Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), un organe dépendant des Nations unies chargé de veiller à la disparition de toutes les discriminations raciales, vient de rendre un bulletin sévère à l’adresse de la Belgique pour une série de manquements.
Il fustige par ailleurs la persistance de manifestations d’antisémitisme et d’islamophobie sur notre territoire, et notamment l’interdiction du voile dans les écoles en Communauté flamande et la liberté laissée aux établissements en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Le comité se dit aussi inquiet de la persistance de violences policières à caractère raciste, lesquelles, déplore-t-il, ne font l’objet que de fort peu de plaintes et de poursuites en justice. Le rapport dénonce dans la foulée la violence pratiquée lors des expulsions d’étrangers du territoire national.
Celui-ci fustige de même la décision de certains CPAS, comme celui d’Anvers, de conditionner l’octroi de l’aide médicale urgente aux sans-papiers à leur engagement de quitter le pays. Les entraves placées envers les Roms pour installer des caravanes est un autre des griefs adressés par le comité CERD, de même que le durcissement récent de la loi sur le regroupement familial.
Enfin, le comité déplore toujours le traitement des demandeurs d’asiles à la frontière, lesquels sont détenus de manière systématique. Pour l’organe onusien, la détention des demandeurs d’asile ne devrait en effet être utilisée qu’en dernier recours seulement.
Dans un communiqué commun, la Ligue des droits de l’Homme et la Fédération internationale des droits de l’Homme ont salué lundi « la qualité et la pertinence » du travail réalisé par le comité CERD.
Nations Unies |
CAT/C/BEL/CO/3 | |
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants |
Distr. générale
3 janvier 2014 Original: français |
Comité contre la torture
Observations finales concernant le troisième rapport périodique de la Belgique *
Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de la Belgique (CAT/C/BEL/3), à ses 1182e et 1185e séances, les 5 et 6 novembre 2013 (CAT/C/SR.1182 et 1185), et a adopté les observations finales ci-après à sa 1201e séance, le 18 novembre 2013 (CAT/C/SR.1201).
A.Introduction
Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’État partie préparé conformément à la nouvelle procédure facultative d’établissement des rapports qui prévoit qu’une liste de points est établie par le Comité.
Le Comité se félicite de la qualité du dialogue qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, ainsi que des réponses fournies oralement aux questions et préoccupations soulevées lors de l’examen du rapport.
B.Aspects positifs
Le Comité note avec satisfaction que l’État partie, depuis l’examen de son deuxième rapport périodique, a adhéré aux instruments internationaux ci-après, ou les a ratifiés:
a)La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, le 8 mars 2013;
b)La Convention internationale pour la protection de toutes des personnes contre les disparitions forcées, le 2 juin 2011;
c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, le 2 juillet 2009;
d)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, le 27 avril 2009.
Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie pour réviser sa législation dans les domaines touchant la Convention, et notamment:
a)La loi du 13 août 2011 modifiant le Code d’instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d’être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté (dite loi «Salduz»);
b)La loi du 12 septembre 2011 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers relative à l’octroi d’une autorisation de séjour temporaire pour les mineurs étrangers non accompagnés.
Le Comité salue également les initiatives prises par l’État partie pour modifier ses politiques, ses programmes et ses procédures administratives de façon à donner effet à la Convention, notamment:
a)Le Plan d’action 2012-2014 sur la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains;
b)Le Plan d’action national de lutte contre la violence entre partenaires et d’autres formes de violence intrafamiliales 2010-2014;
c)Le Masterplan 2008-2012-2016 visant à réduire la surpopulation carcérale existante.
Le Comité prend note avec satisfaction des informations fournies par la délégation sur la collaboration avec les Chambres africaines extraordinaires au sein des tribunaux sénégalais instaurées pour mener le jugement de M. Hissène Habré.
C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations
Définition de la torture
Tout en prenant note des explications données par l’État partie dans son rapport et lors du dialogue, le Comité relève que l’article 417 bis du Code Pénal visant à définir la torture ne contient toujours pas tous les éléments de la définition de la torture énoncés à l’article premier de la Convention, tels que les actes de torture commis par un tiers à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique et les actes de torture motivés par une forme de discrimination quelle qu’elle soit (art. 1).
Le Comité rappelle sa recommandation antérieure (CAT/C/BEL/CO/2 par. 14), adoptée en novembre 2008, et prie l’État partie de modifier, à titre prioritaire, l’article 417 bis du Code pénal, afin que la définition légale de la torture reprenne tous les éléments de l’article 1 de la Convention. Eu égard à son observation générale n o 2 (2007) sur l’application de l’article 2 par les États parties, le Comité estime que, en définissant une infraction de torture qui soit conforme à celle de la Convention, les États parties serviront directement l’objectif général de la Convention qui consiste à prévenir la torture.
Institution nationale des droits de l’homme
Le Comité salue les engagements de l’État partie pour créer une institution nationale de défense des droits de l’homme et la création d’un groupe de travail à cet effet. Cependant, le Comité regrette l’absence d’une institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme avec accréditation «A» par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CIC). Il note que les progrès pour la création d’une telle institution restent encore limités et que des consultations avec les acteurs de la société civile n’ont pas encore été entreprises (art. 2).
Le Comité invite instamment l’ État partie à accélérer la mise en place d’une institution nationale de défense des droits de l’homme qui soit conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) , en la dotant d’un mandat de promotion et de protection des droits de l’homme le plus large possible et en assurant l’autonomie, l’indépendance et le pluralisme de cette institution. Le Comité encourage l’État partie à associer activement les acteurs de la société civile à ce processus.
Ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention
Tout en prenant note des explications fournies par l’État partie lors du dialogue, le Comité regrette que le dossier de ratification du Protocole Facultatif se rapportant à la Convention n’ait pas progressé ces dernières années. De plus, le Comité continue d’être préoccupé par l’absence de contrôle et inspection systématique, efficace et indépendante de tous les lieux de détention (art. 2).
Le Comité invite l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour procéder à la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention en vue de mettre en place un système de visites périodiques, sans préavis, effectuées par des observateurs nationaux et internationaux dans le but de prévenir la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Garanties juridiques fondamentales
Tout en saluant l’adoption de la loi «Salduz», laquelle comporte des avancées en matière de droits des personnes dès la garde à vue, le Comité reste préoccupé du fait que le droit d’accès à un avocat ne devient effectif qu’au moment du premier interrogatoire par les services de police et non pas dès le début de la privation de liberté; et du fait que la concertation confidentielle avec l’avocat est limitée à 30 minutes, ce qui est d’autant plus contraignant pour la personne détenue et que, dans la pratique, des limitations à ce droit existent, tel que le prompt accès des avocats aux dossiers. Le Comité note également que le droit d’être examiné par un médecin indépendant et de prévenir des proches ou d’autres personnes de son choix est limité, et que la communication des droits se fait par une déclaration écrite, sans aucune explication, ce qui limite la compréhension pour certaines personnes privées de liberté (art. 2 et 11).
Le Comité recommande à l’ État partie d’adopter des mesures efficaces pour garantir que toute personne placée en détention dispose, dans la pratique et dès le début de la privation de liberté, de toutes les garanties juridiques fondamentales , à savoir le droit d’être informée sur les motifs de la détention dans une langue appropriée, d ’avoir promptement accès à un avocat et de s’entretenir avec lui dès le début de la détention, de prévenir des proches ou d’autres personnes de son choix, et d’être rapidement soumise à un examen médical indépendant par un médecin de son choix .
Registre des détentions
Le Comité note avec préoccupation qu’un registre généralisé des détentions, tel que prévu à l’article 33 bis de la loi sur la fonction de police n’a pas encore été mis en place. Le Comité regrette également que, selon les informations fournies par l’État partie dans son rapport, chaque circonscription de police a développé son propre registre des privations de liberté, lequel ne comporte parfois pas d’informations suffisantes permettant de s’assurer du respect des droits des personnes détenues (art. 2 et 11).
Le Comité rappelle sa recommandation antérieure (CAT/C/BEL/CO/2 par. 20) et prie instamment l’État partie de prendre les mesures adéquates pour mettre en place un registre des détentions officiel, centralisé, uniformisé et informatisé dans lequel l’arrestation immédiate est rigoureusement consignée avec, au minimum, les renseignements suivants: i) l’heure de l’arrestation et de la détention; ii) le motif de la détention; iii) le nom du ou des policiers a yant procédé à l’arrestation ; iv) le lieu où la personne est détenue et les éventuels transferts ultérieurs; v) le nom des responsables de la garde ; et vi) si la personne détenue a des marques de blessures au moment de la détention. L’État partie devrait procéder à une vérification systématique, par des contrôles et inspections, du respect de cet te obligation conformément aux dispositions de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement (résolution 43/173 de l’Assemblée générale en date du 9 décembre 1988).
Usage de la force par les forces de l’ordre et ouverture immédiate d’enquêtes approfondies et impartiales
Le Comité note avec préoccupation les informations indiquant que les agents de la force de l’ordre font, dans certains cas, un emploi excessif et injustifié de la force lors des interpellations ou des arrestations. Le Comité déplore les informations selon lesquelles le 6 janvier 2010, Jonathan Jacob est décédé dans une cellule du commissariat de Mortsel, suite à la violence physique exercée par des agents de police. Le Comité déplore que, trois ans après cet événement, l’enquête n’ait pas encore abouti et que les responsables n’aient pas été traduits en justice et restent donc impunis. Le Comité note avec préoccupation les informations selon lesquelles les sanctions judiciaires prises à l’encontre des policiers jugés pour des mauvais traitements sont souvent symboliques et pas appropriées à la gravité des actes. Malgré les efforts déployés par l’État partie pour renforcer l’indépendance du Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P) et de son Service d’enquêtes, le Comité reste préoccupé par le fait que certains enquêteurs sont des anciens policiers, ce qui compromettrait leur impartialité lorsqu’il s’agit de procéder à des investigations objectives et efficaces au sujet d’allégations d’actes de torture et de mauvais traitements commis par les membres de la police (art. 2, 12, 13 et 16).
L’État partie devrait:
a) Ouvrir sans délai des enquêtes approfondies, diligentes et impartiales sur tous les cas d’allégation de brutalités, de mauvais traitements et d’usage excessif de la force de la part d’agents de la force de l’ordre , et poursuivre et sanctionner les fonctionnaires jugés coupables de ces infractions en leur imposant des peines appropriées;
b) Fournir des informations détaillées sur l’enquête concernant le cas de Jonathan Jacob;
c) Instituer un mécanisme totalement indépendant pour enquêter sur les éventuelles allégations de torture et de mauvais traitements et créer un registre spécifique pour consigner les allégations de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
d) Veiller à ce que les agents de la force de l’ordre reçoivent une formation axée sur l’interdiction absolue de la torture et agissent en conformité avec les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois ;
e) Prendre les mesures pertinentes pour renforcer d’avantage les mécanismes de contrôle et de supervision au sein de la police, particulièrement du Comité P et de son Service d ’enquêtes, qui devraient être composés d’experts indépendants recrutés à l’extérieur de la police.
Mécanismes de plainte dans les prisons et les centres fermés
Le Comité note avec préoccupation que les dispositions de la loi de principes concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus du 12 janvier 2005 (ci-après loi de principes) instaurant un droit de plainte auprès d’une instance indépendante ne sont pas encore entrées en vigueur. Par ailleurs, le Comité note les explications données par l’État partie sur le fonctionnement de la Commission des plaintes dans les centres fermés, mais il reste préoccupé par le fait que les étrangers ont souvent des difficultés à porter plainte et par l’absence d’une décision sur le fond lorsque le plaignant est expulsé (art. 12, 13 et 16).
Le Comité invite l’État partie à prendre des mesures qui mettent en œuvre les dispositions de la l oi de principes, visant à instaurer un mécanisme de plainte indépendant et efficace, spécifiquement dédié à la surveillance et au traitement des plaintes dans les centres de détention. L’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les allégations de comportement répréhensible de la part du personnel des lieux de détention et de rétention fassent l’objet au plus vite d’un examen et d’une enquête approfondie et impartiale.
Conditions de détention
Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer la situation de la surpopulation carcérale telles que l’adoption du Masterplan, qui prévoit des travaux de rénovation et d’extension des prisons existantes, ainsi que de nouveaux établissements pénitenciers. Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que, dans certains centres de détention, le taux de surpopulation est supérieur à 50 %, ce qui conduit à des actes de violence entre détenus et à l’usage fréquent de la force par le personnel de surveillance. Le Comité est également préoccupé par les mauvaises conditions d’hygiène, l’accès insuffisant aux soins de santé, le manque de personnel médical dans plusieurs lieux de détention, la non-séparation des détenus, entre prévenus et condamnés, ainsi qu’entre adultes et mineurs; et regrette que les mauvaises conditions de travail aient amené le personnel pénitentiaire à faire des grèves qui ont eu un impact négatif sur les conditions de détention (art. 11, 12, 13 et 16).
Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’accroître ses efforts pour réduire la surpopulation dans les établissements pénitentiaires et autres centres de détention, en particulier en appliquant des mesures de substitution à la privation de liberté, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et des Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquant e s (Règles de Bangkok);
b) De continuer à améliorer les infrastructures des établissements pénitentiaires et de garantir que les conditions de détention évitent toute formation de violence entre les détenus;
c) De séparer les détenus et garantir la séparation entre les prévenus et les condamnés, ainsi qu’entre les mineurs et les adultes ;
d) De prendre les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de travail du personnel pénitentiaire et pour assurer , dans le secteur pénitentiaire , un service permettant de garantir le respect des droits fondamentaux des détenus , même en cas de grèves.
Fouilles à corps complètes
Le Comité est préoccupé des modifications introduites à la loi de principes par la loi du 1er juillet 2013, laquelle permet des fouilles à corps complètes de manière routinière lorsque le détenu a eu un contact avec le monde extérieure. Bien que la Cour constitutionnelle se soit prononcée sur la suspension de l’application de telles dispositions, le Comité reste préoccupé par le fait que celles-ci n’ont pas encore été annulées et pourraient être appliquées de nouveau (art. 11).
Le Comité exhorte l’ État partie à annuler les dispositions de l a loi du 1 er ju illet 2013 qui permettent la réalisation de fouilles à corps systématiques. L’ État partie devrait veiller à ce que les fouilles à corps soient effectuées seulement dans des cas exceptionnels et par les moyens les moins intrusifs et dans le plein respect de la dignité de la personne . L’État partie devrait veiller à adopter des directives précises et strictes pour limiter les fouilles à corps.
Interdiction absolue de la torture dans la formation des agents publics
Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie dans son rapport et lors du dialogue au sujet des formations, séminaires et cours organisés sur les droits de l’homme à l’intention des juges, des magistrats du parquet, des policiers, des agents pénitentiaires et des militaires. Cependant, le Comité s’inquiète de l’absence d’une référence directe à la Convention, ainsi qu’à l’interdiction de la torture dans les formations dispensées au personnel de la police nationale, de même que dans les autres formations données aux fonctionnaires et aux agents appartenant aux administrations et aux services publics. Rappelant ses précédentes observations finales (CAT/C/BEL/CO/2, par. 15), le Comité regrette également que le code de déontologie des services de police n’intègre toujours pas de manière explicite la prohibition de la torture et que les sanctions auxquelles s’exposeraient les agents de police en cas de manquement à leurs obligations ne soient pas mentionnées (art. 2, 10 et 16).
L’État partie devrait continuer à élaborer des programmes de formation et renforcer ceux qui existent déjà, de sorte que l’ensemble des fonctionnaires, notamment les juges, les membres des forces de l’ordre, les militaires et le personnel pénitentiaire, connaissent bien les dispositions de la Convention; en particulier, qu’ils prennent pleinement conscience de l’interdiction absolue de la torture. Par ailleurs, toutes les personnes concernées, y compris les professionnels de la santé, en contact avec les détenus et les demandeurs d’asile devraient recevoir une formation spécifique pour apprendre à détecter les signes de torture et de mauvais traitements. Cette formation devrait , notamment, comprendre une initiation à l’emploi du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). L’État partie devrait en outre élaborer des mécanismes d’évaluation afin de déterminer l’efficacité et l’incidence de ces programmes de formation et d’enseignement. Le Comité invite également l’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour intégrer la prohibition explicite de la torture dans le Code de déontologie des services de police et à veiller à ce que les agents de police opèrent en ayant connaissance de l’interdiction absolue de la torture.
Accord de l’État partie avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
Le Comité prend note que l’État partie a conclu en avril 2010 un accord de principe avec le CICR pour que le personnel du CICR rende visite aux personnes détenues dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et évalue leurs conditions de détention ou d’internement. Il regrette, cependant, que cet accord ne soit pas encore opérationnel (art. 2, 11 et 16).
Le Comité encourage l’État partie à rendre opérationnel l’accord avec le CICR le plus rapidement possible afin que cette organisation internationale et humanitaire soit en mesure d’évaluer, avec des méthodes objectives, les conditions de détention des personnes détenues dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Soins de santé mentale pour les détenus
Le Comité réitère sa préoccupation sur les conditions de détention des internés souffrant de problèmes graves de santé mentale dans le système carcéral de l’État partie. Le Comité regrette que les services de santé mentale disponibles dans les prisons soient toujours insuffisants à cause du manque de personnel qualifié et d’infrastructures adaptées (art. 11 et 16).
Le Comité rappelle sa recommandation antérieure (CAT/C/BEL/CO/2 par. 23) et invite l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les détenus souffrant de problèmes de santé mentale reçoivent des soins adaptés. L’État partie doit pour cela augmenter la capacité des services d’hospitalisation en psychiatrie et faciliter, dans toutes les prisons, l’accès à des services de santé mentale.
Opérations d’éloignement
Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie sur le contrôle des renvois forcés réalisé par l’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale (AIG), le Comité reste préoccupé par l’éventuelle insuffisance de ressources humaines et financières pour la réalisation de son mandat, ainsi que par des informations selon lesquelles les membres du personnel travaillant sur ces actions sont des policiers détachés de leur fonction. Par ailleurs, le Comité est préoccupé par les informations indiquant l’utilisation excessive de moyens de contention lors des expulsions forcées, ce qui contraste avec le nombre limité de plaintes reçues par l’AIG. Le Comité regrette également que les organisations non gouvernementales (ONG) continuent à avoir un accès limité aux opérations d’éloignement et que des mécanismes de surveillance, tels que des enregistrements vidéo, n’aient pas encore été mis en place (art. 3)
Le Comité prie l’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour renforcer l’indépendance, l’impartialité et l’efficacité de l’AIG, notamment en dotant cet organe des moyens appropriés pour lui permettre d’exercer un contrôle efficace des retours et en lui donnant les moyens nécessaires pour recevoir et examiner des plaintes. Le Comité réitère sa recommandation antérieure (CAT/C/BEL/CO/2 par. 6) et prie l’État partie de prendre des mesures visant à renforcer les contrôles, telles que l’usage des enregistrements vidéo et le contrôle de la part des ONG. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour limiter l’utilisation des moyens de contention lors des opérations d’éloignement.
Détention administrative des requérants d’asile
Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie en matière d’asile et de réfugiés, tels que l’utilisation des mesures alternatives à la détention pour les familles avec enfants qui demandent l’asile. Cependant, le Comité reste préoccupé par les informations selon lesquelles des demandeurs d’asile, dans le cadre de l’application du Règlement de Dublin, sont détenus systématiquement pendant toute la durée de la procédure d’asile, et par les informations fournies par l’État partie, lors du dialogue, selon lesquelles la privation de liberté dans ces cas pourrait aller jusqu’à neuf mois (art. 11 et 16).
Le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que l ’ on ne recour e à la détention des demandeurs d ’ asile qu ’ en dernier ressort et, lorsqu ’ elle est nécessaire, pour une période aussi courte que possible et sans restrictions excessives, et de mettre en place et d ’ appliquer des mesures de substitution à la dé tention des requérants d’asile.
Non-refoulement et risque de torture
Le Comité est préoccupé par le fait que, dans l’État partie, les procédures et les pratiques actuelles en matière d’extradition et de refoulement permettent l’extradition d’une personne exposée au risque de torture lorsque l’État partie a obtenu des assurances diplomatiques (art. 3).
Le Comité rappelle sa position selon laquelle les États parties ne peuvent en aucun cas recourir aux assurances diplomatiques comme remplacement du principe de «non-refoulement» qui seul peut garantir une protection adéquate contre le risque de torture ou de mauvais traitements lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’une personne risque d’être soumise à la torture. Pour déterminer si les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention s’appliquent, l’État partie devrait examiner minutieusement, sur le fond, chaque cas particulier, y compris la situation générale en matière de torture dans le pays de retour.
Mesures de réparation et d’indemnisation des victimes de torture ou de mauvais traitements
Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur le nombre de requêtes d’indemnisation introduites par des victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements, ainsi que sur les indemnisations octroyées aux victimes. Le Comité regrette également l’absence d’informations sur les mesures prises par l’État partie pour assurer une réhabilitation des victimes de torture ou de mauvais traitements (art. 14).
Renvoyant à son o bservation générale n o 3 (2012) sur l’application de l’article 14 par les États parties , le Comité recommande à l’ État partie de faire en sorte que toutes les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitement puissent exercer pleinement leur droit d’obtenir réparation et de bénéficier des moyens nécessaires à leur réhabilitation complète.
Utilisation d’aveux obtenus par la torture
Tout en prenant note de l’adoption de la loi du 24 octobre 2013 modifiant le Code de procédure pénale en ce qui concerne la nullité d’un élément de preuve obtenue irrégulièrement, le Comité reste préoccupé par le fait que ladite loi ne contient aucune disposition explicite sur l’irrecevabilité des preuves obtenues par la torture (art. 15).
Le Comité invite instamment l’État partie à modifier sa législation afin que toute déclaration obtenu e par la torture ou par des mauvais traitements ne soit pas utilisée ni invoqué e comme élément de preuve dans une procédure , sauf comme élément de preuve contre la personne accusée d’actes de torture .
Administration de la justice aux mineurs
Le Comité continue d’être préoccupé par le fait que la loi permette que des enfants âgés de 16 à 18 ans et en conflit avec la loi soient jugés par des tribunaux pour adultes et, en cas de condamnation, soient détenus dans des prisons pour adultes. Le Comité est également préoccupé par la lenteur de certaines procédures judiciaires (art. 11).
Le Comité rappelle sa recommandation antérieure (CAT/C/BEL/CO/2 par. 17) et demande à l’ État partie de mettre en p lace un système de justice pour mineurs qui soit entièrement conforme, en droit et en pratique, aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et de veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans ne soient pas jugées comme des adultes. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires afin d’accélérer les procédures judiciaires.
Utilisation d’armes à impulsion électrique
Malgré les explications de l’État partie sur le cadre légal actuel relatif à l’usage de la force par les services de police, ainsi que sur les règles et les conditions entourant l’utilisation du «Taser» par les forces de police, le Comité reste préoccupé par le fait que l’emploi de ce type d’armes ne fait pas l’objet d’une supervision exhaustive (art. 2, 11 et 16).
L ’ État partie devrait veiller à ce que les armes à impulsio n électrique so ie nt utilisées uniquement dans des situations extrêmes comme un substitut à des armes létales, par exemple lor squ’ il existe un risque de blessure grave ou une menace réelle et immédiate à la vie , et veiller à ce que ces armes soient utilisées par un personnel dûment qualifié. Le Comité est d e l’ avis que l ’ utilisation des armes à impulsion électrique devrait être soumis e aux principes de nécessité et de proportionnalité et devrait être inadmissible dans l ’ équipement du personnel de surveillance dans les prisons ou dans tout autre lieu de privation de liberté . Le Comité recommande à l’État partie de contrôler et superviser strictement l’utilisation de ces armes et de renforcer ses efforts visant au respect des règles et conditions qui entourent leur utilisation par les agents des forces de l’ordre.
Châtiments corporels
Tout en prenant note des campagnes de sensibilisation organisées pour la prévention de la violence envers les enfants, le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore adopté une législation spécifique interdisant expressément les châtiments corporels en toutes circonstances, particulièrement au sein de la famille et dans les dispositifs de protection non institutionnels (art. 2 et 16).
Le Comité recommande à l’ État partie d’interdire expressément les châtiments corporels infligés aux enfants dans tous les cadres, et en priorité dans le cadre familial et dans les milieux non institutionnels de prise en charge des enfants.
Autres questions
Le Comité invite l’État partie à ratifier les instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues pertinentes, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.
Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, au plus tard le 22 novembre 2014, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations suivantes: a) la mise en place de garanties juridiques pour les personnes détenues ou le renforcement des garanties existantes; b) la conduite rapide d’enquêtes impartiales et effectives; c) les poursuites engagées contre les suspects et les sanctions prises contre les auteurs de mauvais traitements; d) l’établissement d’un registre centralisé des personnes privées de liberté et d’un mécanisme de plaintes dans les prisons et centres fermés, recommandations qui figurent aux paragraphes 11, 12, 13 et 14 des présentes observations finales.
Le Comité invite l’État partie à présenter au plus tard le 22 novembre 2017 son prochain rapport périodique, qui sera le quatrième. À cette fin, le Comité lui soumettra en temps voulu une liste préalable de points, l’État partie ayant accepté d’établir son rapport conformément à la procédure facultative pour l’établissement des rapports.