitaliste ou internationaliste, a cependant lamentablement échoué. Les couches subalternes blanches sont de plus en plus sensibles à la rhétorique raciale, dans ses expressions nouvelles, tandis que les populations issues de l’immigration regardent la gauche, y compris la gauche radicale, avec méfiance. L’illusoire « Français, immigrés, même patron, même combat », version hexagonale du « prolétaires de tous les pays unissez-vous », ne fait recette ni chez les uns ni chez les autres. Ce n’est pas par hasard.
La gauche vitupère, donc, contre les forces politiques racistes, accusées d’opposer les travailleurs blancs aux travailleurs issus de l’immigration. Elle n’a pas tort. Ou seulement pour une part. Elle fait le même reproche aux mouvements qui, comme le Parti des indigènes de la république, affirment la nécessité de l’indépendance politique des populations issues de l’immigration. Elle a tort. Complètement. Elle ne perçoit pas, en effet, que, outre d’autres formes de hiérarchisations sociales propres notamment aux logiques capitalistes ou patriarcales, le monde du travail est déjà divisés, stratifiés, par les rapports raciaux et que les classes populaires blanches, en tant que groupe, que collectif, et non pas comme somme d’individus, ont des privilèges par rapport à l’ensemble des populations des anciennes colonies.
Ce sont ces privilèges, reposant sur la domination impériale et les rapports raciaux qui la prolongent en métropole, qui hiérarchisent les classes populaires et développent en leur sein des conflictualités qu’entretiennent à leur profit les classes dirigeantes. Dans l’entreprise comme dans les quartiers populaires, nous n’avons pas seulement les prolétaires, travailleurs, précaires ou chômeurs, qui s’opposent aux classes supérieures. Nous avons également les prolétaires blancs qui défendent leurs maigres privilèges de Blancs ou de « vrais Français » face aux prolétaires issus des colonies. La convergence entre les deux, induite par leur confrontation objective à un même système capitaliste, n’existe qu’à l’état de potentiel, un potentiel dont la réalisation se heurte à la barrière raciale qui structure l’ensemble du corps social. Loin d’être une vertu immanente aux rapports de production capitaliste, l’unité de classe ne saurait prendre forme autrement qu’en termes d’alliances conflictuelles qui dépendent pour exister de l’action stratégique, c’est-à-dire à la fois de la capacité des populations issues de l’immigration à s’organiser de manière indépendante autour de leurs propres enjeux et de la capacité des forces prolétariennes blanches à intégrer une démarche internationaliste.
Nous en sommes cependant encore loin. Car, l’internationalisme réclame à son tour d’être revisité. La gauche française a tenté de prendre la mesure des mutations impliquées par la dernière mondialisation et par la construction de l’Union européenne pour concevoir de nouvelles politiques en France, intégrées dans un projet internationaliste renouvelé, dont elle a cru un temps trouver l’ébauche au sein de l’altermondialisme. Il est vrai que l’internationalisme doit revêtir une nouvelle formulation. Il ne peut plus être compris uniquement en termes de solidarité entre les prolétariats par delà les frontières ni même en termes de convergence du prolétariat des Etats dominants avec les peuples colonisés et opprimés. On n’en trouvera pas cependant l’alternative si on fait l’impasse sur les transformations internes à l’Hexagone provoquées par l’afflux des populations originaires des anciennes colonies et leur enracinement en France. Cela peut sembler paradoxal mais les différentes mondialisations historiques, qui dans leurs logiques et dans leurs formes ne se sont sans doute pas succédées mais superposées, n’ont pas seulement développé des formes de globalisation de la lutte des classes dans un espace dépourvu pour partie de frontières, elles ont aussi juxtaposé des espaces et internalisé des frontières. Il est important, de ce point de vue là, de saisir les modalités et l’ampleur des bouleversements qu’implique l’internalisation des rapports coloniaux dans l’espace français. Non pas qu’ils en étaient complètement extérieurs à l’époque de l’Empire, mais, aujourd’hui, les rapports entre groupes racialisés, dominants et dominés (qu’autrefois, dans les territoires occupés, on appelait colons et colonisés), se tissent à la fois sur deux territoires – les pays dépendants et la puissance dominante – et sur un même territoire, le territoire français, lui-même reconfiguré, en fonction d’enjeux raciaux. Avec le territoire, c’est l’ensemble des relations sociales, des conflictualités et des enjeux politiques au sein de l’Hexagone, qui est profondément remodelé.
Autrement dit, une stratégie de classe dans les limites de l’espace politique français ne peut se concevoir qu’internationaliste et un internationalisme revu et corrigé doit intégrer nécessairement une nouvelle dimension, à savoir le déplacement partiel de l’espace de la lutte décoloniale et anti-impérialiste sur le territoire français où il se superpose et croise l’espace de la lutte des classes. Il faut désormais substituer à un internationalisme, conçu comme un rapport au-delà des frontières, un internationalisme domestique dont la question raciale, dans toutes ses dimensions, serait centrale. En un mot, un internationalisme décolonial.
Or, penser un internationalisme décolonial implique de rompre avec l’économisme profond qui caractérise l’acception du capitalisme qui me semble hégémonique encore au sein de la gauche radicale française. Une telle rupture aurait des conséquences importantes et positives sur sa manière de concevoir la lutte anticapitaliste. Le capitalisme est en effet principalement saisi, en France, à travers ses modalités économiques d’exploitation et la lutte politique anticapitaliste est principalement appréhendée comme une lutte contre l’exploitation capitaliste. Les rapports immédiats de production qui, selon Marx, détermineraient « en dernière instance » l’ensemble d’une formation sociale donnée, tendent ainsi à devenir la première instance de la politique. On le sait, pourtant, et Marx lui-même ne s’est pas privé de le répéter, que le Capital n’est pas qu’un rapport de production. C’est beaucoup d’autres choses. Et la lutte contre le capitalisme, si elle doit briser le rapport d’exploitation, doit briser ou démanteler aussi beaucoup d’autres choses. Plus encore, je dirais que la lutte politique a d’abord pour objet le pouvoir d’Etat et non pas le pouvoir dans l’usine.
N’importe quel militant appartenant à la gauche radicale me reprochera de formuler ainsi des évidences et, certes, on trouvera dans la littérature et dans la pratique des différents mouvements de la gauche radicale une certaine attention à d’autres dimensions de la société bourgeoise. Elles demeurent cependant subordonnées à la question du capitalisme comme rapport d’exploitation et n’acquièrent de réelles légitimités qu’après avoir subi une mise en forme qui les « articulerait » à ce rapport d’exploitation.
Le féminisme, pour donner cet exemple, a en gros trouvé les moyens de cette mise en forme, aidé par la puissance des mouvements de femmes dans les années 1970 et par les nombreuses femmes présentes dans les organisations de gauche. La lutte antiraciste, non. Elle y parvient d’autant moins que, bien que victimes directes des rapports de production capitalistes, les populations issues de l’immigration semblent n’en n’avoir rien à battre. Le principal de leur combat est ailleurs. Il se développe autour de questions dont la gauche radicale ne saisit pas toujours le rapport avec la domination du capital ou qui lui paraissent sinon négligeables du moins secondes. Elles se résument en trois mots : dignité, respect, honneur. Que signifient politiquement ces trois mots ? Ils expriment la volonté d’en finir avec un statut ; un statut non-dit mais furieusement actif ; un statut qui n’est pas immédiatement lié à l’exploitation économique mais à toutes les dimensions du lien social ; le statut de race inférieure. Alors qu’un militant blanc anticapitaliste devrait y voir une mise en cause du Capital et de l’Etat bourgeois impérial à partir d’une autre perspective, il y voit une inversion dommageable des priorités, quand il n’aperçoit pas dans certaines revendications des populations immigrées (ainsi du droit de pratiquer leurs cultes comme ils l’entendent), une menace contre les acquis du mouvement ouvrier ou, dans les revendications culturelles, une entreprise de diversion encouragée par la bourgeoisie.
La conséquence d’une telle myopie, on en a eu un exemple ahurissant, il y a quelques années lorsque la majorité de la gauche radicale s’est alliée de fait aux partis bourgeois pour interdire le port du voile musulman à l’école. Plus généralement, ce qu’il faut noter pour le regretter, c’est l’impasse stratégique que révèle l’indifférence dramatique de la gauche radicale à l’égard d’une fraction importante du prolétariat des quartiers populaires, en l’occurrence les non-blancs.
Certes depuis la révolte de novembre 2005, la gauche radicale, à l’instar de tous les partis, semblent s’y intéresser plus que ce n’était le cas auparavant. Il n’en demeure pas moins qu’elle n’est pas prête à prendre en compte ce qui fait sa spécificité en tant que groupe dominé racialement, c’est-à-dire notamment ses revendications les plus importantes telles qu’il les exprime lui-même, sa culture de résistance dans ce qu’elle a de particulier, les formes et les contenus à travers lesquels il se politise et se radicalise, enfin sa volonté affirmée d’autonomie politique. Tout cela, qu’un internationalisme décolonial permettrait d’appréhender et de reconnaître, est perçu comme infra-politique, non-anticapitaliste, régressif voire parfois réactionnaire par la majorité de la gauche radicale.
Plutôt que de procéder aux révisions qui s’imposent, cette dernière fait généralement le choix conservateur de l’entre-soi blanc où l’on est sûr de parler le même langage, d’avoir les mêmes valeurs et de partager les mêmes enjeux. A la recomposition stratégique, peut-être douloureuse, qui permettrait de construire des passerelles entre le prolétariat blanc et le prolétariat non-blanc, elle ne cesse de préférer la recomposition tactique entre Blancs. Que d’exemples pourrais-je donner, en effet, de tentatives de recomposition qui ont vu, ces dernières années, se regrouper, se séparer, se rassembler à nouveau, différentes composantes de la « gauche de la gauche », sacrifiant systématiquement la question raciale et anti-impérialiste sur l’autel de l’unité, pour finalement se retrouver bon gré mal gré contraintes de s’allier au sein d’un Front de gauche, charpenté par des forces antilibérales, certes, mais également nationales-républicaines !
Si, comme je le crois, l’objectif politique de la gauche radicale est de prendre le pouvoir pour démanteler les mécanismes du capital, alors elle n’a pas d’autres choix, quitte à perdre certains alliés au sein du monde blanc, que de se tourner vers les catégories à la fois les plus exploités et les plus opprimés que sont les masses prolétariennes issues des anciennes colonies et aux conditions que fixeront celles-ci. C’est la condition d’un nouveau bloc social révolutionnaire qui, pour continuer à parler comme on le faisait dans les années 60, sera décolonial ou ne sera point !