La persistance de l’antisémitisme en France renforcée ces dernières années par un climat social et politique délétère où le racisme est employé par l’État comme un outil de division, se traduit par la banalisation des discours racistes islamophobes d’abord, mais aussi antisémites tenus notamment par des membres du gouvernement : réhabilitation de Maurras, voire de Pétain, affirmation que les rayons hallal et cacher des supermarchés sont contraire à « l’esprit républicain » par un ministre ancien membre de l’action Française qui décrit les juifs ainsi et sans aucune réserve dans un livre intitulé « Le séparatisme islamiste » : « Napoléon [….] s’intéressa à régler les difficultés touchant à la présence de dizaine de milliers de Juifs en France. Certains d’entre eux pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et réclamations. »
Des années de discours islamophobes ont fini par libérer la parole raciste, dans toutes ses dimensions, et logiquement permettent de retourner la parole célèbre de Fanon : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».
Ces paroles antisémites ont été abondamment entendues et lues sur les pancartes lors des manifestations anti vax ou anti passe sanitaire très largement infiltrées par l’extrême droite. Dans la période troublée et dangereuse que nous vivons, complotisme et donc antisémitisme se déploient librement. C’est une des raisons pour laquelle nombre des associations, syndicats et partis politiques et la véritable gauche ont appelé le 12 juin dernier à Paris à la « Marche des libertés pour combattre les idées d’extrême droite ».
Récemment, un discours s’est fait jour de personnes ou de groupes se réclamant de l’extrême gauche, qui ne dit pas clairement les choses, mais laisse planer une suspicion : la gauche, le syndicalisme, le mouvement social, l’extrême gauche seraient inconséquents et ne lutteraient pas réellement contre l’antisémitisme. On ne dit pas que les organisations du mouvement social sont antisémites – ou rarement en face – mais qu’elles ne luttent pas sérieusement contre l’antisémitisme. Cette accusation ne porte jamais sur la manière dont la gauche lutterait de façon conséquente ou non contre le racisme sous toutes ses formes, négrophobie, islamophobie, antitsiganisme, asiaphobie… Cette accusation ne visant que l’antisémitisme veut réintroduire au sein de la gauche cette vieille hiérarchisation des formes que prend le racisme. Cette hiérarchisation s’est d’abord faite sous l’influence de ceux qui instrumentalisent l’antisémitisme comme arme massive de défense de l’apartheid israélien. La volontaire confusion entre la solidarité avec la Palestine et l’antisémitisme introduite par les organisations françaises pro israéliennes, est portée au plus haut niveau de l’État par les déclarations du président de la république. Lors de la cérémonie de commémoration de la rafle du Vèl d’hiv en juillet 2017 « Nous ne céderons rien à l’antisionisme car il est LA forme réinventée de l’antisémitisme ».
Mais cet agenda, repris au sein même de la gauche, a déjà fait des ravages au sein du Parti travailliste anglais, avec les accusations d’antisémitisme lancées contre Jeremy Corbyn et le courant juif antisioniste du parti et pour finir par l’exclusion de Ken Loach. Il a visé Bernie Sanders aux États-Unis, et attaque Jean-Luc Mélenchon en France, sur la base d’interprétations malveillantes de ses propos. Tous ayant le tort de soutenir la Palestine.
Cela mérite quelques mises au point. Les implicites de ces accusations, pour sournois qu’ils soient, sont cependant transparents. Ces mêmes groupes qui ont revendiqué discrètement la définition de l’antisémitisme par l’IHRA, proches de la gauche sioniste et d’organisations juives communautaires, cherchent à diviser la question du racisme au sein même de la gauche, à réinstaurer une hiérarchie entre les différentes formes de racisme et leurs victimes. Et surtout ils cherchent à bloquer l’expression politique anticolonialiste de nos organisations sur la situation tragique que subit la Palestine.
Nous tenons à réaffirmer ici à la fois notre engagement contre le racisme sous toutes ses formes, dont bien entendu contre l’antisémitisme et notre solidarité avec la Palestine. Ce sont là deux piliers indissociables des luttes antiracistes et anticolonialistes qui animent nos organisations
Premiers signataires :
- Ahmed Abbes, mathématicien, directeur de recherche à Paris
- Pierre Abécassis, collectif Ensemble! de Côte d’Or
- Simon Assoun, porte-parole de l’UJFP
- Maxime Benatouil, enseignant du 93
- Michel Bilis, militant PCF et UJFP
- Saïd Bouamama, FUIQP
- Pierre Boukhalfa, militant du PCF74 et de la Commission Antiraciste du PCF.
- Alima Boumediene Thiéry avocate, militante Association Femmes Plurielles
- Houria Bouteldja, QG décolonial
- Florence Braud, enseignante, militante antiraciste
- Jean Marc Bruneel, militant EELV et pour la défense de la paix et des droits de l’Homme
- Maurice Buttin, Président d’honneur du Comité de Vigilance pour une Paix réelle au Proche-Orient (CVPR PO)
- Mouhieddine Cherbib, défenseur des droits humains, porte parole du CRLDH-Tunisie
- Ismahane Chouder, féministe antiraciste
- James (Jim) Cohen, professeur, Sorbonne Nouvelle (Paris 3)
- Martine Cointy, membre du Mouvement de la Paix
- Mireille Court, militante NPA
- Léon Crémieux, syndicaliste, militant NPA
- Sonia Dayan-Herzbrun, professeure émérite à l’Université de Paris
- Ivar Ekeland, président de l’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP)
- Jérôme Faÿnel, président du Collectif 69 de soutien au peuple palestinien
- Sonia Fayman, UJFP, Cedetim
- Jean Francheteau, vice-président CVPR-PO
- Armand Gorintin, membre de l’Union communiste libertaire (UCL)
- Jean Greilsamer, militant de la Campagne BDS
- Georges Gumpel, partie civile au procès de Klaus Barbie
- Gabriel Hagaï, rabbin franco-israélien, activiste du dialogue interreligieux, Paris
- Fabienne Haloui, conseil national PCF, conseillère municipale Orange
- Martine Hassoun, journaliste
- Nicole Kahn, militante du Collectif 69 pour la Palestine
- Thierry Labica, enseignant, université de Nanterre
- Daniel Lartichaut, Émancipation
- Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire
- Michel Le Drogo, AFPS Beauvais
- Nicole Lefeuvre, UJFP
- Didier Lestrade, journaliste, écrivain
- Daniel Lévyne, militant juif antisioniste
- Jean Claude Meyer, UJFP Alsace
- Monique Monfort, AFPS
- John Mullen, syndicaliste SNESUP
- Dominique Natanson, militant juif antiraciste
- Josiane Olff-Nathan, UJFP et Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Palestine (CJACP)
- Perrine 0lff-Rastegar, UJFP et Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Palestine (CJACP)
- Béatrice Orès, UJFP
- Mariejo Parbot, AFPS
- Raphaël Porteilla, universitaire
- Nahed Pust, Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Palestine, Strasbourg
- Ali Rahni, militant EELV
- Jean Baptiste Rieunier , membre de l’AFPS Oise
- Claude Roussie, communiste, 64360 Monein
- Michel Ruff, UJFP 45
- Nordine Saidi, militant décolonial et membre de Bruxelles Panthères
- Fabienne Serbah Le Jeannic écrivaine
- Michèle Sibony, militante de l’UJFP
- Boualem Snaoui, militant antiraciste
- Richard Srogosz, UJFP Grand Est.
- Irène Steinert, UJFP, adhérente de Ander Joods Geluid, une Autre Voix Juive (Pays-Bas)
- Lisette Sudic, militante EELV
- Jean-Paul Vanhoove, militant associatif
- Laurent de Wangen, militant antiraciste donc antisioniste
Organisations :
- AFPS, Comité de Beauvais
- AFPS, Comité de Dinan
- AFPS-Lyon
- AFPS Paris 14-6
- Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF)
- Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP)
- Bruxelles Panthères
- Collectif 69 de soutien au peuple palestinien
- Collectif Palestine Vaincra
- Émancipation, tendance intersyndicale
- Mouvement Citoyen Palestine (Belgique)
- Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network
- Union juive française pour la paix (UJFP)