Willi Münzenberg, la Ligue contre l’Impérialisme et le Comintern : entretien avec Fredrik Petersson
Fredrik Petersson
L’anti-impérialisme a une histoire largement refoulée, sinon occultée, au sein des pensées critiques et d’une partie de la gauche radicale. On retient volontiers les luttes de décolonisation d’après-guerre. Mais on oublie trop souvent que le mouvement communiste international s’est doté d’organisations anticoloniales et anti-impérialistes, à une échelle transnationale. C’était le cas de la Ligue contre l’impérialisme. Dans cet entretien, Fredrik Petersson revient sur la fondation par le Komintern de la Ligue contre l’impérialisme. Il dresse le portrait d’une question coloniale qui a été résolument appréhendée comme une question transversale par les communistes. Il pointe encore la nécessité d’une médiation entre le quartier général du communisme mondial (Moscou) et les forces nationalistes de chaque pays qui ont été ses partenaires : de quoi étayer le concept, encore trop méconnu, de front unique anti-impérialiste.
Dans vos travaux universitaires, vous vous intéressez principalement à la Ligue Contre l’Impérialisme (LCI), qui fut fondée en 1928 : quel est l’intérêt, selon vous, de s’intéresser en particulier à l’anti-impérialisme de l’entre-deux guerres (et non pas seulement aux luttes de libération ayant suivis la Seconde Guerre Mondiale)?
En premier lieu, le congrès fondateur de la LCI s’est tenu en réalité du 10 au 14 Février 1927. Ensuite, oui, l’un de mes principaux objets de recherche est l’histoire et les réseaux transnationaux de la LCI. En travaillant à ma thèse sur la LCI, je souhaitais examiner principalement deux choses
Premièrement : pourquoi la LCI fut-elle fondée en 1927 ?
Deuxièmement : les aspects internes de cette organisation, ce qui impliquait que je m’attelle à d’importantes recherches empiriques dans plusieurs archives à Moscou, Berlin, Amsterdam, Londres et Stockholm, si je souhaitais rassembler tous les éléments de manière adéquate. J’ai, par la suite, publié ma thèse la même année (2013) en deux volumes (Lewiston : Queenston Press).
Quoiqu’il en soit, je pense que la question de l’anti-impérialisme de l’entre-deux guerres offre beaucoup d’éléments sur la manière dont le monde s’est constitué après le traité de Versailles de 1919. Il est généralement considéré que la décolonisation a eu lieu après la Seconde Guerre mondiale, cependant je pense qu’afin de comprendre comment cela fut rendu possible, il faut prendre en compte le développement de mouvements anti-colonialistes et anti-impérialistes dans l’entre-deux guerres, en tant qu’entités politiquement conscientes. Cela a été, au sens stricte, une période d’apprentissage, d’accumulation d’expérience, et une époque de nouvelles relations et connections qui durèrent ou évoluèrent pendant l’entre-deux guerres. Il s’agit donc de lire l’histoire de la décolonisation à reculons, à partir de la conférence afro-asiatique de Bandung en 1955 par exemple, et de connecter celle-ci à une organisation comme la LCI.
Justement, en 1955 – presque 30 ans après la fondation de la LCI – lors de la Conférence de Bandung, Sukarno a déclaré que si le congrès fondateur de la LCI s’était tenu en Belgique ce n’était pas « par choix, mais par nécessité », pourriez-vous expliciter ce point?
Dans cette déclaration, Ahmad Sukarno décrit plus ou moins la progression historique de l’anti-colonialisme au XXe siècle, ainsi que la manière dont le mouvement s’appuyait sur et était dépendant de l’établissement de connections et de relations politiques. Mais ce que Sukarno voulait davantage encore mettre en lumière par cette remarque était certainement la chose suivante : durant la période de l’entre-deux guerres, il était quasiment impossible de rassembler un congrès ou une conférence telle que celle qui s’est tenue à Bandung en 1955. Mais, l’organisation du « premier congrès international contre le colonialisme et l’impérialisme » à Bruxelles ne s’est pas uniquement fait « par nécessité », il s’agissait également de manifester contre le colonialisme et l’impérialisme dans l’un des « centres de l’impérialisme », ce qui pouvait également attirer l’attention de plusieurs immigrés des colonies vivant en Europe occidentale. Toutefois, ce qui apparaît comme évident, lorsque l’on se penche sur les sources, c’est que les organisateurs de ce congrès (qui étaient membres de l’organisation précurseuse de la LCI : la Ligue contre l’Oppression coloniale, établie à Berlin le 10 Février 1926) ainsi que son secrétaire, le communiste hongrois Laszlo Dobos, avaient promis au secrétaire d’État aux affaires étrangères belges, le socialiste Émile Vandervelde, que sous aucun prétexte le congrès ne serait amené à critiquer le colonialisme belge et les atrocités qui se déroulaient au Congo. Cela alla même plus loin, Dobos ayant dû fournir à Vandervelde une longue liste de noms des personnes souhaitant assister au congrès. Tous ses aspects soulignent donc le fait que l’expérience historique du Congrès de Bruxelles ne s’est pas faite pas « par choix, mais par nécessité », comme Sukarno l’a déclaré dans son discours inaugural à Bandung.
Pourriez-vous développer les différences principales entre le congrès fondateur de la LCI à Bruxelles en 1927 et le Congrès de Bakou (1920) ?
La différence principale porte sur les intentions et les auspices sous lesquels ces deux congrès ont été organisés. Le congrès de Bakou, en 1920, a été précédé par d’intenses discussions, sur la question coloniale, entre Lénine et le révolutionnaire nationaliste indien Manabendra Nath Roy, lors du Second Congrès du Comintern à Moscou. De plus, le congrès de Bakou a avant tout été organisé afin d’encourager les militants anti-colonialistes d’Extrême-Orient à soutenir activement le régime bolchévique, récemment établi en Russie soviétique ; où, comme l’expliqua le président du Comintern de l’époque, le communiste russe Grigori Zinoviev : il s’agissait de les gagner pleinement au communisme. Toutefois, le Congrès de Bakou comporte une autre dimension en ce qu’il offrit aux militants asiatiques l’opportunité de se rencontrer et de discuter les uns avec les autres de la situation dans leur pays d’origine. Alors que certains ont dérivé, pour ainsi dire, vers le communisme en tant que source de soutien à leur lutte, d’autres ont continué à bâtir la lutte nationaliste en y intégrant d’autres principes façonnés par le socialisme et le libéralisme. Ainsi, si l’on peut comparer le congrès de Bakou avec celui de Bruxelles, c’est essentiellement en ce que ce dernier a poursuivi l’agenda mis en place par Bakou, en soulignant la façon dont le colonialisme et l’impérialisme ont continué de façonner le monde après 1919.
Une différence de taille entre ces deux événements est la dimension davantage internationale du congrès de Bruxelles. Alors que celui de Bakou se focalisait principalement sur l’Asie et l’Extrême-Orient, le congrès de Bruxelles avait une perspective plus internationale en tentant de dépeindre un système colonialiste et impérialiste global. Ce qui unit cependant ces deux congrès est le fait qu’ils furent organisés et permis par l’Internationale Communiste et son siège à Moscou.
En quoi la LCI était-elle une réponse au principe d’autodétermination tel que développé par Woodrow Wilson?
Je pense que c’est là une question centrale qui explique plus ou moins la manière dont la LCI s’est concrétisée, du moins dans sa phase initiale en 1927. Alors que Woodrow Wilson a développé les fameux « 14 points » en Janvier 1918, qui comportaient l’intérêt et l’importance de prêter attention au principe d’autodétermination nationale, dans les faits cet aspect a été remplacé par un internationalisme libéral – qui fut présenté à Versailles – en conséquence de quoi la capacité du monde colonial à devenir indépendant à la fin de la guerre a été amoindrie. Si l’on se penche à nouveau sur le Congrès de Bruxelles, son credo officiel était de défendre « la liberté nationale et l’égalité sociale », et une majorité de discours prononcés à ce congrès appelèrent à l’indépendance nationale et au droit à l’autodétermination. De manière générale, la propagande de la LCI prônait un examen critique de l’incapacité de la Société des Nations (SDN) à mettre en pratique son objectif initial : l’égalité de traitement de tous les peuples et races via le principe d’autodétermination nationale. Je pense que c’est l’un des messages politiques les plus puissants et viables de la LCI ; par conséquent, celle-ci peut-être perçue comme un adversaire de la SDN.
Qui était Willi Münzenberg (1889–1940) ? Quel rôle a-t-il joué dans la LCI ?
Willi Münzenberg était une figure centrale de la LCI. Communiste allemand et membre du Reichstag, Münzenberg a été salué comme l’impulseur principal du développement de la propagande communiste dans le monde de l’entre-deux guerres. Ce qu’il faut souligner c’est que Münzenberg a un background pacifiste et socialiste ; toutefois, après avoir rencontré Lénine à Zimmerwald, en 1915, il a commencé à s’orienter vers le communisme. Après avoir organisé la coordination entre jeunesses socialistes et communistes en 1919, Münzenberg est devenu une figure de premier plan dans la mise sur pied des Jeunesses Communistes Internationales (JCI). Plus tard, en 1921, Lénine désigna Münzenberg pour établir l’embryon du Secours Ouvrier International (Internationale Arbeiterhilfe – IAH), une organisation prolétarienne de masse qui dura jusqu’à sa discrète dissolution, en 1935, sur les ordres directs de l’état major du Comintern, à Moscou. Il ne s’agit là que d’un bref aperçu biographique de la carrière politique de Münzenberg ; je considère la préface d’Arthur Koestler dans l’ouvrage de Babette Gross Willi Münzenberg. Eine politische Biographie (1967) comme l’une des descriptions les plus pertinentes du personnage : il était un « réaliste en politique » qui devrait être appréhendé comme un propagandiste et un militant, non pas comme un politicien, ni comme un théoricien. Puis il y a sa mort mystérieuse en 1940 : son corps fut trouvé aux environs de Montaigne, en France. Cela a largement contribué à la construction du mythe de la mort de Münzenberg, dont on se demande s’il s’agit d’un suicide ou d’un meurtre. Ce débat risque de durer tant que nous n’aurons pas de preuves empiriques réelles et crédibles.
Revenons-en à la position centrale qu’il a occupé dans l’établissement de la LCI. Ce que je veux dire c’est que sans sa vision et son énergie dépensée à organiser « un congrès international contre le colonialisme et l’impérialisme », comme il l’écrit dans une lettre à Zinoviev en Août 1925, il n’y aurait pas eu le projet de mobiliser un mouvement anti-impérialiste et anti-colonialiste en Europe et aux États-Unis comme celui de la LCI. Secondo, et cela me ramène encore au congrès de Bruxelles, moment central dans l’anti-colonialisme de l’entre-deux guerres : l’idée de ce congrès germa chez Münzenberg après que celui-ci y ait été amené par deux syndicalistes chinois, rencontrés à Berlin dans le cadre de la campagne « Bas les pattes devant la Chine » (Hands off China), en 1925. C’est Münzenberg qui a transformé cette idée en quelque chose de viable et de concret. Ce qui ne s’est pas déroulé sans accroc. Münzenberg a dû négocier pour obtenir l’accord du Comintern avant de pouvoir mener le projet du congrès de Bruxelles à bien. Dans les faits, l’idée de créer la LCI ne venait pas de Münzenberg mais a été proposée par Manabendra Nath Roy, en 1926. Toutefois, sans le succès du congrès de Bruxelles il n’y aurait pas eu de LCI. À l’époque, le succès du Congrès de Bruxelles à l’air d’avoir pris Münzenberg et le Comintern au dépourvu. C’est-à-dire qu’ils semblaient ne pas avoir envisagé l’idée que le congrès puisse être un tel succès. Il semble donc n’y avoir eu aucun plan concret sur la manière de développer la LCI, après le congrès, ce qui a laissé une marque durable dans l’histoire de la LCI. D’ailleurs, avec des collègues, nous prévoyons d’écrire une biographie de Münzenberg, en mettant l’accent non pas sur le personnage politique qu’il était, mais plutôt de dépasser cette perspective afin de discuter de la personne de Münzenberg et de la manière dont des spatialités, des opportunités et des moments différents configurèrent sa vie. Ce que je veux dire c’est qu’il continue à m’obséder de manière assez amusante. Il n’y a qu’à penser au nombre d’archives que Münzenberg a laissé à travers le monde. Son histoire n’a pas encore été racontée.
Dans votre prochain livre (Brill, 2017) vous écrivez que le congrès de Bruxelles, puis la LCI, furent le résultat d’une planification et d’une réalisation méticuleuses, plutôt que d’une « nécessité », dans une « interaction adroitement dissimulée entre Münzenberg, la IAH [Internationale Arbeiterhilfe] et le Comintern ». Pourriez-vous développer le rôle joué par la IAH et par le Comintern ? Quelles étaient les rapports entre la LCI et le Comintern ?
En effet, je travaille actuellement à mon livre, dans lequel je m’intéresse plutôt au caractère transnational de la LCI, mais également au transnationalisme de l’anticolonialisme de l’entre-deux guerres. En Novembre [2016], je retournerai à Moscou afin d’y effectuer des recherches supplémentaires dans les archives d’État d’histoire sociale et politique russes, qui hébergent les documents de l’Internationale Communiste. Cela me ramène à l’entrelacement entre la LCI et le Comintern ou, pour être plus précis, les contacts constants et réguliers qui ont fleuri entre le siège international de la LCI à Berlin – le secrétariat international – et le quartier général du Comintern à Moscou. Ce que je veux dire, c’est que dès le départ, et ce même avant la création de la LCI en 1927, plusieurs institutions et individus du quartier général du Comintern stipulèrent – lors de la préparation pour le congrès de Bruxelles en 1926 – que la seule raison à l’établissement d’une organisation internationale contre le colonialisme et l’impérialisme était de « jouer le rôle d’intermédiaire entre le Comintern et les organisations nationalistes dans les colonies ». Par la suite, le secrétariat international de la LCI à Berlin a fonctionné comme un carrefour de l’organisation, ce qui signifie qu’elle recevait des instructions du QG du Comintern qui étaient, par la suite, envoyées aux sections nationales de la LCI ou à ses membres affiliés. À l’inverse, lorsque le secrétariat international recevait des informations de ses sections, celles-ci étaient consciencieusement envoyées à Moscou. En somme, toutes les décisions importantes concernant des questions de personnel ou de budget étaient prises à Moscou ; y compris la rédaction du matériel politique tel que les résolutions de congrès, les manifestes, les pamphlets ou le matériel pour les publications officiels de la LCI.
Quels types de contacts la LCI avait-elle avec les organisations de la gauche radicale européenne ?
En 1927, les contacts étaient à la fois nombreux et solides. Cependant, tout dépend de la manière dont vous définissez les « organisations de la gauche radicale européenne ». Si l’on exclut les communistes, je dirais que les contacts avec les syndicats radicaux, les cercles pacifistes, les socialistes ou les anarchistes étaient assez nombreux. Toutefois, quand on a commencé à parler de la LCI comme d’un nouvel acteur sur la scène politique, à partir de 1927, et particulièrement lorsque l’organisation a soulevé la question de l’opposition ardente contre le colonialisme et l’impérialisme, les mouvements socialistes européens n’ont plus approché la LCI qu’avec suspicion. Par exemple, le chef de l’Internationale ouvrière socialiste, le suisse Friedrich Adler, a entrepris l’initiation d’une enquête minutieuse sur les attaches historiques et politiques de la LCI ; enquête qui déboucha, en octobre 1927, sur la conclusion que la LCI entretenait des rapports étroits avec le Comintern ainsi qu’avec le mouvement communiste international. Par conséquent, tout parti affilié à l’Internationale ouvrière socialiste a eu l’interdiction de devenir membre de la LCI. Dans une perspective plus large, la connotation communiste de la LCI en limitait sévèrement l’accès aux mouvements d’extrême gauche qui n’étaient pas communistes. Ce dont je parle en réalité ici c’est d’une sorte de récit historique qui a débuté avec succès et s’est achevé dans la solitude et l’isolement au fur et à mesure que nous déroulons l’histoire de la LCI.
La LCI a-t-elle mené à des innovations théoriques concernant le colonialisme et/ou le racisme ?
Non, je ne crois pas. Cependant, la LCI s’est par la suite muée en point de référence nostalgique pour les mouvements de décolonisation qui ont émergé après la Seconde Guerre mondiale. J’ai déclaré que la LCI devrait être vue comme une « source d’inspiration » dans le contexte de la décolonisation du monde après la Seconde Guerre mondiale, qui a atteint son point culminant durant la « conférence afro-asiatique » de Bandung en 1955. De plus, la LCI a sensibilisé ce que l’on nomme les « centres impérialistes » à la situation dans les colonies via différentes campagnes, la rédaction de lettres et ainsi de suite. Ainsi, nous avons affaire ici au caractère transnational de l’anti-colonialisme de l’entre-deux guerres et à la manière dont il s’est développé après la Seconde Guerre mondiale.
Dans un article1publié en 1960 (dans Les Temps Modernes) sur Sultan Galiev, Maxime Rodinson écrit que le « bloc afro-asiatique » qui a suivi la conférence de Bandung était une sorte d’« internationale coloniale », êtes vous d’accord avec Rodinson sur ce point ?
Je ne suis pas d’accord là-dessus. Je pense qu’il faudrait davantage appréhender la LCI, et ce qui a suivi, comme une tentative de coordonner un ensemble d’organisations et de mouvements nationalistes voulant tous mettre en œuvre leur propre agenda politique et culturel. Dans les faits, le Comintern craignait l’idée que la LCI ne devienne une « internationale » anti-impérialiste, capable d’exister par elle-même. Il s’agissait de contrôler un agenda et des idées politiques. Ainsi, après la dissolution de la LCI, en 1937, plusieurs individus ayant joué un certain rôle auparavant dans l’organisation, comme par exemple le socialiste et pacifiste britannique Reginald Orlando Bridgeman (qui fut secrétaire international de la LCI de 1933 à 1937), ont formé assez rapidement de nouvelles organisations ou associations anti-coloniales. Dans le cas de Bridgeman, il créa le « bureau d’information colonial » en 1937, d’obédience plutôt socialiste, qui coopéra étroitement avec le « centre britannique contre l’impérialisme », organisation communiste. Il s’agit donc plutôt de transformations et de transferts d’idées et de pratiques.
Comment décririez-vous l’héritage de la LCI ?
Je crois avoir déjà plus ou moins répondu à cette question (voir question 8), néanmoins je souhaiterais rajouter que la LCI a introduit une nouvelle forme de militantisme dans un monde qui avait dû affronter les horreurs d’une guerre totale (la Grande Guerre, 1914-18), de plus elle a contribué à faire de l’anti-colonialisme un mouvement politiquement conscient, notamment à travers des contacts, relations et réseaux qu’elle a tissé pour les militants anti-colonialistes ayant voyagé à travers le monde dans l’entre-deux guerres. Plus tard, un personnage tel que le premier ministre indien Jawaharlal Nehru, qui participa aux premières années de la LCI, a su tirer profit de cette expérience. Pour conclure, je pense que la LCI a ouvert de nouvelles perspectives à l’anti-colonialisme et l’anti-impérialisme. À cause de ses rapports étroits avec le Comintern et de la manière dont l’organisation s’est développée dans les années 1930, une large part de son histoire a été perçue comme un échec et fut donc reléguée aux poubelles de l’histoire. Toutefois, et c’est ce que j’espère démontrer à travers mes recherches, il s’agit également de montrer qu’il existe encore tant de perspectives et de relations dynamiques qui ont été oubliées ou ignorées jusqu’ici.
Entretien réalisé par Selim Nadi. Traduit de l’anglais par Sophie Coudray et Selim Nadi.
- Voir : Maxime Rodinson, « Communisme et Tiers Monde : sur un précurseur oublié », dans Maxime Rodinson, Marxisme et monde musulman, éditions du Seuil, Paris, p. 375 à 389. [↩]