Colloque à l’UMons sur « Colonisation, décolonisation : des mémoires multiples et plurielles ».

Le discours de BP au colloque à Mons :

Bonjour. Nous remercions le Mons Memorial Museum et l’UMONS pour l’organisation de ce colloque et pour l’invitation.

Ce colloque nous permet de prendre connaissance de beaucoup de recherches et de travaux sur la « mémoire coloniale », le « patrimoine », la « Culture », etc.

Malgré l’intérêt indéniable de telles recherches, ce sont les conséquences actuelles et matérielles de la colonialité du pouvoir et du savoir (le folklore étant inclus dans le savoir) sur la vie des personnes Noires et afro-descendantes qui nous préoccupent. Nous n’avons rien contre un travail intellectuel sérieux. C’est même l’une des bases de nos argumentations dans notre lutte contre la domination raciale.
Je vais revenir sur ces conséquences. Conséquences que de nombreux aspects de nombreux folklores wallons participent à maintenir et à pérenniser, au prétexte du respect de la « mémoire » et des traditions.

La Convention de l’UNESCO de 2003 concernant le patrimoine immatériel dit entre-autre ceci : « seul sera pris en considération le patrimoine conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’à l’exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus ».

Concrètement nous ne pouvons que constater que, dans le cas de Ath, loin de respecter la convention à laquelle la ducasse a adhérée, le sauvage de Ath participe en réalité à maintenir et à renforcer la négrophobie. Si les autres carnavals mentionnés ne sont pas patrimoine immatériel UNESCO, leur personnage « africains » on le même effet de maintien et de renforcement de la négrophobie en Belgique.
Ces folklores sont une des modalités de « la continuation de la colonisation par d’autres moyens ».

Quid des perceptions liées aux folklores ? Quid de la stigmatisation des populations rabaissées et déshumanisées ? Quid du sort des victimes réelles ?

Quid de l’évolution des folklores à la suite de l’indépendance du Congo en 1960 ?
Le « père fouettard » (Belgique) , l’œuvre royale des « noirauds » (Bruxelles), le « Sauvage d’Ath » et la « sortie des nègres » à Lessines/Deux-Acrens (Hainaut), le carnaval de Malmedy (labelisé « Chef-d’œuvre du Patrimoine oral et immatériel » par la FWB).

Intensification de la négrophobie après la fin de la colonisation.
Le sauvage n’est devenu « la star » de la ducasse d’Ath qu’après l’indépendance du Congo. La « sortie des nègres » n’est apparue qu’au début des années 80. Je n’ai pas assisté à la journée d’hier. Mais je n’ai rien entendu aujourd’hui au sujet de cette intensification de la négrophobie post-décolonisation.

Le niveau d’attachement aux personnages négrophobes exprimé par les populations ayant réagi à nos actions à Deux-Acrens et Ath est tout bonnement effrayant. Le simple fait de remettre en question l’existence de ces personnages négrophobes nous a valu des milliers d’insultes, des centaines de menaces et des accusations en tout genre : « rentrez chez vous », « vous voulez tuer notre folklore », « ce sont nos traditions », « vous voulez remplacer la ducasse par la sharia », etc.
Folklore présenté comme « bon enfant », pas raciste, juste pour s’amuser, etc.

Accusation d’importer le « modèle américain ». La négrophobie, les violences policières, tout ça c’est américain.
Ceux qui disent ça semble oublier que les USA sont la plus belle réussite de la colonisation européenne de la planète. Les suprématistes blancs des USA sont les rejetons de l’Europe des Lumières, les rejetons de l’Europe coloniale, les rejetons, aussi des guerres de religions en Europe.

A cet égard, j’aimerais évoquer le cas particulier de Jesse de Forest qui venait de Avesnes, Hainaut et dont le nom est mentionné sur une stèle commémorative offerte par le conseil provincial du Hainaut à la ville de New-York en 1924 pour honorer le souvenir des colons Wallons (300 ans).

Ceux qui pensent que la colonisation belge se limite à l’Afrique centrale ne donnent pas une image complète de l’histoire coloniale belge.

En matière de colonisation, la Belgique n’est pas un petit pays. Wallons à New-York au début du 17è siècle, Belgique de Léopold Ier impliquée dans une guerre coloniale au Mexique, participation à la conférence de Berlin 1885, Etat indépendant du Congo, Congo-belge 1908, et aujourd’hui acteur de l’impérialisme postcolonial à travers sa présence dans l’OTAN (dont le siège n’est pas très loin d’ici) et d’autres organisations internationales, la Belgique est un acteur majeur et incontournable de la colonisation européenne du reste de la planète.

Addendum : La Belgique était aussi l’une des puissances coloniales « gestionnaire » de Tanger.

Ne pas oublier qu’à Berlin ça ressemble fort à une réunion de famille pour se partager un héritage, ou plutôt un magot et la monarchie belge est le pivot de cette famille, son dénominateur commun.

Bénéficiaires (aspects économiques : argent, prestige, etc.) :

  1. Forces sécuritaires (y compris « prévention » et « social »).
  2. Monde de la recherche
  3. Monde de l’éducation permanente, de l’édition, journalistes, artistes en tout genre, experts en tout genre, musées et folklore, etc.

Nombre de carrière sont en fait partiellement ou complètement construites sur l’exploitation du racisme d’Etat.

Victimes :

  1. Mort sociale et physique des Noirs et des Arabes « légalement » en Belgique. Discriminations diverses, ségrégation spatiale, etc.
  2. Chasse aux migrants (Mawda, Semira)
  3. Répression politique de BP. Poursuite contre Nordine et déni de tous mes droits en 2019 à Ath. Tout ceci sans covid.

Beaucoup d’intérêt pour les recherches et les études et les exercices intellectuels en général.
Mais l’urgence, c’est le matériel, c’est la vie des gens, la vie de nos enfants, la reconnaissance et le respect de l’histoire de nos ascendants et de leurs luttes contre la colonisation et la suprématie blanche.

L’urgence c’est d’abattre la racisme d’Etat, d’abattre la colonialité du pouvoir et du savoir, y compris dans ses aspects folkloriques.

 

Mouhad Reghif Porte-parole de Bruxelles Panthères

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