De quoi la Burqa pride est-elle le nom ?

De quoi la Burqa pride est-elle le nom ?

Une hystérie politico-médiatique aux relents racistes et islamophobes vient de secouer la Belgique francophone. En cause : une « Burqa pride » organisée par un collectif de militants à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Fallacieusement décrits comme des « intégristes islamistes », ces «  assassins de la démocratie  » ont commis un abominable crime : chahuter une tribune donnée par l’ULB à la journaliste française Caroline Fourest. Désigné comme l’instigateur du chahut, Souhail Chichah, chercheur à l’ULB et Belge d’origine marocaine, est devenu en 24 heures « l’ennemi public n°1 » des libertés démocratiques. Son licenciement est exigé à grands cris par plusieurs élites du pays. Depuis le 22 février, il fait l’objet d’une fulgurante « instruction disciplinaire » visant « une suspension d’un mois ou le renvoi pur et simple » … Cette diabolisation ahurissante confirme le règne d’un « deux poids deux mesures » structurel dans nos sociétés francophones. Selon que vous soyez essentialisé « blanc » ou « arabe » et « noir », votre droit à la contestation pacifique sera ou non criminalisé.

Le malaise provoqué par la « Burqa pride » ne peut s’appréhender sans une contextualisation dont les médias traditionnels sont aujourd’hui foncièrement incapables. Avant de mettre quelques points sur quelques « i », récapitulons les faits. Lors d’une conférence-tribune de Caroline Fourest, le 7 février à l’ULB, une soixantaine de personnes ont chahuté l’évènement jusqu’à ce que le recteur de l’ULB décide d’y mette fin. Composé de militants de gauche, d »étudiants de l’ULB, de syndicalistes et de défenseurs de la laïcité, ce groupe contestataire était pour partie revêtu de keffiehs, de foulards, de voiles et de burqas.

Que s’est-il vraiment passé ?

Par cette action politico-satirique, ce collectif entendait revendiquer deux choses. D’une part, incarner la contradiction face au discours de Fourest, journaliste controversée, invitée pour la seconde fois sans contradicteurs au sein de l’Université du Libre examen. De fait, sous la « médiation » de Guy Haarscher, professeur de philosophie à l’ULB, Caroline Fourest était ce soir-là « confrontée » à Hervé Hasquin, ex-recteur de l’ULB. Soit les caractéristiques mêmes du faux-débat, tant ces trois personnalités pensent de façon identique sur l’essentiel.

D’autre part, les activistes de la Burqa pride voulaient contester la légitimité même de Fourest à s’exprimer sur le thème de la conférence (« L’extrême-droite est-elle devenue fréquentable ? »). Accusée d’islamophobie depuis 2004 et régulièrement prise en flagrant délit de mensonge, Caroline Fourest demeure en effet mal placée pour dénoncer les thèses d’extrême-droite (1).

Retour au soir du 7 février à l’ULB. Dans un chahut nourri par le slogan « Burqa bla-bla  » (2), Guy Haarscher désigne soudain l’économiste Souhail Chichah comme « celui qui est l’origine de cette mobilisation et qui fait partie du personnel de l’ULB ». Haarscher somme l’intellectuel de venir s’exprimer à la tribune : « Venez ! Expliquez-vous ! Comment pouvez-vous être à l’origine d’une telle censure d’un débat ?! ». Souhail Chichah descend vers l’estrade se coiffant d’un foulard noir. Avant qu’il ne saisisse un micro, le « philosophe » lui lâche cet aveu aussi raciste que déstabilisateur : « J’ai toujours considéré qu’il avait une burqa dans la tête : bravo pour votre coming out !  » …

En réponse, le chercheur scande « Bur-qa bla-bla ! », repris en cœur par les autres activistes. Il enchaîne sur les motivations de la Burqa pride : « Si nous sommes ici ce soir, c’est pour dénoncer l’islamophobie de gauche comme l’islamophobie de droite ! Elle n’est pas plus honorable lorsqu’elle se prétend à gauche qu’à l’extrême-droite ! Madame Fourest a écrit un texte dans le Wall Street Journal qui s’appelle : « War for Eurabia » où elle développe la thèse que les Arabes sont incapables de s’intégrer et … ». « Ça va pas la tête ! », interrompt Caroline Fourest en faisant signe de couper le micro de Chichah. La suite de l’explication est recouverte de huées auxquelles répliquent les cris « Bur-qa bla-bla ! Bur-qa bla-bla ! ».

Micro coupé, dans un vacarme digne de 68, l’intellectuel poursuit en hurlant : « Nous aurions souhaité dans cette Université un véritable débat contradictoire avec Madame Fourest  ». A ce moment précis, Fourest se dresse devant le chercheur. Dans une volonté manifeste d’intimidation, elle pousse son épaule gauche et appuie fermement son index sur son torse. Evitant tout contact, Chichah lève sa main et crie : « Madame Fourest me menace : elle veut me frapper ». Il la contourne pour continuer à s’exprimer.

A cet instant, Fiammetta Venner, la compagne de Fourest, qui n’a pas lâché le chercheur d’une semelle, lui applique un discret croc-en-jambe par derrière qui manque de le faire tomber (3). Malgré l’hostilité physique des « démocrates » qui l’entourent, Souhail Chichah, debout, conclut dans un boucan à son paroxysme : « Avec l’ensemble des personnes qui ont été censurées par cette Université … (inaudible) … Nous disons à cette Université que Bruxelles ne veut pas de la musulmanophobie, que vous ne voulez pas de la musulmanophobie ! ». Chichah regagne sa place dans l’assistance.

Micro ouvert, Caroline Fourest enchaîne sous les huées : « L’article dont vient de parler M. Chichah est un article qui dénonce la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy ; est un article qui dénonce les amalgames véhiculés dans le monde anglo-saxon sur les émeutes de novembre 2005 (dans les banlieues françaises, ndlr) ; est un article qui dit que ce ne sont pas des émeutes ethniques ni religieuses mais un malaise social. Voilà les raisons de la colère de Monsieur ! Comment voulez-vous débattre avec ça  ? C’est de la propagande, c’est du mensonge ! Vous traitez d’islamophobes des gens qui se battent contre le racisme parce que vous êtes pour l’extrémisme ! Vous êtes d’extrême-droite, Monsieur ! Et vous êtes menteur et propagandiste ! C’est pas ce qui passe sur les sites internet d’extrême-droite qu’il faut croire, c’est votre tête qu’il faut faire marcher, Monsieur ! ».

Et Fourest de conclure : « Vous êtes censé chercher , faites marcher vos neurones ! Lisez ! Ecrivez ! Argumentez ! Ne mentez pas ! Ne venez pas organiser ce qui est digne d’une cour de récréation. De quoi avez-vous peur ? Vous avez peur des idées ? Vous avez peur de gens comme nous ? Franchement : des féministes et des laïques qui écrivent des livres où tout est prouvé ! Vous êtes obligé de déformer leurs propos, de les faire passer pour des racistes parce que vous avez peur du féminisme. Mais affrontez le féminisme ! C’est l’égalité le féminisme, Monsieur ! ».

Pascal Boniface ? Connais pas !

Chacun jugera qui de Souhail Chichah ou de Caroline Fourest ment sur le contenu précis de « War for Eurabia » (en note 4) … Mais pour info, signalons l’extrait d’un livre qu’aucun journaliste belge francophone ne parvient visiblement à se procurer : « Les intellectuels faussaires  ».

Dans cet ouvrage de Pascal Boniface (5), seize pages sont consacrées à Caroline Fourest. Après l’avoir qualifiée de « serial-menteuse », constituant « une véritable menace pour l’information et la démocratie  », le politologue affirme ceci : « Dans une tribune intitulée ‘War for Eurabia’ publiée dans le Wall Street Journal, elle s’alarmait de l’incapacité des immigrants arabes à s’intégrer. Pour elle, il y avait là une menace pour les démocraties occidentales car, non intégrés, les immigrés pouvaient être tentés de rejoindre des cellules de terroristes islamistes. Elle réserve ce genre de diatribes à la presse étrangère car, en France, Caroline Fourest veut laisser croire qu’elle combat tous les extrémismes  » (6) …

Pendant que le couple Fourest-Venner quitte l’auditoire, le recteur de l’ULB, Didier Viviers prend la parole : « Je constate qu’une minorité ou une majorité de cette assemblée empêche la liberté de parole au sein de l’Université  ». Une voix féminine fuse : « Où est le débat contradictoire, Monsieur ?! ».

« Madame, nous ne sommes pas obligé d’organiser en tous lieux des débats contradictoires  », répond Viviers. « L’Université a le droit d’organiser toute forme de débat qu’elle souhaite et, à partir du moment où vous interdisez clairement de prendre la parole, nous allons devoir suspendre ce débat. Je terminerai en disant que ceux qui ont interdit la parole, ceux qui ont œuvré contre la liberté, nous avons vu exactement qui ils étaient ! » (7).

Spectaculaire incurie médiatique

S’il nous a fallu passer par cette longue description factuelle, c’est pour une raison aussi simple qu’inquiétante. Dès le lendemain, le grand public ne se verra pas du tout médiatiser les faits comme vous venez de les lire ! Au matin du 8 février, les journaux parlés (JP) des radios de service public (RTBF) balancent un cadrage mensonger reposant sur deux axes. 1) « un débat sur l’extrême-droite à l ’ULB avorté par des intégristes islamistes qui ont bafoué la liberté d’expression de Caroline Fourest ». 2) Le nom et la fonction du « chef » de cet «  acte fasciste  » est livré à l’opinion : Souhail Chichah, assistant à l’ULB.

D’habitude, un faux-débat chahuté et sans conséquence dramatique – aucune violences, aucun blessé, aucun mort – n’attire pas l’attention des médias audiovisuels. Au mieux, cela peut faire l’objet d’un article dans la presse écrite. C’était sans compter sur la capacité de mobilisation des réseaux laïciste et sioniste. Ainsi que la double casquette d’Eddy Caekelberghs. Journaliste à la radio La Première (RTBF) et présentateur de la quotidienne Face à l’info, l’homme est aussi le président de l’Union des Anciens Etudiants (UAE) de l’ULB. Association qui a co-organisé la conférence Fourest – Hasquin du 7 février.

Dès le lendemain, un communiqué alarmiste, signé par l’UAE, le Cercle du Libre Examen (Librex) et l’Association des Cercles Estudiantins (ACE), dénonce des « assassins de la démocratie  » aux « méthodes fascisantes ayant empêché la tenue d’un débat dans la maison du Libre examen ! » (8). Qualifiant les militants de la Burqa Pride d’« obscurantistes », les auteurs du communiqué sont « consternés par la haine de notre société qui les anime  » …

Pondu par quatre étudiants du Librex connus pour leur engagement sioniste et laïciste (9), ce texte hystérique a été soumis vers une heure du matin à Eddy Caekelberghs et Louis Bersini, président de l’ACE. Validé dans la demi-heure ! Arguant de ses qualités de journaliste, Caekelberghs convainc le petit groupe que leur prose collective doit immédiatement être transmise aux médias. Il est deux heures du matin …

Présent la veille à l’ULB et habité par la « gravité nationale » de l’évènement, le journaliste du Soir, Marc Metdepenningen, se fend également d’un papier inepte, diffusé sur le site du quotidien le 8 février (10). Sans doute en panne d’inspiration, Metdepenningen reprendra le titre modéré du communiqué de l’UAE : « L’ULB dénaturée et menacée par des assassins de la démocratie  » …

Quelques heures plus tard, avec une emphase proche du grotesque, les partis PS, MR et FDF balancent des communiqués s’inquiétant de la progression du « communautarisme radical  » ; en appelant « à tenir en échec les radicalismes religieux  » ou à se préserver « du retour de l’obscurantisme et de la violence  » (11).

Sans surprise, c’est dans les JT que l’incurie des médias traditionnels va atteindre sa vitesse de pointe. Ne disposant d’aucune « images-maison » puisqu’ils n’avaient évidemment pas jugé utile de couvrir l’évènement annoncé, la RTBF, RTL-TVI et Télébruxelles vont se rabattre sur une vidéo amateur de 7 minutes postée sur Youtube. Problème : le vidéaste anonyme « gillesdej95 » a décidé d’intoxiquer son audience. En coupant opportunément le moment précis où Souhail Chichah explique les motivations de la Burqa pride … (12).

Or, c’est sur la base de ces images orientées – titrées « Clash entre Fourest et des intégristes musulmans à l’ULB » – que l’ensemble des médias va agiter la menace islamiste, fourguer sa fiction « d’intégristes » s’attaquant à l’Université et dépeindre Souhail Chichah tel une quasi-recrue d’Al-Quaeda.

Communautarisme blanc

Propulsée par La Première, puis reprise par les radios privées, « l’affaire » de la Burqa pride déboule dans les JT du 8 février. Résultat : un traitement univoque, allégé d’omissions, parsemé de mensonges. Impression globale au sortir de la minute trente : « scandaleuse agression contre nos libertés menée par cet islamiste enfoulardé Souhail Chichah ! ».

La télé a donné son « feu vert » émotionnel, les quotidiens peuvent enchaîner avec « l’analyse à froid ». « Quand le débat d’idées est confisqué » titre La Dernière Heure qui soudain s’intéresse aux « idées » (13). « L’incident de trop à l’ULB », scande La Capitale qui appelle ses lecteurs à se prononcer par « Oui  » (photo de Chichah ; interview sur une demi-colonne) ou par « Non » (photo de Fourest ; idem) à la question : « Estimez-vous que les actions menées mardi soir à l’ULB sont légitimes ? » (14).

 La Libre Belgique en fait carrément sa « Une » (« ULB : le débat confisqué provoque un tollé ») avec une double page intérieure dont deux articles, signé Christian Laporte, ciblent le quasi-terroriste à excommunier (« Instruction disciplinaire pour Souhail Chichah » ; « Souhail Chichah : de l’antisionisme aux portes de la droite extrême »).

S’ajoute un éditorial aussi creux que confus de Jean-Claude Matgen (« A bas l’intolérance »), précédé de l’indispensable chronique de Marc Uyttendaele, avocat tous terrains du Parti Socialiste, mari de la Vice-Première ministre du gouvernement belge, Laurette Onkelinx (PS), et professeur de droit constitutionnel à l’ULB. Servilement titrée « Excusez-nous, Madame Fourest », cette chronique haineuse et paternaliste convoque les noms de résistants belges à l’occupation nazie pour mieux amalgamer les militants de la Burqa pride à … des fascistes.

Tout à son délire raciste maquillé en défense de la laïcité et du libre examen, Uyttendaele stigmatise à flux tendu : « C’est dans mon université que des intégristes musulmans, braillards et sectaires, ont dynamité sa liberté de parole. Et le pire est que leur meneur est chercheur à l’ULB. C’est dans mon université qu’avec ses séides, Monsieur Chichah a craché son venin, sa haine, son inculture sur les valeurs qui sont les nôtres » (15) …

On évoquera plus loin le vrai débat contradictoire, la dénonciation de la censure, du colonialisme ou de l’intégrisme du lobby pro-israélien en Belgique, car ces valeurs-là ont quitté depuis longtemps l’esprit fécond de l’apprenti-scénariste de la RTBF (16). Comme tous les bourgeois islamophobes, Marc Uyttendaele n’oublie pas de dénoncer ce à quoi il vient pourtant de se livrer : « Ces extrémistes ont sali l’image de tous les musulmans qui ne partagent pas leurs visions sectaires mais qui risquent d’être injustement assimilés à ces sinistres porteurs de cris ».

Pourra-t-il un jour concevoir, pour autre que lui-même, la pertinence de cette phrase avec laquelle il s’était auto-congratulé : « D’une certaine manière, quand on dérange, c’est qu’on voit juste » (17) ?

Delvaux ou le degré zéro du journalisme

Mais c’est l’éditorialiste en chef du Soir, Béatrice Delvaux qui remporte la palme d’or du naufrage journalistique. Titré « Un attentat contre la pensée » (sic !), son édito du 9 février 2012 démarre tout en nuances : « Souhail Chichah déshonore la démocratie belge  ». Puis, devient visionnaire : « La forme talibanesque, le fond inexistant de son intervention ne donnent ni à réfléchir ni matière à débat (sic !) » …

Si personne n’attend de Delvaux qu’elle y comprenne quoi ce soit en subversion politique comme en physique nucléaire, peut-on encore espérer qu’elle se souvienne des fondements du journalisme ? A partir d’une vidéo Youtube tronquée et de la haine xénophobe des réseaux laïcistes et sionistes, Delvaux choisit de polir sa matraque pour être à l’avant-plan d’une « chasse à l’arabe » : « M. Chichah n’a plus sa place dans un corps académique, et l’a d’autant moins que ce corps-ci se fonde sur le libre examen : il en a trahi tous les principes, il en a violé tous les codes. » (18).

A l’évidence, Delvaux ne voit pas Chichah comme un « emmerdeur magnifique  ». Au contraire du député européen et ex-Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, que « Béa » a longuement « interviewé » (19). Titre : « L’emmerdeur magnifique  » ; intro : « Guy Verhofstadt est un agitateur (sic !). Emmerdeur flamboyant, indigné, il se bat férocement pour une idée : ‘Il faut plus d’Europe.’ » … Sur une double page, l’entretien compte 22 questions dont plusieurs sont d’une complaisance inouïe (« Qu’essayez vous de faire en vous agitant comme un beau diable dans les cénacles européens ? Verhofstadt au Parlement européen, c’est une Porsche dans un garage ? Vous n’êtes pas plus désespéré qu’il y a quelques mois ? Vous ne vous sentez pas un peu seul  ? »).

Au cas où cette brosse à reluire ne suffirait pas, six mini-interviews (de 4 eurodéputés, 1 lobbyiste français et 1 journaliste espagnole) viennent tapisser le bas de la double page. Entre « impressionnant », « efficace », « créatif », « vrai leader » et « figure importante », l’unique critique émise contre l’ex-premier ministre est d’une violence atomique : « Il ne va pas assez loin »… Ce n’est pas demain la veille que Chichah verra la presse belge francophone, et plus particulièrement l’éditorialiste en chef du Soir, interroger quatre de ses collègues universitaires qui le respectent et apprécient son travail.

« Deux poids deux mesures » structurel

Vu les dégâts du discours médiatique dominant chez certains intellectuels (20), il est utile de le réécrire : aucun intégriste musulman n’était présent le soir du 7 février à l’ULB ! Bigarré, le collectif était composé de Belges de toute origine et de toute confession qui ne sont en rien liés aux extrême-droites belge et française. En se focalisant sur les « gueules d’arabes », la majorité des médias, en osmose avec « Sœur Fourest », a encore démontré la vivacité de ses réflexes racistes.

Flashback : les sceptiques se souviennent-ils d’une « info » diffusée après l’assassinat de Joe Van Holsbeeck (2006) ? Filmés par une caméra de surveillance, les auteurs de ce meurtre crapuleux ont d’emblée été désignés par les médias comme des jeunes « d’origine nord-africaine  » (21). A partir de la com’ du porte-parole du parquet de Bruxelles et… de la couleur de cheveux (noire) des présumés coupables, visible sur les images. Une semaine plus tard, il s’avéra que les deux criminels étaient d’origine polonaise … Ce coma de l’esprit critique conjugué à une extrême déférence envers tout pouvoir institué sont devenus des critères d’excellence dans les rédactions comme au sein du corps académique de l’ULB.

Car la Burqa pride ne vient pas de nulle part (22) ou d’une fantasmatique « haine de notre société ». Mais trouve son origine dans l’interminable « deux poids deux mesures » qu’endurent notamment les Belges d’origine maghrébine et de confession musulmane. Dans cette rareté ou impossibilité d’être partie prenante du débat public et intellectuel, surtout de façon critique, virulente ou iconoclaste.

En septembre 2010 à l’ULB, Souhail Chichah et moi-même participions à une projection-débat autour de mon film « Est-il permis de débattre avec Dieudonné ? » et de la liberté d’expression. Obtenu de haute lutte, ce débat contradictoire avait été préalablement censuré par le Vice-Recteur Marc Van Damme. Prétexte central : la défection in extremis des sionistes Joël Kotek et (déjà) Guy Haarscher (23). Sans contradiction à la tribune, impensable que les indigènes Chichah et Mukuna s’expriment à l’ULB ! Par contre, les islamophobes Caroline Fourest et Philippe Val ont eu et auront tribunes libres dans la même Université …

Le débat contradictoire du 20 septembre 2010 fût également chahuté à l’extrême. Selon l’un des auteurs du livre « Quitter la réserve, refuser l’arène » : « La conférence se déroulera dans un climat très tendu et deviendra une vraie foire d’empoigne : l’auditoire est majoritairement hostile à Chichah et à Mukuna ; les interventions de Joël Kotek, Viviane Teitelbaum (24) et Maurice Sosnowski (25) relèvent de la pure provocation et cherchent systématiquement à les interrompre. Pour ces personnes, il s’agit en définitive de marquer à jamais Chichah et Mukuna du sceau de l’infamie en diffusant l’idée d’un lien étroit entre ces orateurs, Dieudonné et l’antisémitisme  » (26).

Plus inquiétantes furent les violences physiques commises à la sortie du débat. Le journaliste indépendant Mehmet Koksal et Manuel Abramowicz (resistances.be), ont été brutalisés et ont failli se faire tabassé ; Nordine Saïdi, militant du parti Egalité, a été menacé de mort ! Les auteurs de ces « méthodes fascisantes  » ? Des miliciens sionistes du BESC (Bureau Exécutif de Surveillance Communautaire), chargés d’assurer la protection de Maurice Sosnowski.

Dans un premier temps, Manuel Abramowicz avait déposé plainte. Après une rencontre discrète avec la député régionale Viviane Teitelbaum (MR), il retira sa plainte … La question qu’on peut se poser sur ce charlatan qui accuse d’être « au service de l’extrême-droite » ceux qui en combattent les thèses où qu’elles se trouvent (27) : a-t-il retiré sa plainte en solidarité avec l’Etat raciste et colonialiste d’Israël ou par communautarisme juif ?

Mehmet Koksal, Arnaud Grégoire d’Alterechos (28) et moi-même avons été les seuls journalistes en Communauté française à dénoncer ces faits perpétrés dans l’enceinte de l’ULB (29). Aujourd’hui comme hier, ces violences n’ont jamais intéressé les médias ni les Autorités académiques comme la majorité des professeurs de l’ULB. Quel contraste au regard de l’actuelle bronca contre la pacifique Burqa pride !

Censure à répétition

Après le 20 septembre 2010, Souhail Chichah a été accusé d’antisémitisme et de négationnisme par Sosnowski et Teitelbaum, a supporté des menaces de sanctions professionnelles, a reçu des menaces de mort et a subit une tentative d’agression au couteau devant son domicile. Il attendra six mois d’instruction pour se voir blanchir par le Conseil d’administration de l’ULB des accusations infondées portées contre lui. Bien sûr, son diffamateur et menteur confirmé, le professeur Sosnowski, n’a été ni inquiété ni sanctionné …

En 2011, le recteur Didier Viviers a censuré une conférence intitulée « Le projet sioniste en Palestine  » à laquelle devait participer Souhail Chichah. Prétexte : une procédure en cours concernant une plainte contre l’assistant. L’avocat de Chichah confirmera la violation de son droit à la liberté d’expression comme le non-respect de la présomption d’innocence.

Plus tard, le président du Librex, Samuel Fuks, a déprogrammé in extremis le chercheur en Économie de la discrimination d’une conférence intitulée « Laïcité, nouveau moyen de discriminer ? ». Il devait y débattre avec Alain Destexhe (MR), Pierre Galand (PS) et le sociologue Marc Jacquemain. Excédé, Chichah menace de tout révéler. Par peur d’un éventuel scandale, Fuks annulera la conférence …

D’un point de vue universitaire, médiatique et politique, le « deux poids deux mesure » d’inspiration racialiste et idéologique ne relève plus de la question. Il s’agit d’un fonctionnement structurel obstinément nié par les élites de notre pays.

D’égal à égal !

Une journaliste qui dispose de multiples tribunes médiatiques (Le Monde, France 24, France Inter, France Culture) et politique (PS) depuis près d’une décennie peut-elle sérieusement crier à la censure pour une tribune bruxelloise interrompue ? Aujourd’hui comme hier, sa liberté d’expression et surtout de mentir n’est en rien atteinte. A cet égard, son compte-rendu de la soirée signale la présence de trois « dangereuses » personnes le 7 février à l’ULB : la militante Kaoutar Boustani, la journaliste Aurore Van Opstal et votre serviteur (30). Problème : aucune de ces personnes n’a participé à la Burqa pride … Cet énième exemple de probité intellectuelle conduira certainement Haarscher et Viviers à proposer Caroline Fourest au prix Honoris Causa.

En revanche, Souhail Chichah et d’autres intellectuels d’origine africaine ne bénéficient d’aucune visibilité médiatique. Malgré la pertinence et l’honnêteté intellectuelle de leurs travaux. Et lorsque Chichah participe d’une action collective provocatrice, il faut cinq jours d’hystérie finalisé par un lynchage dans un tribunal médiatique (31) pour qu’il puisse développer ses arguments. Ce qui n’a pas eu lieu dans les médias audiovisuels. Mais via une initiative citoyenne du photographe-reporter Sergio Bianchini.

Celui-ci a longuement interrogé Souhail Chichah face caméra. Pour en diffuser le résultat sur le net et les réseaux sociaux (32). L’argumentaire du chercheur dynamite la fiction médiatique d’inspiration coloniale dépeignant un « islamiste radical  » limité aux borborygmes et aux slogans. A tel point que Marc Metdepenningen, oubliant le stupide communiqué de l’UAE, est revenu interviewé sérieusement Chichah pour son journal (33).

Finalement, de quoi la Burqa pride est-elle le nom ? De la mise en lumière d’un racisme structurel occidental déguisé en défense de valeurs démocratiques. D’une orfèvrerie de la mauvaise foi barricadée de diversions alarmistes pour ne pas voir ce cancer du « vivre-ensemble  ». D’un communautarisme blanc toujours plus exacerbé et prêt à toutes les dérives autoritaires pour « remettre les bougnoules à leur place » …

Mais la Burqa pride c’est aussi le nom d’une admirable résistance populaire et intellectuelle de celles et ceux qui refusent de tout leur être l’infériorisation et la victimisation sociales. Une évasion salutaire de la « seconde zone » pour interpeller ceux qui font semblant de ne pas comprendre qu’ils jouissent de privilèges au sommet d’une indéfendable hiérarchisation raciale. Une soif de justice pour enfin devenir, comme le disait Césaire, « des citoyens à parts entières et non plus, entièrement à part ».

Revêtir des foulards et des burqas – marqueurs symboliques d’obscurantisme religieux et/ou de fanatisme arabo-musulman – pour exprimer un message peut sembler contre-productif. Il s’agit au contraire de forcer le débat par le renvoi du stigmate. Provoquer le choc, l’arrêt ou l’effroi pour mieux imposer des questions cruciales comme le vrai débat. En cela, la Burqa pride demeure une réussite exemplaire et une « raison » de plus pour abattre l’intellectuel emblématique qui y participa …

S’il faut encore l’écrire pour les honnêtes gens, oublieux que l’égalité de traitement comme la liberté d’expression s’arrache et ne se demande pas poliment, voici une description du chercheur qui survivra aux barils de mensonges déversés ces dernières semaines : « La subversion de Souhail Chichah réside dans sa capacité à briser des questions tabous et à se positionner en égal vis-à-vis de tous ceux qui veulent lui imposer, consciemment ou pas, un rapport d’autorité et/ou de pouvoir. Pour cela, il est devenu le symbole du combat pour l’égalité que de nombreux descendants de l’immigration ouvrière tentent péniblement de mener au quotidien. » (34).

Si ceux qui exigent le licenciement de Souhail parviennent à obtenir gain de cause, le signe d’une grave dérive autoritaire s’inscrira en lettres de feu. Non seulement cette dérive ne sera pas « d’origine musulmane » mais elle en appellera d’autres contre d’autres groupes sociaux. Il est minuit moins cinq pour cesser de regarder le doigt de Chichah mais bien la lune que lui et ses camarades montrent depuis des années …

Olivier Mukuna

 

Notes :

  1. Constat développé par Abdellah Boudami, participant de la Burqa pride, étudiant en Sciences Politiques (ULB) et co-auteur du livre Israël parlons-en  ! : « Si le glissement opéré par l’extrême-droite en France et ailleurs pour déshumaniser les musulmans et attiser la haine à leur encontre s’est opéré sur le mode de la défense de la laïcité, il faut noter que les principaux arguments qui ont permis ce glissement sont très précisément développés dans les thèses, les ouvrages et les prises de position de Caroline Fourest. On pourrait même avancer qu’une figure comme Caroline Fourest est plus dangereuse que Marine Le Pen, car alors que cette dernière est située et avance à visage découvert, Fourest vernit d’un voile de respectabilité ce qui constitue la même trame raciste, les mêmes généralisations musulmanophobes » (in « Quelques considérations élémentaires sur le chahutage de la conférence de Caroline Fourest à l’ULB », A. Boudami, Bruxelles, 9 février 2012 – http://www.egalite.be/?p=1708 ).
  2. Slogan faisant référence au titre comme au contenu d’un article de Serge Halimi, rédacteur en chef du Monde Diplomatique ( http://www.monde-diplomatique.fr/2010/04/HALIMI/18990 ).
  1. Méthode agressive digne des extrémistes et qui ne relève pas de l’exception comme en témoigne le dernier article de l’enseignant Pierre Tévanian : http://lmsi.net/Je-suis-tombe-par-terre-c-est-la
  1. La VO sur le site du WSJ : http://online.wsj.com/article/0,,SB110729559310242790,00.html ; la même version en accès libre : http://www.jewishtoronto.com/page.aspx?id=97015 et sa traduction en français :http://xenismes.wordpress.com/2012/02/25/la-guerre-de-leurabie-par-caroline-fourest/
  1. Directeur de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et enseignant à l’Institut d’études européennes de l’Université de Paris VIII. Auteur ou directeur d’une quarantaine d’ouvrages portant principalement sur les relations internationales.
  1.  Les intellectuels faussaires – le triomphe médiatique des experts en mensonge », Pascal Boniface, Editions Jean-Claude Gauwsewitch, Paris, 2011, p. 121.
  1. Voici la vidéo sans coupure de l’ensemble de cette description : http://www.youtube.com/watch?v=-NjjkR1WFOc ainsi que le gros plan de l’intervention de Souhail Chichah : http://www.youtube.com/watch?v=9wJm_EKzLYQ&feature=related
  1. http://www.reseau-uae.be/netcursus/news/detail.asp?id=691&backqs=L25ldGN1cnN1cy9uZXdzL2xpc3RlLmFzcA==
  1. Samuel Fuks, étudiant en Droit, président du Cercle du Libre Examen (Librex) et membre de l’Union des Etudiants Juifs de Belgique (UEJB), Nicolas Pary, étudiant à Solvay Bussiness School, Maxime Campus et Claire Dufour, étudiants en Sciences Politiques).
  1. http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2012-02-08/l-ulb-denaturee-et-menacee-par-des-assassins-de-la-democratie-895845.php
  1. http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/718498/debat-interrompu-a-l-ulb-le-mr-fdf-et-ps-condamnent.html
  1. http://www.youtube.com/watch?v=bMSM2aCDQpU&feature=player_embedded
  1. http://www.dhnet.be/dhjournal/archives_det.phtml?id=1229547
  1. http://www.pressdisplay.com/pressdisplay/fr/viewer.aspx
  2. http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/718514/excusez-nous-madame-fourest.html
  1. http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20120109_00102656
  1. Ibidem.
  1. http://www.lesoir.be/debats/editos/2012-02-09/ulb-un-attentat-contre-la-pensee-896152.phphttp://www.lesoir.be/debats/editos/2012-02-09/ulb-un-attentat-contre-la-pensee-896152.php
  1. http://archives.lesoir.be/l-8217-emmerdeur-magnifique_t-20120204-01TG1X.html
  1. http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/721335/faut-il-exclure-m-chichah-de-l-ulb.html
  1. http://www.iteco.be/Derives-dans-la-presse-belge
  1. A cet égard, lire ceci : https://www.facebook.com/note.php?note_id=228274393930415 et l’article du professeur Pierre Piccinin : http://www.pierrepiccinin.eu/article-belgique-islamophobie-la-contradiction-s-invite-a-l-ulb-enfin-99152548.html
  1. Fervent partisan de la guerre coloniale US en Irak (2003) qui a fait plus d’un million de morts, Guy Haarscher, le « philosophe » des puissants et de l »ordre établi, tente aujourd’hui de nous faire croire qu’il se soucie du sort des musulmans de Belgique : http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/718701/haarscher-entre-le-pen-et-chichah-c-est-dur-pour-les-musulmans.html
  1. Députée régionale du MR (Mouvement Réformateur ; équivalent de l’UMP en France), Viviane Teitelbaum est l’une des fers de lance du lobby pro-israélien belge. Ses prises de position comme sa prose relèvent de l’intégrisme où le « bien » et le « mal » tiennent lieu d’« arguments » : http://www.vitelu.be/?p=1229
  1. Président du CCOJB (Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique ; équivalent du CRIF en France) et professeur de médecine à l’ULB, Maurice Sosnowski est l’un des chefs de ce lobbying agressif et violent précité. Aucun journaliste francophone n’ose la moindre critique publique à son encontre ; ce qui n’est pas le cas dans la presse flamande (http://xenismes.wordpress.com/2012/02/18/burqa-bla-bla-chahut-a-lulb-par-eric-hulsens/). Depuis près de deux ans, il s’est donné pour « mission israélienne » d’exclure Souhail Chichah de l’ULB. Sans succès, jusqu’à présent…
  1. « La communauté universitaire et la pensée critique  », Chikago.be, in Quitter la réserve, refuser l’arène, Editions du Souffle, Bruxelles, 2012, p. 74 et 75.
  1. http://resistances.be/chichah01.html
  1. http://www.alterechos.be/p=breves&d=i&c=a&art_id=20590&listby=day&art_date=2010_09_22
  1. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/cabale-sioniste-contre-souhail-82898
  1. http://carolinefourest.wordpress.com/2012/02/11/debat-tragique-a-bruxelles-tariq-ramadan-ment-comme-toujours/
  1. Le « débat équilibré » selon Dominique Demoulin, animatrice de Controverse (RTL-TVI) : http://www.rtl.be/info/magazinesdelaredaction/Controverse/855900/l-islamophobie-fantasme-ou-realite- et la fin de non-recevoir de Souhail Chichah : http://www.lalibre.be/culture/mediastele/article/719495/le-chahuteur-fait-faux-bond.html
  1. http://www.ustream.tv/recorded/20441830 et la reprise de cet entretien dans La Capitale : http://www.lacapitale.be/284171/article/regions/bruxelles/actualite/2012-02-13/div/div-divfont-size3-facetimes-new-roman/font/div-divulb-souhail-chichah-
  1. http://archives.lesoir.be/souhail-chichah-apres-le-bla-bla_t-20120218-01U4WL.html

34. « La communauté universitaire et la pensée critique  », op. cit., p. 73. Lire également le communiqué des Editions du Souffle suite à « l’affaire » de la Burqa pride : http://www.egalite.be/?p=1694 

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