La libre.be Mis en ligne le 11/08/2011
L’hostilité aux immigrés atteint un niveau inquiétant dans presque tous les pays riches. C’est une maladie à laquelle ces pays doivent résister s’ils veulent continuer à prospérer et cela aidera les pays en développement à combattre la pauvreté et à parvenir à une croissance durable.
Une immigration plus importante est souhaitable au niveau mondial pour quatre raisons : elle est source d’innovation et de dynamisme, c’est une solution au manque de main-d’œuvre, elle répond au problème du vieillissement de la population dans les pays développés et elle permet aux immigrés d’échapper à la pauvreté et aux persécutions. Par contre, sa limitation freine la croissance économique et mine la compétitivité à long terme des pays qui choisissent cette voie; creusant les inégalités et accentuant les clivages sur la planète, elle constitue un obstacle à la prospérité.
Certes, suivant les lieux, l’augmentation de l’immigration peut entraîner des problèmes à court terme qu’il faut résoudre de manière à en tirer les bénéfices à long terme – des bénéfices qui surpassent largement ces inconvénients momentanés. Malgré l’opposition des pays de destination des migrants, leur nombre a doublé depuis 25 ans et va encore doubler jusqu’à 2030. Le changement économique et politique rapide – et de plus en plus le changement environnemental – entraîne des déplacements de population et incite beaucoup de personnes à rechercher la sécurité et à tenter leur chance ailleurs.
Dans le contexte d’une mondialisation rapide, les risques et les coûts liés à l’immigration vont continuer à baisser. La combinaison de la croissance de la population mondiale, de la diminution des coûts de transport, de la facilité de communiquer et du développement des réseaux sociaux et économiques transnationaux pourrait et devrait conduire à une augmentation des déplacements. Si ce processus se met en œuvre, cela va stimuler la croissance mondiale et diminuer la pauvreté.
Néanmoins, si la réduction progressive des obstacles aux mouvements de capitaux, de biens et de services constitue une avancée majeure des décennies récentes, les migrations internationales n’ont jamais été autant contrôlées. Des économistes classiques comme John Stuart Mill considéraient que c’est illogique sur le plan économique et inacceptable sur le plan éthique. Adam Smith s’opposait à tout ce qui entravait “la libre circulation de la main-d’œuvre d’un emploi à un autre”.
Au 19e siècle, avec le développement de la machine à vapeur et d’autres modes de transport, le tiers de la population de Scandinavie, d’Irlande et de certaines parties de l’Italie a émigré. La migration de masse a constitué pour des millions d’Européens le moyen d’échapper à la pauvreté et aux persécutions. Elle a participé au dynamisme et au développement de pays comme les USA, le Royaume-Uni et d’un certain nombre de colonies.
La montée du nationalisme avant la Première Guerre mondiale a conduit à l’introduction à grande échelle des passeports et à un contrôle plus strict des déplacements internationaux. Un siècle plus tard, malgré d’énormes progrès en matière de circulation des biens, des capitaux et de l’information, les entraves à la circulation des êtres humains n’ont jamais été aussi grandes.
Près de 200 millions de personnes, soit environ 3 % de la population mondiale, vivent hors de leur pays de naissance. Ce sont les orphelins du système international. Dans “Exceptional People”, il est montré que les pays qui accueillent les étrangers en tirent bénéfice. Ils constituent non seulement une source de main-d’œuvre tant qualifiée que non qualifiée utile au pays d’accueil, mais leur contribution relative à l’innovation et à la création de richesses est plus élevée que celle des habitants du pays hôte. Ainsi, les immigrants établis aux USA contribuent à plus de la moitié des brevets des start-up de la Silicon Valley. Leur contribution fiscale dépasse également les sommes qu’ils perçoivent au titre de la protection sociale. Dans les pays développés, l’espérance de vie de la population augmente grâce aux progrès médicaux, alors que la population active est appelée à diminuer en raison de la baisse de la natalité qui a suivi le baby boom de l’après-guerre.
Dans les pays développés, la baisse de la population en âge de travailler va encore être aggravée par l’élévation du niveau d’éducation, car de moins en moins de gens voudront occuper un emploi peu qualifié, un emploi manuel ou travailler dans le bâtiment. Entre 2005 et 2025, dans les pays de l’OCDE la proportion de la population active ayant fait des études supérieures devrait augmenter de 35 %. Or quand le niveau d’éducation augmente, il en est de même des attentes en matière d’emploi.
Même s’ils constituent une fuite des cerveaux pour leur pays d’origine, les migrants sont très utiles à ce dernier. Les expatriés taïwanais et israéliens sont des exemples du rôle vital joué par les immigrés en terme de soutien politique, d’investissements et de transfert technologique.
Par ailleurs, la migration est historiquement le meilleur moyen d’échapper à la pauvreté. Les envois d’argent des travailleurs immigrés vers leur pays d’origine ont dépassé 440 milliards de dollars en 2010, les deux tiers de cette somme étant à destination de pays en développement. Pour les pays pauvres de petite taille, ces sommes représentent souvent plus du tiers de leur PIB et pour ceux de taille plus importante, elles dépassent fréquemment 50 milliards de dollars par an. En Amérique latine et dans les Antilles, plus de 50 millions de personnes vivent grâce à ces envois d’argent, et ce nombre est encore plus élevé en Afrique et en Asie.
Tant les pays riches que les pays pauvres bénéficieraient d’une hausse des flux migratoires et ce sont les pays en développement qui en bénéficieraient le plus. On estime qu’une augmentation de seulement 3 % de la main-d’œuvre immigrée dans les pays développés générerait des gains à hauteur de 356 milliards de dollars, dont plus des deux tiers reviendraient aux pays en développement. L’ouverture totale des frontières générerait une somme imposante : 39000 milliards de dollars pour l’économie mondiale sur une période de 25 ans.
On a beaucoup discuté de la nécessité de conclure le cycle de négociations de Doha sur le commerce mondial et d’augmenter l’aide aux pays pauvres. Ce sont des choses importantes, mais la réforme de l’immigration est au moins aussi importante. Une petite augmentation de l’immigration serait encore plus bénéfique à l’économie mondiale et aux pays en développement que l’accroissement de l’aide et une réforme du commerce mondial.
Aujourd’hui, les pays les plus puissants ne veulent ni d’une réforme des flux migratoires, ni d’une organisation internationale qui serait chargée de sa régulation, alors que la hausse de ces flux serait dans l’intérêt de tous. Le débat public est trop important pour l’abandonner aux politiciens, une réflexion en profondeur doit être suivie par une action audacieuse. © Project Syndicate, 2011.www.project-syndicate.org. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Ian GOLDIN Directeur de l’Ecole Oxford Martin, membre du collège Balliol au sein de l’université d’Oxford et attaché de recherche. Geoffrey CAMERON Auteur de “Exceptional People : How Migration Shaped our World and Will Define our Future” – Princeton University Press en collaboration avec Meera Balarajan.
Les Belges sont les moins tolérants à l’égard de l’immigration
L’institut de sondage Ipsos a interrogé, fin juin, 17.601 adultes dans 23 pays. (06/08/2011) DH.be
BRUXELLES Pas moins de 72% des Belges estiment que l’immigration n’a pas fait de bien à la Belgique, soit le pourcentage le plus élevé enregistré dans le cadre d’un sondage sur l’immigration réalisé dans 23 pays par Ipsos.
L’information figure ce samedi dans le journal De Morgen. L’institut de sondage Ipsos a interrogé, fin juin, 17.601 adultes dans 23 pays, dont la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Italie, la Suède, les Etats-Unis, le Canada, la Corée du Sud ou encore l’Afrique du Sud ou l’Arabie saoudite.
Il ressort de la plupart des questions posées que ce sont des pays européens -et notamment la Belgique- qui semblent les plus négatifs vis à vis de l’immigration.
Ainsi, 94% des Belges sondés jugent que l’immigration a été trop importante au cours des cinq dernières années. Notre pays devance à cet égard l’Italie (93%), l’Afrique du Sud (91%) et la Russie (90%). Les Belges sont également les plus nombreux à répondre par la négative à la question de savoir si l’immigration a été favorable ou défavorable à la Belgique (72%).
Les Belges sont par contre les moins nombreux à penser que les immigrés prennent leur travail mais ils sont nombreux (68%) à estimer qu’ils sont une charge trop lourde pour le système d’aide social