A la recherche des musulmans Rohingyas

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A la recherche des musulmans Rohingyas

Par Mouna Derouich | le

A ce moment, plusieurs Rohingyas se rapprochent des barreaux pour me montrer leurs séquelles : je vois une gorge enflée, des brûlures aux mains et aux bras, plusieurs personnes se plaignent de douleurs aux jambes. Je leur demande quelle maladie est la cause de ces douleurs ?

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Extrait de mon carnet de Voyage – Thaïlande – Malaisie 2013

Janvier 2013, en France: Suite aux vagues de violence entre les musulmans de l’ethnie Rohingyas et les Rakhines essentiellement bouddhistes (violences qui ont eu lieu dans l’état d’Arakan à l’ouest de la Birmanie depuis juin 2012), j’apprends à travers quelques articles de presse que beaucoup de Rohingyas fuient l’Arakan vers les pays frontaliers en espérant trouver un minimum de droits. En effet, le gouvernement Birman les prive de tous les droits, même les plus fondamentaux.

Plusieurs milliers de Rohingyas quittent donc la Birmanie dans des ‘Boat-people’, ces bateaux sont leur seul moyen de rejoindre les côtes Thaïlandaises, Bangladaise, Malaisiennes, Indonésiennes, voire Australiennes … Les Rohingyas paient une fortune aux passeurs en espérant arriver à la destination souhaitée. En fait, tous risquent leur vie. Les bateaux ne sont pas en bon état. Malgré cela, les Rohingyas s’y entassent. Parfois même, les denrées alimentaires, qu’ils embarquent avec eux, ne sont pas suffisantes pour leur voyage.

Mais, ils n’ont pas le choix. Pour eux, l’espoir d’un minimum de liberté leur fait courir le risque. C’est dire les conditions inhumaines qui leur sont imposées dans leur terre natale, l’Arakan, les poussant à tout abandonner et à risquer leur vie. Car au final, certain boats-peoples arrivent à destination avec à leur bord des Rohingyas épuisés alors que d’autres coulent dans l’anonymat …


En avril 2013, je décide donc de repartir en Asie à la recherche des Rohingyas exilés, clandestins, rendus apatrides par une loi de 1982 et donc reconnus nulle part! Qu’en est-il de ces Rohingyas qui ont survécu à leur voyage? La communauté internationale et la prix Nobel de la paix : Aung San Suu Kyi restent muets. Pourtant, l’ONU considère les Rohingyas comme l’une des ethnies les plus persécutées au monde et l’ONG Human Right Watch décrit une situation alarmante et extrêmement préoccupante; n’hésitant plus à parler de nettoyage ethnique et de crime contre l’humanité.

C’est effectivement exactement ce qui se passe sous nos yeux: une ethnie est reniée, elle est déchut de tous droits élémentaires (droit de se marier, droit d’avoir des enfants, droit de propriété, discriminations au quotidien…), elle est forcée à fuir ou à vivre dans des camps insalubres,  »des prisons à ciel ouvert » d’après le rapporteur des Nations Unis Ojea Quintana …Pourquoi la communauté internationale est-elle muette face à cette catastrophe humanitaire? C’est notre devoir d’en parler, de faire sortir ce peuple opprimé de l’anonymat et de lui apporter un minimum de soutien…

Le 26 avril 2013, je prends donc un vol depuis Paris et j’atterris à Bangkok. Je ne sais pas où sont les Rohingyas. Comment vais-je les trouver? Comment vivent-ils leur clandestinité? Je sais qu’ils arrivent clandestinement par voie maritime dans le sud de la Thaïlande, que certain sont vendu par des agents de police Thaïlandais à des trafiquants d’êtres humains… Je fais des recherches sur internet et je trouve les coordonnées d’un porte parole Rohingyas à Bangkok. Je lui demande un entretien afin d’obtenir un maximum d’informations et d’être guidée dans mes recherches.


30 avril: Je rencontre ce porte parole Rohingyas en Thailande, il s’appel Maung Kyaw Nu, Président de l’association BRAT (Burmese Rohingya Association in Thailand). Il dit qu’effectivement, il y a beaucoup de Rohingyas clandestins et plus de 2 000 Rohingyas sont placés dans plusieurs centres de détention Thaïlandais.Il précise que dans le sud de la Thaïlande, il existe 3 centres de détentions où les Rohingyas sont détenus : Sadao, Padang Besar et Songkhla. Le plus grand se situe dans la ville de Sadao. La Grande Mosquée de Hat Yai s’occupe de nourrir les détenus placés dans ces 3 centres.

3 mai: Une fois toutes les informations collectées et les conseils du porte parole Rohingyas pris en compte, je me dirige vers le sud de la Thaïlande en prenant le train depuis Bangkok. Entre temps, Maung Kyaw Nu a pris le soin de contacter la Grande Mosquée de Hat Yai pour leur expliquer le pourquoi de ma venue.

4 mai: Arrivé à la gare ferroviaire de Hat Yai. Le personnel de la mosquée est venu me récupérer et m’ont très bien accueillie. Je leur explique que je suis membre d’une association basée à Paris, que nous défendons la cause des Rohingyas depuis plusieurs mois et que nous souhaitions faire une action humanitaire dans l’Arakan mais que le gouvernement Birman prends toutes les décisions pour rendre difficile l’accès aux camps… J’ajoute que, par conséquent, je souhaiterais visiter les Rohingyas qui ont dû fuir leurs terres dans l’Arakan.

5 mai matin : Avec le personnel de la mosquée, nous nous rendons dans le centre de Padong Besar situé à 60 km de Hat Yai. A notre arrivée, le chef de police, très énervé, nous refuse l’accès car nous n’avons pas une autorisation officielle et le dimanche personne ne reçoit de visite. Le personnel de la mosquée insiste gentiment en s’excusant de notre arrivée imprévue.

Le chef de police veut bien nous accorder 10 min avec les détenus Rohingyas mais uniquement avec les Rohingyas ‘qui se comportent bien’ placés au rez-de-chaussée. Les Rohingyas ‘qui se comportent bien’ ont le droit d’avoir quelques tâches à faire dans le centre de détention : ils s’occupent des tâches domestiques comme balayer, nettoyer…Dans cette cellule, ils étaient quatre. Je m’approche d’eux, ils ne savaient pas trop comment m’accueillir puisqu’ils n’ont rien à l’intérieur. Alors nous nous asseyons sur un de leur tapis, puis je commence à me présenter leur expliquant ma venue.

C’est là que je me rends compte que la langue est une barrière : un seul pouvait me parler vaguement anglais. Cela s’explique par le fait que les Rohingyas sont aussi discriminés dans l’éducation et l’accès à l’école. La conversation devenait difficile… J’ai répété les phrases plusieurs fois, différemment, …

En particulier, je demande à cette personne sa date d’arrivée en Thaïlande, mais il ne comprend pas ma question. Je sors alors mon téléphone et lui montre un calendrier en faisant des gestes avec ma main en signe de passé. J’apprends qu’il est arrivé en octobre …Puis, d’un coup, j’entends le gardien crier: « Le temps est fini ». Je n’ai pu échanger que quelques mots pendant ces 10 min …Dans le centre de Padong Besar, ils sont 167 au premier étage.

 

Après-midi : Nous nous dirigeons vers le centre de détention de Sadao. Entre temps, le personnel de la Mosquée a pris le soin de les contacter. Le chef de Police nous accueille et nous autorise à aller « les » voir pendant 15 min. En montant les escaliers, j’entends plusieurs voix d’hommes. Arrivée à la dernière marche, je ne vois que des hommes et une odeur ‘nauséabonde’ me prend par le nez. En fait, je me rends compte qu’il y a très peu d’aérations.
A notre arrivée, tous les Rohingyas se rapprochent des barreaux pour nous saluer et tous disent en même temps  »Salam wa alaycoum ». (Que la paix soit sur vous).Je fais le tour pour évaluer leurs conditions de vie. La première impression que je ressens est celle d’être entrée dans un zoo ! Les conditions de vie y sont même pires puisque j’apprendrai par la suite qu’aucun soin médicaux sérieux ne leur est apportés.

 

Plusieurs hommes sont entassés dans une même grande pièce de moins de 100m². La salle est divisée en 4 zones par des barreaux dont l’une est dédiée aux malades. Ils ne disposent pas de matelas et dorment près des sanitaires. Le chef de police me confirme qu’il y a 310 Rohingyas dans cette pièce. Je demande à parler avec un des Rohingyas qui parle Anglais. L’un d’entre eux se rapproche des barreaux. Mais, encore une fois, la langue est une barrière, il parle peu anglais et arabe. Notre conversation se fait donc en quelques mots arabes, anglais et des gestes avec les mains.

Je lui demande comment ils vont ? Tous se plaignent de leur condition de vie. Ils n’en peuvent plus. Ils sont placés dans ce centre depuis janvier 2013 et ils n’ont pas vus la lumière du jour depuis. Ils n’ont aucun droit de sortie et se plaignent de plusieurs douleurs physiques et maladies.A ce moment, plusieurs Rohingyas se rapprochent des barreaux pour me montrer leurs séquelles : je vois une gorge enflée, des brûlures aux mains et aux bras, plusieurs personnes se plaignent de douleurs aux jambes. Je leur demande quelle maladie est la cause de ces douleurs ? Mais, ils ne savent pas puisque quand ils se plaignent le centre leur donne uniquement du paracétamol.Ils m’expliquent qu’une personne meurt tous les mois environ et que juste deux jours avant, un Rohingya est décédé mais ils ne connaissent pas la raison…


6 mai: J’ai rendez-vous avec le directeur de la mosquée de Hat Yai. Il m’explique que leur budget arrive à terme et qu’ils ne savent plus quoi faire pour aider les Rohingyas. Il souhaite une pression internationale car la voix des musulmans Thaïlandais n’est pas assez forte pour plaider leur cause.
7 mai matin: J’accompagne les bénévoles pour distribuer la nourriture préparée par leur soin au centre de détention de Sadao. Les bénévoles sont des musulmans Thai. La grande Mosquée leur fournit les denrées alimentaires de base.Au moment de la livraison vers 11h30, à l’entrée du centre, nous voyons une ambulance qui vient récupérer un Rohingyas détenu. Je le voyais en train de vomir un liquide vert et en pleine crise. Puis un autre détenu les a rejoint, ce dernier ne pouvait pas marcher seul alors un  »infirmier » le soutenait.

Après-midi: Je reçois un coup de fil de Maung Kyaw Nu, pour me dire que dans le centre de Padong Besar, les Rohingyas n’ont pas reçu d’eau potable et que les bénévoles manquent pour nourrir les détenus …Il me demande d’alerter la communauté internationale sur les conditions de détention dans ces centres.

10 mai – Malaisie. A peine arrivé à Kuala Lumpur que j’apprends avec tristesse le décès du Rohingya transporté aux urgences le 7 Mai. Nous ne connaissons pas la cause de sa mort.Ce Rohingya ne sera pas enterré dans sa terre natale : L’Arakan. Il n’aura pas le droit à une cérémonie  Funéraire avec ses proches.(…) Au nom de la justice et au nom des droits de l’Homme, nous collectif Halte Au Massacre En Birmanie, nous poursuivrons nos actions afin de dénoncer ce crime contre l’Humanité.

Source

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Birmanie : « silence on tue »

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Depuis des mois, les bouddhistes birmans s’en prennent violemment à la minorité musulmane Rohingyas. Aux yeux de la communauté internationale restant spectatrice, mosquées, commerces, maisons, villages musulmans sont pris pour cible, un véritable génocide.

Pour Noor Islam, président de l’organisation représentative de la communauté des Rohingyas « il s’agit d’un massacre planifié par le gouvernement birman contre notre communauté (les Rohingyas), on peut dire que c’est du terrorisme d’Etat à l’encontre de notre peuple… Les forces du gouvernement : armée, police, sécurité… sont devenues les forces meurtrières de la région. Ils sont directement impliqués dans le massacre de notre peuple. Leur objectif est de transformer l’Arakhan en région  Bouddhiste sans musulmans. En quelques sortes on peut dire qu’il s’agit d’un génocide car les intentions sont très claires« .

Un reportage indépendant explique les origines du conflit et expose la réalité de ce conflit très peu médiatisé. Pour le visionner cliquez sur l’image.

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