Nelson Mandela, notre frère, s’est éteint !

« tout discours sur la paix restera creux tant qu’Israël continuera à occuper un territoire arabe » mandela_on_i9f7c-b62f9

Avec la mort de Nelson Mandela , la Palestine et tous ceux et celles qui sont engagés pour la justice, la paix et les droits humains ont perdu un ami précieux.Il a consacré sa vie à la justice, à l’égalité et à la dignité. A l’âge de 94 ans, Nelson Mandela s’est éteint à Johannesburg.

Le Mouvement Citoyen Palestine, lui rend hommage et se souvient de son engagement pour la PALESTINE.

Le meilleur hommage que nous puis­sions rendre à Nelson Mandela, est de pour­suivre avec ténacité le combat pour le droit des Pales­ti­niens et pour un monde de paix, de justice et de solidarité.

Nordine Saïdi
Mouvement Citoyen Palestine

http://www.europalestine.com/local/cache-vignettes/L560xH274/nelson_mandela_arafat-62a05.jpg

 

Mandela à Gaza : « Si la seule solution est la violence, alors nous utiliserons la violence »

 

Publié le 28 juin 2013.

 

Comme l’a rappelé Pierre Haski dans un article publié hier sur Rue89, les pays occidentaux n’ont pas toujours, loin de là, soutenu les combats de Nelson Mandela. Ce dernier leur a d’ailleurs à plusieurs reprises rendu la pareille en se démarquant nettement des positions des États-Unis et de l’Union européenne, comme lors de son voyage à Gaza en octobre 1999, durant lequel il a fait des déclarations, passées sous silence par la presse occidentale et peu connues aujourd’hui encore, alors qu’elles en disent long sur les positions politiques de celui qui est devenu le symbole de la lutte anti-apartheid. 

 

 

 

En témoigne le discours qu’il prononce, le 20 octobre 1999, devant le Conseil Législatif Palestinien (Parlement) à Gaza (extraits vidéos ci-dessous). Comme le résume la dépêche de l’Associated Press publiée à l’époque, Nelson Mandela, tout en affirmant « sa sympathie pour le point de vue israélien », « [invoque] à plusieurs reprises la similitude entre la lutte des Palestiniens et des Non-blancs en Afrique du Sud [et se souvient] de cette époque où les deux mouvements étaient considérés comme des parias par la communauté internationale, période durant laquelle des liens solides ont été forgés entre Palestiniens et Sud-Africains ». 

 

 

 

Durant ce discours, il rappelle notamment ce qu’il a déclaré, quelques jours plus tôt, en Israël, au cours de rencontres avec Ehud Barak et Shimon Pérès, devant lesquels il a affirmé, entre autres, ceci : « Israël devrait se retirer des zones qu’il a prises aux Arabes : le plateau [syrien] du Golan, le Sud-Liban et la Cisjordanie ». Engagement qui est, selon Mandela, le préalable à la reconnaissance par les États arabes « du droit de l’État d’Israël à exister à l’intérieur de frontières sûres ». Et d’ajouter que « tout discours sur la paix restera creux tant qu’Israël continuera à occuper un territoire arabe«  [1].  

 

Devant le Conseil Législatif Palestinien, il reprend ce dernier point : « Je leur ai dit qu’il ne sert à rien qu’Israël parle de paix tant qu’ils continueront à contrôler les territoires arabes qu’ils ont conquis durant la guerre de 1967« . Et de poursuivre en développant sa vision stratégique, expliquant notamment que la voie négociée et la paix doivent être la priorité, et qu’elles sont toujours préférables à au conflit. Mais, ajoute-t-il alors, « il faut choisir la paix plutôt que la confrontation, sauf dans les cas où nous ne pouvons rien obtenir, ou nous ne pouvons pas continuer, ou nous ne pouvons pas aller de l’avant. Si la seule solution est la violence, alors nous utiliserons la violence« . 

 

 

 

L’ex-Président sud-africain dépassé par les événements ? Pas du tout. L’ANC et Nelson Mandela n’ont jamais condamné, a priori, la lutte armée dans le cadre des combats d’émancipation nationale. Justifiant ce point de vue, Mandela a ainsi écrit dans son autobiographie, Un long chemin vers la liberté, ce qui suit : « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé, qui détermine la forme de la lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime défense » [2].

 

La lutte contre l’apartheid, c’était ça aussi. Nelson Mandela, c’est ça aussi.

 

Il ne s’agit pas ici de transformer Mandela en héraut du combat pour les droits nationaux des Palestiniens, même s’il n’a jamais fait mystère de son soutien à la lutte contre l’occupation israélienne. Mandela a toujours été, sur ce terrain, beaucoup plus en retrait que l’archevêque Desmond Tutu, qui depuis de longues années soutient la campagne internationale de boycott de l’État d’Israël, qu’il qualifie, à l’instar d’autres dirigeants sud-africains, d’État d’apartheid. Tel n’est pas le cas de Mandela, contrairement à ce que croient ceux qui ont pris pour argent comptant un « Mémo de Nelson Mandela à Thomas Friedman » dénonçant « l’apartheid israélien », qui est en réalité un exercice de style rédigé par Arjan el-Fassed [3].

 

Il ne s’agit pas non plus de défendre une quelconque position de principe quant au recours à la lutte armée, mais bel et bien de souligner le fait que, quel que soit le jugement que l’on peut porter sur les opinions de Mandela, la moindre des choses est de refuser, à l’heure où les « hommages » hypocrites se préparent, que sa pensée et ses combats soient amputés de certaines de leurs dimensions essentielles. Mandela peut et doit être critiqué, que l’on parle de ses choix politiques, économiques ou sociaux. Mais ce serait salir sa mémoire et trahir les luttes qu’il a menées que de laisser ses adversaires d’hier décider de ce que l’Histoire doit retenir de lui.

 

Notes

[1] Cité dans le journal québecois Le Devoir, édition du 20 octobre 1999. 
[2] Nelson Mandela, Un long chemin vers la libertéParis, Fayard, 1995 (p. 647 de l’édition Livre de poche). 
[3] De même, la célèbre citation « Notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens », si elle témoigne d’un évident soutien de Mandela à la cause palestinienne, a fortiori dans la mesure où elle est extraite d’un discours prononcé dans le cadre de la « Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien » (le 4 décembre 1997), est en réalité tronquée. La phrase originale est en effet : « Nous ne savons que trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens, sans la résolution des conflits au Timor, au Soudan et dans d’autres parties du monde » (discours en ligne sur le site du gouvernement sud-africain).

 

Mandela, le symbole du courage, de la noblesse et de la tolérance par son combat contre l’apartheid.
Alors, notre hommage est publier cette lettre (dans son entièreté) adressée à Tomas L. Friedman, un éditorialiste au New York Times en 2001.

Cher Thomas,

Je sais que vous et moi sommes impatients de voir la paix au Moyen Orient, mais avant que vous continuiez à parler des conditions nécessaires d’un point de vue israélien, vous devez savoir ce que j’en pense. Par où commencer ? Disons 1964.

Permettez-moi de citer mes propres paroles lors de mon procès. Elles sont aussi justes aujourd’hui qu’elles l’étaient à l’époque : « J’ai combattu la domination blanche et j’ai combattu la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société démocratique et libre au sein de laquelle tous vivraient ensemble, en harmonie, et avec des chances égales. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et que j’espère atteindre. Mais s’il le faut, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »

Aujourd’hui, le monde, noir et blanc, reconnaît que l’Apartheid n’a pas d’avenir. En Afrique du Sud, il s’est terminé grâce à notre propre action de masse décisive, pour bâtir la paix et la sécurité. Cette campagne massive de défi et autres actions ne pouvait qu’aboutir à l’établissement de la Démocratie.

Il est peut-être étrange pour vous d’observer la situation en Palestine ou, plus spécifiquement, la structure des relations politiques et culturelles entre les Palestiniens et les Israéliens, comme un système d’Apartheid. Votre article récent « Bush’s First Memo », dans le New York Times du 27 mars 2001, le démontre.

Vous semblez surpris d’entendre qu’il y a toujours des problèmes de 1948 à résoudre, dont le plus important est le droit au retour des réfugiés palestiniens. Le conflit palestino-israélien n’est pas qu’un problème d’occupation militaire et Israël n’est pas un pays qui a été créé « normalement » et qui s’est mis à occuper un autre pays en 1967. Les Palestiniens ne luttent pas pour un « Etat » mais pour la liberté, la libération et l’égalité, exactement comme nous avons lutté pour la liberté en Afrique du Sud.

Au cours de ces dernières années, et en particulier lorsque le Parti Travailliste était au gouvernement, Israël a montré qu’il n’avait même pas l’intention de rendre ce qu’il avait occupé en 1967, que les colonies resteraient, que Jérusalem serait sous souveraineté exclusivement israélienne et que les Palestiniens n’auraient pas d’Etat indépendant mais qu’ils seraient placés sous domination économique israélienne, avec un contrôle israélien des frontières, de la terre, de l’air, de l’eau et de la mer.

Israël ne pensait pas à un « Etat » mais à une « séparation ». La valeur de la séparation se mesure en terme de la capacité d’Israël à garder juif l’Etat juif, et pas d’avoir une minorité palestinienne qui pourrait devenir une majorité, dans l’avenir. Si cela arrivait, cela forcerait Israël à devenir soit un Etat laïque ou bi-national, soit à devenir un Etat d’Apartheid, non seulement de fait, mais aussi de droit.

Thomas, si vous suivez les sondages israéliens au cours des 30-40 dernières années, vous verrez clairement un racisme grossier, avec un tiers de la population qui se déclare ouvertement raciste. Ce racisme est de la nature de « Je hais les Arabes », et « Je souhaite que les Arabes meurent ». Si vous suivez également le système judiciaire en Israël, vous verrez qu’il y a discrimination contre les Palestiniens, et si vous considérez plus particulièrement les territoires occupés en 1967, vous verrez qu’il y a déjà deux systèmes judiciaires à l’œuvre, qui représentent deux approches différentes de la vie humaine : une pour la vie palestinienne et l’autre pour la vie juive.

De plus, il y a deux approches différentes pour la propriété et pour la terre. La propriété palestinienne n’est pas reconnue comme propriété privée puisqu’elle peut être confisquée.

Pour l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza, il y a un facteur supplémentaire à prendre en compte. Les soi-disant « Zones autonomes palestiniennes » sont des Bantoustans. Ce sont des entités restreintes au sein de la structure de pouvoir du système israélien d’Apartheid.

L’Etat palestinien ne peut pas être un sous-produit de l’Etat juif, juste pour garder la pureté juive d’Israël. La discrimination raciale d’Israël est la vie quotidienne de la plupart des Palestiniens. Parce qu’Israël est un Etat juif, les Juifs israéliens ont des droits particuliers dont les non Juifs ne bénéficient pas. Les Arabes palestiniens n’ont aucune place dans un Etat « juif ».

L’Apartheid est un crime contre l’humanité. Israël a privé des millions de Palestiniens de leur liberté et de leur propriété. Il perpétue un système de discrimination raciale et d’inégalité. Il a systématiquement incarcéré et torturé des milliers de Palestiniens, en violation du droit international. Il a déclenché une guerre contre une population civile et en particulier contre des enfants.

Les réponses de l’Afrique du Sud en matière de violation des droits humains provenant des politiques de déportation et des politiques d’apartheid ont mis en lumière ce que la société israélienne doit nécessairement accomplir avant que l’on puisse parler d’une paix juste et durable au Moyen Orient et de la fin de la politique d’apartheid. Thomas, je n’abandonne pas la diplomatie du Moyen Orient, mais je ne serai pas complaisant avec vous comme le sont vos supporters. Si vous voulez la paix et la démocratie, je vous soutiendrai. Si vous voulez formaliser l’apartheid, nous ne vous soutiendrons pas. Si vous voulez soutenir la discrimination raciale et le nettoyage ethnique, nous nous opposerons à vous. Quand vous aurez pris votre décision, passez moi un coup de fil.

Nelson Mandela,

 

SOURCE

EN IMAGES. Nelson Mandela, une vie de combats (1918-2013)

 Mandela : l’Union africaine salue la mémoire d’un « héros panafricain »

vendredi 6 décembre 2013, par La Rédaction

L’Union africaine (UA), par la voix de la présidente de sa commission, la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, a salué vendredi la mémoire de Nelson Mandela, « héros panafricain », décédé jeudi soir, qui « manquera éternellement ». « Madiba, comme il était affectueusement surnommé, symbolise l’esprit du panafricanisme et de la solidarité dans les luttes de l’humanité contre l’apartheid, l’oppression et le colonialisme et pour l’autodétermination, la paix et la réconciliation », a déclaré dans un communiqué la présidente de la Commission de l’UA.
« Mandela a livré un bon combat et a tiré sa révérence admiré de tous », a poursuivi Mme Dlamini-Zuma, ex-militante anti-apartheid, membre du Congrès national africain (ANC) de Mandela et ancienne ministre de la Santé de son gouvernement, et ex-épouse de l’actuel président sud-africain Jacob Zuma. « Son décès est une perte énorme pour sa famille, notre continent et, en fait, l’humanité elle-même », a-t-elle estimé, précisant avoir ordonné que les drapeaux soient mis en berne au siège de l’UA à Addis Abeba. Nelson Mandela, emprisonné entre 1962 et 1990 pour son combat contre le régime sud-africain de l’apartheid avant de devenir en 1994 le premier président noir d’Afrique du Sud, est décédé jeudi soir à l’âge de 95 ans.

***

Nelson Mandela est mort, le monde pleure sa disparition
Le monde rend vendredi un hommage bouleversant à Nelson Mandela, personnalité majeure de l’histoire du XXe siècle devenu une « source d’inspiration » universelle pour ses valeurs de pardon et de réconciliation.
C’est tard jeudi soir, en direct à la télévision, que le président Jacob Zuma a annoncé le décès du premier président noir de l’Afrique du Sud, à l’âge de 95 ans.
« Héros de l’humanité », selon le quotidien sud-africain The Star, idole de tout un peuple pour son rôle décisif dans la lutte contre le régime ségrégationniste d’apartheid en 1994, celui que ses compatriotes appellent « Madiba » est mort chez lui, des suites d’une infection pulmonaire, pour laquelle il avait été hospitalisée de juin à septembre.
« Notre bien-aimé Nelson Mandela, le président fondateur de notre nation démocratique, nous a quittés. Il est décédé en paix entouré de sa famille aux environs de 20H50 (18H50, ndlr). (…) Notre nation a perdu son plus grand fils », a déclaré le président Zuma.
La date des funérailles n’a pas été annoncée, mais le corps de Nelson Mandela a été transféré dans un hôpital militaire de Pretoria. Un hommage national et international devrait lui être rendu dans la capitale Pretoria avant un transfert définitif vers Qunu, le village de son enfance, où il souhaitait être inhumé.

Toute la nuit, des hommages unanimes ont afflué, mêlant dans une même émotion Etats-Unis et Iran, Chine et Dalaï Lama, Palestiniens et Israël…
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a salué en lui « une source d’inspiration » pour le monde entier.
Aux Etats-Unis, le président Barack Obama, lui aussi premier président noir de son pays, a ordonné de mettre les drapeaux américains en berne jusqu’à lundi soir.
Pour le chef de l’Etat français François Hollande, qui a également ordonné de mettre les drapeaux français en berne, Nelson Mandela a été « l’incarnation de la Nation sud-africaine, le ciment de son unité et la fierté de toute l’Afrique ».
Le Dalaï Lama, autre prix Nobel de la Paix, a dit de son côté avoir perdu un « ami cher ».

Le monde du sport rend un hommage appuyé
Le monde du sport, auquel Mandela était très attaché, n’était pas en reste : « Grâce à son extraordinaire vision, il a réussi à faire de la Coupe du monde 1995 un instrument pour favoriser l’émergence d’une nation, juste un an après les premières et historiques élections démocratiques en Afrique du Sud », a rappelé le président de la Fédération sud-africaine de rugby Oregan Hoskins, ajoutant : « Son nom prendra place parmi les plus grands libérateurs et humanistes aussi longtemps que vivra l’humanité. »
Au Brésil, qui accueille vendredi le tirage au sort de la prochaine Coupe du monde de football, l’émotion était immense également : « Il était mon héros, mon ami, mon compagnon dans la lutte en faveur de la cause du peuple et pour la paix dans le monde », a écrit sur son compte Twitter Pelé, la légende du football brésilien.

En Afrique du Sud
Dès l’annonce du décès, des centaines de personnes de toutes origines se sont rassemblées dans la nuit près de sa maison de Johannesburg.
L’ambiance n’était pas au recueillement mais à la célébration, avec des chants anti-apartheid ou à la gloire de Madiba (son nom de clan), repris en choeur par la foule qui agitait des drapeaux et scandait parfois « Viva Mandela » ou « Longue vie à Mandela ».
Vendredi matin, dans le township de Soweto où vécut Mandela, et d’où partit la révolte des noirs opprimés, les habitants exprimaient avant tout leur gratitude : « L’inévitable s’est produit. C’est un jour triste mais l’Afrique du Sud et le monde s’y attendait et nous pouvons remercier Dieu pour (l’oeuvre de) sa vie », dit à l’AFP le frère Sebastian, 35 ans, devant l’église catholique Regina Mundi, haut lieu de la lutte contre le régime raciste blanc de l’apartheid.
« C’est une vie bien vécue », confie pour sa part Mhlodi Tau, un médecin de 38 ans. « Bien sûr on est triste qu’il ne soit plus physiquement avec nous, mais on célèbre cette vie incroyable. Pour tous les Sud-Africains, c’était un membre de la famille. »
« Au cours de vingt-quatre années (depuis sa libération, ndlr) Madiba nous a appris comment vivre ensemble et croire en nous-mêmes et en chacun », a déclaré dans la soirée un autre héros de la lutte anti-apartheid, l’archevêque anglican Desmond Tutu, considéré à 82 ans comme la conscience morale de son pays.

« Une inspiration pour le monde entier »
« Suggérer que l’Afrique du Sud pourrait partir en flammes (après le décès de Mandela) —comme certains l’on prédit— revient à discréditer les Sud-Africains et l’héritage de Madiba », a-t-il ajouté.
« Il était une inspiration pour le monde entier », a réagi Frederik de Klerk, le dernier président blanc sud-africain, qui avait fait sortir Mandela de prison avant de négocier la transition démocratique et de partager en 1993 le prix Nobel de la Paix avec lui.
Nelson Mandela, qui avait fêté ses 95 ans le 18 juillet, avait été hospitalisé quatre fois depuis décembre 2012, à chaque fois pour des récidives d’infections pulmonaires.
Ces problèmes récurrents étaient probablement liés aux séquelles d’une tuberculose contractée pendant son séjour sur l’île-prison de Robben Island, au large du Cap, où il a passé dix-huit de ses vingt-sept années de détention dans les geôles du régime raciste de l’apartheid.
Mandela restera dans l’histoire pour avoir négocié pied à pied avec le gouvernement de l’apartheid une transition pacifique vers une démocratie multiraciale. Et pour avoir épargné à son peuple une guerre civile raciale qui, au début des années 1990, paraissait difficilement évitable.
Sous les couleurs du Congrès national africain (ANC), il a été le premier président de consensus de la nouvelle « nation arc-en-ciel », de 1994 à 1999.

« J’aurai le sourire aux lèvres »
« Je ne doute pas un seul instant que lorsque j’entrerai dans l’éternité, j’aurai le sourire aux lèvres », avait-il dit à l’époque, heureux de voir son pays grandir en paix après des décennies de ségrégation raciale.
Né le 18 juillet 1918 dans le petit village de Mvezo, dans le Transkei (sud-est) au sein du clan royal des Thembus, de l’ethnie xhosa, le jeune garçon avait rapidement déménagé dans le village voisin de Qunu, où il a passé, dira-t-il, ses « années les plus heureuses » —une enfance libre à la campagne peut-être idéalisée—, avant de recevoir une bonne éducation.
Si son institutrice l’a nommé Nelson, son père l’avait appelé Rolihlahla (« celui par qui les problèmes arrivent », en xhosa).
Après avoir fondé la Ligue de la jeunesse de l’ANC (Congrès national africain), il prend rapidement les rênes du parti, jugé trop mou face à un régime qui a institutionnalisé l’apartheid en 1948.
Après l’interdiction de l’ANC en 1960, Nelson Mandela passe dans la clandestinité. C’est lui qui préside à la fondation d’une branche armée de son parti et il restera longtemps catalogué comme terroriste en Occident.
Arrêté de nouveau en 1962, il est condamné à la prison à perpétuité deux ans plus tard.
Invisible en public depuis 2010, il était devenu une sorte de héros mythique, intouchable, invoqué tant par le pouvoir que par l’opposition dans son pays, et une icône à travers le monde.

Soweto, triste et ému, dit « Merci Mandela »
« Il était tout pour nous », soupire Cynthia Mmusi, qui achève une veillée de recueillement entamée dès qu’elle a appris la nouvelle à minuit de Nelson Mandela.
Dans le township de Soweto, haut lieu de la lutte contre le régime ségrégationniste de l’apartheid, la population noire exprime sa gratitude pour l’ancien président sud-africain, décédé jeudi à 95 ans.
« Dans notre culture, les hommes ne pleurent pas, mais j’ai versé une larme la nuit dernière. Il est le père de notre nation », déclare Siyabulela Mfazwe, 30 ans.
Mais beaucoup se disent aussi soulagés que le héros national et figure mondiale de la réconciliation ait pu s’éteindre en paix chez lui après une longue agonie.
Devant la petite maison de Soweto où Mandela vécut avant d’être emprisonné et où son ex-femme Winnie continua d’animer la flamme du combat contre l’apartheid, des passants s’arrêtent pour déposer un bouquet de fleurs, se recueillir, puis repartent.
Sifiso Mnisi, la quarantaine, a placardé sa voiture blanche de messages à l’honneur de l’ancien président : « Mon président noir », « Tu t’es battu contre les dominations noire et blanche, dankie (merci en afrikaans, ndlr) fils ».
« Avoir plus de 95 ans, ce n’est pas un jeu d’enfant. Nous redoutions ce jour où le noble géant allait mourir », dit-il.
« C’est une vie bien vécue », confie Mhlodi Tau, un médecin de 38 ans, s’inspirant d’un verset biblique : « Il a bien fini la course et a mené le bon combat. Bien sûr on est triste qu’il ne soit plus physiquement avec nous, mais on célèbre cette vie incroyable. Pour tous les Sud-Africains, c’était un membre de la famille. »
« Il est comme un père pour nous et nous allons commémorer sa vie pendant tout le mois de décembre », ajoute Cynthia Mmusi, 35 ans.
Si la date date des obsèques nationales n’a pas encore été fixée, l’annonce de la mort de l’ancien président n’a pas surpris.
« Finalement, il est en paix », souffle Vuyiswa Qagy, une jeune femme de 29 ans traversant la pelouse devant l’église catholique Regina Mundi, pôle de la résistance contre l’ancien pouvoir raciste.
« Bien que cela ressemble à un jour comme les autres, on ressent une perte », dit le père Sebastian, 35 ans, lui-même enfant de la grande township noire des portes de Johannesburg. « L’inévitable s’est produit. C’est un jour triste pour nous, mais l’Afrique du Sud et le monde s’y attendaient et nous pouvons remercier Dieu pour (ce qu’il a fait dans) sa vie », ajoute-t-il.
Il attend les fidèles pour le premier office de 08H00 (06H00 GMT). « C’est aussi une invitation pour que nous vivions ce pourquoi il a combattu. C’était un homme de réconciliation », enchaîne-t-il.
Une trentaine de personnes prennent place pour se recueillir dans l’église aux trois quarts déserte. Prières et cantiques s’élèvent en anglais et en zoulou. D’autres services doivent avoir lieu dans la journée.
« Beaucoup d’entre nous s’inquiétaient qu’il puisse être déjà mort », confie à l’extérieur Soly Nakhoba, 55 ans, un voisin, alors que certains compatriotes n’hésitent pas à comparer l’ancien président à Jésus ou Moïse.
« Je me sens très triste, c’est une icône et celui qui a uni l’Afrique du Sud. Sous son influence, tout était normal et les gens se toléraient les uns les autres », ajoute-t-il, s’inquiètant pour l’avenir de son pays privé de son héros.
« C’est très triste mais il était suffisamment vieux. On ne peut pas pleurer pour lui, il a fait son boulot et maintenant il se repose. Vu ce qu’il souffrait, c’est bien pour lui de reposer en paix », estime Mthokozisi Xulu, un chauffeur de taxi de 35 ans.
De retour de sa vacation de nuit à l’hôpital, Onica Magozi, une infirmière de 46 ans vêtue de bleu marine, se dit « triste et désolée. Mais de toute façon cela fait partie de la vie ».

(06-12-2013 – Avec les agences de presse)

 Mandela, ce sourire qui venait du plus profond de l’âme

 

vendredi 6 décembre 2013, par La Rédaction

 

L’auteur de ce témoignage, Bryan Pearson, un Sud-Africain, a été correspondant de l’AFP en Afrique du Sud de 1990 à 1999. Il a, à ce titre, suivi le parcours de Nelson Mandela depuis sa sortie de prison jusqu’à son départ du pouvoir.

Mais qu’est-ce qui rendait Mandela si spécial ?

A part, bien sûr, le fait d’avoir croupi vingt-sept ans dans les geôles de l’apartheid et d’en avoir émergé sans la moindre rancune.
A part son insistance pour que la « réconciliation » soit au centre d’une commission de vérité constituée pour soigner les plaies infligées à l’Afrique du Sud par des décennies de haine raciale.
A part son apparition sur le terrain de la finale de la Coupe du monde de rugby en 1995, un maillot des Springboks sur les épaules, courageux appel au pays pour qu’il s’unisse derrière une équipe sud-africaine composée en grande majorité de Blancs.
Et à part son départ de la présidence de l’Afrique du Sud au terme de son premier mandat, contrairement à tant de dirigeants dans le monde qui, une fois qu’ils ont goûté au pouvoir, s’accrochent à lui jusqu’à ce qu’il les détruise ou jusqu’à ce qu’ils détruisent les pays qu’ils gouvernent.
Voilà les qualités les plus connues du héros de la lutte contre l’apartheid.
Mais pour les journalistes qui ont eu la chance de suivre son remarquable parcours, depuis sa sortie de prison en 1990, pendant les années de transition jusqu’aux premières élections présidentielles multiraciales de 1994 et jusqu’à ce jour de 1999 où —trop tôt pour certains— il tira sa révérence, Nelson Mandela était plus que cela. Beaucoup plus que cela. Il n’était pas un politicien comme les autres. Couvrir « l’histoire Mandela » vous marquait pour la vie. Il nous incitait tous à devenir de meilleurs êtres humains ou, plus exactement, à reconnaître les vertus de la réconciliation à une époque où les Sud-Africains, blancs ou noirs, subissaient encore les stigmates de l’apartheid.
J’assiste à un meeting de campagne dans la township d’Alexandra, dans la banlieue de Johannesburg. La tension est extrême. Mandela prend la parole devant une foule imprégnée de sentiments anti-Blancs après un énième massacre de Noirs attribué à la « Troisième force » —des barbouzes blancs qui cherchent à torpiller par la violence le processus de démantèlement de l’apartheid.
Et puis, brusquement, il s’arrête de parler. Il montre du doigt une femme blanche qui se tient debout parmi les participants, un peu en retrait.
« Cette femme, là-bas », dit-il avec un large sourire. « Elle m’a sauvé la vie. »
Il l’invite à monter sur scène et l’embrasse chaleureusement. Il raconte qu’en 1988, alors qu’il était incarcéré dans la prison de Pollsmoor, près du Cap, il avait été hospitalisé après avoir attrapé la tuberculose et que c’était cette femme, une infirmière, qui l’avait soigné.
Mandela réussissait à renverser l’humeur de la foule. Les grondements vengeurs se taisent, noyés sous les murmures d’approbation. Il y a aussi ce jour où Mandela, devenu président de l’Afrique du Sud, accueille une réunion de la Communauté de développement d’Afrique australe. Pratiquement tous les chefs d’Etat et de gouvernement de la région sont là. Depuis le matin, les journalistes attendent une conférence de presse qui n’arrive pas. Une reporter radio, très agitée, doit s’éclipser en milieu d’après-midi pour récupérer son fils à l’école, en priant pour que la conférence de presse ne démarre pas pendant son absence. Heureusement pour elle, elle revient juste à temps, accompagnée de son gamin dont la « chemise Madiba » tranche avec les costumes stricts de l’assistance.
En entrant dans la salle avec les autres dirigeants, Mandela remarque l’enfant. Sans hésiter, il se dirige vers lui, lui serre la main et lui dit : « Bien le bonjour. Comme c’est gentil d’avoir pris le temps de venir parmi nous malgré votre emploi du temps chargé ! » Le gamin rayonne, sa mère aussi.
Les journalistes sont enchantés et les présidents et Premiers ministres ont l’air de bien s’amuser.
Il en allait toujours ainsi. Nous étions émerveillés en voyant Mandela s’adapter sans difficulté à son nouveau rôle d’homme d’Etat d’envergure mondiale. Nous étions émus lorsque, de temps en temps, il laissait entrevoir son côté humain. Pendant son divorce, il avait confié publiquement que la femme qu’il aimait si profondément, Winnie, n’avait pas passé une seule nuit avec lui depuis sa sortie de prison. L’activiste Strini Moodley, incarcéré à Robben Island, raconte que Mandela avait toujours une photo de Winnie avec lui dans sa cellule. Un jour, Moodley demande à emprunter l’image pour réaliser un croquis. « Tu peux l’avoir pendant la journée, mais la nuit elle revient avec moi », lui répond Mandela.
Pendant la campagne électorale, Nelson Mandela n’oubliait jamais de demander aux journalistes s’ils avaient bien dormi et s’ils avaient bien pris leur petit-déjeuner. Il connaissait beaucoup de reporters et de photographes par leur nom. Il s’arrêtait souvent pour bavarder avec eux, en commençant toujours par un : « Comme c’est bon de vous revoir ! »
Un des moments les plus emblématiques de ses efforts permanents pour réconcilier les Sud-Africains fut sa visite à Betsie Verwoerd, la veuve de l’architecte de l’apartheid Hendrik Verwoerd, l’homme qui l’avait, de fait, envoyé en prison.
C’est sous Verwoerd, Premier ministre de 1958 jusqu’à son assassinat en 1966, que le Congrès national africain (ANC) et le Parti communiste avaient été mis hors la loi. Contraint à la clandestinité, Mandela avait été arrêté et condamné à la prison à vie, en 1964, pour « actes de sabotage » et « complot en vue de renverser le gouvernement ».
Le « Thé avec Betsie » se déroula au domicile de cette dernière, dans une enclave blanche connue sous le nom d’Orania, au nord-est du Cap, en août 1995. Mme Verwoerd, alors âgée de 94 ans, n’a jamais révélé grand-chose sur cette rencontre, se contentant de dire qu’elle était contente que le président lui ait rendu visite. Sa petite-fille, Elizabeth, s’était avérée moins accueillante, affirmant qu’elle aurait préféré que Mandela devienne « le président d’un pays voisin ».
Mandela était digne. Il était généreux. Il devait affirmer plus tard qu’il avait été reçu à Orania « comme à Soweto », la gigantesque township noire de Johannesburg dont il est le héros. Toujours prêt à rappeler qu’il s’inscrivait dans la lignée de nombreux dirigeants sud-africains, il avait posé pour les photographes au pied d’une statue de Verwoerd haute d’environ 1,80 m. « Vous avez érigé une bien petite statue pour cet homme », avait-il même dit aux résidents d’Orania en prenant un air déçu.
Quelques mois plus tôt, le 27 avril 1994, les journalistes s’étaient massés dans une école près de Durban où Mandela devait voter lors des premières élections multiraciales à avoir lieu dans le pays. Je me souviens avoir pensé : « Est-ce que tout cela est bien réel ? Est-ce que Mandela est bien en train de voter ? Est-ce que l’apartheid est vraiment en train de se terminer ? »
Oui, c’était bien le cas. Dans un bref discours, Mandela avait salué l’aube d’une « Nouvelle Afrique du Sud où tous les Sud-Africains sont égaux ». Puis il avait déposé son bulletin dans l’urne et, rayonnant sous le soleil matinal, il avait souri. Un long sourire. Un sourire heureux.
Le genre de sourire qui, on le sent, n’est pas destiné aux caméras. Le genre de sourire qui vient du très profond de l’âme. Et dans le cas de Mandela, d’une âme d’une grande rareté, et d’une grande sagesse.

(05-12-2013 – Avec les agences de presse)

 Nelson Mandela, notre frère, s’est éteint !

jeudi 5 décembre 2013, par La Rédaction

Nelson Mandela, héros la lutte contre le régime raciste d’apartheid et premier président noir de l’Afrique du Sud démocratique, est mort jeudi à l’âge de 95 ans, a annoncé le chef de l’Etat Jacob Zuma à la télévision. « L’ex-président Nelson Mandela nous a quittés (…) il est maintenant en paix. La Nation a perdu son fils le plus illustre », a déclaré le président Zuma lors d’une intervention en direct peu après 21 h 30 GMT. « Il s’est éteint en paix (…). Notre peuple perd un père », a-t-il ajouté avant d’annoncer que les drapeaux seraient mis en berne à partir de vendredi et jusqu’aux funérailles d’Etat dont il n’a pas annoncé la date.
« Exprimons la profonde gratitude pour une vie vécue au service des gens de ce pays et de la cause de l’humanité », a-t-il enchaîné. « C’est un moment de profond chagrin (…) Nous t’aimerons toujours Madiba ». « Comportons nous avec la dignité et le respect que Madiba personnifiait », a ajouté Jacob Zuma, qui a utilisé le nom de clan du héros de la lutte contre l’apartheid, un nom utilisé familièrement par tous les Sud-Africains pour désigner leur idole. « Une grande lumière s’est éteinte », a réagi le Premier ministre britannique David Cameron, alors que le président américain Barack Obama devait s’exprimer vers 22H30 GMT.
Le décès de Mandiba provoque sans surprise l’émotion en Afrique du Sud où de nombreuses personnes affluent au domicile de l’ancien président sud-africain. Les réactions sont également déjà très importantes sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs de Twitter saluent en masse « un grand homme et excellent exemple pour l’humanité », rappelant que « c’est un des hommes les plus importants du siècle ».
Nelson Mandela, qui fut le premier président noir de son pays de 1994 à 1998, a été hospitalisé du 8 juin au 1er septembre pour une rechute d’une infection pulmonaire et probablement d’autres complications. Il avait ensuite été ramené chez lui, dans sa maison de Johannesburg qui avait été équipée comme un hôpital.

Prisonnier pendant 27 ans
Leader du combat des Noirs contre la ségrégation de l’apartheid, Nelson Mandela a passé 27 ans de sa vie en détention. Libéré en 1990, le plus célèbre prisonnier politique du monde devint quatre ans plus tard le premier président noir démocratiquement élu de son pays (1994-1999). Il s’était retiré dès la fin de son mandat, pour se consacrer à la protection de l’enfance et à la lutte contre le sida, fléau de l’Afrique du Sud.
Le « long chemin vers la liberté » (titre d’une autobiographie parue en 1994) de Nelson Rolihlahla Mandela a commencé le 18 juillet 1918 dans le hameau de Mvezo, dans le bantoustan du Transkeï (aujourd’hui province de l’Eastern Cape, sud-est) où il naît au clan royal des Thembu, de l’ethnie xhosa.
« J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire », avait-il dit pour résumer son long combat pour la liberté : « Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales. J’espère vivre assez longtemps pour l’atteindre. Mais si cela est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ».

Un « miracle »
Du bagne de Robben Island, au large du Cap, où il passera 18 ans, des prisons de Pollsmoor et de Victor Verster, Mandela inspire la révolte des townships (1976). C’est également en prison qu’il reçoit les approches secrètes du gouvernement blanc, prémices à des négociations avec l’ANC. Libéré le 11 février 1990, le détenu 46664 (numéro qui symbolisera sa grande campagne contre le sida) réapparaît face aux caméras du monde au côté de sa deuxième épouse Winnie, dont il se séparera deux ans plus tard.
Triomphalement élu à l’issue des élections du 27 avril 1994, il affiche dès son discours d’investiture la mission qui allait guider sa présidence. Convaincu que la société sud-africaine continuerait d’oeuvrer à faire du pays un « miracle », il avait promis : « Lorsque j’entrerai dans l’éternité, j’aurai le sourire aux lèvres ».

Le mythe Mandela
Absent de la scène politique depuis plusieurs années déjà, « Madiba » faisait l’objet d’un véritable culte qui dépassait largement les frontières de son pays.Tour à tour militant anti-apartheid obstiné, prisonnier politique le plus célèbre du monde et premier président noir de l’Afrique du Sud, il avait été qualifié par l’archevêque Desmond Tutu, autre prix Nobel de la paix pour son engagement contre le régime sud-africain, d’ »icône mondiale de la réconciliation ».
Mandela restera dans l’histoire pour avoir négocié pied à pied avec le gouvernement de l’apartheid une transition pacifique vers une démocratie multiraciale. Et pour avoir épargné à son peuple une guerre civile raciale qui, au début des années 1990, paraissant difficilement évitable. Ce qui lui vaudra le prix Nobel de la paix en 1993, partagé avec le dernier président de l’apartheid, Frederik De Klerk. Mandela a passé plus de vingt-sept ans en prison, de 1964 à 1990, devenant peu à peu devenu le symbole de l’oppression des Noirs sud-africains, tandis que le monde entier manifestait et organisait des concerts pour sa libération.
Mais avant même d’être libéré, il avait appris à comprendre ses adversaires —allant jusqu’à apprendre leur langue, l’afrikaans, et leur poésie—, à pardonner, et à travailler avec eux. Une fois libéré, ils les a séduits par sa gentillesse, son élégance et son charisme.

Le premier président de la « nation arc-en-ciel »
Sous les couleurs du Congrès national africain (ANC), Mandela a été le premier président de consensus de la nouvelle « nation arc-en-ciel », de 1994 à 1999. Un rôle notamment magnifié dans le film « Invictus » de Clint Eastwood, où on le voit conquérir le coeur des Blancs en venant soutenir l’équipe nationale de rugby lors de la Coupe du monde de 1995, emportée par l’Afrique du Sud.
Nelson Rolihlahla Mandela était né le 18 juillet 1918 dans le petit village de Mvezo, dans le Transkei (sud-est) au sein du clan royal des Thembus, de l’ethnie xhosa. Il a rapidement déménagé dans le village voisin de Qunu, où il a passé, dira-t-il, ses « années les plus heureuses » —une enfance libre à la campagne peut-être idéalisée—, avant de recevoir une bonne éducation. Si son institutrice l’a nommé Nelson, son père l’avait appelé Rolihlahla (« celui par qui les problèmes arrivent », en xhosa). Et Mandela a très tôt manifesté un esprit rebelle.
Etudiant, il est exclu de l’université de Fort Hare (sud) après un conflit sur l’élection de représentants étudiants, avant de fuir sa famille à 22 ans pour échapper à un mariage arrangé. Arrivé à Johannesburg, le bouillant jeune homme prend vraiment la mesure de la ségrégation raciale qui mine son pays. C’est là, notamment au contact de Walter Sisulu, son aîné qui va devenir son mentor, que se forge une conscience politique qui a évolué avec le temps : jeune, Mandela aurait volontiers chassé les Blancs du pays.

A la tête de l’ANC
Après avoir fondé la Ligue de la jeunesse de l’ANC (Congrès national africain), il prend rapidement les rênes du parti, jugé trop mou face à un régime qui a institutionnalisé l’apartheid en 1948. Après l’interdiction de l’ANC en 1960, Nelson Mandela passe dans la clandestinité. C’est lui qui préside à la fondation d’une branche armée de son parti. Arrêté de nouveau en 1962, il est condamné à la prison à perpétuité deux ans plus tard.
Pendant son procès, il prononce une plaidoirie en forme de profession de foi : « J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales. J’espère vivre assez longtemps pour l’atteindre. Mais si cela est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »
Invisible en public depuis 2010, il était devenu une sorte de héros mythique, intouchable, invoqué tant par le pouvoir que par l’opposition. Il continuera longtemps à sourire chaque jour à tous ses compatriotes.

***

Premières réactions
Le décès de Nelson Mandela suscite l’émoi partout dans le monde et provoque de nombreuses réactions politiques. Pierre Laurent, du PCF, rend hommage au « symbole de la lutte pour l’émancipation humaine » rappelant qu’il « restera à jamais (…) une de ces figures universelles qui marquent l’histoire. (…) Toute la destinée d’un peuple s’est incarnée en lui. (…) La lutte contre l’apartheid, jusqu’au boycott, et pour la libération de Nelson Mandela ont profondément marqué l’histoire du Parti communiste français. (…) Aujourd’hui, le deuil des Sud-Africains est celui de l’humanité toute entière. »
Le président français François Hollande a rendu hommage jeudi soir à Nelson Mandela voyant en lui « un résistant exceptionnel » , « un combattant magnifique », selon un communiqué de l’Elysée.
Quant à Bertrand Delanoë, il loue le « fer de lance de la lutte contre l’apartheid », expliquant que « Nelson Mandela a été le principal artisan de la prise de conscience internationale en faveur de la justice en Afrique du sud. Les quatre longues décennies qu’il a consacrées à cette lutte terrible montrent à tous les peuples ce que peuvent le courage, la dignité et l’abnégation face à l’oppression.. Le maire de la ville de Paris ajoute que Nelson Mandela « a offert à l’humanité le témoignage extraordinaire d’un homme victime de l’injustice qui refuse la vengeance et voue le reste de son existence à promouvoir la concorde et la paix. (…) Nelson Mandela symbolise une humanité capable de lutter et de souffrir pour ce qui est juste, mais également de pardonner pour se donner la chance du bonheur. »
Le Premier ministre britannique David Cameron a déclaré jeudi qu’ »une grande lumière s’est éteinte » après le décès de Nelson Mandela, ajoutant que le drapeau britannique allait être mis en berne devant son bureau à Downing street. « Une grande lumière s’est éteinte dans le monde », a écrit David Cameron sur son compte Twitter. « Nelson Mandela était un héros de notre temps. J’ai demandé que le drapeau soit mis en berne au no 10 » du Downing street, a-t-il précisé après la mort jeudi du premier président noir d’Afrique du Sud, Nelson Mandela à l’âge de 95 ans.
Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon salue quand à lui « une source d’inspiration » pour le monde. « Nous devons nous inspirer de sa sagesse, de sa détermination et de son engagement pour nous efforcer de rendre le monde meilleur », a-t-il déclaré à la presse au siège de l’ONU.

***

Le monde salue le courage et l’influence de Nelson Mandela
Les réactions saluant le « courage » et « l’influence » de Nelson Mandela ont afflué jeudi soir à l’annonce de la mort de l’ancien président sud-africain, symbole de la lutte contre l’apartheid, décédé à son domicile à l’âge de 95 ans.
Le président américain Barack Obama a estimé qu’avec la disparition de Nelson Mandela « le monde avait perdu l’un des êtres humains les plus influents et les plus courageux et les plus sincèrement bons ».
Obama a reconnu que sa vie n’aurait pas été la même sans l’ancien opposant sud-african qui a vécu pendant 27 ans en prison.
L’héritage le plus profond que laisse Mandela est celui d’une Afrique du Sud en paix avec le monde, a-t-il ajouté. Mandela fut un homme qui a pris « l’histoire en main et qui a courbé l’arc de l’univers moral vers plus de justice », a ajouté le président américain. « Il a accompli plus que l’on pouvait attendre d’un homme ».
Pour le Congrès national africain (ANC), l’Afrique du Sud et le monde ont perdu un « colosse, un modèle d’humanité, d’équité, de justice et de paix ». « Sa vie nous a donné le courage d’oeuvrer en faveur du développement et progrès pour mettre fin à la faim et à la pauvreté », écrit l’ANC dans un communiqué.
« Nelson Mandela aura fait l’histoire. Celle de l’Afrique du Sud et du monde tout entier », rappelle le président français François Hollande dans un communiqué.
« Combattant infatigable de l’apartheid, il l’aura terrassée par son courage, son obstination et sa persévérance. (…) Le message de Nelson Mandela ne disparaîtra pas, il continuera d’inspirer les combattants de la liberté et de donner confiance au peuple dans la défense des causes justes et des droits universels », ajoute le chef d’Etat.

(05-12-2013 – Avec les agences de presse)

Écoutez « Asimbonanga » Par Johnny Clegg

Asimbonanga (Mandela) (Nous Ne L’avons Pas Vu (mandela) (1))

[Chorus] (x2)
[Refrain] (x2)
Asimbonanga
Nous ne l’avons pas vu
Asimbonang’ uMandela thina
Nous n’avons pas vu Mandela
Laph’ekhona
A l’endroit où il est
Laph’ehleli khona
A l’endroit où on le retient prisonnier

Oh the sea is cold and the sky is grey
Oh, la mer est froide et le ciel est gris
Look across the Island into the Bay
Regarde de l’autre coté de l’Ile dans la Baie
We are all islands till comes the day
Nous sommes tous des îles jusqu’à ce qu’arrive le jour
We cross the burning water
Où nous traversons la mer de flammes

[Chorus] (x2)
[Refrain] (x2)

A seagull wings across the sea
Un goéland s’envole de l’autre coté de la mer
Broken silence is what I dream
Je rêve que se taise le silence
Who has the words to close the distance
Qui a les mots pour faire tomber la distance
Between you and me
Entre toi et moi ?

[Chorus] (x2)
[Refrain] (x2)

Steve Biko, Victoria Mxenge, Neil Aggett
Steve Biko (2), Victoria Mxenge (3), Neil Aggett (4)

Asimbonanga
Nous ne l’avons pas vu(e)
Asimbonang ‘umfowethu thina (Asimbonang ‘umtathiwethu thina)
Nous n’avons pas vu notre frère (Nous n’avons pas vu notre soeur)
Laph’ekhona
A l’endroit où il (elle) est
Laph’wafela khona
A l’endroit où il (elle) est mort(e)

Hey wena, hey wena
Hé, toi ! Hé toi !
Hey wena nawe
Hé toi, et toi aussi !
Siyofika nini la’ siyakhona
Quand arriverons nous à destination ?

[Refrain] (x4)

(1) Asimbonanga est un hymne à la libération de Nelson Mandela, figure emblématique Sud Africain de la lutte anti-apartheid, prisonnier politique de 1964 à 1990, soit 26 ans !

(2) Steve Bantu Biko (1946-1977), philosophe noir, une figure et un martyr de la lutte contre l’apartheid, mort après 2 semaines de détention, sans procès.

(3) Victoria Mxenge (1942-1985), avocate noire symbole de la lutte contre l’apartheid également arrêtée et assassinée avant le procès en 1985.

(4) Neil Aggett, médecin et syndicaliste blanc figure de la lutte anti-apartheid lui aussi, torturé et assassiné en prison en 1982.

Paroles et traduction de «Mandela Day»

 

Mandela Day (Le Jour De Mandela)

It was twenty five years, they take that man away
C’était il y a vingt-cinq ans, ils emprisonnèrent cet homme
Now freedom moves in closer every day
Maintenant la liberté se rapproche de jour en jour
Wipe the tears down from your saddened eyes
Chassez les larmes de vos yeux pleins de tristesse
They say Mandela’s free, so step outside
Ils disent que Mandela est libre, alors faites un pas vers l’extérieur

Oh oh oh oh oh Mandela day
Oh oh oh oh oh La jour de Mandela
Oh oh oh oh Mandela’s free
Oh oh oh oh Mandela est libre

It was twenty five years ago, this very day
C’était il y avingt-cinq ans, ce fameux jour
Held behind four walls all through night and day
Retenu entre quatre murs jour et nuit
Still the children know the story of that man
Les enfants connaissent encore l’histoire de cet homme
And we know what’s going on right through your land
Et nous savons ce qui se passe partout dans votre pays
Twenty five years ago…
Il y a vingt-cinq ans

Na na na na Mandela day
Na na na na Le jour de Mandela
Oh oh oh oh Mandela’s free
Oh oh oh oh Mandela est libre

If the tears are flowing wipe them from your face
Si les larmes coulent chassez-les de votre visage
I can feel his heartbeat moving deep inside
Je peux ressentir au plus profond de moi les battements de son coeur
It was twenty five years they took that man away
C’était il y a vingt-cinq ans, il emprisonnèrent cet homme
And now the world come down say Nelson Mandela’s free
Et maintenant le monde se prosterne ils disent que Nelson Mandela est libre

Oh oh oh oh oh Mandela’s free
Oh oh oh oh oh Mandela est libre

The rising sun sets Mandela on his way
Le soleil levant montre à Mandela son chemin
It’s been twenty five years around this very day
Il a fallu vingt-cinq ans pour arriver à ce fameux jour
From the one outside to the ones inside we say
Nous qui sommes à l’intérieur parlons par la voix de celui qui est libre

Oh oh oh oh Mandela’s free,
Oh oh oh oh Mandela est libre
Oh oh oh oh set Mandela free
Oh oh oh oh libérez mandela
Na na na na Mandela day,
Na na na na Le jour de Mandela
Na na na na Mandela’s free
Na na na na Mandela est libre

Twenty five years ago
Il y a vingt-cinq ans
What’s going on !
Que se passe-t-il !
And we know what’s going on
Et nous savons ce qui se passe
Because we know what’s going on
Parce que nous savons ce qui se passe

Spread the love

Laisser un commentaire