Le racisme occidental a semé les graines du génocide à Gaza

Par Jonathan Cook

L’Afrique du Sud et Israël ont tous les deux été victimes du suprémacisme racial de l’Europe, mais ils en ont tiré des leçons radicalement opposées.

Personne ne devrait être surpris que le combat pour faire appliquer le droit international oppose l’Afrique du Sud à Israël à la Cour internationale de justice de La Haye.

Le monde est divisé entre ceux qui imposent par la force un ordre mondial et régional qui sert leurs intérêts et leur garantit l’impunité quels que soient leurs crimes, et ceux qui en sont les victimes.

Aujourd’hui, ces victimes, des victimes de longue date, ripostent devant la Cour internationale de Justice.

7 décembre 2023 – Des Palestiniens se précipitent pour secourir des blessés immédiatement après une frappe aérienne israélienne sur la maison de la famille Salah dans le quartier Al-Batn Al-Thameen de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza. De nombreux Palestiniens ont été tués dans cette attaque. Les bombardements israéliens incessants se poursuivent dans toute la bande de Gaza, y compris dans les zones que les forces coloniales israéliennes avaient ordonné aux Palestiniens de fuir. A la date du 17 janvier 2024, les forces coloniales israéliennes ont tué en l’espace de trois mois plus de 25 000 personnes, dont au moins 10 000 enfants. Des milliers de personnes manquent encore à l’appel, de nombreuses victimes étant toujours ensevelies sous les décombres. Plus de 2 millions de personnes ont été déplacées de force – Photo : Mohammed Zaanoun/ Activestills

Le monde est divisé entre ceux qui imposent par la force un ordre mondial et régional qui sert leurs intérêts et leur garantit l’impunité quels que soient leurs crimes, et ceux qui en sont les victimes.

Aujourd’hui, ces victimes, des victimes de longue date, ripostent devant la Cour internationale de Justice.

La semaine dernière, chaque partie a présenté ses arguments pour prouver ou réfuter qu’Israël se rendait coupable d’un génocide à Gaza au cours des trois derniers mois.

Ce que dénonce l’Afrique du Sud ne fait aucun doute. Jusqu’à présent, Israël a tué ou grièvement blessé près de 100 000 Palestiniens à Gaza, soit près d’un habitant sur 20. Il a endommagé ou détruit plus de 60 % des habitations de la population. Il a bombardé les minuscules « zones de sécurité » où il a ordonné à quelque deux millions de Palestiniens de se réfugier.

Il les a exposés à la famine et à des maladies mortelles en leur coupant l’aide humanitaire et l’eau.

Au même moment, de hauts responsables politiques et militaires israéliens ont ouvertement et à plusieurs reprises exprimé des intentions génocidaires, comme les documents présentés par l’Afrique du Sud le démontre sans aucune ambiguïté.

8 décembre 2023 – Les forces terrestres israéliennes ont fait exploser les bâtiments de la faculté de médecine de l’université islamique de Gaza, alors qu’elles contrôlaient cette université depuis plus d’un mois – Photo : extrait réseaux sociaux
 

En septembre dernier, avant que le Hamas ne s’échappe de la prison de Gaza le 7 octobre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a montré aux Nations unies une carte de ce qu’il a appelé « le nouveau Moyen-Orient ». Les territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie avaient disparu, remplacés par Israël.

Malgré la masse de preuves contre Israël, la Cour internationale de justice (CIJ) pourrait mettre des années à rendre un verdict définitif – d’ici là, si ça continue comme ça, il pourrait bien ne plus rester de population palestinienne à protéger.

C’est pourquoi l’Afrique du Sud a également demandé d’urgence une ordonnance provisoire exigeant qu’Israël mette fin à son attaque.

Des points de vue diamétralement opposés

Les peuples d’Israël et d’Afrique du Sud portent encore les stigmates des crimes racistes de l’Europe : dans le cas d’Israël, l’Holocauste au cours duquel les nazis et leurs collaborateurs ont exterminé six millions de Juifs ; dans le cas de l’Afrique du Sud, le régime d’apartheid blanc qui a été imposé à la population noire pendant des décennies par une minorité blanche de colons.

Ces deux pays se retrouvent aujourd’hui aux antipodes l’un de l’autre parce qu’ils ont tiré des leçons opposées de leurs traumatismes historiques respectifs.

Israël a inculqué à ses citoyens la conviction que les Juifs devaient rejoindre les nations racistes et oppressives, en adoptant une approche fondée sur le principe de la loi du plus fort à l’égard des États voisins. On a aujourd’hui un État juif autoproclamé qui considère la région comme un champ de bataille où le plus fort a tous les droits.

Il était inévitable qu’Israël finisse par engendrer, au sein du Hamas et de groupes tels que le Hezbollah au Liban, des groupes armés qui considèrent leur conflit avec Israël de la même façon.

L’Afrique du Sud, en revanche, a fait en sorte de devenir un « phare moral » entre les nations, une distinction que les États occidentaux attribuent complaisamment à Israël, leur État client du Moyen-Orient doté de l’arme nucléaire.

Nelson Mandela, qui est président de l’Afrique du Sud à la fin de l’apartheid, a fait cette remarque célèbre en 1997 : « Nous savons trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens ».

Israël et l’Afrique du Sud de l’apartheid étaient de proches alliés diplomatiques et militaires jusqu’à la chute de l’apartheid il y a 30 ans. Mandela a compris que les fondements idéologiques du sionisme et de l’apartheid reposaient sur une logique similaire de suprématie raciale.

Pour s’être opposé aux dirigeants sud-africains de l’apartheid, Mandela a été considéré comme un méchant terroriste, tout comme les dirigeants palestiniens le sont aujourd’hui par Israël.

La main de fer du colonialisme

Il n’est pas surprenant non plus que la majeure partie de l’Occident, Washington en tête, et l’Allemagne, pays responsable de l’Holocauste, se rangent dans le camp d’Israël. Berlin a demandé vendredi dernier à être considéré comme une tierce partie dans la défense d’Israël à La Haye.

Dans le même temps, la cause de l’Afrique du Sud est soutenue par une grande partie de ce que l’on appelle le « monde en développement », qui subit depuis longtemps les exactions du colonialisme et du racisme occidentaux.

La Namibie s’est notamment indignée du soutien de l’Allemagne à Israël devant la Cour, étant donné qu’au début du XXe siècle, le régime allemand, qui colonisait le sud-ouest de l’Afrique, a emprisonné des dizaines de milliers de Namibiens dans des camps de la mort, jetant ainsi les bases du schéma directeur du génocide des Juifs et des Roms qu’elle a perfectionné plus tard au cours de l’Holocauste.

Le président namibien, Hage Geingob, a déclaré : « L’Allemagne ne peut pas exprimer son engagement envers la Convention des Nations-Unies contre le génocide, au nom de la morale, y compris ses regrets pour le génocide qu’elle a perpétré en Namibie, tout en soutenant l’équivalent d’un holocauste et d’un génocide à Gaza ».

Le panel de juges – 17 au total – ne se trouve pas dans une bulle juridique protégée des influences extérieures. Les juges subissent, au contraire, d’intenses pressions politiques.

Comme l’a fait remarquer l’ancien ambassadeur britannique Craig Murray, qui a assisté aux deux jours d’audience, la plupart des juges donnaient l’impression de « ne pas avoir envie d’être là ».

« Personne ne nous arrêtera »

En réalité, quelle que soit la décision de la Cour, le pouvoir écrasant de l’Occident, qui lui permet généralement d’obtenir ce qu’il veut, déterminera la suite des événements.

Si la plupart des juges estiment vraisemblable qu’Israël soit en train de commettre un génocide et qu’ils insistent sur une sorte de cessez-le-feu provisoire jusqu’à ce qu’ils puissent rendre une décision définitive, Washington bloquera l’application de la décision par son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations-Unies.

Il faut s’attendre à ce que les États-Unis, ainsi que l’Europe, s’efforcent plus que jamais de saper le droit international et les institutions qui le soutiennent. Les accusations d’antisémitisme à l’encontre des juges qui soutiennent la cause de l’Afrique du Sud – et des États auxquels ils appartiennent – se multiplieront.

Israël a déjà accusé l’Afrique du Sud de « diffamation du sang » (*), suggérant que ses motivations devant la CIJ sont antisémites. Dans son discours devant la Cour, Tal Becker, du ministère israélien des affaires étrangères, a affirmé que l’Afrique du Sud agissait en tant que substitut juridique du Hamas.

Les États-Unis ont laissé entendre à peu près la même chose en qualifiant de « sans fondement » l’accumulation méticuleuse de preuves par l’Afrique du Sud.

Samedi, dans un discours truffé de mensonges, Netanyahu a promis d’ignorer la décision de la Cour si elle n’était pas du goût d’Israël. « Personne ne nous arrêtera – ni La Haye, ni l’axe du mal, ni personne d’autre », a-t-il déclaré.

Enfants faisant la queue avant une distribution de nourriture à Rafah – Selon un rapport des Nations unies, l’ensemble des 2,3 millions d’habitants de Gaza est confronté à la faim et le risque de famine augmente chaque jour, 576 600 personnes se trouvant dans une situation catastrophique, c’est-à-dire en état de famine. Human Rights Watch a également publié un rapport dénonçant le régime colonial israélien qui utilise la famine comme arme de guerre. Depuis le 7 octobre, les bombardements incessants d’Israël sur Gaza ont fait, à la date du 3 janvier 2024, plus de 22 000 morts, dont 70 % de femmes et d’enfants – Photo : Mohammed Zaanoun/Activestills

D’un autre côté, si la CIJ décide à ce stade que la présomption de génocide n’est pas démontrée, Israël et l’administration Biden se saisiront du verdict pour affirmer que la Cour internationale de justice n’a rien trouvé à redire à l’agression d’Israël sur Gaza.

Cela serait évidemment un mensonge. Il est demandé aux juges de se prononcer uniquement sur la question du génocide, le plus grave des crimes contre l’humanité, pour lequel la barre des preuves est placée très haut.

Dans le système juridique international existant, les États-nations jouissent de bien plus de droits que les citoyens ordinaires. Les États ont la liberté de mener des guerres sans trop se soucier d’épargner les civils. Les profits gargantuesques du complexe militaro-industriel occidental dépendent de cette faille intentionnelle des « règles de la guerre ».

Même si la Cour estime – pour des raisons politiques ou juridiques – que l’Afrique du Sud n’a pas réussi à présenter un dossier convaincant, cela n’absoudra pas pour autant Israël des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Car il est indéniable qu’il commet ces deux types de crimes.

La CPI traîne déjà les pieds

Néanmoins, toute réticence de la part de la CIJ sera dûment notée par la Cour pénale internationale (CPI), sa cour sœur déjà fortement compromise. Le rôle de la CPI n’est pas de trancher entre les États, comme le fait la CIJ, mais de rassembler des preuves en vue de poursuivre les individus qui ordonnent ou commettent des crimes de guerre.

La CPI recueille actuellement des preuves pour décider si elle doit enquêter sur des responsables israéliens et du Hamas à la suite des événements de ces trois derniers mois.

Mais depuis des années, cette même Cour traîne les pieds pour poursuivre les responsables israéliens pour des crimes de guerre bien antérieurs à l’agression actuelle sur Gaza, à savoir les décennies de construction par Israël de colonies juives illégales sur des terres palestiniennes, et le siège de Gaza par Israël pendant 17 ans – le contexte rarement mentionné de l’explosion du Hamas du 7 octobre.

De même, la CPI a refusé de poursuivre les responsables américains et britanniques pour les crimes de guerre commis par leurs pays lors de l’invasion et de l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak.

Ce refus de la CPI est la conséquence d’une campagne d’intimidation menée par Washington, qui a imposé des sanctions aux deux plus hauts responsables de la Cour, notamment en gelant leurs avoirs américains, en bloquant leurs transactions financières internationales et en leur refusant, ainsi qu’à leurs familles, l’entrée sur le territoire américain.

Une campagne de terreur

La semaine dernière, l’argument central d’Israël contre les accusations de génocide était qu’il se défendait après avoir été attaqué le 7 octobre, et que le vrai génocide, c’était celui que commettait le Hamas contre Israël.

Une telle affirmation doit être catégoriquement rejetée par la CIJ. Israël n’a aucun droit de défendre son occupation et son siège de Gaza, qui durent depuis des décennies et qui sont à l’origine des événements du 7 octobre. Il ne peut pas non plus prétendre qu’il vise quelques milliers de combattants du Hamas alors qu’il bombarde, déplace et affame toute la population civile de Gaza.

Même si la campagne militaire israélienne n’a pas pour but d’éliminer les Palestiniens de Gaza, comme l’indiquent pourtant toutes les déclarations du cabinet israélien et des responsables militaires, elle n’en reste pas moins dirigée principalement contre les civils.

Et même sans vouloir accabler Israël, le fait est que les civils palestiniens sont bombardés et tués en masse pour semer la terreur.

Ils sont victimes d’un nettoyage ethnique qui a pour but de dépeupler Gaza. Et ils sont soumis à une forme horrible de punition collective dans le cadre du « siège total » d’Israël qui les prive de nourriture, d’eau et d’électricité – et donc les expose à la famine et aux maladies mortelles – afin d’affaiblir leur volonté de résister à l’occupation et de chercher à se libérer du contrôle absolu d’Israël.

Si tout cela est le seul moyen pour Israël d’ « éradiquer le Hamas » – son objectif déclaré – alors cela révèle quelque chose qu’Israël et ses protecteurs occidentaux préféreraient que nous ignorions tous : le Hamas est profondément implanté à Gaza précisément parce que sa résistance inflexible apparaît comme la seule réponse raisonnable à une population palestinienne de plus en plus asphyxiée sous l’étau de plus en plus étroit de l’interminable oppression israélienne de Gaza.

Les semaines de bombardements israéliens ont rendu Gaza inhabitable pour la grande majorité de la population, qui n’a plus de maison où retourner et presque plus d’infrastructures en état de marche. Sans une aide massive et constante, qu’Israël bloque, ils mourront progressivement de déshydratation, de faim, de froid et de maladie.

Toute la défense d’Israël contre le génocide repose sur une unique condition : Israël ne commettra pas de génocide s’il réussit à forcer l’Egypte, à coup de promesses et de menaces, à ouvrir sa frontière pour permettre à la population de Gaza de s’échapper.

Si Le Caire refuse et qu’Israël ne change pas de cap, la population de Gaza est condamnée. Dans un monde qui se respecte, on ne devrait pas pouvoir se défendre d’accusations de génocide en rejetant sur d’autres les conséquences meurtrières des conditions qu’on a soi-même créées.

« War business as usual »

La difficulté pour la CIJ est qu’elle est sur la sellette tout autant qu’Israël – et qu’elle perdra quelle que soit sa décision. Les faits juridiques et la crédibilité de la Cour sont en conflit direct avec les priorités stratégiques occidentales et les profits de l’industrie de la guerre.

Le risque est que les juges estiment que le plus sûr est de « couper la poire en deux ».

Ils pourraient exonérer Israël de génocide sur la base d’un détail technique, tout en insistant pour qu’il fasse davantage de ce qu’il ne fait pas du tout : protéger les « besoins humanitaires » de la population de Gaza.

La semaine dernière, Israël a tendu aux juges un détail technique de ce type, comme on tend une carotte à un âne pour le faire avancer. Ses avocats ont fait valoir que, comme Israël n’avait pas répondu à la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud au moment du dépôt de la plainte, il n’y avait pas de différend constitué entre les deux États. Selon Israël, la CIJ n’est donc pas compétente, car son rôle est de régler des différends.

Si la Cour reprenait cet argument, cela signifierait, comme l’a fait remarquer l’ancien ambassadeur Murray, que des États pourraient être exonérés de génocide en refusant simplement de dialoguer avec leurs accusateurs. Ce qui serait complètement absurde.

13 décembre 2023 – Des destructions ont été infligées à une maison appartenant à la famille Harb à Rafah, et les corps de la famille sont vus parmi les dépouilles d’autres familles à l’hôpital Al-Najjar. La maison de la famille a été bombardée lors des attaques continues d’Israël sur Gaza – Photo : Mohammed Zaanoun / Activestills

Aeyal Gross, professeur de droit international à l’université de Tel Aviv, a déclaré au journal Haaretz qu’il s’attendait à ce que la Cour refuse de poser des limites aux opérations militaires d’Israël. Elle se concentrera plutôt, selon lui, sur les mesures humanitaires destinées à soulager la population de Gaza.

Il a également noté qu’Israël prétendrait qu’il se conforme déjà à la loi – et donc continuerait comme avant.

Le seul problème pour Israël, selon Gross, serait que la CIJ oblige Israël à laisser les enquêteurs internationaux accéder à l’enclave afin d’évaluer si des crimes de guerre ont été commis.

Mais il y a peu de chance car le business de la guerre passe avant tout et c’est précisément ce genre de « war business as usual » qui discréditera la Cour – et le droit humanitaire international qu’elle est censée faire respecter.

Un manque de leadership

Comme toujours, ce n’est pas vers l’Occident que le monde peut se tourner pour trouver des leaders capables de faire face aux graves crises auxquelles il est confronté ou de tenter de désamorcer les conflits.

Les seuls acteurs qui se montrent enclins à respecter l’obligation morale d’intervenir pour mettre fin aux génocides, obligation qui incombe normalement aux États, sont les dits « terroristes ».

Le Hezbollah au Liban fait pression sur Israël en construisant progressivement un deuxième front dans le nord, tandis que les Houthis au Yémen improvisent leur propre forme de sanctions économiques sur les navires internationaux traversant la mer Rouge.

Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont réagi le week-end dernier en lançant des frappes aériennes sur le Yémen, faisant monter la pression encore davantage, au risque de faire basculer la région dans une guerre plus vaste.

Comme ses propres investissements dans le canal de Suez sont menacés, la Chine, contrairement à l’Occident, semble prête à tout pour calmer le jeu. Pékin a proposé cette semaine une conférence de paix israélo-palestinienne qui réunirait un nombre beaucoup plus large d’États.

L’objectif est de desserrer la mainmise destructrice de Washington sur un prétendu « processus de paix » et de lier toutes les parties à l’engagement de créer un État palestinien.

L’Occident affirme que quiconque n’appartient pas à son club – de l’Afrique du Sud à la Chine en passant par le Hezbollah et les Houthis – est l’ennemi et menace l’ « ordre fondé sur des règles » de Washington.

Mais c’est cet ordre même qui est de plus en discrédité du fait de son abjecte deux poids deux mesures – et qui constitue le fondement du génocide actuel des Palestiniens.

Note :

* La diffamation de sang est un mythe qui a survécu longtemps et qui suggère que des Juifs enlèvent et assassinent des enfants chrétiens, notamment à des fins rituelles.

16 janvier 2024 – Middle east Eye – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

 

Mort et destruction dans Gaza

Une mère palestinienne blessée et sa fille sont amenées à l’hôpital Nasser pour être soignées suite aux attaques israéliennes à Khan Yunis, Gaza, le 19 janvier 2024 – Photo : Belal Khaled via Memo

Par John J. Mearsheimer

Je ne crois pas que la moindre chose que je puisse dire sur ce qui se passe à Gaza aura une influence sur les politiques américaine ou israélienne touchant à ce conflit. Mais je veux que mes écrits restent afin que les historiens qui étudieront ce désastre moral sachent que certains Américains étaient du bon côté de l’Histoire.

Ce que fait Israël à la population civile de Gaza- avec le soutien de l’administration Biden- est un crime contre l’humanité qui n’a aucun sens d’un point de vue militaire. Voici ce qu’a dit J-Street, une importante organisation du lobby israélien : « l’ampleur du désastre humanitaire en cours et des pertes civiles est inimaginable. »

Permettez-moi de donner plus de précisions à ce sujet.

  • Premièrement, Israël délibérément commet des massacres de masse de civils dont près de 70% sont des femmes et des enfants tout en prétendant qu’il prend de grandes précautions pour éviter que ces civils soient touchés. Mais cette prétention est démentie par des officiels de haut rang.
    Par exemple, le porte-parole de l’armée israélienne a déclaré le 10 octobre 2023 «ce qui compte le plus pour nous n’est pas la précision mais les dommages à causer. »
    Le même jour, le Ministre de la Défense, Yohav Gallant déclare « J’ai assoupli toutes les directives de retenue- nous allons tuer tous ceux que nous combattons et nous allons utiliser tous les moyens. »
    Pour encore confirmer, il suffit de regarder les conséquences de la campagne de bombardements, ils indiquent clairement qu’Israël tue les civils de façon indiscriminée. Deux études détaillées sur les bombardements par l’armée israéliennes- présentées par des publications israéliennes- expliquent en détail comment Israël assassine des nombres ahurissants de civils. Voici les titres très éloquents de ces deux études « Une usine d’assassinat de masse : au cœur du bombardement calculé de Gaza » ; « Armée israélienne libérée de toute consigne de retenue, des chiffres de tueries jamais égalés ».
    Dans la même veine, le New York Times a publié fin novembre un article portant le titre « Les civils de Gaza sous le feu israélien sont tués à une cadence historique. » Pas étonnant donc que le Secrétaire Général de l’Onu, Antonio Guterres , déclare : « Nous assistons à une tuerie de civils jamais égalée dans les conflits précédents », depuis sa désignation en janvier 2017.
  • Deuxièmement, Israël s’attache délibérément à affamer une population palestinienne réduite à une situation désespérée en limitant de façon extrêmement sévère les quantités de nourriture, de carburant, de gaz de cuisson, de médicaments et d’eau qui entrent à gaza.
    De plus, la possibilité de soins médicaux est devenue quasiment inexistante pour une population qui compte 50 000 civils blessés.
    Israël ne s’est pas contenté de considérablement réduire les quantités de carburants nécessaires au fonctionnement des hôpitaux, il a soumis ceux-ci ainsi que les ambulances et infirmeries de premier soin à des attaques destructrices.
    Les commentaires faits le 9 octobre par le Ministre de la Défense, Gallant, expliquent bien la politique israélienne: « J’ai ordonné un siège total de la Bande de Gaza. Il n’y aura ni électricité ni nourriture, tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence. »
    Israël a été forcé d’accepter que des fournitures vitales minimales entrent à Gaza mais les quantités sont tellement petites qu’un officiel de haut rang de l’Onu rapporte que « la moitié de la population de Gaza souffre de famine » et que « dans certaines régions, neuf familles sur dix passent des journées et des nuits entières sans aucune nourriture. »
  • Troisièmement, les dirigeants israéliens parlent des Palestiniens et de leurs intentions pour Gaza en termes choquants, surtout quand on sait que certains de ces dirigeants ne cessent de revenir sur l’Holocauste et ses horreurs.
    Leur rhétorique a conduit Omar Bartov, un spécialiste académique connu de l’holocauste, Israélien de naissance, à conclure qu’Israël a « une intention génocidaire ». D’autres universitaires spécialistes de l’holocauste et du génocide ont émis le même avertissement.
    Pour être plus précis, qualifier les Palestiniens « d’animaux humains », de « bêtes humaines » et d’ « horribles animaux inhumains » est lieu commun pour les dirigeants israéliens.
    Ces dirigeants parlent de tous les Palestiniens, pas seulement de Hamas comme l’a nettement énoncé le président israélien Isaac Herzog avec ces mots « c’est une nation entière là-bas qui est responsable ».
    Il n’est alors pas étonnant , comme le rapporte le New York Times, que les appels à « aplatir Gaza », à la « raser », à la « détruire » fassent partie du discours ordinaire israélien.
    Un général israélien à la retraite qui proclame que « Gaza va devenir un lieu ou aucun humain ne peut survivre » se réjouit à l’idée que « des épidémies graves dans le sud de Gaza hâteront la victoire. » Poussant encore plus loin, un ministre du gouvernement israélien a suggéré de lâcher une bombe nucléaire sur Gaza.
    Ces déclarations ne sont pas faites par des extrêmistes isolés mais par des officiels de haut rang dans le gouvernement israélien.
    Et bien évidemment, on parle beaucoup de nettoyer ethniquement Gaza (et la Cisjordanie), de réaliser en pratique une autre Nakba. Le Ministre de l’Agriculture d’Israël : « nous sommes en train d’accomplir la Nakba de Gaza. ».
    Pour se faire une idée de ce qui ressemble bien à un naufrage moral de la société israélienne, il suffit d’écouter une vidéo qui glace le sang, celle d’enfants israéliens chantant « Dans moins d’un an, nous aurons éliminé tout le monde et nous retournerons labourer nos champs. »
  • Quatrièmement. Israël ne se contente pas de tuer et d’affamer des nombres terrifiants de Palestiniens, il détruit systématiquement leurs maisons ainsi que leurs infrastructures indispensables telles que les hôpitaux, les écoles, les immeubles gouvernementaux, les mosquées, les bibliothèques et même les sites historiques. Jusqu’à décembre 2023, l’armée israélienne a endommagé ou détruit près de 100 000 bâtiments parmi lesquels des quartiers d’habitation entiers devenus ruines. Une conséquence épouvantable de cette destruction est que 90% des 2,3 millions de Palestiniens ont été déplacés de leurs maisons.
    Il faut aussi noter qu’Israël se livre à une entreprise délibérée de destruction du patrimoine historique puisque, comme le rapporte NPR, « plus de 100 sites historiques ont été endommagés ou détruits pas les attaques israéliennes. » [On peut parler d’ « archéocide » ou « vandalisation », c’est-à-dire de destruction volontaire de sites archéologiques – NdT]
  • Cinquièmement. Israël terrorise et tue les Palestiniens mais il ne fait pas que cela, il inflige à de nombreux hommes arrêtés dans des rafles de routine l’humiliation publique. Les soldats israéliens les dénudent, leur mettent un bandeau sur les yeux et les exhibent en sous-vêtements, assis sur la chaussée pas loin de chez eux ou menés en parade dans les rues. Ces hommes sont ensuite poussés dans des camions vers les centres de détention. Dans la plupart des cas, ces prisonniers sont relâchés parce qu’on découvre que ce n’étaient pas des combattants de Hamas.
  • Sixièmement. Il est vrai que ce sont les Israéliens qui commettent ces massacres mais ces massacres ne seraient pas possibles sans le soutien de l’administration Biden. Les USA n’ont pas seulement voté contre la résolution pour un cessez-le-feu présentée au Conseil de Sécurité, ils ont aussi fourni à Israël l’armement nécessaire aux attaques.
    Comme l’a précisé récemment un général israélien (Yytzhak Brick) : « Tout ce que nous utilisons comme munitions, bombes à guidage de précision, tous les avions et toutes les bombes, tout cela vient des Etats-Unis. A la minute où ils arrêtent le robinet, nous ne pourront plus combattre. Nous n’avons pas de capacités propres … Tout le monde sait que nous ne pouvons pas faire cette guerre sans les Etats-Unis, point final. »
    Une chose importante à noter est que l’administration Biden a cherche toujours à accélérer l’envoi de munitions à Israël en contournant la procédure normale édictée par le Arms Export Control.
  • Septièmement. Alors que toute l’attention est maintenant portée sur Gaza, il est important de ne pas oublier la Cisjordanie. Là-bas, les colons israéliens encadrés par l’armée israélienne continuent de tuer des Palestiniens et de voler leurs terres. Dans un excellent article paru dans le New York Review of Books qui décrit ces choses, David Shulman relate une conversation qu’il a eue avec un colon, une conversation qui éclaire bien d’un point de vue moral le comportement des Israéliens avec les Palestiniens. « Ce que nous faisons à ces gens est en fait inhumain » avoue le colon, « mais quand on y pense clairement, il est le résultat inévitable du fait que Dieu à promis cette terre aux Juifs et seulement aux Juifs. »
    Parallèlement à ses assauts contre Gaza, le gouvernement israélien accroît le nombre des arrestations arbitraires de Palestiniens. D’après Amnesty International, de nombreux faits montrent que ces prisonniers ont été torturés et soumis à des traitements dégradants.

Alors que j’assiste à la catastrophe qui continue de s’abattre sur les Palestiniens, je n’ai qu’une seule question à adresser aux dirigeants israéliens, à leurs défenseurs us-américains et à l’administration Biden : n’avez-vous aucune décence ?

12 décembre 2023 – Substack.com – Traduction : Chronique de Palestine – Najib Aloui

 

 

Dire toute la vérité sur l’Holocauste est un devoir pour les citoyens d’Europe, le continent où ce crime monstrueux a été commis.

Urusula von der Leyen aime le slogan hypocrite « plus jamais ça ». Dati Bendo Union européenne

Dire toute la vérité doit inclure la dénonciation de l’utilisation abusive de l’Holocauste pour couvrir Israël qui commet un génocide à Gaza et divers autres actes d’agression.

Cette semaine, l’Union européenne va abuser de l’Holocauste.

Elle marque la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste en organisant une conférence avec plusieurs groupes de pression pro-israéliens.

Cet événement illustre la duplicité et la dépravation de l’UE.

Au cours des derniers mois, certains représentants de l’UE ont proposé une interdiction de visa pour ceux qui sont souvent décrits comme des « colons israéliens violents ».

Toutes les activités de colonisation d’Israël en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et sur le plateau du Golan impliquent le vol de terres palestiniennes ou syriennes. Elles constituent toutes des crimes de guerre au sens de la quatrième convention de Genève.

Les sanctions doivent donc viser Israël, l’État qui construit et étend les colonies, et pas seulement une poignée de voyous.

L’UE dit maintenant implicitement que les colons peuvent être divisés en différentes catégories. Il est donc permis d’accorder une légitimité à certains colons.

Bienvenue, cher colon
La conférence de cette semaine accueillera Dani Dayan, un habitant de la colonie de Maale Shomron en Cisjordanie. Il est l’ancien président du Conseil de Yesha, un groupe de coordination des colonies.

Un profil publié par le quotidien Haaretz de Tel-Aviv en septembre indiquait qu’ »il reste totalement attaché à la vision du monde des colonies : apartheid, occupation, expulsion et exclusion des Palestiniens, suprématie juive ».

Dayan est aujourd’hui à la tête de Yad Vashem.

Habituellement qualifié de mémorial officiel d’Israël pour l’Holocauste, Yad Vashem est en réalité une insulte aux victimes de l’Holocauste.

Il est situé à côté de Deir Yassin, un village de la région de Jérusalem où les forces sionistes ont perpétré un massacre pendant la Nakba, le nettoyage ethnique de la Palestine en 1948. L’érection du mémorial sur ce site est un exemple clair de la manière dont Israël abuse de l’Holocauste pour dissimuler ses propres obscénités.

Parmi les partenaires déclarés de l’UE à la conférence de cette semaine figure le Comité juif américain, l’une des organisations pro-israéliennes les plus influentes.

Daniel Schwammenthal, directeur du bureau bruxellois de l’AJC, a tenté à plusieurs reprises de justifier les attaques contre les hôpitaux de Gaza.

Dans une déclaration publiée la semaine dernière, M. Schwammenthal a affirmé qu’ »un cessez-le-feu ne pourra être conclu que lorsque le Hamas sera vaincu ». Il s’agit là d’un appel sans ambiguïté à une destruction encore plus importante de Gaza.

Plus jamais ça ?
Personne ne sera surpris si Katharina von Schnurbein, coordinatrice de l’UE pour la lutte contre l’antisémitisme, entonne le mantra « plus jamais ça » lors de son intervention à la conférence de cette semaine.

Les participants ayant été soigneusement choisis, il y a fort à parier que personne ne décortiquera ni même ne remettra en question ce slogan vide.

Mme Von Schnurbein est une fonctionnaire allemande, l’État qui porte la responsabilité de l’Holocauste.

Dans les années 1930 et 1940, l’Allemagne considérait les Juifs comme des sous-hommes – Untermensch. Dans les années 2020, Israël considère les Palestiniens comme des « animaux humains ».

Loin de s’indigner de l’holocauste perpétré aujourd’hui à Gaza, von Schnurbein encourage cet holocauste. Il en va de même pour l’actuel gouvernement allemand, qui soutient ostensiblement Israël dans l’affaire qui l’oppose à l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice.

Mme Von Schnurbein a réussi à s’élever au-dessus des règles applicables aux fonctionnaires de l’UE.

Sa description de poste officielle ne mentionne pas Israël et limite son travail à la lutte contre le sectarisme antijuif en Europe. Pourtant, elle est allée bien au-delà de ce mandat en agissant effectivement comme un agent d’Israël.

Il ne s’agit pas d’une théorie du complot. Sa propre note biographique sur Twitter indique qu’elle « se tient » aux côtés d’Israël.

Mme Von Schnurbein a reçu un certain nombre de récompenses de la part de groupes de pression pro-israéliens qui louent sa « voix de la conscience ». En vertu des règles de l’UE, elle est tenue de demander l’autorisation de la hiérarchie bruxelloise avant d’accepter une quelconque distinction.

Lorsque j’ai fait une demande de liberté d’information pour obtenir ces autorisations, la Commission européenne (l’exécutif de l’UE) l’a rejetée pour des raisons de protection des données.

C’était absurde. La demande portait sur les activités professionnelles d’une représentante de l’UE relativement connue, et non sur sa vie privée.

La raison la plus plausible pour laquelle Mme von Schnurbein peut s’en tirer est qu’elle bénéficie d’un soutien en haut lieu.

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a offert son soutien total à l’holocauste d’Israël à Gaza. Mme Von der Leyen est une autre Allemande adepte du slogan « plus jamais ça ».

Alors que certains gouvernements de l’UE ont été mécontents de la façon dont elle a embrassé Israël sans les consulter, Von der Leyen semble avoir été enhardie par cette « controverse » et il y a beaucoup de spéculations sur le fait qu’elle bénéficiera d’un second mandat à son poste actuel.

Mme Von der Leyen a eu une réunion peu remarquée avec Tony Blair en octobre.

Après ma demande d’accès à l’information, la Commission européenne a reconnu que la discussion avec M. Blair avait porté sur des « pays partenaires importants », mais a refusé de divulguer d’autres détails.

On peut supposer qu’Israël était l’un de ces « pays partenaires importants ».

Blair a soutenu Israël à fond lorsqu’il était premier ministre britannique. Il est ensuite devenu un « envoyé pour la paix au Moyen-Orient », pour reprendre la terminologie des journaux britanniques.

Ce raccourci n’a pas pu effacer la façon dont Blair et ses copains de Washington ont provoqué un bain de sang et une instabilité massive au Moyen-Orient en lançant l’invasion de l’Irak.

Il est normal qu’Ursula von der Leyen écoute les conseils de Blair. Tous deux peuvent afficher un air solennel tout en donnant un coup de pouce à la brutalité.

Le blog de David Cronin

David Cronin est rédacteur en chef adjoint de The Electronic Intifada. Parmi ses livres, citons Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel and Europe’s Alliance with Israel: Aiding the Occupation.

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