L’histoire montre que quand on accepte des migrants ou des demandeurs d’asile et qu’on leur permet de s’intégrer et de travailler, ils contribuent à la richesse du pays. Si l’on s’acheminait vers la liberté de circulation, en Belgique mais forcément aussi en Europe, on n’aurait pas affaire à des millions de personnes mais à quelques milliers et tout le monde en profiterait.
OUI
Mathieu Bietlot , Coordinateur politique à Bruxelles Laïque: « Ces personnes ne représentent pas « la misère du monde » : elles peuvent apporter des choses au pays. L’histoire montre que quand on accepte des migrants ou des demandeurs d’asile et qu’on leur permet de s’intégrer et de travailler, ils contribuent à la richesse du pays. »
Avec le soutien de nombreuses organisations (dont le Cal, la CNE, Ecolo, la FGTB wallonne et l’ULB), vous organisez ce dimanche un meeting-concert à Bruxelles, en hommage à Semira Adamu, pour rappeler vos revendications en matière d’immigration et de droit d’asile. N’est-ce pas surfer sur une émotion légitime?
Nous entretenons la mémoire d’un événement qui a fortement marqué l’histoire de la Belgique. Les problèmes de centres fermés et d’expulsions de candidats-réfugiés existaient avec la mort de Semira, mais ce drame a été un moment déclencheur dans une prise de conscience de la population générale, plus large que les associations qui travaillaient déjà ces questions. Ce n’est donc pas surfer sur l’émotionnel mais bien d’expliquer que c’est une histoire emblématique des violences et du non-respect des droits humains, jusqu’à la vie humaine.
Dans vos revendications, vous dites que vous voulez supprimer les centres fermés. Est-ce réaliste?
Nous avons choisi des mots d’ordre assez radicaux pour lancer un vrai débat de société. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais ces centres fermés posent de très gros problèmes en termes de respect des droits humains, mais en plus, ils ne sont pas efficaces pour maîtriser les phénomènes migratoires comme les responsables politiques le prétendent. C’est donc une institution que l’on pourrait supprimer en mettant en place d’autres manières pour inciter les gens qui n’ont plus le droit de rester sur le territoire de rentrer chez eux. D’ailleurs, les directives européennes précisent que l’enfermement ne peut être utilisé qu’en dernier recours. Or, en Belgique, nous avons une politique d’enfermement quasi-systématique, avant même qu’on n’ait pu examiner s’il y avait d’autres moyens. Par exemple, une assignation à résidence ou l’obligation pour les personnes de se présenter régulièrement à l’Office des étrangers.
Vous prônez aussi l’arrêt des expulsions forcées.
Comment faire alors avec les personnes réfugiées qui ont reçu un ordre de quitter le territoire ? Nous persistons à penser que cet ordre ne justifie pas soit la rétention, soit l’expulsion forcée avec toutes les violences que cela engendre. Mais nous ne sommes pas angélistes. Nous savons qu’un certain nombre de personnes ayant reçu l’ordre de quitter le territoire resteront en effet en Belgique comme clandestins, mais nous estimons que, du point de vue des droits humains, le respect des principes de l’Etat de droit est plus important que ces quelques cas qui seraient marginaux. Cela nous apparaît un risque à assumer qui serait moins coûteux pour notre pays, ne fût-ce qu’en termes financiers puisque c’est cela qui est souvent mis en avant.
Cela doit être un premier pas, dites-vous, vers la « liberté de circulation pour toutes et tous ». Jusqu’où voulez-vous aller?
Et pensez-vous que la Belgique est capable, comme le disait Michel Rocard, d’accueillir toute la misère du monde ? Justement, n’est-ce pas toute la misère du monde. Tout le monde ne souhaite pas venir en Belgique et n’a pas envie de quitter son pays pour refaire sa vie ailleurs. Les gens qui sont en fuite de la persécution vont plus vers des pays proches que vers l’Europe et la Belgique en particulier. De plus, ces personnes ne représentent pas « la misère du monde » : elles peuvent apporter des choses au pays. L’histoire montre que quand on accepte des migrants ou des demandeurs d’asile et qu’on leur permet de s’intégrer et de travailler, ils contribuent à la richesse du pays. Si l’on s’acheminait vers la liberté de circulation, en Belgique mais forcément aussi en Europe, on n’aurait pas affaire à des millions de personnes mais à quelques milliers et tout le monde en profiterait.
La politique du gouvernement, appliquée par Maggie De Block, d’accélérer le traitement des dossiers n’est-elle pas plus humaine à l’endroit des demandeurs d’asile plutôt que de les entretenir pendant des mois et des années dans l’espoir qu’ils pourront rester?
C’est effectivement un leitmotiv des réformes successives de la politique d’asile. Mais toutes ces réformes ne fonctionnent pas sur le long terme. On accélère certes les procédures mais leur qualité est de plus en plus critiquable. Ce sont des dossiers qui sont traités de manière expéditive au détriment du droit des personnes.