Après que la Grande-Bretagne ait choisi par 52% la sortie de l’UE, contre 48% pour s’y maintenir, certains ne s’en remettent toujours pas. La plupart de ceux-là sont banquiers, financiers, investisseurs, agences de notation, spéculateurs, médias dominants, hauts fonctionnaires, marchés boursiers, et responsables de l’establishment européen qui ont manifestement mal organisé leur coup. En effet, c’est l’inverse qui était prévu et le résultat n’est pas ressorti selon ce que cette oligarchie attendait. Depuis lors, que n’a-t-il fallu entendre et lire comme commentaires méprisants à l’égard de ceux qui avaient osé choisir le Brexit ! Le lendemain du vote, France2 avait invité sur le plateau de son journal télévisé l’Ambassadeur de Grande-Bretagne, Sir J. King, et l’ex-député D. Cohn-Bendit. Aux questions de L. Delahousse, le premier a dignement fait remarquer qu’à travers un vote massif la démocratie avait tranché et qu’il fallait en respecter le choix; quand le deuxième dans ses numéros habituels de vierge outrée, fustigeant l’Ambassadeur pour ses propos mesurés, a tancé celles et ceux qui se seraient fourvoyés par un tel vote, les menaçant de tous les maux et les opposant à « des jeunes qui lui avaient téléphoné en larmes » (sic)… comme si toute la jeunesse anglaise n’avait trouvé pour seul réconfort que l’oreille de cet apparatchik de la technocratie nantie européenne, qui au passage n’a pas hésité à affirmer que les politiques nationales d’austérité n’avaient rien à voir avec les décisions prises à Bruxelles, et qu’après ce vote le cauchemar se profilait à l’horizon avec la future élection américaine de D. Trump, ce qui rendait V. Poutine – le Russe, ennemi de toujours – le plus heureux des hommes de la planète.
Heureusement, d’autres jeunes – dont une assistante parlementaire et militante du parti conservateur, ayant travaillé au sein même des institutions européennes – venait par la suite et en direct, expliquer les raisons pour lesquelles elle et d’autres avaient voté pour le Brexit, répondant clairement que ce n’était pas un rejet de l’Europe à laquelle les Britanniques restent attachés, mais bien de la politique européenne et son organisation, en pointant au passage le train de vie de ces milliers de fonctionnaires surpayés par rapport aux citoyens que leur politique plonge dans la misère ! (francetvinfo.fr)
Et depuis ce vote, que nous sert-on comme soupe à chaque bulletin d’infos ? Les lamentations désespérées du gotha de la société anglaise, cette classe aisée de capitalistes convaincus par les vertus (!) de « la loi du marché » qui régulerait tout problème de manière automatique, et quelques jeunes favorisés déjà pétris et contraints par cette funeste idéologie européenne, qui manquent pour la plupart du minimum de maturité et de vision historique des faits. Parce qu’il faudrait quand même leur dessiller les yeux et leur rappeler que de tous temps, le commerce, les échanges divers et les voyages se sont déroulés avec la Grande-Bretagne, et apparemment sans souci majeur. Pourquoi donc ce qui se pratiquait avant ne pourrait-il s’envisager après, sinon par une volonté obscure d’infliger une punition sévère aux Britanniques, afin de lancer un signal fort à tout autre pays qui serait tenté de faire pareil… ?!
De plus, les Anglais ayant choisi de garder leur monnaie, à part les intérêts de cette hideuse oligarchie, qu’y aurait-il donc de si catastrophique au fait qu’une majorité d’entre eux rejettent les politiques imposées par des eurocrates qui sont définitivement coupés des réalités des citoyens, comme d’ailleurs, la plupart des actuels élus nationaux également ?
Tout au contraire, ce vote illustre une nouvelle fois combien une partie du peuple britannique ne s’est pas laissée influencer par l’odieuse campagne de peurs et d’épouvantes que la plupart des médias et des ténors de l’ultra-libéralisme ont pour habitude de répandre sur les ondes avant chaque referendum ou vote qui mettrait l’équilibre de leur détestable projet européen, en péril. Et il faut vraiment espérer que, pour une fois, dans l’une des plus vieilles démocraties du monde, ce referendum sera respecté malgré les tentatives de certains de voir comment le contourner ou l’annuler, comme il se fait régulièrement en d’autres pays de l’UE – pourtant si prompte à dénoncer le manque de démocratie ailleurs – au mépris de la volonté majoritaire des peuples consultés.
Certains diront que cela risque de démanteler le Royaume-Uni entraînant sa fracture par l’indépendance de l’Ecosse, de l’Irlande voire, du pays de Galles… mais, là encore, où est le problème de remettre en cause un système dont on est en droit de se demander s’il est toujours représentatif des temps modernes et de ce que les populations désirent ? Etrange quand même que d’un côté, les chantres de l’oligarchie européenne considèrent ceux qui se sont exprimés pour le Brexit comme vieux rétrogrades – pour résumer les politesses de tous ordres qui se sont exprimées – mais que d’un autre côté, cette même caste ne voit aucun problème à maintenir en place un ancien régime devenu obsolète et qui mérite peut-être une remise en question, toujours selon le désir des populations directement concernées.[1] L’on nous répète à saturation que le vote pour le Brexit a été motivé par des arguments « populistes » – et sans doute y en a-t-il eu – mais ceux-là mêmes qui les dénoncent n’ont eu de cesse de faire appel à la peur et autres avertissements tout aussi « populistes » en cas de victoire du Brexit. Cherchez la cohérence d’une telle attitude…
En réponse à ce coup manqué et ce « mauvais » vote populaire, quelles sont les réactions du gotha europhile abondamment relayées – comme toujours – par des médias sous contrôle ? De l’agressivité, du chantage, des pressions, des menaces, des sanctions et des mesures franchement hostiles comme celle d’annoncer que « l’on est dans l’union ou l’on n’y est pas, mais qu’il n’y a pas d’Europe à la carte », ou via le 1er ministre Valls, que Paris doit devenir la capitale financière de l’UE, ajoutant au passage une nouvelle baisse d’impôt au profit des sociétés. En plus de toutes les trahisons du PS déjà actées, après avoir tonitrué que « mon ennemi, c’est la finance », les citoyens qui ont voté pour Normal 1er apprécieront.
Aucune remise en cause des politiques absurdes et profondément injustes menées jusqu’à présent et que refusent désormais les peuples européens dès lors qu’ils sont consultés et s’affranchissent enfin des dictats et ultimatums en tous genres. Le gotha se cabre, se replie sur lui-même et adopte des positions de plus en plus dictatoriales. Cet impersonnel appareil bureaucratique qui a vidé de son âme un projet qui aurait pu passionner les peuples européens dès lors qu’il avait comme priorité le bien-être des individus, les a opposés entre eux au profit de la finance, et à terme, finira par tourner à vide, avant de se déliter complètement. Parce qu’il ne faut pas oublier une chose : la Grande-Bretagne n’est pas la Grèce qui en est à vendre ses ilôts. Et ce que ces mêmes fonctionnaires surpayés se sont permis d’imposer au peuple grec, ils ne pourront pas le faire au peuple britannique, dont il faut peut-être leur rappeler que le Royaume, c’est aussi le Commonwealth qui regroupe 53 Etats… et une capacité à rebondir dès lors qu’il n’est plus entravé par les absurdes règlements européens !
Une fois encore, outre l’incompétence crasse du personnel politique que révèlent ces évènements, il faudrait que les responsables finissent par comprendre qu’en démocratie – ou ce qu’il en reste – aller à marche forcée à l’encontre des désirs de la population finit tôt ou tard par se retourner contre eux. Que ce soit en politique intérieure aussi bien qu’en politique extérieure. Les peuples ne veulent plus d’une UE asservie à la politique des USA ; ne veulent plus des mensonges de leurs dirigeants pour les emmener dans des guerres abjectes ; ne veulent plus suivre aveuglément les impostures de l’OTAN à l’encontre de la Russie accusée de tentations expansionnistes alors que les bases et les missiles qui encerclent ce vaste pays voisin se sont multipliées ; ne veulent plus des politiques guerrières menées en Afrique et au Moyen-Orient sous prétexte de dangers imminents qui nous menaceraient ; ne veulent plus subir la concurrence effrénée des travailleurs entre eux ; ne veulent plus de décisions prises sous l’influence de lobbies malfaisants ; ne veulent plus de privilèges outranciers réservés à une technocratie qui n’est motivée que par son maintien en place pour en tirer le maximum d’avantages – la dernière nomination de J-M Barroso chez Goldman Sachs en est un exemple édifiant – ; ne veulent plus de tractations menées dans l’ombre et les couloirs dès lors qu’il s’agit de décisions capitales pour leur avenir, tel le TAFTA ; ne veulent plus d’une justice à géométrie variable dès qu’il s’agit d’Israël qui bafoue impunément le Droit international depuis des décennies ; ne veulent plus de patrons voyous qui s’en mettent plein les poches à travers des émoluments injustifiés et des montages fiscaux au détriment des entreprises et de leurs salariés dont le nombre de burnouts et de suicides a explosé ; ne veulent plus de l’impunité des fraudeurs planqués dans les paradis fiscaux dont l’un des chefs d’orchestres se trouve à la tête de la Commission européenne ; ne veulent plus d’un système économique qui met en danger l’avenir des espèces vivantes, tant l’environnement est pollué à tous niveaux ; et ainsi de suite… dans une liste tellement longue qu’il est impossible de tout énumérer dans un article.
A terme, si nous persistons dans ces choix néfastes, ce délitement annoncé finira sans doute par l’effondrement du vieux sous-continent européen qui n’aura pas réussi sa modernisation miné, gangréné par les intérêts d’une poignée d’incompétents qui a cadenassé le système à son seul profit !
Il faut impérativement revenir aux fondamentaux en commençant par revoir une carte du monde pour bien comprendre que cette Europe n’est qu’un appendice du continent eurasiatique, et se souvenir que ce qui dure et persiste dans le temps, n’est pas l’histoire, variable au fil des mouvements politiques qui passent et des saltimbanques qui s’y succèdent, mais la géographie ! A l’heure d’une mondialisation inévitable de par l’évolution des rapports entre les cultures et des moyens de communication, il convient donc de se tourner sans plus tarder vers l’un des acteurs principaux qui participe à ce continent et ne peut être qu’un partenaire incontournable, à savoir, la Russie. Et ensuite, des rives de la Mare Nostrum, comme l’appelaient déjà les Romains de l’époque. En lieu et place d’écouter les mauvaises sirènes emmenées par le puissant lobby de l’armement qui tire profit de cet esprit guerrier propre aux USA qui, où qu’ils passent, sèment la terreur et la mort. On le voit partout.
Si l’on veut poursuivre un projet européen dont la préoccupation majeure soit le bien-être des populations comme on nous l’a tant vendu, il n’y a pas d’autre choix que de repenser de fond en comble la manière dont tout le système est articulé. Il faut TOUT remettre à plat. Aussi bien le fonctionnement et la technocratie qui l’organise, que de revoir la législation et tous les décrets, traités et autres textes qui ont participé au projet européen actuel pour les refonder de A à Z. Au risque de disparaître dans qui sait quels affrontements qui menacent d’être violents et iraient là encore enrichir les marchands d’armes et de guerres… pendant que les peuples voisins et amis s’affronteraient. Et il ne faut surtout pas penser que l’Europe est à l’abri de tels désastres, tant qu’elle poursuivra ces options insensées, inéquitables et agressives à tous niveaux.
En ce qui me concerne, vu la manière dont les choses évoluent après le Brexit et ce qui se dessine à terme, j’émets les doutes les plus sérieux quant à la volonté/capacité des actuelles institutions et des responsables en place, pour y parvenir. Cela va mal finir pour les peuples européens. Ce que nous voyons pour le moment n’est sans doute qu’un début. Et sans changement radical de ce monstre technocratique, une crise majeure de l’ensemble de l’UE entraînant son implosion me paraît inévitable.
Daniel Vanhove
Daniel Vanhove : Observateur civil et auteur